Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_269/2024
Arrêt du 30 septembre 2024
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Kiss, juge présidant, Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Guy Stanislas, avocat,
recourant,
contre
1. B.________,
2. C.________,
tous deux représentés par Mes Lionel Halperin et Selina Müller, avocats,
intimés.
Objet
arbitrage international,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 26 mars 2024 par un arbitre unique siégeant à Genève.
Faits :
A.
A.a. Avocat de profession, A.________ est un spécialiste du droit des affaires et du droit bancaire. Il bénéficie d'une grande expérience dans le domaine des sociétés
offshore. Il a reconnu en avoir administré près d'une cinquantaine à une certaine époque. En 2005, il était déjà associé au sein du cabinet D.________ (ci-après: l'étude D.________). L'avocat E.________ y travaillait également comme collaborateur à cette époque-là.
A.b. C.________, homme d'affaires français actif dans le secteur du négoce pétrolier, qui avait placé de l'argent sur un compte auprès de la banque F.________ SA, à (...), lequel était géré par G.________, a transféré ses avoirs à la banque H.________ SA (ci-après: la banque) lorsque ce dernier a rejoint cet établissement en 2004, d'abord comme employé puis comme directeur adjoint dès le 28 juillet 2005.
Le 17 novembre 2004, C.________ a signé personnellement les documents relatifs à l'ouverture de deux comptes auprès de la banque, sous des pseudonymes.
A.c. En 2005, les avoirs de C.________ se trouvant sur lesdits comptes ont été transférés sur deux comptes nouvellement créés auprès de la banque ("I.________ 1" et "I.________2 "; ci-après: les comptes I.________), ouverts au nom de la société
offshore de droit panaméen B.________, constituée le 8 août 2005, dont le prénommé était l'ayant droit économique.
Le 31 août 2005, la banque, par l'intermédiaire de G.________, a contacté A.________ aux fins de mettre en place ladite structure.
Le 1er septembre 2005, C.________ a signé les documents nécessaires à l'ouverture des comptes I.________ en présence de G.________ et de E.________. L'art. 11 des conditions générales annexées aux contrats d'ouverture desdits comptes prévoyait notamment que les décomptes, relevés ou autres avis de la banque qui ne faisaient pas l'objet d'une réclamation écrite de la cliente dans le délai d'un mois suivant leur envoi étaient considérés comme reconnus et approuvés, sans préjudice des cas où les circonstances exigeaient une réclamation immédiate de la cliente.
B.________ a fait le choix de ne pas recevoir directement la correspondance bancaire et les relevés relatifs aux comptes I.________, demandant à ce qu'ils soient adressés à l'étude D.________, à l'attention de E.________.
Le même jour, B.________ a confié à la banque un mandat de gestion en optant pour un profil de risque équilibré, la gestion étant assurée par G.________.
Les comptes I.________ ont été formellement ouverts les 6 et 7 septembre 2005. C.________ et son épouse, ainsi que A.________ et E.________, disposaient chacun de la signature individuelle sur lesdits comptes, raison pour laquelle ils étaient notamment habilités à passer et à confirmer des ordres.
A.d. Le 24 octobre 2005, C.________ a rencontré pour la première fois A.________. Les deux hommes ont signé un contrat de mandat lié à la mise en place et à la gestion de l'entité B.________. Ledit contrat prévoyait notamment que le mandataire A.________ avait droit à une rémunération annuelle de 4'600 fr. pour la constitution, la mise à disposition et l'administration de la société B.________ durant la première année, le montant de la rémunération annuelle étant ensuite de 3'800 fr.
A.e. Le 30 avril 2007, G.________ a quitté la banque pour rejoindre J.________ SA, entité sise à (...) active dans la gestion de patrimoine et les conseils en placement. Il a exercé la fonction d'administrateur vice-président de ladite société, avec signature individuelle, et a déployé une activité de gérant externe auprès de la clientèle de cette dernière.
Le 4 juin 2007, B.________ a résilié le mandat de gestion conclu avec la banque pour le confier à J.________ SA, respectivement à G.________ avec signature individuelle, en tant que gérant indépendant. Les fonds sont restés sur les comptes I.________ ouverts auprès de la banque. Sous la signature de A.________, B.________ a octroyé une procuration à J.________ SA envers la banque, pour chacun desdits comptes. Ce document stipulait que J.________ SA n'avait pas le pouvoir de retirer les actifs en question ni d'en disposer en sa faveur ou celle d'un tiers. À partir de cette date, la documentation bancaire, qui était transmise jusque-là uniquement à l'étude D.________, a aussi été envoyée en duplicata à J.________ SA.
A.f. Entre le 8 mai 2009 et le premier trimestre de l'année 2010, G.________ a commis diverses opérations frauduleuses sur les comptes I.________ sur la base de plusieurs ordres falsifiés imitant la signature de C.________.
Les montants débités des comptes I.________ ont fait l'objet d'avis de débit qui ont été envoyés à l'étude D.________.
Une note établie le 12 janvier 2010 par G.________ à l'attention de la banque tendant à la clôture des comptes I.________ et à la vente de toutes les positions a également été transmise à A.________.
A.g. En 2009 et 2010, C.________ s'est rendu deux fois par an dans les locaux de J.________ SA. A ces occasions, G.________ lui a présenté de faux décomptes bancaires.
En janvier 2011, après avoir été alerté par des connaissances dont les avoirs étaient aussi gérés par G.________, C.________ s'est rendu dans les locaux de la banque où il s'est vu remettre les relevés des comptes I.________. Il a alors découvert que les documents que lui avait soumis G.________ avaient été falsifiés, que les avoirs figurant sur les comptes I.________ avaient été intégralement retirés et que ces derniers avaient été clôturés.
C.________ a immédiatement mandaté un avocat aux fins d'éclaircir la situation. Le 2 février 2011, il a pu obtenir de la banque copie des avis d'instruction, ordres de transfert et notes d'entretien afférents aux comptes I.________. Il a ainsi identifié les transferts qu'il n'avait pas sollicités, mais qui avaient été exécutés par la banque, sans contestation ultérieure des relevés de compte y relatifs. Il a constaté qu'un montant de près de 1'370'000 euros (EUR) avait été débité des comptes en question et qu'environ la moitié de cette somme avait été débitée en deux virements effectués le même jour, soit le 23 décembre 2009.
A.h. Plusieurs plaintes pénales ont été déposées à l'encontre de G.________ par des clients de la banque lésés par ses agissements. C.________ n'a pas pris de conclusions civiles à l'égard de l'accusé dans le cadre de ladite procédure. G.________ a été reconnu coupable d'abus de confiance et de faux dans les titres et condamné à une peine privative de liberté de trois ans, avec sursis partiel de trente mois, par jugement du Tribunal correctionnel du canton de Genève du 21 juin 2016.
A.i. Le 6 septembre 2013, B.________ a assigné la banque devant la Chambre patrimoniale cantonale vaudoise en vue d'obtenir le paiement d'un montant supérieur à 1'369'000 EUR, intérêts en sus.
Par jugement du 17 janvier 2019, la Chambre patrimoniale cantonale vaudoise a rejeté la demande. Elle a certes considéré que la banque avait commis une faute grave en ne procédant pas à des mesures de vérification auprès de sa cliente lorsqu'elle avait reçu divers ordres, falsifiés, qui présentaient un caractère insolite. Elle a toutefois estimé que la demanderesse avait eu connaissance de la correspondance bancaire relative à ces ordres par l'intermédiaire de ses représentants A.________ et E.________. Or, comme la demanderesse ne s'était pas opposée aux opérations litigieuses dans le délai d'un mois prévu dans les conditions générales applicables au contrat, elle était réputée avoir ratifié ces opérations et ne pouvait donc pas réclamer à la banque la restitution de son avoir.
L'appel formé par la cliente a été rejeté par arrêt du 14 février 2020 de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Par arrêt du 6 juillet 2020 (cause 4A_161/2020), le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par la demanderesse à l'encontre de cet arrêt.
B.
Le 27 février 2023, B.________ et C.________, se fondant sur la clause d'arbitrage insérée dans le contrat de mandat conclu le 24 octobre 2005, ont initié une procédure d'arbitrage à l'encontre de A.________ et de E.________, concluant à ce que ces derniers soient condamnés solidairement à leur payer diverses sommes représentant un montant total supérieur à 1'365'000 EUR, intérêts en sus.
Un arbitre unique a été désigné par les parties et le siège de l'arbitrage fixé à Genève.
Dans leur réponse, les défendeurs ont conclu à l'incompétence de l'arbitre pour connaître des prétentions élevées à l'encontre de E.________ et au déboutement des demandeurs pour le surplus.
L'arbitre a tenu une audience à Genève le 8 novembre 2023.
Par sentence du 26 mars 2024, l'arbitre a décliné sa compétence pour connaître des conclusions prises par les demandeurs à l'encontre de E.________. Pour le reste, admettant partiellement la demande, il a condamné A.________ à payer à C.________ divers montants représentant un total supérieur à 755'000 EUR ainsi que la somme de 4'346 fr. 30, le tout avec intérêts. Les motifs qui étayent cette décision seront examinés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des critiques dont celle-ci est la cible.
C.
Le 7 mai 2024, A.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de ladite sentence.
Dans leur réponse commune, B.________ et C.________ (ci-après: les intimés) ont conclu au rejet du recours.
L'arbitre a déposé de brèves observations sur le recours.
Le recourant a répliqué spontanément, suscitant le dépôt d'une brève duplique de la part des intimés.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. En l'occurrence, celle-ci a été rendue en français. Le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
Le siège de l'arbitrage se trouve à Genève. L'une des parties au moins n'avait pas son domicile respectivement son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou des conclusions prises par le recourant, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de sa motivation, de l'unique moyen invoqué par l'intéressé.
4.
4.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation (
Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (arrêt 4A_244/2023 du 3 avril 2024 consid. 4.1 destiné à la publication et les références citées). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2). Comme la motivation doit être contenue dans l'acte de recours, la partie recourante ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même, la partie recourante ne peut pas se servir de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'elle n'a pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF) ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées).
4.3. Le recourant méconnaît ces principes lorsque, après avoir pourtant rappelé à juste titre que les faits retenus dans la sentence entreprise ne peuvent être revus que si l'un des griefs visés par l'art. 190 al. 2 LDIP - dûment motivé - est soulevé à l'encontre de l'état de fait, il prétend que cette restriction ne l'empêcherait pas de contester deux constatations de fait "retenues péremptoirement par l'arbitre". Il n'y a ainsi pas lieu de tenir compte de la version des faits exposée par l'intéressé, puisque celui-ci n'invoque pas formellement de grief recevable à l'encontre de l'état de fait ni ne se conforme aux exigences de motivation applicables en l'espèce. La tentative du recourant de remédier à cette carence dans sa réplique - en invoquant de surcroît de nouveaux éléments d'ordre factuel - est inadmissible.
5.
Le recourant prétend que la sentence attaquée est incompatible avec l'ordre public matériel (art. 190 al. 2 let. e LDIP). Avant d'examiner la recevabilité et, le cas échéant, le mérite des critiques formulées au soutien de ce moyen, il convient de rappeler ce que recouvre la notion d'ordre public et d'exposer brièvement les considérations émises par l'arbitre dans la décision attaquée.
5.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). Elle est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1).
Pour juger si la sentence est compatible avec l'ordre public, le Tribunal fédéral ne revoit pas à sa guise l'appréciation juridique à laquelle l'arbitre s'est livré sur la base des faits constatés dans sa sentence. Seul importe, en effet, pour la décision à rendre sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le point de savoir si le résultat de cette appréciation juridique faite souverainement par l'arbitre est compatible ou non avec la définition jurisprudentielle de l'ordre public matériel (arrêt 4A_157/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.3.3).
5.2. Dans la sentence attaquée, l'arbitre constate que les opérations illicites effectuées par G.________ sur les comptes I.________ présentaient assurément un caractère insolite. Il estime que cette situation ne pouvait pas échapper à un avocat rompu au droit bancaire comme le recourant, raison pour laquelle celui-ci avait l'obligation, en vertu du contrat de mandat conclu le 24 octobre 2005, d'alerter C.________, lors de chacune de ces opérations, pour s'assurer que celles-ci étaient bien conformes à sa volonté. Selon l'arbitre, le recourant a fautivement enfreint son obligation contractuelle d'alerte et commis une faute grave en ne s'assurant pas auprès de son partenaire contractuel que les retraits massifs effectués sur les comptes I.________ reflétaient bel et bien sa volonté. L'arbitre considère en outre qu'un lien de causalité naturelle et adéquate entre le comportement gravement fautif du recourant et le dommage subi par le lésé est établi. Examinant ensuite si le comportement de tiers peut exonérer le recourant de toute responsabilité ou la réduire, il estime que tel n'est pas le cas en l'espèce. S'il reconnaît certes la gravité de la faute commise par G.________, qui a été condamné pénalement, ainsi que celle de la banque, l'arbitre est d'avis que l'on ne se trouve pas dans une situation exceptionnelle dans laquelle il se justifierait de déroger au régime légal ordinaire du concours d'action (ou solidarité imparfaite) au sens de l'art. 51 du Code des obligations suisse (CO; RS 220) en libérant le recourant de toute responsabilité ou en atténuant celle-ci, étant donné qu'il a enfreint durablement son devoir d'alerter C.________. Analysant enfin si l'étendue de la réparation du dommage à la charge du recourant doit être réduite en vertu des art. 43 s. CO, applicables par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO, l'arbitre estime que le comportement du lésé a joué un rôle causal dans la survenance du dommage, ce qui justifie une réduction de l'indemnité due par le recourant. Il considère, en outre, que la faible rémunération perçue par ce dernier ainsi que la longue durée non imputable au recourant comprise entre la survenance du dommage et le prononcé de la sentence constituent des éléments à prendre en compte lors de la fixation de l'étendue de la réparation à la charge du recourant. Au vu de ces éléments, l'arbitre estime que celle-ci doit être arrêtée à 55 % du dommage indemnisable.
5.3. Dans ses écritures, le recourant soutient que le fait de le tenir pour unique responsable du préjudice subi par C.________ est insoutenable et incompatible avec l'ordre public, étant donné que d'autres protagonistes ont largement contribué à la survenance du dommage. À son avis, il est choquant que l'on épargne ainsi la banque et l'auteur de la fraude. Se référant à la jurisprudence suisse relative à la limitation de la responsabilité fondée sur la faute concurrente de tiers dans le système de la solidarité imparfaite visé par l'art. 51 CO, l'intéressé fait valoir, en substance, qu'il est injuste de lui faire supporter l'entier du dommage, dans la mesure où son comportement fautif n'est de loin pas comparable à celui des autres responsables. Il reproche, en outre, à l'arbitre d'avoir écarté l'application de l'art. 99 al. 2 CO et d'avoir fait fi de la faible rémunération perçue par lui au moment de fixer l'étendue de la réparation du dommage mise à sa charge. Il fait aussi grief à l'arbitre d'avoir mélangé les critères permettant de réduire le montant de l'indemnité allouée au lésé. La sentence consacrerait ainsi un résultat choquant et injuste.
5.4. L'argumentation du recourant, qui présente un caractère appellatoire marqué et fait la part belle à diverses dispositions du droit suisse touchant le mécanisme de la solidarité imparfaite, l'interruption du lien de causalité et l'indemnisation de la partie lésée, démontre que l'intéressé confond à l'évidence le Tribunal fédéral avec une cour d'appel qui vérifierait librement le bien-fondé des sentences en matière d'arbitrage international. C'est le lieu de rappeler ici que le moyen pris de l'incompatibilité avec l'ordre public matériel, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP et de la jurisprudence y afférente, n'est pas recevable dans la mesure où il tend uniquement à établir la contrariété entre la sentence attaquée et une norme du droit suisse (arrêts 4A_248/2019 du 25 août 2020 consid. 9.8.1 non publié in ATF 147 III 49; 4A_32/2016 du 20 décembre 2016 consid. 4.3; 4A_458/2009, précité, consid. 4.4.2). Il ne faut en effet pas oublier, à cet égard, que le Tribunal fédéral, quand bien même il est appelé à statuer sur un recours dirigé contre une sentence rendue par un arbitre siégeant en Suisse et appliquant le droit suisse, est tenu d'observer, quant à la manière dont ce droit a été mis en oeuvre, la même distance que celle qu'il s'imposerait vis-à-vis de l'application faite de tout autre droit et qu'il ne doit pas céder à la tentation d'examiner avec une pleine cognition si les règles topiques du droit suisse ont été interprétées et/ou appliquées correctement, ainsi qu'il le ferait s'il était saisi d'un recours en matière civile dirigé contre un arrêt cantonal et comme le recourant tente de l'inciter à le faire (arrêts 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.5.1; 4A_312/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.3.4.2). Aussi est-ce en pure perte que le recourant reproche, en substance, à l'arbitre d'avoir appliqué de manière erronée certaines dispositions du droit suisse ou mal interprété la portée de certaines jurisprudences du Tribunal fédéral en lien avec l'art. 51 CO.
La seule question à résoudre ici consiste en réalité à savoir si le résultat auquel a abouti l'arbitre rend ou non la sentence déférée incompatible avec l'ordre public matériel. Sur la base des faits souverainement constatés dans la sentence querellée, l'arbitre a, en l'occurrence, retenu que le recourant avait fautivement enfreint ses obligations contractuelles et, partant, causé un dommage à C.________. Il a souligné que le lésé était libre de n'actionner qu'un seul des débiteurs solidairement responsables et que la faute commise par G.________ et celle imputable à la banque ne permettaient pas d'exclure ou d'atténuer la responsabilité du recourant. Cela ne signifie toutefois pas que ce dernier supportera nécessairement seul la réparation du dommage subi par le lésé, puisqu'il devrait pouvoir se retourner, si certaines conditions sont remplies, contre d'autres personnes ou entités assumant éventuellement une responsabilité solidaire. Pour le reste, c'est à tort que le recourant reproche à l'arbitre de n'avoir pas pris en considération certains facteurs de réduction tels que la faible rémunération du mandataire ou l'écoulement du temps entre le moment de la survenance du dommage et le prononcé de la sentence. La lecture de la décision querellée permet de constater que l'arbitre a bel et bien tenu compte de ces critères et qu'il n'a négligé aucun élément pertinent au moment de déterminer l'étendue de la réparation mise à la charge du recourant. Au regard de l'ensemble des circonstances, le résultat auquel a abouti l'arbitre n'apparaît nullement contraire à l'ordre public matériel. Le moyen considéré ne peut dès lors qu'être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens aux intimés, créanciers solidaires ( art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 10'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'arbitre siégeant à Genève et à E.________, à (...).
Lausanne, le 30 septembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo