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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_832/2024  
 
 
Arrêt 31 décembre 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Kölz. 
Greffier : M. Valentino. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Fabienne Hugener, Procureure, p.a. Ministère public de la République et canton de Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Récusation, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 18 juillet 2024 (ACPR/522/2024 - PS/34/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ fait l'objet d'une procédure pénale (P/18608/2021) ouverte par le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) pour abus de confiance, escroquerie, gestion déloyale, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, faux dans les titres, obtention d'une constatation fausse et fausse communication aux autorités du registre du commerce. 
L'instruction est conduite par la Procureure Fabienne Hugener (ci-après: la Procureure). 
 
B.  
 
B.a. Par demande du 23 août 2023, rejetée par arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise du 10 octobre 2023, A.________ a requis, une première fois, la récusation de la Procureure.  
 
B.b. Par acte du 26 avril 2024, complété le 20 mai 2024, A.________ a formé une nouvelle demande de récusation contre la Procureure, lui reprochant d'avoir fait preuve d'une "approche partiale" lors de son audition tenue devant elle le 23 avril 2024.  
 
B.c. Par arrêt du 18 juillet 2024, la Chambre pénale de recours a rejeté la demande de récusation, dans la mesure de sa recevabilité.  
 
C.  
Par acte du 29 juillet 2024, A.________ (ci-après: le recourant) interjette un recours en matière pénale contre l'arrêt du 18 juillet 2024, en concluant implicitement à sa réforme en ce sens que la récusation de la Procureure Fabienne Hugener soit prononcée dans la cause instruite contre lui. 
Invités à se déterminer sur le recours, la Procureure (ci-après: l'intimée) a conclu à son irrecevabilité, tandis que la Chambre pénale de recours a indiqué n'avoir aucune observation à formuler. Le recourant a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral vérifie d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et examine librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2; 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1. La décision attaquée - rendue par une autorité statuant en tant qu'instance cantonale unique (cf. art 80 al. 2 LTF) - constitue une décision incidente notifiée séparément. Elle porte sur une demande de récusation déposée dans le cadre d'une procédure pénale. Elle peut donc en principe faire l'objet d'un recours immédiat en matière pénale au Tribunal fédéral (cf. art. 78 ss et 92 LTF).  
 
1.2. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière, sous réserve de ce qui suit.  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits qui importent pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ce qu'il lui appartient de démontrer par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement de l'art. 106 al. 2 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 I 26 consid. 1.3; 142 III 364 consid. 2.4; 139 II 404 consid. 10.1).  
 
2.2. Dans une première partie de son mémoire, le recourant présente sa propre version des faits. Dans la mesure où les faits exposés s'écartent des constatations de la cour cantonale sans qu'il soit prétendu - et encore moins démontré - que ces dernières seraient arbitraires, cette présentation est irrecevable. La Cour de céans relève en outre que nombre des allégations du recourant portent sur le fond de la cause et non sur la question de la récusation à laquelle se limite l'objet du litige; sous cet angle également, l'argumentation est irrecevable.  
Partant, le Tribunal fédéral s'en tiendra aux faits établis par l'instance précédente. 
 
3.  
 
3.1. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir rejeté sa demande de récusation. Il se plaint d'une violation des art. 6 CEDH et 30 Cst.  
 
3.2.  
 
3.2.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs que ceux expressément prévus aux lettres a à e de l'art. 56 CPP, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention. Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus à l'art. 56 let. a à e CPP.  
L'art. 56 let. f CPP correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 143 IV 69 consid. 3.2). Il concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; arrêt 1B_407/2022 du 20 décembre 2022 consid. 5.1). Il n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 143 IV 69 consid. 3.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1; arrêts 7B_190/2023 du 14 décembre 2023 consid. 4.1.1; 7B_189/2023 du 16 octobre 2023 consid. 2.2.1). 
 
3.2.2. Selon la jurisprudence, des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs de la personne en cause, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que cette dernière est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêts 7B_677/2023 du 24 novembre 2023 consid. 3.2; 7B_189/2023 précité consid. 2.2.1).  
 
3.2.3. Selon l'art. 61 let. a CPP, le ministère public est l'autorité investie de la direction de la procédure jusqu'à la décision de classement ou la mise en accusation. À ce titre, il doit veiller au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP). Il doit statuer sur les réquisitions de preuves et peut rendre des décisions quant à la suite de la procédure (classement ou mise en accusation), voire rendre une ordonnance pénale pour laquelle il assume une fonction juridictionnelle. Dans ce cadre, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1; arrêt 7B_189/2023 précité consid. 2.2.2).  
 
3.2.4. Lorsque seule l'accumulation de plusieurs incidents fonde l'apparence d'une prévention, il doit être tenu compte, dans l'examen de l'éventuel caractère tardif d'une requête de récusation, du fait que le requérant ne puisse réagir à la hâte et doive, le cas échéant, attendre afin d'éviter le risque que sa requête soit rejetée. Il doit ainsi être possible, en lien avec des circonstances nouvellement découvertes, de faire valoir des faits déjà connus si seule une appréciation globale permet d'admettre un motif de récusation, bien qu'en considération de chaque incident pris individuellement, la requête n'aurait pas été justifiée. Si plusieurs occurrences fondent seulement ensemble un motif de récusation, celle-ci peut être demandée lorsque, de l'avis de l'intéressé, la dernière de ces occurrences est la "goutte d'eau qui fait déborder le vase". Dans un tel cas, l'examen des événements passés, dans le cadre d'une appréciation globale, n'est admis que pour autant que la dernière occurrence constitue en elle-même un motif de récusation ou à tout le moins un indice en faveur d'une apparence de prévention. Cependant, même s'il est admis que la partie qui demande la récusation d'un magistrat puisse se prévaloir, au moment d'invoquer une suspicion de prévention, d'une appréciation globale des erreurs qui auraient été commises en cours de procédure, il ne saurait pour autant être toléré qu'une répétition durable de l'accusation de partialité apparaisse comme un moyen de pression sur le magistrat pour l'amener progressivement à se conformer aux seules vues de la partie (arrêts 7B_450/2024 du 1 er juillet 2024 consid. 2.2.4; 1B_163/2022 du 27 février 2023 consid. 3.1 et les arrêts cités).  
 
3.3. En l'espèce, la cour cantonale a tout d'abord considéré que l'objet du litige était délimité strictement par les faits invoqués dans la demande de récusation du 26 avril 2024 - laquelle avait été déposée à temps (soit peu après l'audience du 23 avril 2024) -, de sorte qu'il ne s'étendait pas à ceux énoncés dans le complément du 20 mai 2024; ce dernier était donc irrecevable. Sur le fond, elle a retenu que les griefs du recourant selon lesquels la Procureure intimée n'avait pas donné suite à ses réquisitions de preuve, d'une part, et n'avait pas tenu compte de la plainte qu'il avait déposée, d'autre part, ne constituaient pas un motif de récusation, comme cela avait déjà été relevé dans son précédent arrêt du 10 octobre 2023. De même, un refus de lever un séquestre devait faire l'objet d'un recours, et non d'une demande de récusation. Il existait en outre d'autres moyens pour soulever des griefs liés à la tenue du procès-verbal, que le recourant avait d'ailleurs utilisés, avec succès, lors de l'audience du 23 avril 2024. Par ailleurs, le recourant s'en prenait, à bien le comprendre, aux faits exposés par la magistrate intimée dans les commissions rogatoires qu'elle avait adressées en Suisse et à l'étranger. Ce grief paraissait irrecevable, au vu du temps écoulé depuis les actes en question (cf. art. 58 CPP). De toute manière, il ne suffisait pas à un prévenu de contester les charges pour empêcher un magistrat de faire état, dans ses demandes d'entraide, des soupçons pesant sur lui. Le fait que l'intimée n'eût pas retenu les explications du recourant, comme ce dernier le souhaitait, malgré les preuves qu'il estimait avoir apportées, ne la rendait pas suspecte de prévention. Si la Procureure devait certes instruire à charge et à décharge (art. 6 al. 2 CPP), le fait de ne pas partager l'avis du prévenu sur la portée des preuves amenées par ce dernier ne la rendait pas partiale.  
 
3.4.  
 
3.4.1. Le recourant ne développe aucune argumentation spécifique visant à exposer qu'il s'agirait en l'occurrence de l'accumulation de plusieurs incidents qui fonderaient, ensemble, l'apparence d'une prévention de la Procureure intimée. Concernant particulièrement les audiences au cours desquelles l'intimée aurait, selon lui, interprété ses propos "comme elle l'estim[ait] approprié", aurait "déformé les PV des documents judiciaires" et lui aurait "interdit de parler ou de poser des questions basées sur [s]es preuves techniques", il indique d'ailleurs expressément que sa demande de récusation ne se fonde pas sur ces éléments. Pour le reste, il ne suffit pas au recourant de se plaindre d'avoir fait l'objet d'"actes préjudiciables répétés" de la part de l'intimée. Par conséquent, les griefs qu'il soulève dans sa nouvelle demande de récusation en lien avec l'audience du 23 avril 2024 - qu'il considère comme "l'aboutissement" de ces mêmes "actes répétitifs préjudiciables" - ne doivent pas être examinés dans le cadre d'une appréciation globale en ce sens qu'ils s'ajouteraient à tous les griefs passés déjà accumulés (cf. consid.3.2.4 supra).  
 
3.4.2. Le recourant se plaint d'une instruction à charge. En particulier, il reproche à l'intimée de n'avoir pas donné suite à ses réquisitions de preuve formulées lors de l'audience du 23 avril 2024. Il fait en outre valoir que les "accusations" portées contre lui seraient "démenties par les faits" que l'intimée refuserait de reconnaître.  
Dans l'arrêt du 10 octobre 2023 susmentionné, la Chambre pénale de recours a expliqué que le but de l'instruction préparatoire consistait notamment à éclaircir des faits pour permettre le classement de la poursuite, s'il y avait lieu. Que le prévenu estimât ce stade déjà atteint ne rendait pas la magistrate intimée suspecte de prévention contre lui. Cette dernière, qui assumait la direction de la procédure, n'avait pas à se faire dicter la manière ou le tempo avec lesquels elle entendait conduire son instruction ou poser ses questions. Le fait, pour l'intimée, de ne pas avoir fait analyser des codes informatiques, de ne pas avoir nommé d'expert ou de n'avoir pas "lu" la plainte pénale du prévenu ne matérialisait pas de manquements à l'impartialité. Le refus d'actes d'instruction ou le refus de statuer sur des réquisitions de preuve pouvaient être frappés, s'il y avait lieu, d'un recours aux conditions des 393 al. 2 let. a, 394 let. b et 396 al. 2 CPP. 
Le recourant soulève en vain des arguments similaires à ceux déjà examinés dans le cadre de sa précédente demande de récusation. En tout état de cause, il ne peut pas être déduit de la manière dont a été menée l'audition du 23 avril 2024 une violation particulièrement lourde ou répétée des devoirs de l'intimée à même de fonder une apparence de prévention qui l'empêcherait de continuer à mener l'instruction. C'est le lieu de rappeler que, par le biais de la procédure de récusation, le recourant ne saurait contester la teneur du procès-verbal établi à cette occasion. Il ressort de l'arrêt attaqué que son avocat a d'ailleurs demandé et obtenu, lors de cette même audience, que soit mentionnée une autre réponse à une question qu'il disait ne pas avoir comprise. Le recourant n'allègue pas avoir présenté d'autres requêtes formelles dans ce sens, en particulier de la part de son avocat, qui n'auraient pas été prises en considération. On ne discerne aucun comportement partial ou déloyal de la part de la Procureure intimée. Comme relevé ci-avant, la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (cf. consid. 3.2.2 supra). Au demeurant, les griefs soulevés par le recourant sortent du cadre du litige; selon les explications données par ce dernier, ils feraient d'ailleurs l'objet d'une plainte pénale déposée contre la magistrate en question.  
 
3.5. En conséquence, la Chambre pénale de recours n'a pas violé le droit fédéral en rejetant la demande de récusation du 26 avril 2024. Cela étant, le recourant se plaint en vain de ce que le complément du 20 mai 2024 a été déclaré irrecevable par la cour cantonale (cf. consid. 3.3 supra); en effet, supposé recevable, ce complément aurait de toute manière été rejeté, dans la mesure où le recourant admet lui-même que n'y figurent pas d'autres griefs que ceux déjà exposés dans sa demande du 26 avril 2024.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à Me Laurence Krayenbühl, Lausanne. 
 
 
Lausanne, le 31 décembre 2024 
 
Au nom de la II e Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Valentino