Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_569/2024
Arrêt du 30 septembre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Haag.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
Fondation A.________, Vaduz, Liechtenstein,
représentée par Florian Baumann, avocat,
recourante,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève.
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale au Brésil; refus de réexamen,
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 3 septembre 2024 (RR.2024.65).
Faits :
A.
Par deux décisions de clôture du 17 décembre 2021, le Ministère public du canton de Genève a ordonné la transmission de la documentation relative à un compte détenu auprès de la Banque B.________ SA par la Fondation A.________ (au Liechtenstein) et dont l'ayant droit était C.C.________. Le Ministère public a également ordonné la remise des fonds aux autorités brésiliennes, soit un montant (au 27 juillet 2021) de plus de 16 millions d'USD. Ces décisions sont intervenues en exécution d'une demande d'entraide présentée par les autorités brésiliennes dans le cadre d'une procédure dirigée contre D.________ (ancien gouverneur de l'État de Sao Paulo, et dont C.C.________ était le gendre), condamné en mai 2017 à une peine d'emprisonnement et à la confiscation de tous ses biens, parmi lesquels les avoirs de A.________.
Par arrêt du 19 septembre 2023, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par A.________ contre les deux ordonnances de clôture, considérant notamment que le jugement de mai 2017, entré en force, avait établi que les fonds détenus par A.________ provenaient d'actes de corruption, la recourante ne produisant aucun élément de preuve permettant d'admettre que les fonds auraient une origine licite. En tant que personne morale, la recourante ne pouvait invoquer l'art. 2 EIMP.
Par arrêt du 2 février 2024 (1C_540/2023), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé contre la transmission de la documentation bancaire. S'agissant du transfert des fonds, le recours posait la question de la protection juridique accordée à une personne morale faisant l'objet d'une décision de confiscation rendue à l'étranger. Les preuves nouvelles (un jugement rendu le 25 septembre 2023 au Brésil) ont été déclarées irrecevables. Le jugement de mai 2017 expliquait que le compte litigieux faisait partie des avoirs détenus par des membres de la famille de D.________ agissant comme hommes de paille. Une ordonnance rendue au Brésil le 12 novembre 2018 confirmait que les avoirs en question étaient visés par la décision de confiscation. La recourante pourrait faire valoir ses droits au Brésil. La durée du séquestre ne justifiait pas un refus de l'entraide. Le recours était donc rejeté en ce qui concernait la remise des fonds.
B.
Le 22 décembre 2023 (soit durant la procédure devant le Tribunal fédéral), A.________ a demandé au Ministère public de réexaminer ses deux décisions du 17 décembre 2021 en se prévalant de deux jugements rendus au Brésil les 25 avril et 25 septembre 2023.
Par deux décisions du 30 mai 2024, après que l'autorité requérante, invitée à se déterminer, a indiqué que les deux jugements précités n'étaient pas de nature à modifier la situation, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur ces requêtes.
Par arrêt du 3 septembre 2024, la Cour des plaintes a rejeté les recours formés contre ces décisions. Si le Ministère public avait préalablement interpellé l'autorité requérante, cela n'impliquait pas qu'il doive entrer en matière sur les requêtes. Les griefs relatifs au droit d'être entendu ont été écartés. L'extinction de l'action pénale contre C.C.________ (en raison de son décès) et son épouse E.C.________ (pour prescription) ne changeait rien à la situation s'agissant du jugement de confiscation rendu à l'encontre de D.________.
C.
Par acte du 23 septembre 2024, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes ainsi que les décisions de clôture, et de libérer les fonds; subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'une ou l'autre des instances précédentes. Elle demande l'effet suspensif, ainsi que la renonciation à la perception d'une avance de frais.
Il n'a pas été demandé de réponse.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu en français, il en ira de même du présent arrêt, conformément à la règle de l'art. 54 al. 1 LTF, quand bien même le mémoire de recours est rédigé en allemand.
2.
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a, comme en l'espèce, pour objet une saisie et s'il concerne un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe, quand il s'agit d'examiner une question qui ne s'était jamais posée précédemment ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 139 IV 294 consid. 1.1). En particulier, il ne suffit pas d'invoquer des violations des droits fondamentaux de procédure pour justifier l'entrée en matière; seule une violation importante, suffisamment détaillée et crédible, peut conduire, le cas échéant, à considérer que la condition de recevabilité posée à l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5).
2.1. Les décisions prises par le Ministère public portent sur une demande de réexamen de décisions de clôture portant sur le transfert d'avoirs et de documents bancaires. La première condition posée à l'art. 84 LTF peut être considérée comme réalisée.
2.2. La recourante invoque une violation de principes élémentaires de procédure, soit une violation de son droit d'être entendue, en ce sens que l'instance précédente n'aurait pas examiné ses arguments relatifs à la pertinence des nouveaux faits invoqués, à la non-punissabilité des détenteurs des avoirs, à l'absence de connexité entre ces avoirs et les délits, à la libération immédiate de ces avoirs, au montant maximal du produit de l'infraction, à la question des frais et indemnités et à la guérison d'une violation du droit d'être entendu. La question de savoir si les fonds peuvent être transférés malgré un jugement de libération en faveur de C.C.________ et/ou E.C.________ serait une question de principe. Enfin, la procédure à l'étranger présenterait des défauts graves.
2.2.1. S'agissant des documents bancaires, le Tribunal fédéral a considéré dans son arrêt du 2 février 2024 que la transmission litigieuse venait compléter celle qui avait été ordonnée en 2004 déjà et qu'à défaut de toute indication de la recourante, il ne se posait aucune question de principe à ce propos. Il en va de même à ce stade de la procédure, dont l'objet est uniquement la question de savoir si le Ministère public devait entrer en matière sur une demande de réexamen.
2.2.2. S'agissant de la transmission des fonds, la recourante prend manifestement le prétexte d'une demande de réexamen pour revenir sur des questions qui ont été définitivement tranchées. Dans son arrêt du 2 février 2024, le Tribunal fédéral a en effet confirmé qu'en dépit des objections de la recourante, les fonds saisis constituaient le produit des infractions (corruption passive) commises par D.________ et dans lesquelles l'ensemble de sa famille serait impliqué. L'extinction de l'action pénale à l'égard de C.C.________ (en raison de son décès) et de E.C.________ (en raison de la prescription) n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, ce qu'a d'ailleurs confirmé l'autorité requérante. Dans ces conditions, le refus d'entrer en matière sur la demande de réexamen ne pose aucune question de principe. L'instance précédente a examiné la seule question déterminante dans ce cadre, soit celle de savoir si les jugements intervenus en 2023 présentaient une pertinence suffisante au sens de l'art. 66 al. 2 let. a PA et n'a nullement violé le droit d'être entendu en ne statuant pas sur les autres questions soulevées. S'agissant des défauts allégués de la procédure étrangère, il a déjà été relevé dans le cadre de la procédure précédente que les ayants droit pourraient se prévaloir au Brésil de la protection des tiers de bonne foi, et il n'y a pas lieu non plus de revenir sur cette question.
2.2.3. La question de savoir si la violation alléguée du droit d'être entendu justifiait une réduction ou une remise des frais perçus par l'instance précédente ne constitue pas non plus une question de principe justifiant une entrée en matière.
3.
La présente cause ne présente dès lors aucune importance particulière au regard de l'art. 84 LTF, dont il convient de rappeler que le but est de limiter fortement l'accès au Tribunal fédéral dans le domaine de l'entraide judiciaire, en ne permettant de recourir que dans un nombre limité de cas jugés particulièrement importants (ATF 145 IV 99 consid. 1.2 et les références).
Il s'ensuit que le recours est irrecevable. La recourante a demandé une dispense d'avance de frais, mais n'a pas requis l'assistance judiciaire. Faute de toute chance de succès, celle-ci ne pourrait de toute façon être accordée. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe. Le présent arrêt, qui rend également sans objet la demande d'effet suspensif, est rendu selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 109 al. 1 LTF.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.
Lausanne, le 30 septembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz