Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_423/2024
Arrêt du 25 avril 2025
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hänni.
Greffier : M. de Chambrier.
Participants à la procédure
A.________ Sàrl,
représentée par Me Frédéric Hainard, avocat,
recourante,
contre
1. Commune de La Chaux-de-Fonds,
représentée par Me Vincent Schneider, avocat, 2. Département du développement territorial et de l'environnement de la République et canton de Neuchâtel,
Le Château, rue de la Collégiale 12, 2000 Neuchâtel,
3. B.________ SA,
représentée par Me Alain Pessotto, avocat,
intimés.
Objet
Utilisation temporaire du domaine public,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 5 juillet 2024 (CDP.2024.69-DOPU/yr).
Considérant en fait et en droit :
1.
Le 11 janvier 2017, le Conseil communal de la Ville de La Chaux-de-Fonds (ci-après : Conseil communal) a adopté un arrêté fixant les conditions de concession de la gestion du domaine public lors des matchs du B.________. Celui-ci visait à définir les termes de la concession du domaine public nécessaires au bon déroulement des matchs de hockey sur glace menés par le B.________ à la patinoire C.________. Il prévoyait notamment que le conseil communal concédait à la société B.________ SA la gestion du domaine public dans une zone définie, dénommée zone sécurisée, dans laquelle des vendeurs ambulants pouvaient être admis. Cet arrêté prévoyait également que les deux marchands jusqu'alors autorisés par le Conseil communal à s'installer aux alentours de la patinoire ne pouvaient être écartés pendant la durée initiale de la concession, qui prenait fin au 31 décembre 2021. L'un des deux marchands précités était D.________, actuelle associée gérante unique de la société A.________ Sàrl, dont le siège se trouve à La Chaux-de-Fonds (art. 105 al. 2 LTF).
Le 26 août 2022 (art. 105 al. 2 LTF), à la demande de B.________ SA qui souhaitait rediscuter certains termes de la concession précitée, le Conseil communal a délivré à cette société une autorisation d'utilisation temporaire du domaine public pour la saison 2022-2023, celle-ci remplaçant l'arrêté susmentionné devenu alors caduc. La gestion du domaine public dans la zone sécurisée était à nouveau déléguée au B.________ SA lors des matchs du B.________. Cette autorisation prévoyait qu'à l'intérieur du périmètre de la zone sécurisée, le B.________ SA pouvait autoriser la présence de vendeurs ambulants. Sur la base de cette autorisation, la société A.________ Sàrl a été autorisée par B.________ SA à vendre des produits alimentaires aux abords de la patinoire lors des matchs du B.________.
2.
2.1. Le 10 août 2023, le Conseil communal a délivré à B.________ SA une nouvelle autorisation d'utilisation temporaire du domaine public lors des matchs du B.________ pour la saison régulière 2023-2024, valable jusqu'au terme de la saison, soit jusqu'au 30 avril 2024. Elle était identique à la précédente autorisation, sous réserve des conditions d'exploitation des vendeurs ambulants dans le périmètre, que B.________ SA pouvait librement fixer. Sur la base de cette autorisation, B.________ SA a notamment conditionné la présence des marchands ambulants à l'adhésion à un système de paiement
cashless et à une participation à leur bénéfice. La société A.________ Sàrl a refusé d'adhérer à ces conditions. B.________ SA l'a alors informée, par courrier du 25 août 2023, qu'elle n'était pas autorisée à installer ses stands lors des matchs de la saison 2023-2024.
2.2. A.________ Sàrl a saisi le Département du développement territorial et de l'environnement du canton de Neuchâtel (ci-après : le Département) d'un recours contre l'autorisation d'utilisation temporaire du domaine public du 10 août 2023 délivrée à B.________ SA.
Par décision du 30 janvier 2024, le Département a rejeté le recours formé par la société, tout en doutant de la qualité pour agir de celle-ci.
2.3. Par arrêt du 5 juillet 2024, la Cour de droit public du Tribunal cantonal neuchâtelois (ci-après : le Tribunal cantonal) a ordonné le classement du recours interjeté par la société contre la décision sur recours précitée du 30 janvier 2024, au motif que l'intérêt actuel à l'annulation de celle-ci avait disparu en cours de procédure et que les conditions permettant de se passer d'un intérêt actuel n'étaient pas réunies.
3.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et, subsidiairement, par celle du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ Sàrl demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, de réformer l'arrêt susmentionné du 5 juillet 2024, en ce sens que la décision du 30 janvier 2024, respectivement celle du 10 août 2023 soient annulées et que la cause soit renvoyée au Conseil communal de la Ville de La Chaux-de-Fonds pour nouvelle décision au sens des considérants. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision au sens des considérants. La recourante requiert aussi l'octroi de l'effet suspensif.
Le Tribunal cantonal indique ne pas avoir d'observations à formuler. Il se réfère aux motifs de l'arrêt attaqué et conclut au rejet du recours. Le Conseil communal, dans deux courriers séparés, conclut au rejet de la demande d'effet suspensif et à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Le B.________ SA conclut également, dans deux actes séparés, au rejet de la requête d'effet suspensif, à l'irrecevabilité du recours et au constat que la recourante ne dispose pas de la qualité pour recourir. Subsidiairement, il demande le rejet du recours. Le Département fait de même, relève que l'objet du litige porte sur le classement du recours déposé par la recourante et s'en remet à l'appréciation du Tribunal fédéral sur ce point. La recourante a répliqué.
4.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 II 476 consid. 1).
4.1. L'arrêt attaqué est une décision de radiation. Il équivaut à une décision de non-entrée en matière et constitue une décision finale au sens de l'art. 90 LTF, dès lors qu'il conduit à la clôture définitive de l'affaire, pour un motif tiré des règles de la procédure (arrêts 2C_660/2022 du 11 janvier 2023 consid. 1.1; 2C_863/2019 du 14 avril 2020 consid. 1.1). Rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), l'arrêt entrepris ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte.
4.2.
4.2.1. D'emblée, il faut relever que le motif de radiation du rôle retenu par le Tribunal cantonal découle de la disparition en cours de procédure de l'actualité de l'intérêt à la modification ou à l'annulation de la décision sur recours attaquée. Ce motif fonde l'objet du litige porté devant le Tribunal fédéral, lequel devrait être traité au fond. En revanche, la question de savoir si la recourante dispose d'un intérêt digne de protection à la modification ou à l'annulation de l'arrêt attaqué - indépendamment de la question du caractère actuel de celui-ci - appartient aux conditions de recevabilité du recours déposé auprès du Tribunal fédéral. Dans le présent cas, cette question ne se confond ni avec l'objet de la contestation, ni avec celui du litige (sur ces notions, cf. ATF 142 I 155 consid. 4.4.2), lesquels portent sur le caractère actuel de cet intérêt et non sur l'existence de celui-ci.
4.2.2. Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Ces trois conditions sont cumulatives (cf. ATF 137 II 40 consid. 2.2 in fine).
4.2.3. Selon la jurisprudence, l'intérêt digne de protection au sens de l'art. 89 al. 1 let. c LTF doit être un intérêt direct et concret. La partie recourante doit se trouver dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec la décision entreprise. Elle doit être touchée dans une mesure et avec une intensité plus grande que l'ensemble des administrés (ATF 146 I 172 consid. 7.1.2 et les références).
L'existence d'un intérêt digne de protection d'un tiers qui n'est pas destinataire de la décision dont il est fait recours n'est admise que restrictivement. Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ou leur impose des obligations (arrêts 2C_126/2024 du 25 septembre 2024 consid. 2.1; 2C_76/2022 du 10 juin 2022 consid. 4.2 et les références). Pour avoir qualité pour recourir, le tiers doit être touché directement et plus fortement que tout autre tiers et se trouver, avec l'objet de la contestation, dans une relation particulière, étroite et digne d'être prise en considération. Il doit en outre avoir un intérêt pratique à l'annulation ou à la modification de la décision qu'il attaque, en ce sens que l'issue de la procédure doit influencer sa situation de manière significative (cf. ATF 146 I 172 consid. 7.1.2 et les références). Une atteinte indirecte ou médiate ne suffit pas (ATF 138 V 292 consid. 4; 130 V 514 consid. 3.1). Un simple intérêt de fait ne permet en particulier pas de fonder une relation suffisamment étroite avec l'objet du litige (cf. ATF 138 V 161 consid. 2.5.2 et 2.7; 138 V 292 consid. 4; 137 III 67 consid. 3.5; arrêt 2C_126/2024 du 25 septembre 2024 consid. 2.1 et les autres références citées). Une personne n'a pas qualité pour recourir si elle fait valoir non pas un intérêt qui lui est propre, mais l'intérêt de tiers (ATF 135 II 145 consid. 6.2; arrêt 2C_1037/2019 du 27 août 2020 consid. 6.2 non publié aux ATF 147 II 116). Il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits propres à fonder sa qualité pour agir lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier de la cause (ATF 150 II 123 consid. 4.1 et les références).
4.2.4. En l'espèce, il ressort des faits de l'arrêt attaqué, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que la procédure au fond porte sur la décision du 10 août 2023 par laquelle le Conseil communal a octroyé à B.________ SA une autorisation d'utilisation temporaire du domaine public lors des matchs du B.________, valable jusqu'au terme de la saison, soit jusqu'au 30 avril 2024. Cette autorisation prévoyait la délégation au B.________ SA de la gestion du domaine public dans la zone sécurisée lors des matchs du B.________, avec la possibilité de librement fixer les conditions d'exploitation des vendeurs ambulants dans le périmètre concerné. La recourante qui n'était pas la destinataire de cette décision doit être qualifiée de tiers. Or, elle n'explique pas en quoi cette décision la touchait directement et il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que l'annulation de l'autorisation en cause aurait un effet direct sur sa situation. La recourante ne prétend notamment pas que l'annulation de cette décision lui aurait permis d'obtenir elle-même une autorisation, ni, d'ailleurs, qu'elle en aurait requise une.
Indépendamment de la question de la recevabilité des faits nouveaux sur ce point, la recourante n'explique pas en quoi les factures établies par B.________ SA à son encontre reposeraient directement sur la décision litigieuse du 10 août 2023. Elle n'expose pas non plus clairement, et on ne voit pas, pour quelles raisons "
les modalités encadrant l'autorisation " lui auraient occasionné un préjudice économique, comme elle le soutient. Il est de plus rappelé sur ce point qu'un simple intérêt de fait ne suffit pas pour admettre la qualité pour recourir (cf.
supra consid. 3.1). La recourante n'explique pas non plus pour quelles raisons la liberté conférée par le Conseil communal à B.________ SA dans la détermination des conditions d'exploitation des vendeurs ambulants porterait atteinte à sa liberté économique. À cet égard, son recours ne respecte pas les exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF. Sur le fond, elle s'en prend aux critères fixés par B.________ SA et, en cela, semble confondre la mise à disposition directe du domaine public avec la mise à disposition indirecte de celui-ci. En l'occurrence, la première intervient entre la Commune de La Chaux-de-Fonds et B.________ SA (cf. arrêt 2P.96/2000 du 8 juin 2001 consid. 4c/aa). La seconde met en présence B.________ SA, en tant que bénéficiaire de ladite autorisation, et les vendeurs ambulants en qualité d'utilisateurs finaux (concernant la mise à disposition indirecte, cf. arrêt précité 2P.96/2000 consid. 4 s.; THIERRY TANQUEREL, Les instruments de mise à disposition du domaine public, in Le domaine public - Journée de droit administratif 2002, 2004, p. 137 ss). Les factures de B.________ SA invoquées par la recourante portent sur la mise à disposition indirecte du domaine public et concernent donc la recourante et B.________ SA et non la Commune de La Chaux-de-Fonds et cette dernière. L'atteinte que l'autorisation du 10 août 2023 aurait infligé à la recourante, en donnant la faculté à B.________ SA de fixer librement les conditions d'exploitation des vendeurs ambulants, n'est que médiate, ce qui ne permet pas de retenir la qualité pour recourir d'un tiers.
La recourante ne dispose ainsi pas d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause pour un examen au fond. Contrairement à ce qu'elle soutient, le seul fait qu'elle ait été la destinataire de l'arrêt attaqué ne suffit pas à lui reconnaître un tel intérêt. Ce constat ne s'oppose pas à l'existence d'un intérêt digne de protection à contester, alors dans une procédure distincte, les critères fixés par B.________ SA pour autoriser des vendeurs ambulants ou les factures en cause, si ceux-ci devaient violer des normes légales ou constitutionnelles (cf. notamment arrêt 2P.96/2000 du 8 juin 2001).
5.
La voie du recours constitutionnel subsidiaire est également fermée. En effet, la qualité pour recourir en vertu de l'art. 115 LTF est plus stricte que celle de l'art. 89 LTF, la première disposition exigeant un intérêt juridique à recourir, alors que la seconde se contente d'un intérêt digne de protection. Par conséquent, la recourante n'ayant pas démontré les éléments propres à fonder sa qualité pour former recours en vertu de l'art. 89 LTF, elle ne saurait être admise à agir en vertu de l'art. 115 LTF.
6.
Il résulte de ce qui précède que le recours en matière de droit public, ainsi que le recours constitutionnel subsidiaire doivent être déclarés irrecevables.
Succombant, la recourante doit supporter les frais de justice devant le Tribunal fédéral (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé B.________ SA, qui a obtenu gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens. Il convient de les mettre à la charge de la recourante ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ). Le canton et la commune n'ont pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours en matière de droit public est irrecevable.
2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à B.________ SA à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante.
5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au représentant du Conseil communal de la Ville de La Chaux-de-Fonds, au Département du développement territorial et de l'environnement de la République et canton de Neuchâtel, au mandataire de B.________ SA et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public.
Lausanne, le 25 avril 2025
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : A. de Chambrier