Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_388/2022, 1C_591/2022  
 
 
Arrêt du 28 avril 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Kölz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
1C_388/2022 
A.________, représenté par Me Alain Dubuis, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, représentée par 
Me Isabelle Salomé Daïna, avocate, 
intimée, 
 
Municipalité de U.________, représentée par 
Me Yasmine Sözerman, avocate, 
Département des institutions, du territoire et des sports du canton de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne, représenté par la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes du canton de Vaud (DGAIC), place du Château 1, 1014 Lausanne, 
 
et 
 
1C_591/2022 
A.________, représenté par Me Alain Dubuis, avocat, Dubuis Avocats SA, 
recourant, 
 
contre  
 
C.________ SA, représentée par 
Me Gaspard Couchepin, avocat, 
intimée, 
 
Municipalité de U.________, représentée par 
Me Yasmine Sözerman, avocate, 
Département des institutions, du territoire et des sports du canton de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne, représenté par la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes du canton de Vaud (DGAIC), place du Château 1, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Loi vaudoise sur l'information; communication d'un rapport d'enquête administrative, 
 
recours contre les arrêts du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, des 20 juin 2022 et 10 novembre 2022. 
 
 
Faits :  
 
A.  
Aux mois de juillet et d'août 2021, les sociétés C.________ SA et B.________ SA (ci-après: C.________ SA et B.________ SA, soit les dénonciatrices) ont saisi le Conseil d'Etat du canton de Vaud de dénonciations concernant le fonctionnement de la Municipalité de U.________, reprochant au Syndic de cette commune, A.________, de ne pas respecter les règles sur la récusation et les conflits d'intérêts. Le 21 septembre 2021, la Cheffe du Département des institutions et du territoire (DIT) a chargé la Préfète du district de l'Ouest lausannois d'une enquête administrative sur ces faits. Le 29 octobre 2021, la préfète a rendu son rapport. 
 
B.  
Le 10 novembre 2021, B.________ SA a sollicité de la Cheffe du DIT une copie du rapport d'enquête. C.________ SA a formé une requête dans le même sens le 8 décembre 2021. Le traitement de cette seconde demande a été suspendu jusqu'à droit connu sur le sort de la première. 
Invitée à se déterminer sur la demande de B.________ SA, la municipalité s'en est remise à l'appréciation du Conseil d'Etat. A.________ s'y est en revanche opposé, en faisant valoir notamment que le rapport contenait des informations relatives au processus décisionnel de la municipalité couvert par le secret des délibérations garanti par l'art. 64 al. 2 de la loi vaudoise sur les communes (LC; RS/VD 175.11). 
Par décision du 17 décembre 2021, la Cheffe du DIT a fait droit à la demande de B.________ SA, sous réserve des procès-verbaux annexés au rapport et de certains passages qui seraient caviardés. 
A.________ a saisi la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) d'un recours contre cette décision, concluant principalement à ce que le rapport d'enquête administrative du 19 octobre 2021 ne soit "aucunement communiqué, transmis ou diffusé à B.________ SA, ni autres personnes dénonciatrices ou à des tiers". 
 
C.  
Par arrêt du 20 juin 2022, la CDAP a rejeté le recours et confirmé la décision du 17 décembre 2021. L'art. 64 al. 2 LC, selon lequel les délibérations de la municipalité ne sont pas publiques, ne s'opposait pas à la communication du rapport d'enquête puisque celui-ci ne contenait aucune retranscription des procès-verbaux de séances. Le rapport ne constituait pas non plus un document interne au sens de l'art. 9 al. 1 de la loi vaudoise sur l'information (LInfo, RS/VD 170.21). Aucun intérêt public ne s'opposait au droit d'accès, la municipalité ayant elle-même requis la transparence sur son fonctionnement. Les données personnelles (au sens de l'art. 15 de la loi cantonale sur la protection des données personnelles - LPrD, RS/VD 172.62) contenues dans le rapport n'étaient pas sensibles et l'intérêt de la société requérante l'emportait sur celui de l'opposant, dont l'activité de syndic revêtait un caractère public. Par ailleurs, le recourant avait eu accès au rapport et ne pouvait prétendre accéder à l'intégralité du dossier de l'enquête administrative (annexes, procès-verbaux d'auditions) puisque la demande d'accès ne portait pas sur ces pièces. 
 
D.  
Par décision du 23 août 2022, la Cheffe du département (devenu entretemps le Département des institutions, du territoire et du sport -DITS), après avoir repris l'instruction de la cause et permis à la municipalité et à A.________ de se déterminer, a fait droit à la demande de C.________ SA, sous les mêmes réserves et caviardages que dans sa précédente décision. 
Par arrêt du 10 novembre 2022, la CDAP a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision, reprenant les motifs retenus dans son premier arrêt. 
 
