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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_639/2023  
 
 
Arrêt du 25 septembre 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Heine et Bechaalany, Juge suppléante. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Alexia Raetzo, avocate, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (remboursement de frais; rente d'invalidité; indemnité pour atteinte à l'intégrité), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 4 septembre 2023 (A/3550/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ (ci-après aussi: l'assurée), née en 1970, assistante gestionnaire contentieux auprès de la Centrale de compensation de la Confédération, a été victime d'un accident de la circulation routière le 22 janvier 2018 alors qu'elle circulait à scooter. Elle a subi une fracture du plateau tibial gauche justifiant des interventions chirurgicales le 30 janvier 2018 et le 21 juin 2018, puis une ablation du matériel d'ostéosynthèse (AMO) le 9 avril 2019. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), auprès de laquelle elle était assurée contre le risque d'accidents, a pris en charge le cas. L'assurée a présenté des douleurs persistantes au genou et à la cheville gauches, avec des sensations de blocage, nécessitant l'utilisation de béquilles.  
 
A.b. L'assurée a repris son activité professionnelle en août 2019, de façon progressive jusqu'à un taux de 70 %. Dès le 19 juin 2020, elle a présenté une incapacité de travail de 50 % pour des motifs psychiques.  
 
A.c. Le 23 septembre 2020, le docteur B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et médecin d'arrondissement de la CNA, a examiné l'assurée; il a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent et fixé une capacité de travail limitée à 50 %.  
 
A.d. Le 16 février 2021, le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d'arrondissement de la CNA, a effectué un examen final. Dans son rapport du 19 février 2021, il a retenu les diagnostics de fracture du plateau tibial gauche, de syndrome douloureux régional complexe (SDRC), de douleurs neuropathiques du membre inférieur gauche et de raideur de la cheville gauche. La capacité de travail était diminuée de 20 % jusqu'à l'échéance des deux ans post-opératoires puis, dans le futur, de 10 % pour une activité sédentaire stricte. L'état était stabilisé à deux ans de la dernière intervention du 9 avril 2019. Le 29 avril 2021, ce médecin a fixé le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) à 25 %. Le 30 avril 2021, il a réévalué la baisse de rendement à 5 %.  
 
A.e. Le 19 mai 2021, la CNA a écrit à l'assurée qu'elle cesserait le versement des indemnités journalières et la prise en charge des soins médicaux (sous réserve de certains traitements) au 31 août 2021. Par décision du 7 juin 2021, confirmée sur opposition le 16 septembre 2021, elle a refusé à l'assurée le droit à une rente d'invalidité et fixé une IPAI de 25 %. Du point de vue somatique, la capacité de travail dans une activité adaptée était de 100 % avec une diminution de rendement de 5 %. La relation de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l'accident était exclue.  
 
B.  
Par arrêt du 4 septembre 2023, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et Canton de Genève a partiellement admis le recours de l'assurée et annulé la décision de la CNA du 16 septembre 2021. Elle a condamné celle-ci à verser à l'assurée une rente fondée sur un taux d'invalidité de 50 % dès le 1er septembre 2021, ainsi qu'une IPAI de 40 %, sous déduction des prestations déjà versées, avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er septembre 2023, et à prendre en charge les frais médicaux de l'assurée pour ses traitements de physiothérapie, d'acupuncture et médicamenteux en lien avec l'accident au-delà du 31 août 2021. Elle a renvoyé la cause à la CNA pour qu'elle se prononce sur la prise en charge d'un traitement psychothérapeutique et une IPAI en lien avec une éventuelle atteinte à l'intégrité psychique de l'assurée. 
 
C.  
La CNA forme un recours de droit public contre cet arrêt et conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il reconnaît le droit de l'assurée à une rente d'invalidité de 50 % ainsi qu'à une IPAI de 40 %, sous déduction des prestations déjà versées, avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er septembre 2023, et à la prise en charge de frais médicaux. Elle demande la confirmation de la décision sur opposition du 16 septembre 2021 sur ces points. À titre subsidiaire, elle conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour mise en oeuvre d'une seconde expertise médicale et nouvelle décision. 
L'intimée conclut au rejet du recours. La juridiction cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles, soit celles qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 let. a LTF) ou qui mettent fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF). Les décisions préjudicielles et incidentes autres que celles concernant la compétence ou les demandes de récusation (cf. art. 92 LTF) ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).  
 
1.2. En l'espèce, la cour cantonale a définitivement tranché le litige en lien avec le droit de l'intimée à une rente fondée sur un taux d'invalidité de 50 % dès le 1er septembre 2021 et à une IPAI de 40 %, ainsi que la prise en charge des frais médicaux pour les atteintes à sa santé physique. Cette partie de l'arrêt cantonal revêt donc les caractéristiques d'une décision (partielle) finale contre laquelle un recours est recevable au sens de l'art. 91 let. a LTF (cf. ATF 146 III 254 consid. 2.1; 141 III 395 consid. 2.2; ATF 135 III 212 consid. 1.2.1).  
En revanche, l'arrêt entrepris ne met pas fin à la procédure et constitue une décision (partielle) incidente en tant qu'il renvoie la cause à la recourante pour qu'elle se prononce sur la prise en charge d'un traitement psychothérapeutique et le droit de l'intimée à une IPAI pour les éventuelles atteintes à sa santé psychique (cf. ATF 140 V 282 consid. 2; 138 I 143 consid. 1.2). Lorsque l'autorité administrative à laquelle la cause est renvoyée dispose de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral, elle doit également pouvoir attaquer un arrêt de renvoi lui enjoignant de rendre une décision qu'elle juge contraire au droit; à défaut, elle subirait en effet un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, étant contrainte de rendre une décision qu'elle considère comme contraire au droit sans pouvoir ensuite la remettre en cause devant l'autorité de recours, respectivement devant le Tribunal fédéral (ATF 144 IV 377 consid. 1; 142 V 26 consid. 1.2). Cette hypothèse est réalisée en l'espèce. En tant que la juridiction cantonale a admis l'existence d'un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l'intimée et son accident, l'arrêt attaqué contient des instructions impératives qui obligent la recourante à réexaminer la situation à l'encontre de sa conception juridique. En ce sens, elle est tenue de rendre une décision qu'elle juge contraire au droit, alors que la question de la causalité adéquate ne pourrait plus être soumise au contrôle du Tribunal fédéral. La recourante subit donc un risque de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF et la voie du recours en matière de droit public est donc également ouverte contre cette partie de l'arrêt cantonal. 
 
1.3. Pour le surplus, le recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le droit de l'intimée à une rente d'invalidité et à une IPAI ainsi que sur la prise en charge de ses frais médicaux au-delà du 31 août 2021 à la suite de son accident de la circulation routière du 22 janvier 2018.  
 
2.2. Les prestations en question pouvant être en espèces (cf. art. 15 ss LAA) et en nature (cf. art. 10 ss LAA), le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF) en ce qui concerne les faits pertinents pour les prestations en espèces et ceux communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_388/2023 du 10 avril 2024 consid. 2.2 et l'arrêt cité).  
 
2.3. L'arrêt entrepris expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables en l'espèce, s'agissant notamment du droit à une rente d'invalidité à la suite d'un accident (art. 18 al. 1 LAA) et à une IPAI (art. 24 LAA), de l'examen de la causalité adéquate en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1; 115 V 133 consid. 6, 403 consid. 5) et de l'appréciation des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3; cf. aussi ATF 145 V 97 consid. 8.5; 142 V 58 consid. 5.1; 143 V 124 consid. 2.2.2; 139 V 225 consid. 5.2), de sorte que l'on peut y renvoyer.  
On rappellera, s'agissant de la valeur probante d'une expertise judiciaire, que le juge ne s'écarte en principe pas sans motifs impérieux des conclusions d'une expertise médicale judiciaire (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2), la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et la référence citée). 
 
3.  
 
3.1. Dans un premier grief, la recourante conteste la valeur probante de l'expertise judiciaire ordonnée par la cour cantonale, sur la base de l'appréciation émise le 24 mai 2023 par son médecin conseil, la doctoresse D.________, spécialiste en chirurgie. À cet égard, la recourante réitère largement les critiques qu'elle a déjà avancées devant l'instance cantonale.  
 
3.2. Les juges cantonaux ont estimé qu'une expertise judiciaire orthopédique était nécessaire pour se prononcer sur le droit de l'intimée à des prestations de la recourante et ont chargé le professeur E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, de l'établir. Dans son rapport du 10 mars 2023, celui-ci a conclu à un état de santé stabilisé, à une capacité de travail de 50 % dans son activité habituelle, qui était adaptée à ses limitations fonctionnelles, et à un taux de l'IPAI de 40 %. La cour cantonale a écarté les critiques de la recourante au sujet de l'expertise et lui a reconnu une pleine valeur probante: le rapport était fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenait une anamnèse, un examen clinique, une description des plaintes, des diagnostics clairs avec des références à de la littérature médicale, analysait le lien de causalité des diagnostics avec l'accident, mentionnait les limitations fonctionnelles et leur incidence sur la capacité de travail, évaluait l'IPAI et prenait position sur les rapports du docteur C.________ et des médecins traitants de l'intimée.  
 
3.3. La recourante reproche tout d'abord au professeur E.________ de ne pas avoir établi clairement les diagnostics en relation de causalité avec l'accident. Contrairement à ce qu'elle prétend, l'expert ne s'est cependant pas contenté de préciser quels diagnostics pourraient ou non entraîner une répercussion sur la capacité de travail de l'intimée (en réponse à la question 4), mais s'est également prononcé sur le lien de causalité naturelle entre l'accident et les atteintes constatées, avec une motivation pour chaque diagnostic posé (en réponse aux questions 5.1 et 5.1.1).  
 
3.4. La recourante estime ensuite que l'expert se serait limité à citer la littérature médicale servant les intérêts de l'intimée au lieu de procéder à une analyse des textes plus pertinents. Or, à l'inverse de ce que soutient la recourante, l'expert a tout d'abord présenté une revue de la littérature relative à chaque atteinte à la santé jugée en lien de causalité avec l'accident (partie V de l'expertise), avant de répondre aux questions qui lui ont été posées en se référant à la littérature pertinente (partie VI de l'expertise). Par ailleurs et comme l'ont déjà relevé les premiers juges, la recourante n'explique pas en quoi la littérature se rapportant aux atteintes de l'intimée servirait sa cause, respectivement quels auteurs auraient été omis à tort, et le rapport d'expertise comprend tous les éléments pour qu'il lui soit reconnu une pleine valeur probante même sans les références à la littérature médicale.  
 
3.5. La recourante considère encore que l'expert aurait outrepassé son domaine de compétence en s'exprimant sur les "effets psychologiques des fractures". Pourtant, l'expert s'est strictement tenu à la mission qui lui a été confiée. En effet, il a expressément indiqué ne pas se prononcer sur les diagnostics de nature psychique (en réponse aux questions 5.1.1 et 7.1) et s'est contenté de répondre, respectivement de citer la littérature médicale pertinente, à la question qui lui a été posée de savoir si les lésions subies par l'intimée étaient propres à entraîner des troubles psychiques (question 11.2).  
 
3.6. Les autres critiques de la recourante sont également mal fondées et doivent être écartées. À la suite de la cour cantonale, il convient en effet de relever que l'expertise contient bien une argumentation et des références à la littérature médicale sur la causalité entre l'utilisation de cannes anglaises et les problématiques aux membres supérieurs (réponse à la question 5.1.1, qui renvoie à la partie V, section I de l'expertise, p. 32 s.). Les propos de l'expert sur l'évolution de l'état de santé de l'intimée et son état par rapport à la période avant l'accident sont en outre clairs. L'expert a par ailleurs confirmé que l'état de santé était stabilisé et s'est rallié à la date de stabilisation retenue par la recourante (réponses aux questions 4.3 et 4.3.1), au demeurant non contestée. Concernant l'évolution défavorable de l'arthrose au genou vers une arthrose sévère et le taux d'IPAI de 40 % retenu par l'expert en application de la table 5 des indemnisations des atteintes à l'intégrité, la recourante n'explique ni les motifs pour lesquels l'articulation de l'intimée ferait l'objet de sollicitions minimales à l'avenir, en particulier compte tenu de son âge peu avancé, ni ceux qui la conduisent à s'écarter de l'avis de son médecin conseil, le docteur C.________, qui s'attend à une évolution défavorable de la situation. Finalement et contrairement aux dires de la recourante, l'expertise fixe la capacité de travail de l'intimée à 50 % dans un travail sédentaire strict (réponses aux questions 7 et 10) et expose clairement les raisons qui conduisent à retenir une capacité de travail réduite, y compris dans une activité adaptée.  
 
3.7. Il ressort de ces éléments que c'est à bon droit que la juridiction cantonale a jugé l'expertise comme probante et a suivi ses conclusions. Mal fondé, le grief doit être rejeté.  
 
4.  
 
4.1. Dans un second grief, la recourante remet en question l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident du 22 janvier 2018 et les troubles psychiques consécutifs de l'intimée. Elle considère que l'accident doit être qualifié de gravité moyenne à la limite de la catégorie inférieure, et non de gravité moyenne au sens strict, en particulier car il n'y a pas eu d'impact direct entre l'intimée et la voiture impliquée et que l'intéressée n'a pas été projetée, mais a glissé sur le côté. Quatre critères jurisprudentiels, et non trois, devraient donc être cumulés ou un critère se manifester avec une intensité particulière pour admettre un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l'accident, ce qui ne serait pas le cas. La recourante relève par ailleurs que la classification de la gravité d'un accident implique un certain pouvoir d'appréciation et que les premiers juges ne pouvaient pas s'écarter de sa classification sans raison valable.  
 
4.2.  
 
4.2.1. Les juges cantonaux ont considéré, sur la base de la jurisprudence fédérale, que les collisions entre motocycles et voitures de tourisme devaient généralement être qualifiées d'accidents de gravité moyenne au sens strict, en l'absence de circonstances aggravantes supplémentaires. En l'occurrence, ils ont noté qu'un taxi avait coupé la route à l'intimée alors que celle-ci circulait en scooter; ensuite de la chute, elle s'était retrouvée coincée en partie sous le taxi, avec le scooter sur sa jambe. Au vu de la jurisprudence, ils ont qualifié cet événement d'accident de gravité moyenne au sens strict.  
 
4.2.2. La casuistique des accidents impliquant des motocyclistes percutés par un véhicule automobile classe le choc d'un motocycliste roulant à une vitesse comprise entre 50 km/h et 70 km/h avec un automobiliste en train de bifurquer dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu (arrêt 8C_99/2019 du 8 octobre 2019 consid. 4.4.1 et les arrêts cités). Les cas d'un motocycliste projeté à une dizaine de mètres du point d'impact et d'une collision frontale entre un scooter et une camionnette ont pour leur part été considérés comme des accidents de gravité moyenne à la limite des cas graves (arrêts 8C_134/2015 du 14 septembre 2015 consid. 5.3; 8C_917/2010 du 28 septembre 2011 consid. 5.3). Au vu de la jurisprudence, les circonstances invoquées par la recourante, à savoir le fait que l'intimée n'ait pas été projetée et qu'il n'y ait pas eu d'impact direct avec le véhicule, auraient été susceptibles d'aggraver la qualification de l'accident si elles avaient été réalisées. Leur absence ne saurait cependant remettre en cause la classification opérée par les premiers juges. En particulier, dans le premier arrêt que la recourante invoque à l'appui de son argumentation (arrêt 8C_235/2020 du 15 février 2021), un automobiliste avait heurté avec l'avant droit de sa voiture l'avant du scooter de l'assuré et l'avait ainsi projeté par-dessus la voiture; la classification de l'accident (gravité moyenne au sens strict) n'avait toutefois pas été remise en question devant le Tribunal fédéral et donc pas été examinée par celui-ci (consid. 4.2), qui avait cependant jugé que la projection en l'air conférait un caractère impressionnant à l'accident (consid. 4.3.1). Dans le second cas invoqué par la recourante, qualifié d'accident de peu de gravité à la limite supérieure (arrêt 8C_105/2012 du 23 juillet 2012 consid. 5.4), l'assuré, surpris par une manoeuvre de freinage de son fils qui roulait devant lui, avait dû freiner brusquement et avait chuté de son scooter sur l'épaule droite. Cette constellation n'est cependant pas comparable avec le cas sous revue, où l'intimée s'est fait couper la route et a été percutée par un véhicule qui ne lui a pas accordé la priorité en quittant une route marquée d'un signal "stop".  
 
4.2.3. Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que la cour cantonale a considéré que l'accident entrait dans la catégorie des accidents de gravité moyenne au sens strict. Pour cette catégorie d'accident, trois critères jurisprudentiels doivent être remplis ou l'un des critères doit s'être manifesté de manière particulièrement marquante pour que le lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l'accident puisse être admis (cf. arrêt 8C_418/2022 du 1 er mars 2023 consid. 4.1 et l'arrêt cité).  
 
4.3. La cour cantonale a admis que l'intimée présentait des difficultés apparues au cours de la guérison, dès lors qu'elle souffrait encore d'un SDRC, ce que la recourante avait reconnu, étant relevé que la causalité entre le SDRC et l'accident n'était pas contestée. Elle a également admis que l'intimée présentait des douleurs physiques persistantes, attestées par l'expertise judiciaire. Le traitement subi par l'intimée pouvait en outre être qualifié d'invasif et plutôt pénible et d'une durée anormalement longue. Les juges cantonaux ont par ailleurs exclu des erreurs dans le traitement médical. Ils ont laissé ouverts les critères des circonstances particulières dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l'accident et de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques. En présence de trois critères jurisprudentiels réalisés, soit les difficultés apparues au cours de la guérison, les douleurs physiques persistantes et la durée anormalement longue du traitement médical, la juridiction cantonale a admis le lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l'intimée, entraînant une incapacité de travail de 50 %, et l'accident. L'incapacité de travail du point de vue psychique n'étant pas plus importante que celle du point de vue somatique, elle a retenu une capacité de travail de 50 % dans son activité habituelle dès le 1 er septembre 2021.  
 
4.4. La recourante estime que le point de savoir si le critère de la durée anormalement longue du traitement médical est réalisé peut demeurer indécis, les six autres critères n'étant pas satisfaits. Elle soutient notamment que la simple existence d'un SDRC ne saurait conduire à admettre des difficultés apparues au cours de la guérison. L'intimée aurait souffert d'un SDRC d'une évolution et d'une durée typiques et le fait qu'elle avait pu reprendre son activité montrerait en outre que les difficultés n'étaient pas insurmontables. La recourante rejette également l'existence de douleurs physiques persistantes. Bien que des douleurs aient été présentes, celles-ci n'auraient pas revêtu une intensité particulière et n'auraient pas entravé l'intimée de manière significative et constante dans sa vie quotidienne. Elle avait d'ailleurs pu reprendre partiellement son activité habituelle dès le mois d'août 2019.  
 
4.4.1. Concernant l'existence de difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes, ces deux aspects ne doivent pas être remplis de manière cumulative. Il doit toutefois exister des motifs particuliers ayant entravé ou ralenti la guérison (arrêts 8C_236/2023 du 22 février 2014 consid. 3.4.5; 8C_400/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4.3.4 et les arrêts cités). De tels motifs existent en l'espèce puisque le processus de guérison de l'intimée a été compliqué par le développement d'un SDRC avec allodynie et des douleurs aux épaules, ce qui a prolongé le traitement médical et nécessité des infiltrations. L'intimée a en outre subi deux opérations imposées par des complications, soit une AMO partielle (le matériel gênant le glissement des tissus mous périarticulaires), doublée d'une intervention pour redonner de la mobilité au genou gauche, et une AMO complète (en raison de l'équin de la cheville gauche et pour obtenir une cheville plus mobile). L'intimée a également subi des complications en raison de deux thromboses veineuses profondes, d'une plaie chirurgicale qui a mis du temps à se fermer, d'une raideur du genou, d'arthrose et de douleurs aux épaules nécessitant des soins continus. Le fait que la recourante juge ces difficultés comme surmontables dès lors que l'intimée avait pu reprendre le travail à temps partiel plus d'un an et demi après l'accident n'affecte pas leur réalité. Le critère en cause est ainsi réalisé.  
 
4.4.2. S'agissant du critère des douleurs physiques persistantes, il faut que des douleurs importantes aient existé sans interruption notable durant tout le temps écoulé entre l'accident et la clôture du cas (cf. art. 19 al. 1 LAA). L'intensité des douleurs est examinée au regard de leur crédibilité ainsi que de l'empêchement qu'elles entraînent dans la vie quotidienne (ATF 134 V 109 consid. 10.2.4; arrêt 8C_565/2022 du 23 mai 2023 consid. 4.2.7 et l'arrêt cité). En l'occurrence, il n'est pas contesté que l'intimée souffre d'un SDRC en lien de causalité naturelle avec l'accident. Or l'un des critères (dits de Budapest) pour admettre l'existence d'un SDRC est la présence d'une douleur persistante disproportionnée par rapport à l'événement initial (cf. arrêt 8C_416/2019 du 15 juillet 2020 consid. 5.1). L'expertise atteste par ailleurs des douleurs physiques persistantes dues à l'allodynie et à l'arthrose du genou gauche. Les différents médecins, y compris le docteur C.________, médecin d'arrondissement de la recourante, rapportent d'intenses douleurs et le taux de travail de l'intimée a précisément dû être revu à la baisse en raison notamment de ses douleurs, ce qui illustre leur impact sur sa vie quotidienne. Les critiques de la recourante à cet égard sont manifestement mal fondées et doivent être écartées.  
 
4.4.3. Comme retenu à juste titre par l'instance précédente, le critère de la durée anormalement longue du traitement médical (cf. à ce titre ATF 148 V 138 consid. 5.3.1) doit également être admis, au vu de la nature et de l'intensité des nombreux traitements et interventions subis par l'intimée (cf. consid. 4.4.1 supra). La recourante ne le conteste d'ailleurs pas.  
 
4.5. Les trois critères jurisprudentiels retenus par les premiers juges sont ainsi réalisés, de sorte que le lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l'intimée et l'accident doit être confirmé. Le grief de la recourante doit être rejeté sans qu'il soit nécessaire d'examiner ses critiques dirigées contre les critères que la juridiction cantonale a laissé ouverts.  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée a droit à des dépens à la charge de la recourante (art. 68 al. 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 25 septembre 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny