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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_90/2024  
 
 
Arrêt du 27 septembre 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Ryter et Kradolfer. 
Greffière : Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représentée par Me Claire Bolsterli, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
B.A.________, 
représenté par Me Mattia Deberti, avocat, 
intimé, 
 
Commission foncière agricole du canton de Genève, 
 
Objet 
Appartenance d'immeubles à une entreprise agricole, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 19 décembre 2023 (ATA/1355/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.A.________ et B.A.________ sont les enfants de feu C.A.________, décédée le 28 avril 2020. La défunte était propriétaire de nombreuses parcelles, constituant un domaine viticole exploité par B.A.________ depuis 2017, sises sur la commune de Satigny, à savoir une quinzaine de parcelles colloquées en zone agricole ou en zone bois et forêts et six se trouvant en zone 4B protégée. Ces six biens-fonds sont tous construits et parmi eux figure la parcelle n° yyy (qui fait seule l'objet du litige devant le Tribunal fédéral) : celle-ci est située au centre du village (art. 105 al. 2 LTF) et elle comprend trois bâtiments: le bâtiment n° 179 est contigu au bâtiment n° www, qui l'est au bâtiment n° xxx; selon le registre foncier, il s'agit de bâtiments d'habitation à un seul logement chacun; au moment du décès de sa mère, B.A.________ et sa famille habitaient dans la maison n° 179. Le domaine viticole comprend également la parcelle n° zzz sise (pour l'essentiel) en zone agricole et en zone 4B protégée: elle comporte, entre autres constructions, la maison où habitait la défunte. 
En date du 30 juin 2021, la notaire chargée de dresser l'inventaire des biens de la succession de C.A.________ a demandé à la Commission foncière agricole de la République et canton de Genève (ci-après: Commission foncière agricole) de déterminer quels bâtiments du domaine viticole étaient indispensables à l'exploitation et lesquels ne l'étaient pas, les premiers devant être estimés à leur valeur de rendement et les seconds à leur valeur vénale. Par ordonnance préparatoire du 9 novembre 2021, la Commission foncière agricole lui a fait savoir que l'ensemble des parcelles totalisait 2,77 unités de main-d'oeuvre standard (ci-après: UMOS) et que celles-ci constituaient donc une entreprise agricole; elle a demandé à la notaire de lui communiquer d'éventuels éléments justifiant d'exclure certains immeubles ou bâtiments de l'entreprise agricole et de les sortir du champ d'application du droit foncier rural; une expertise à la valeur de rendement serait ordonnée une fois définis les immeubles et bâtiments compris dans l'entreprise agricole. 
Le 2 février 2022, la Commission foncière agricole a procédé à un transport sur place. En ce qui concerne la parcelle n° yyy, elle a relevé que l'avant du bien-fonds comportait une maison d'habitation (bâtiment n° www et une partie du bâtiment n° 179) de plus d'une dizaine de pièces occupées par B.A.________ et sa famille, ainsi qu'un magasin et des espaces de stockage au rez-de-chaussée; l'arrière était composé, d'une part, d'un grand hangar (arrière du bâtiment n° www) endommagé, qui n'était pas utilisé, et, d'autre part, d'une grange (arrière du bâtiment n° xxx), à l'intérieur de laquelle étaient entreposés deux enjambeurs. 
 
B.  
 
B.a. Par décision en constatation du 5 juillet 2022, la Commission foncière agricole a relevé qu'il n'était pas contesté qu'au moment du décès de C.A.________ les immeubles et bâtiments en cause constituaient une entreprise agricole, au sens du droit foncier rural, dès lors qu'ils représentaient plus de 0,6 UMOS, à savoir 2,77 UMOS. Puis, elle a décrit toutes les parcelles colloquées en zone 4B protégée et, pour chacune d'entre elles, a déterminé si elles étaient ou non nécessaires à l'entreprise viticole. Elle a ainsi, notamment, estimé que la parcelle n° yyy de P.________ n'y était pas indispensable et n'en faisait pas partie, à l'inverse de la parcelle n° zzz sur laquelle se situait la maison de la défunte.  
 
B.b. B.A.________ a attaqué la décision du 5 juillet 2022 de la Commission foncière agricole devant la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice), dans la mesure où celle-ci excluait les parcelles n° vvv (qui ne fait plus partie de l'objet du litige devant le Tribunal fédéral) et n° yyy de l'entreprise agricole.  
Après avoir tenu une audience de comparution personnelle, la Cour de justice a, par arrêt du 19 décembre 2023, admis le recours, annulé la décision susmentionnée en tant qu'elle concernait ces deux biens-fonds et a constaté que ceux-ci faisaient partie de l'entreprise agricole: il ressortait des déclarations concordantes des deux parties que la parcelle n° yyy comportait notamment une maison d'habitation (n° uuu), qui communiquait par une porte intérieure avec le bâtiment n° xxx, dans laquelle B.A.________, exploitant de l'entreprise, et sa famille logeaient au moment du décès; de plus, le bâtiment n° xxx comprenait une grange qui abritait deux enjambeurs depuis des années, ainsi qu'un magasin où étaient vendus les vins produits sur le domaine. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2023 de la Cour de justice en tant qu'il concerne l'immeuble n° yyy et de confirmer la décision du 5 juillet 2022 de la Commission foncière agricole, relatif à celui-ci, qui constate que cet immeuble ne fait pas partie de l'entreprise agricole; subsidiairement, de renvoyer la cause à la Cour de justice pour une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
B.A.________ conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. La Commission foncière agricole a déposé des observations qui vont dans le sens des arguments développés dans le recours. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Office fédéral de l'agriculture expose certains principes du droit foncier rural et souligne que les habitations qui ne sont pas nécessaires à l'entreprise agricole peuvent être "soustraites à celle-ci moyennant une autorisation". 
A.A.________ a persisté dans ses conclusions, par écriture du 15 avril 2024. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (cf. art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle donc librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 148 I 160 consid. 1).  
 
1.2. L'art 89 al. 1 let. c LTF prévoit que possède la qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. En l'espèce, en tant que membre de l'hoirie propriétaire des parcelles litigieuses, qui requiert devant le Tribunal fédéral que la parcelle n° yyy soit exclue de l'entreprise viticole, l'intéressée possède un tel intérêt. En effet, son frère exploite l'entreprise viticole et peut en demander l'attribution dans le cadre du partage successoral (cf. art. 11 al. 1 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural [LDFR; RS 211.412.11]). En outre, l'entreprise agricole est, dans le cadre de la succession, évaluée à sa valeur de rendement (cf. art. 17 al. 1 LDFR). La recourante est, de plus, particulièrement atteinte par l'arrêt attaqué et était partie à la procédure devant la Cour de justice (art 89 al. 1 let. a et b LTF).  
 
1.3. Au surplus, le recours en matière de droit public, déposé en temps utile (art. 100 et 46 al. 1 let. c LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) à l'encontre d'un arrêt final (90 LTF) rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), est recevable (art. 82 let. a LTF; cf. 89 LDFR).  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral et du droit international (cf. art. 95 let. a et b, ainsi que 106 al. 1 LTF). Il n'examine cependant la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (cf. art. 106 al. 2 LTF).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours en matière de droit public ne peut servir à critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Lorsque la partie recourante entend s'en prendre aux faits ressortant de l'arrêt entrepris, elle doit établir de manière précise la réalisation de ces conditions, c'est-à-dire qu'elle doit exposer, de manière circonstanciée, que les faits retenus l'ont été d'une manière absolument inadmissible, et non seulement discutable ou critiquable (cf. art. 106 al. 2 LTF). À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 114 consid. 2.1).  
Méconnaissant les principes susmentionnés, la recourante s'en prend de manière appellatoire aux faits constatés. Tel est par exemple le cas lorsqu'elle met en exergue différents faits en lien avec l'histoire des bâtiments n° uuu et n° www sis sur la parcelle n° yyy: elle ne propose aucune démonstration du caractère arbitraire de l'état de fait retenu dans l'arrêt cantonal. Il en va de même lorsqu'elle élabore la liste des faits qui auraient été occultés par l'autorité précédente. Par conséquent, il n'y a pas lieu de s'écarter des faits contenus dans l'arrêt entrepris. 
 
3.  
L'objet du litige a trait à la parcelle n° yyy de la commune de P.________. Il s'agit de déterminer si ce bien-fonds tombe dans le champ d'application territorial et matériel de la loi sur le droit foncier rural et, partant, si elle fait partie de l'entreprise viticole exploitée par l'intimé. 
 
4.  
La recourante se plaint d'une violation de la loi sur le droit foncier rural, notamment des art. 2 et 7 LDFR. Elle estime que, quand bien même l'habitation sise sur la parcelle n° yyy était occupée par l'intimé au moment du décès de leur mère, celle-ci ne serait pas indispensable à l'entreprise agricole. Une entreprise agricole ne pourrait comprendre qu'un seul logement. Or, le recourant avait annoncé, lors de la procédure devant la Commission foncière agricole, son intention de déménager dans la maison sise sur la parcelle n° zzz, qui était occupée par leur mère jusqu'à son décès. Ce changement de domicile, effectué en 2023, aurait démontré que l'habitation de la parcelle n° yyy n'était pas nécessaire au concerné. Selon la recourante, la situation au moment du décès ne peut être considérée de façon stricte et il s'agirait de tenir compte de l'évolution de celle-ci dans le temps et, partant, de ce déménagement. 
Pour sa part, l'intimé estime que le critère de la nécessité n'est pas une condition pour déterminer quels immeubles font partie de l'entreprise agricole. L'art. 7 LDFR ne restreindrait pas la taille de l'entreprise; il suffirait que les immeubles, bâtiments et installations soient appropriés à un usage agricole et utilisés par l'entreprise pour y appartenir. Dès lors qu'il logeait avec sa famille dans l'habitation de la parcelle n° yyy au moment du décès de sa mère, que s'y trouvait également le magasin où il vend les vins du domaine et que la grange, sise sur cette même parcelle, abritait deux enjambeurs, ce bien-fonds devrait être considéré comme faisant partie de l'entreprise viticole. 
 
4.1. Il convient de tout d'abord définir le moment déterminant pour juger de la présente affaire. À l'origine du litige se trouve une décision en constatation du 5 juillet 2022 de la Commission foncière agricole, selon laquelle, au moment du décès de C.A.________, les immeubles en cause constituaient une entreprise agricole. Cette décision faisait suite à la requête de la notaire chargée de dresser l'inventaire des biens de la succession de C.A.________ et de les estimer (à leur valeur de rendement pour ceux faisant partie de l'entreprise agricole et à leur valeur vénale pour les autres). On se trouve donc dans un cas de succession. Dans une telle affaire, le moment déterminant pour apprécier la qualité d'entreprise agricole (cf. art. 7 LDFR) correspond, en principe, à la dévolution successorale (arrêts 2C_39/2021 du 4 novembre 2021 consid. 5.1.2; 5A_140/2009 du 6 juillet 2009 consid. 2.3).  
 
4.2. Les dispositions topiques sont exposées ci-dessous.  
 
4.2.1. Le champ d'application territorial de loi sur le droit foncier rural porte sur la nature de la zone en droit de l'aménagement du territoire (ATF 149 II 237 consid. 4.1 et les arrêts cités). Selon l'art. 2 al. 1 LDFR, ladite loi s'applique aux immeubles agricoles isolés ou aux immeubles agricoles qui font partie d'une entreprise agricole, qui sont situés en dehors d'une zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT (RS 700) et dont l'utilisation agricole est licite; en outre, l'art. 2 al. 2 LDFR étend le champ d'application de ladite loi aux immeubles et parties d'immeubles comprenant des bâtiments et installations agricoles, y compris une aire environnante appropriée, qui sont situés dans une zone à bâtir et font partie d'une entreprise agricole (let. a), ainsi qu'aux immeubles à usage mixte, qui ne sont pas partagés en une partie agricole et une partie non agricole (let. d).  
 
4.2.2. Le champ d'application matériel porte sur la qualification d'immeuble agricole au sens de l'art. 2 al. 1 LDFR (ATF 149 II 237 consid. 4.2). Aux termes de l'art. 6 al. 1 LDFR, est agricole l'immeuble approprié à un usage agricole ou horticole.  
L'art. 7 LDFR dispose: 
 
"1. Par entreprise agricole, on entend une unité composée d'immeubles, de bâtiments et d'installations agricoles qui sert de base à la production agricole et qui exige, dans les conditions d'exploitation usuelles du pays, au moins une unité de main-d'oeuvre standard. Le Conseil fédéral fixe, conformément au droit agraire, les facteurs et les valeurs servant au calcul de l'unité de main-d'oeuvre standard. 
 
(...) 
 
1. Pour apprécier, s'il s'agit d'une entreprise agricole, on prendra en considération les immeubles assujettis à la présente loi (art. 2)." 
 
Pour qu'une entreprise agricole soit reconnue comme telle, il faut tout d'abord la présence cumulative d'immeubles (a), de bâtiments (b) et d'installations agricoles (c) qui doivent former une unité (d). De plus, ces éléments doivent servir de base à la production agricole (e) et leur exploitation doit exiger, dans le canton de Genève, au moins 0,6 UMOS (f) (ATF 135 II 313 consid. 5). 
Les bâtiments agricoles (b) sont ceux servant, d'une part, à l'habitation et, d'autre part, à l'exploitation - p. ex. les locaux techniques, granges et étables - (ATF 135 II 313 consid. 5.2.1 et les auteurs cités; cf. aussi ATF 121 III 75 consid. 3c). L'habitation comprend également les locaux où résident les ouvriers et on y incorpore aussi très souvent l'habitation destinée à la génération précédente (YVES DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse: droit public et droit privé, Tome 2, 2006, n° 2549 p. 353). La loi ne définit pas la notion d'installations agricoles (c). Certaines peuvent être de nature immobilière et faire partie des bâtiments d'exploitation. Il en va ainsi des silos ou des hangars. Leur nombre et leur variété dépendent du type d'agriculture, de son implantation géographique et de la grandeur de l'entreprise (arrêt 2C_1034/2019 du 8 juillet 2020 consid. 4.4.1). Elles doivent comprendre des locaux destinés à ranger les machines nécessaires à l'exploitation des terres (arrêt 2C_1034/2019 susmentionné consid. 4.4.3). 
 
4.3. Le Message du 19 octobre 1988 à l'appui des projets de loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR) et de la loi fédérale sur la révision partielle du code civil (droits réels immobiliers) et du code des obligations (vente d'immeubles) précise ce qui suit au sujet de l'art. 2 al. 2 let. a LDFR: "Le champ d'application ne doit cependant pas être limité aux seuls immeubles situés dans la zone agricole ou dans une zone à protéger; dans des cas particuliers, il doit aussi comprendre les immeubles situés en zone à bâtir. C'est le cas pour les maisons d'habitation et les ruraux se trouvant, à l'image de la structure traditionnelle de l'habitat, au centre du village. Si de telles parties d'entreprises situées dans la zone à bâtir n'étaient pas soumises à la loi, cela signifierait la suppression, sur le plan juridique, d'une grande partie des entreprises agricoles. Mais cela contreviendrait manifestement au but de la révision légale. En conséquence, la loi doit aussi être appliquée aux maisons d'habitation et aux ruraux, y compris une aire environnante appropriée, qui font partie d'une entreprise agricole et sont situés dans une zone à bâtir. Il y a cependant une condition à cela: il faut que les autres immeubles faisant partie de l'entreprise agricole soient situés dans la zone agricole ou dans une zone à protéger où l'utilisation agricole est licite" (FF 1988 III 912 ch. 221.2).  
À titre d'exemple, selon la jurisprudence, une ancienne ferme divisée en plusieurs appartements locatifs et dont la partie correspondant à la grange est louée à des fins commerciales ne peut pas être considérée comme un bâtiment ou installation agricole au sens de l'art. 2 al. 2 let. a LDFR (arrêt 2C_963/2017 du 25 juillet 2018 consid. 3.3). 
 
4.4. Selon la doctrine, pour que l'immeuble concerné, respectivement les bâtiments et installations tombent dans le champ d'application de l'art. 2 al. 2 let. a LDFR, ils doivent être "agricoles" (MEINRAD HUSER, Bäuerliches Bodenrecht und Raumplanung, Aménagement du territoire et droit foncier rural: convergences et divergences, in Communications de droit agraire, 1995, p. 131). Cette notion doit être comprise de la même manière que pour l'art. 2 al. 1 LDFR, c'est-à-dire essentiellement objective (YVES DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse, op. cit., n° 3137 p. 555). Les buts de la loi sur le droit foncier rural n'imposent pas que les immeubles annexes, propriété de l'agriculteur et, par exemple, mis en location à des tiers, soient soumis au régime de cette loi (YVES DONZALLAZ, Commentaire de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le nouveau droit foncier rural, 1993, n° 44 ad art. 2 LDFR). Pour leur part, SCHMID-TSCHIRREN/BANDLI restreignent l'application de l'art. 2 al. 2 let. a LDFR à l'habitation et aux bâtiments nécessaires à l'exploitation d'une entreprise au sens de l'art. 7 LDFR; sont considérés comme nécessaires à l'exploitation les bâtiments essentiels à l'existence de l'entreprise; ils relèvent que, sans l'article 2 al. 2 let. a LDFR, la présence d'un tel bâtiment dans la zone à bâtir aurait pour conséquence qu'il n'y aurait pas d'entreprise, car un élément essentiel à celle-ci ferait défaut (cf. SCHMID-TSCHIRREN/BANDLI in Das bäuerliche Bodenrecht, 2e éd., n° 22 ad art. 2 LDFR).  
 
5.  
On constate que l'art. 2 al. 2 let. a LDFR (cf. supra consid. [4.2.1]) mentionne trois conditions pour que l'immeuble concerné tombe dans le champ d'application de la loi sur le droit foncier rural: (a) l'immeuble doit faire partie d'une entreprise agricole (cf. infra consid. 5.1), (b) il doit être situé en zone à bâtir (alors que le reste de l'entreprise se trouve en zone agricole) (cf. infra consid. 5.2) et (c) doit comprendre des bâtiments et installations agricoles (cf. infra consid. 5.3). 
 
5.1. En l'espèce, il n'est pas contesté que les nombreuses parcelles qui appartenaient à la mère de la recourante constituaient, au moment du décès de celle-là, une entreprise agricole (a).  
 
5.2. La parcelle n° yyy se situe au centre du village de Satigny. Elle est colloquée en zone 4B protégée. Il s'agit d'une zone destinée aux maisons d'habitation, comportant en principe plusieurs logements; des activités peuvent y être autorisées; elle est applicable aux villages et aux hameaux de la campagne genevoise ( https://www.ge.ch/document/descriptif-zones-affectation; consulté le 21 mai 2024). Il s'agit donc d'une zone à bâtir (b).  
 
5.3. Il reste à déterminer si l'immeuble litigieux n° yyy comportant les bâtiments nos uuu, www et xxx, contigus, doit être qualifié d'agricole (c). Si tel devait être le cas, il ferait partie de l'entreprise agricole; dans l'hypothèse inverse, il ne serait pas soumis au droit foncier rural.  
 
5.3.1. La Cour de justice a retenu qu'en avril 2020, au moment du décès de C.A.________, l'intimé habitait avec sa famille dans le bâtiment no uuu qui communiquait, depuis 2016, avec le bâtiment n° www par une porte intérieure; celui-ci n'avait déménagé qu'en 2023 dans la maison se trouvant sur la parcelle n° zzz (sise essentiellement en zone agricole), que sa mère avait occupée jusqu'à son décès; les bâtiments nos uuu et www constituaient donc, en avril 2020, l'habitation de l'exploitant de l'entreprise viticole; l'existence de la maison de la parcelle n° zzz, dès lors qu'elle était habitée par la défunte, à savoir la "génération précédente", n'excluait pas la nécessité de l'habitation de la parcelle n° yyy pour l'entreprise; de plus, le bâtiment n° xxx comprenait une grange qui abritait depuis des années des enjambeurs, ainsi qu'un magasin de vente du vin produit par l'entreprise agricole; ainsi, au jour du décès, les bâtiments sis sur la parcelle n° yyy étaient nécessaires à l'entreprise agricole et en faisaient partie, contrairement à ce qu'avait retenu la Commission foncière agricole.  
Pour sa part, cette autorité relève dans ses observations que la nécessité de ce bien-fonds pour l'entreprise agricole n'avait pas été démontrée, sauf à considérer que tout immeuble dispose d'une potentielle utilité pour une telle entreprise; l'usage épars de certaines surfaces et locaux visités l'avait conduit à exclure certains immeubles de l'entreprise agricole; il ne pourrait exister "qu'un seul et unique logement du chef d'exploitation"; or, la villa située sur la parcelle n° zzz en zone agricole avait naturellement été considérée comme le logement de l'exploitant. 
 
5.3.2. Comme le mentionne le Message, le but de l'art. 2 al. 2 let. a LDFR est d'éviter que des entreprises agricoles ne puissent pas être reconnues comme telles car certains bâtiments, telle que l'habitation, nécessaires à la qualification d'entreprise (cf. supra consid. [4.3]), se trouvent en zone à bâtir. C'est en cela que le critère de la nécessité, contesté par l'intimé, intervient dans l'application de l'art. 2 al. 2 let. a LDFR: l'art. 7 LDFR définit les différents éléments constitutifs de l'entreprise agricole (cf. supra consid. [4.2.2]) et la présence de ceux-ci est indispensable à la reconnaissance d'une telle entreprise. Ces éléments doivent donc a minima être présents pour que des immeubles agricoles puissent, ensemble, être qualifiés d'entreprise. À l'inverse, il est vrai que ni l'art. 2 al. 2 let. a LDFR ni l'art. 7 LDFR ne limitent le nombre de bâtiments et d'installations qui peuvent appartenir à une entreprise agricole: l'art. 2 al. 2 let. a LDFR mentionne, en particulier, que l'immeuble concerné doit faire partie d'une entreprise agricole et que les bâtiments et installations qui s'y trouvent doivent être agricoles mais il n'exige pas que ceux-ci soient nécessaires à l'entreprise.  
La notion de nécessité ressort, outre de l'art. 7 LDFR, de l'art. 16a al. 1 LAT (RS 700), selon lequel sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice. Cette exigence découle du fait qu'il faut éviter de construire en zone agricole pour préserver celle-ci. Elle n'a donc pas à être transposée à l'art. 2 al. 2 let. a LDFR
Il découle de ces éléments que, pour tomber dans le champ d'application de l'art. 2 al. 2 let. a LDFR, il suffit que les bâtiments et installations situés en zone à bâtir puissent être qualifiés d'agricoles et fassent partie d'une entreprise. Ils ne doivent pas être nécessaires à celle-ci. 
 
5.3.3. En l'espèce, à la date du décès de C.A.________ (cf. supra consid. 4.1), l'exploitant de l'entreprise habitait dans le bâtiment n° uuu. Ce bâtiment était donc "agricole", au sens de l'art. 2 al. 2 let. a LDFR. Cela signifie que l'entreprise comprenait alors deux habitations, à savoir celle occupée par l'intimé et celle de la défunte (maison sur la parcelle n° zzz). En effet, la Commission foncière agricole a relevé, dans sa décision du 5 juillet 2022, que la parcelle n° zzz faisait partie de l'entreprise et ce point n'a pas été remis en cause par les intéressés.  
À ce sujet, la recourante soutient qu'il faudrait tenir compte de l'évolution de la situation après le décès de sa mère, et plus précisément du fait que l'intimé avait déclaré à la Commission foncière agricole qu'il entendait s'installer dans la maison de la défunte et qu'il a effectivement déménagé en 2023, ce qui ferait échapper la parcelle n° yyy au champ d'application de la loi sur le droit foncier rural. Cela revient à considérer que la date du décès ne serait plus déterminante, dans le cadre de la succession, contrairement à ce que retient la jurisprudence (cf. supra consid. 4.1). Ce point peut rester ouvert. En effet, l'élément de la maison d'habitation n'est pas déterminant quant au sort du litige pour la raison qui suit. 
 
5.3.4. Selon les faits de l'arrêt attaqué, l'immeuble litigieux (bâtiment n° xxx) abrite, depuis 2017, un magasin dans lequel l'exploitant vend le vin produit par l'entreprise et qui sert également d'espace de stockage climatisé. Or, la vente directe des produits provenant de l'exploitation doit être considérée comme le prolongement de l'activité agricole (YVES DONZALLAZ, Le droit foncier rural et les exploitations viticoles au regard du statut de l'entreprise agricole, RDAF 2008 I 121, spéc. n° 2.5.3; LE MÊME, Traité de droit agraire suisse, op. cit., n° 2003, p. 164). On ne saurait donc nier le caractère agricole de cette activité, dès lors qu'il s'agit de vendre le produit cultivé. Ceci d'autant plus que la vente directe tend à se populariser auprès des producteurs (cf. SANDRA DOSIOS PROBST, La loi sur le droit foncier rural: objet et conditions du droit à l'attribution dans une succession ab intestat, 2002, p. 79).  
La qualification d'agricole de l'activité consistant à vendre son propre vin a pour conséquence que la question de la maison d'habitation devient insignifiante. En effet, l'affectation d'une partie d'un immeuble à un usage agricole entraîne l'application de la loi sur le droit foncier rural à son ensemble. Il s'agit là d'une combinaison des effets des art. 2 al. 2 let. a et d LDFR (cf. supra consid. [4.2.1]) : le bâtiment incorporé à une entreprise agricole est entièrement soumis à ladite loi, même s'il n'est qu'en partie voué à l'exploitation agricole (YVES DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse, op. cit., n° 3163 p. 562; CHRISTIANE REY JORDAN, Le champ d'application de la LDFR, in Revue valaisanne de jurisprudence, 2019 p. 3 ss spéc. p. 12). Ainsi, dès lors qu'une partie de l'immeuble litigieux possède un caractère agricole, l'utilisation des autres parties de cet immeuble, et donc de la maison qui était occupée par l'intimé au moment du décès de C.A.________, importe peu. 
En conclusion, il convient de considérer, à l'instar des juges précédents, que la parcelle n° yyy de la commune de P.________ appartient à l'entreprise viticole. 
 
5.4. Le grief relatif à la violation de la loi sur le droit foncier rural est rejeté.  
 
6.  
La recourante estime que le comportement de l'intimé est constitutif d'abus de droit: depuis 2016, celui-ci aurait sciemment occupé, à des fins professionnelles, des locaux qui avaient perdu toute vocation agricole depuis de nombreuses années, à l'image de l'espace de vente créé dans le local qui abritait un magasin de tabac et du matériel dispersé dans différents immeubles. L'entreprise comprendrait de nombreuses parcelles qui pourraient être utilisées pour vendre le vin, stocker la marchandises et abriter le matériel agricole. 
L'intimé explique qu'il est devenu l'exploitant de l'entreprise familiale en 2017 et qu'il a depuis lors modernisé celle-ci, développé le nombre de différents vins produits et opté pour la vente directe au domaine. Ces nouvelles activités auraient nécessité des espaces de travail supplémentaires (magasin, bureau pour les commandes, etc.). 
 
6.1. L'interdiction de l'abus de droit est un principe général de l'ordre juridique suisse (ATF 140 III 491 consid. 4.2.4; 137 V 394 consid. 7.1), développé à l'origine sur la base des concepts propres au droit civil (art. 2 CC), puis étendu par la jurisprudence à l'ensemble des domaines du droit. Le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., selon lequel les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi (ATF 142 II 206 consid. 2.3; 136 I 254 consid. 5.2; arrêt 2C_18/2015 du 23 juillet 2015 consid. 3.5).  
L'interdiction de l'abus de droit est le corollaire du principe de la bonne foi. L'abus de droit consiste notamment à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger soit manifeste. Comme le suggère, en matière civile, le libellé de l'art. 2 al. 2 CC, un abus de droit doit, pour être sanctionné, apparaître manifeste. Cela implique que l'abus de droit ne doit être admis qu'avec une grande retenue (ATF 143 III 279 consid. 3.1; 140 III 583 consid. 3.2.4; 137 III 625 consid. 4.3). 
 
6.2. Le grief, outre qu'il ne développe pas l'aspect juridique de l'abus de droit, repose sur des faits qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué. Même si ces faits devaient être pris en considération, l'abus de droit ne pourrait être constaté. Bien qu'elle ne le mentionne pas, la recourante semble invoquer l'abus de droit en lien avec l'utilisation du droit à l'attribution de l'entreprise agricole dans le cadre de la succession (cf. art. 11 al. 1 LDFR). En effet, l'intimé exploite l'entreprise viticole depuis 2017 et pourra vraisemblablement se voir octroyer l'entreprise dans le cadre de la succession. Force est toutefois de constater que les circonstances invoquées, à savoir essentiellement éparpiller son matériel agricole et occuper un local pour la vente et un autre pour la dégustation, ne sont pas suffisamment caractérisées pour retenir que les conditions restrictives de l'abus de droit manifeste seraient réalisées par ce comportement. Partant, le grief portant sur l'abus de droit est écarté.  
 
7.  
Il découle de ce qui précède que le recours est rejeté. 
Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé, qui obtient gain de cause avec l'aide d'un avocat, a droit à une indemnité de dépens, à supporter par la recourante (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de 3'000 fr., allouée à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante et à celui de l'intimé, à la Commission foncière agricole et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'agriculture. 
 
 
Lausanne, le 27 septembre 2024 
 
Au nom de la II e Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : E. Jolidon