E.  
Par actes du 1er juillet 2022 (cause 1C_388/2022), respectivement du 14 novembre 2022 (cause 1C_591/2022), A.________ recourt contre chacun des arrêts cantonaux. Il conclut dans chaque cas à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le recours cantonal est admis et que la transmission, respectivement l'utilisation du rapport d'enquête administrative du 29 octobre 2021 est interdite, sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, il conclut au renvoi des causes à la CDAP pour nouvelles décisions dans le sens des considérants. Il demande dans les deux cas des mesures superprovisoires et provisoires tendant à l'octroi de l'effet suspensif et à ce que soit interdite "la transmission à tout tiers du rapport d'enquête", respectivement sa divulgation et son utilisation d'une quelconque manière par les dénonciatrices. 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère à son arrêt dans les deux causes. Le DITS conclut au rejet des deux recours. B.________ SA (cause 1C_388/2022) conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. C.________ SA (cause 1C_591/2022) conclut de même. 
Par ordonnance présidentielle du 30 août 2022 (cause 1C_388/2022), la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles a été déclarée sans objet dans la mesure où l'intimée avait déjà reçu et produit dans certaines procédures le rapport d'enquête; elle a été partiellement admise afin d'interdire d'autres utilisations dudit rapport; elle allait en revanche au-delà de l'objet du litige dans la mesure où elle visait la transmission à des personnes autres que l'intimée. 
Dans la cause 1C_591/2022, la demande d'effet suspensif a été admise en tant qu'elle visait à empêcher le DITS de communiquer le rapport d'enquête à l'intimée, cette communication n'ayant pas encore eu lieu. La demande allait également au-delà de l'objet du litige en tant qu'elle visait la transmission à des personnes tierces. Le recourant a dupliqué dans les deux causes, persistant dans les conclusions de ses recours. Les autres parties ont renoncé à des observations supplémentaires, C.________ SA réclamant pour sa part qu'un arrêt soit rendu à brève échéance. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours ont trait à des demandes d'accès identiques, portant sur un même document. Les arrêts attaqués sont fondés sur les mêmes motifs, de sorte qu'il se justifie de joindre les causes et de statuer à leur sujet dans un seul arrêt (cf. art. 24 PCF applicable par analogie en vertu du renvoi de l'art. 71 LTF). 
 
2.  
Les arrêts attaqués portent sur le droit d'accès à un document dont il n'est pas contesté qu'il est soumis à la LInfo. Il s'agit par conséquent de causes de droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF. Les arrêts attaqués sont des décisions finales (art. 90 LTF) rendues en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). 
 
2.1. Le recourant a participé aux procédures devant l'instance précédente (art. 89 al. 1 let. a LTD). Il dispose d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification des arrêts attaqués (art. 89 al. 1 let. b LTF) dans la mesure où il s'oppose à la divulgation d'un document qui contient des données le concernant (notamment des accusations qui seraient formulées à son encontre), de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir.  
 
2.2. Dans la cause 1C_388/2022, l'intimée a déjà reçu le rapport d'enquête de la part du Département, et l'a déjà produit dans différentes procédures. On peut dès lors se demander si et dans quelle mesure ce recours conserve un objet. Dans ses conclusions sur mesures provisoires, le recourant s'oppose à toute transmission du rapport à des tierces personnes, mais une telle conclusion va au-delà de l'objet du litige puisque la décision initiale est limitée à la transmission du rapport à l'intimée, à l'exclusion de tout tiers. Le recours pourrait certes conserver un objet dans la mesure où le recourant s'oppose à toute nouvelle utilisation de ce document par l'intimée. La question peut toutefois demeurer indécise car le second recours conserve indubitablement son objet (le rapport n'ayant dans ce cas pas encore été remis à l'intimée), de sorte que les questions soulevées, identiques dans les deux cas, doivent de toute manière être traitées.  
Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
3.  
Dans un grief formel commun aux deux recours, le recourant se plaint de ne pas avoir eu accès complet à l'ensemble des pièces du dossier se rapportant directement au rapport d'enquête litigieux, alors que le département avait transmis à la cour cantonale un support contenant l'entier des pièces réunies par l'auteur du rapport, soit environ 600 pages, considérant que ces documents faisaient partie du dossier de la cause. 
 
3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire et de requérir l'administration des preuves pertinentes (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1). Le droit de consulter le dossier s'étend à toutes les pièces décisives et garantit que les parties puissent prendre connaissance des éléments fondant la décision et s'exprimer à leur sujet (ATF 132 II 485 consid. 3.2).  
 
3.2. Les recours cantonaux étaient en l'espèce dirigés contre la transmission aux intimées du rapport d'enquête administrative, sans ses annexes et avec divers caviardages. L'instance cantonale était ainsi appelée à vérifier si une telle transmission était conforme à la LInfo et aux autres dispositions applicables dans ce cadre. Pour en juger, seul était pertinent l'examen de la pièce dont la transmission était requise et des renseignements qu'elle contient - éléments dont le recourant ne conteste pas avoir eu connaissance -, à l'exclusion des documents sur lesquels son auteur s'est fondée. L'intégralité du dossier de l'enquête ne présentait dès lors aucune pertinence dans ce contexte, et le refus opposé par la cour cantonale ne viole nullement le droit d'être entendu.  
 
4.  
Sur le fond, le recourant se plaint d'une application arbitraire de la LInfo et de la LPrD. Il estime que le rapport d'enquête contiendrait des éléments portant sur la façon dont la municipalité prend des décisions et serait ainsi couvert par le secret institué à l'art. 64 al. 2 LC; le fait que la municipalité ne se soit pas opposée à la divulgation serait sans pertinence. Invoquant ensuite l'art. 9 al. 2 LInfo, le recourant soutient que le rapport devrait être considéré comme un document interne puisque son contenu se rapporte au processus de décision de la municipalité; le fait qu'il ait été établi par une autre autorité ne permettrait pas de retenir le contraire, ce d'autant que la préfète était, selon l'art. 5 de la loi cantonale sur les préfets et les préfectures (LPréf, RS/VD 172.165), administrativement liée au département sous le contrôle duquel elle avait agi. Le recourant soutient par ailleurs, en invoquant l'art. 16 LInfo, que la divulgation du rapport porterait atteinte au processus de décision ou au fonctionnement de la municipalité, dès lors qu'il met à jour des prétendus dysfonctionnements. L'intérêt privé du recourant à s'opposer à la diffusion d'accusations graves et erronées à son encontre devrait prévaloir. Le recourant estime encore que la cour cantonale aurait appliqué arbitrairement l'art. 15 LPrD en niant l'existence de données personnelles sensibles, en méconnaissant que les informations figurant dans le rapport pourraient conduire au prononcé de mesures administratives par le département, et en procédant à une pesée erronée des intérêts en présence. Enfin, le recourant soutient que la violation de l'art. 16 al. 4 et 5 LInfo (droit d'être informé préalablement et de faire valoir ses objections, violation reconnue dans le premier arrêt de la CDAP) aurait, contrairement à ce que retient la cour cantonale, une incidence sur ses droits puisqu'il a été privé de la procédure d'opposition et de son droit de saisir le Préposé cantonal à la protection des données. 
 
4.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF); il n'examine cependant la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire que l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser de façon circonstanciée en quoi consiste la violation (ATF 145 I 121 consid. 2.1; 142 V 577 consid. 3.2). A cela s'ajoute que, sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel; en revanche, il est possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 143 I 321 consid. 6.1); dans ce cadre également s'appliquent les exigences strictes en matière de motivation définies par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 142 V 577 consid. 3.2).  
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 148 II 465 consid. 8.1; 144 I 170 consid. 7.3 et les références). 
 
4.2. La LInfo a pour but de garantir la transparence des activités des autorités afin de favoriser la libre formation de l'opinion publique (art. 1 al. 1 LInfo). S'agissant des informations transmises sur demande, elle précise que, par principe, les renseignements, informations et documents officiels détenus par les organismes soumis à la présente loi sont accessibles au public (art. 8 al. 1 LInfo). Par document officiel, on entend tout document achevé, quel que soit son support, qui est élaboré ou détenu par les autorités, qui concerne l'accomplissement d'une tâche publique et qui n'est pas destiné à un usage personnel (art. 9 al. 1 Linfo). Les documents internes, notamment les notes et courriers échangés entre les membres d'une autorité collégiale ou entre ces derniers et leurs collaborateurs, sont exclus du droit d'information (art. 9 al. 2 LInfo). Le chapitre IV de la loi concerne les limites de ce droit d'accès. Les dispositions d'autres lois sont réservées (art. 15 LInfo) et l'art. 16 Linfo régit comme suit la prise en compte d'intérêts prépondérants:  
¹ Les autorités peuvent à titre exceptionnel décider de ne pas publier ou transmettre des informations, de le faire partiellement ou différer cette publication ou transmission si des intérêts publics ou privés prépondérants s'y opposent. 
 
² Des intérêts publics prépondérants sont en cause lorsque : 
a. la diffusion d'informations, de documents, de propositions, d'actes et de projets d'actes est susceptible de perturber sensiblement le processus de décision ou le fonctionnement des autorités; 
b. une information serait susceptible de compromettre la sécurité ou l'ordre publics; 
c. le travail occasionné serait manifestement disproportionné; 
d. les relations avec d'autres entités publiques seraient perturbées dans une mesure sensible. 
 
³ Sont réputés intérêts privés prépondérants : 
a. la protection contre une atteinte notable à la sphère privée, sous réserve du consentement de la personne concernée; 
b. la protection de la personnalité dans des procédures en cours devant les autorités; 
c. le secret commercial, le secret professionnel ou tout autre secret protégé par la loi. 
 
⁴ Une personne déterminée sur laquelle un renseignement est communiqué de manière non anonymisée doit en être informée préalablement. 
 
⁵ Elle dispose d'un délai de dix jours dès notification de l'information pour s'opposer à la communication au sens de l'article 31 de la loi sur la protection des données ou pour faire valoir les droits prévus aux articles 32 et suivants de cette même loi. 
 
 
4.3. L'art. 64 al. 2 LC prévoit que les séances et discussions des municipalités ne sont pas publiques. Les procès-verbaux de ces séances ne sont pas communiqués à des tiers, sauf en cas de demande de l'autorité de surveillance ou d'une autorité judiciaire. Conformément à cette disposition, le rapport d'enquête ne contient, selon les constatations de fait non contestées par le recourant, aucune retranscription de procès-verbaux des séances de la municipalité. Par ailleurs, s'il est vrai que le rapport contient des indications sur des opinions exprimées par certains membres déterminés de la municipalité, l'identité de ceux-ci - mis à part celle du recourant - est toutefois caviardée dans l'exemplaire destiné à être remis aux intimées. En outre, si certaines opinions sont évoquées incidemment, le rapport fait avant tout état des décisions telles qu'elles ont été prises - et rendues publiques - par la municipalité, sans relater dans le détail les opinions respectives des membres de la municipalité, et moins encore les discussions qu'il y aurait eu à ce sujet. Il n'y a pas, dans ces conditions, d'application arbitraire de la disposition qui garantit le secret des délibérations.  
 
4.4. A teneur de l'art. 9 al. 2 LInfo, les documents internes sont notamment les notes et courriers échangés entre les membres d'une autorité collégiale ou entre ces derniers et leurs collaborateurs. Il s'agit, selon la jurisprudence cantonale non contestée par le recourant, d'éviter de divulguer le processus de formation de la volonté de l'autorité dans un cas particulier. A l'instar des documents relatifs à la procédure de co-rapport au sein du Conseil fédéral (art. 8 al. 1 LTrans [RS 152.3]; ATF 136 II 399 consid. 2.3), il s'agit de préserver la collégialité prévalant pour l'autorité exécutive.  
En l'occurrence, le rapport d'enquête ne concerne pas une décision particulière qui devrait être prise par l'autorité communale ou cantonale: il a été commandé par le département suite aux dénonciations des intimées, afin d'établir les faits et alors qu'aucune procédure n'était ouverte contre le recourant. Il ne saurait dès lors s'agir d'un document en rapport avec une proposition de décision déjà pendante au sein de l'autorité. Quand bien même il existerait un lien administratif entre le département cantonal et les préfets, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, considérer que le rapport d'enquête s'apparentait à une expertise établie par un tiers extérieur à l'administration. 
 
4.5. Le recourant ne saurait ensuite soutenir qu'il existerait un intérêt public s'opposant à la transmission du rapport d'enquête au sens de l'art. 16 al. 2 let. a LInfo (diffusion d'informations susceptibles de perturber sensiblement le processus de décision de l'autorité). La cour cantonale relève pertinemment - et donc sans arbitraire - à ce propos que ce n'est pas la publication du rapport en tant que telle qui est susceptible de compromettre le bon fonctionnement de la municipalité, mais les dysfonctionnements préexistants, qui sont mis à jour dans ledit rapport et dont la municipalité elle-même reconnaît l'existence.  
 
4.6. Invoquant l'art. 15 LPrD, le recourant estime que le rapport contiendrait des données personnelles sensibles puisque non seulement elles ont trait à ses opinions et activités, mais en outre se rapporteraient à sa sphère intime. L'art. 4 al. 1 ch. 2 LPrD définit les données sensibles comme étant les données sur les opinions ou activités religieuses, philosophiques ou politiques, la sphère intime (en particulier l'état pychique, mental ou physique), les mesures d'aide sociale ou encore les sanctions pénales ou administratives. Tel n'est pas le cas en revanche d'autres données officielles généralement accessibles par divers moyens et qui ne révèlent rien sur la personnalité ou l'intimité de l'intéressé (arrêt 1C_467/2021 du 22 mars 2022 consid. 2.3). Il en va a fortiori de même des données relatives aux activités officielles d'un membre d'une autorité exécutive. Sur ce point également, il n'y a aucun arbitraire.  
Considérant que des données personnelles du recourant figuraient dans le rapport d'enquête, les instances précédentes ont effectué une pesée entre les intérêts opposés des dénonciatrices et du recourant. Le résultat de cette pesée d'intérêt ne prête pas le flanc à la critique et apparaît conforme au but de la loi. En effet, pour qu'un droit d'accès soit limité, différé ou refusé, en application de l'art. 16 LInfo, l'octroi de celui-ci doit constituer une menace sérieuse contre des intérêts publics ou privés, dont la réalisation présente une certaine vraisemblance. En particulier, le fait qu'un droit d'accès puisse avoir des conséquences désagréables pour l'intéressé n'a pas à être pris en considération (arrêt 1C_472/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.1; 1C_428/2016 du 27 septembre 2017 consid. 2 in ATF 144 II 77, concernant l'art. 7 LTrans; ATF 142 II 324 consid. 3.4). L'intérêt public à connaître les conclusions d'un rapport sur le fonctionnement d'une institution publique doit l'emporter sur les intérêts privés des personnes qui peuvent se trouver mises en cause: le principe de la transparence consacré par la LInfo (art. 1 al. 1, 3 et 8 al. 1 LInfo) tend particulièrement à mettre à jour d'éventuels dysfonctionnements au sein du pouvoir exécutif ou de l'administration. Outre l'intérêt privé des dénonciatrices à connaître la suite donnée à leur démarche, l'intérêt public à la révélation du rapport d'enquête apparaît ainsi prépondérant. 
 
4.7. Dans un dernier grief, le recourant invoque l'art. 16 al. 4 et 5 LInfo. Dans la cause 1C_388/2022, il estime avoir été indûment privé du droit d'opposition prévu à l'art. 28 LPrD et à la procédure de recours au préposé selon l'art. 32 LPrD. La cour cantonale a reconnu que l'autorité intimée n'avait pas respecté la procédure prévue à l'art. 16 al. 4 et 5 LInfo, mais a considéré que cela n'avait pas eu d'influence sur les droits du recourant, ce que celui-ci conteste. Dans la cause 1C_591/2022, il reproche à la cour cantonale d'avoir nié l'existence d'une violation de l'art. 16 al. 4 et 5 LInfo.  
 
4.7.1. A l'instar d'une violation du droit d'être entendu, la privation du droit d'opposition prévu par la LPrD, à supposer qu'elle soit avérée, a pu être réparée puisque le recourant a eu la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4; 142 II 218 consid. 2.8.1). Quant à la saisine du Préposé à la protection des données, elle n'est pas obligatoire puisque l'intéressé peut aussi, à teneur de l'art. 31 al. 1 LPrD, saisir directement le Tribunal cantonal, ainsi qu'il l'a fait. Les considérations de la cour cantonale quant à l'absence de préjudice ne prêtent pas le flanc à la critique.  
 
4.7.2. Dans son second arrêt, la CDAP a retenu que le recourant avait été invité personnellement à se déterminer préalablement sur la demande de l'intimée. Il s'était opposé à cette demande et le département avait écarté cette opposition dans une décision indiquant les voies de droit prévues à l'art. 31 al. 1 LPrD. On ne voit dès lors pas en quoi résiderait l'arbitraire dont se plaint le recourant. Dans la mesure où il est suffisamment motivé, ce dernier grief doit être écarté.  
 
5.  
Sur le vu de ce qui précède, les recours doivent être rejeté, dans la mesure de leur recevabilité. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant. Une indemnité de dépens, également à la charge du recourant, est allouée à chacune des intimées (art. 68 al. 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 1C_388/2022 et 1C_591/2022 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont rejetés dans la mesure où ils sont recevables. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Les indemnités de dépens suivantes sont mises à la charge du recourant: 
 
- 2'000 fr. en faveur de B.________ SA; 
- 2'000 fr. en faveur de C.________ SA. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de la Municipalité de U.________, au Département des institutions, du territoire et des sports du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lausanne, le 28 avril 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz