Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1S.28/2006 /col 
 
Arrêt du 3 janvier 2007 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, 
Reeb, Fonjallaz et Eusebio. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
Parties 
B.________, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de la Confédération, 
Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42, 
case postale 334, 1000 Lausanne 22, 
Office des juges d'instruction fédéraux, 
rue du Mont-Blanc 4, case postale 1795, 1211 Genève 1, 
Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, 
via dei Gaggini 3, case postale 2720, 6501 Bellinzone. 
 
Objet 
refus de restitution temporaire d'une pièce d'identité, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 25 octobre 2006. 
 
Faits: 
A. 
B.________, ressortissant russe né le 17 avril 1957, a été arrêté le 8 juin 2005 et placé en détention préventive dans le cadre d'une enquête de police judiciaire ouverte le 15 octobre 2004 contre lui, son frère A.________ et C.________ par le Ministère public de la Confédération pour blanchiment d'argent. 
Le 24 mai 2006, le Juge d'instruction fédéral a ordonné la libération provisoire de B.________ moyennant le versement d'un montant de 600'000 fr. sous forme de garantie bancaire, le dépôt des pièces d'identité valables et la signature d'une élection de domicile en l'étude de son conseil. Ayant satisfait à ces exigences, l'intéressé a été libéré le 24 juillet 2006. 
Le 28 août 2006, B.________ a sollicité la restitution de son passeport pour une durée de 30 jours afin de se rendre en Europe et rétablir les contacts avec les partenaires commerciaux de la société de transports routiers internationaux X.________, dont l'activité constitue son unique source de revenus. 
Le Juge d'instruction fédéral a écarté cette demande le 6 septembre 2006. La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour des plaintes) a rejeté le recours formé par B.________ contre cette décision par arrêt du 25 octobre 2006. 
B. 
Agissant par la voie du recours au sens de l'art. 33 al. 3 let. a LTPF, B.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt ainsi que la décision du Juge d'instruction fédéral du 6 septembre 2006 et de rendre une décision visant à lui restituer son passeport et à ne pas l'empêcher de quitter le territoire suisse. Il dénonce une violation de la liberté personnelle garantie à l'art. 10 al. 2 Cst. 
La Cour des plaintes a renoncé à formuler des observations. Le Ministère public de la Confédération conclut au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. Le Juge d'instruction fédéral propose également de le rejeter. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La voie du recours au Tribunal fédéral au sens de l'art. 33 al. 3 let. a LTPF est ouverte contre les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral concernant les mesures alternatives à la détention préventive, telles que la saisie du passeport ou des papiers d'identité (ATF 130 I 234 consid. 2 p. 236). 
2. 
A teneur de l'art. 50 PPF, l'inculpé est mis en liberté dès que la détention ne se justifie plus. Il peut être tenu de prendre par écrit l'engagement d'obtempérer à tout mandat de comparution qui lui serait notifié au domicile élu. L'art. 53 PPF prévoit que l'inculpé détenu ou sur le point d'être incarcéré pour présomption de fuite peut être mis ou laissé en liberté sous la condition de fournir des sûretés garantissant qu'en tout temps il se présentera devant l'autorité compétente ou viendra subir sa peine. 
3. 
Le recourant conteste en premier lieu la légalité de la saisie de ses pièces d'identité. La question de savoir s'il n'est pas déchu du droit de faire valoir ce grief, comme l'affirme le Ministère public de la Confédération, peut demeurer indécise, car le recours est de toute manière infondé sur ce point. 
3.1 La confiscation de papiers d'identité représente une restriction à la liberté personnelle garantie à l'art. 10 al. 2 Cst. en tant qu'elle a pour effet de circonscrire le droit de leur détenteur de circuler librement aux limites du territoire helvétique (ATF 130 I 234 consid. 2.2 p. 236). Elle n'est admissible qu'à la triple condition de reposer sur une base légale, de répondre à un intérêt public et de respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; art. 12 al. 3 Pacte ONU II; cf. ATF 130 I 65 consid. 3.1 p. 67 et les arrêts cités); par ailleurs, la liberté personnelle, en tant qu'institution fondamentale de l'ordre juridique, ne saurait être complètement supprimée ou vidée de son contenu par les restrictions légales qui peuvent lui être apportées dans l'intérêt public (art. 36 al. 4 Cst.). La saisie du passeport peut, dans certaines circonstances, également représenter une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée garanti à l'art. 8 CEDH, dont l'admissibilité est soumise aux mêmes conditions que celles posées à l'art. 36 Cst. (arrêts de la CourEDH dans les causes Iletmis c. Turquie du 6 décembre 2005, §§ 42-43, et Smirnova c. Fédération de Russie du 24 juillet 2003, Recueil CourEDH 2003-IX p. 253, § 97; décision de la Commission européenne des droits de l'homme du 6 mars 1984 dans la cause M. c. Allemagne, DR 37 p. 113). 
3.2 La loi fédérale sur la procédure pénale permet d'assortir la mise en liberté d'un inculpé détenu préventivement à la fourniture de sûretés (art. 53 PPF) et à l'engagement écrit d'obtempérer à tout mandat de comparution qui lui serait notifié au domicile élu (art. 50 PPF). Elle n'envisage en revanche pas expressément la saisie du passeport ou des papiers d'identité comme alternative à la détention préventive. Cela ne signifie pas encore qu'une telle mesure serait illégale. Lorsqu'une détention se prolonge uniquement en raison de la crainte de voir l'accusé se soustraire par la fuite à sa comparution ultérieure devant ses juges, il échet d'élargir l'intéressé s'il peut fournir des garanties adéquates de représentation (art. 5 § 3 CEDH; art. 9 al. 3 Pacte ONU II; arrêts de la CourEDH dans les causes Wemhoff c. Allemagne du 27 juin 1968, Série A, vol. 7, § 15, et Letellier c. France du 26 juin 1991, Série A, vol. 207, § 46). Ces garanties ne se limitent pas au versement d'une caution financière; elles peuvent également consister en des mesures de contrôle judiciaire, telles que l'obligation de se présenter à une autorité déterminée ou le dépôt du passeport ou des papiers d'identité, lorsque ces mesures sont propres à assurer la présence du prévenu aux actes d'instruction et aux débats (arrêt 1P.797/1999 du 7 janvier 2000 consid. 4a; décision de la Commission européenne des droits de l'homme du 9 juillet 1985 dans la cause Schmid c. Autriche, DR 44 p. 195; Sylva Fisnar, Ersatzanordnungen für Untersuchungshaft und Sicherheitshaft im zürcherischen Strafprozess, thèse Zurich 1997, p. 56; Walter Gollwitzer, Menschenrechte im Strafverfahren, MRK und IPBPR, Kommentar, Berlin 2005, n. 118, p. 255/256; Jens Meyer-Ladewig, EMRK - Konvention zum Schutz der Menschenrechte und Grundfreiheiten: Handkommentar, 2e éd., Baden-Baden 2006, n. 36b ad art. 5, p. 95). 
En tant qu'elles emportent une atteinte moins grave à la liberté personnelle que la détention préventive, de telles mesures s'imposent même en l'absence d'une base légale expresse, que ce soit directement en vertu du droit du prévenu à être libéré moyennant des garanties, tel qu'il est garanti à l'art. 5 § 3 CEDH (arrêt P.703/1987 du 17 juin 1987 consid. 2c, qui cite Stefan Trechsel, Die europäische Menschenrechtskonvention, ihr Schutz der persönlichen Freiheit und die schweizerischen Strafprozessrechte, Berne 1974, p. 263 et 370), du principe "in maiore minus" (Robert Hauser/ErhardSchweri/Karl Hartmann, Schweizerisches Strafprozessrecht, 6e éd., Bâle 2005, § 68, n. 45, p. 339; Niklaus Oberholzer, Grundzüge des Strafprozessrechts, 2e éd., Berne 2005, ch. 21.7.1, n. 1120, p. 491 et les auteurs cités par Franz Riklin, Postulate zur Reform des Untersuchungshaft, RPS 1987 p. 73), du principe de la subsidiarité de la détention préventive (Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, 4e éd., Zurich 2004, § 44, ch. 3.1, n. 717, p. 260), du principe de la proportionnalité (Bruno Fässler, Die Anordnung der Untersuchungshaft im Kanton Zurich, thèse Zurich 1992, p. 54; Franz Riklin, op. cit., RPS 1987 p. 67 et 72; Martin Schubarth, Die Rechte des Beschuldigten im Untersuchungsverfahren, besonders bei Untersuchungshaft, Berne 1973, p. 133; André Hänni, Ersatzmassnahmen für Untersuchungshaft, thèse Zurich 1980, p. 36; Josi Battaglia, Die Zwangsmittel im bündnerischen Untersuchungsverfahren, thèse Zurich 1976, p. 75) ou encore de l'obligation pour les organes étatiques de garantir le respect des libertés individuelles (Markus Meyer, Der Schutz der persönlichen Freiheit im rechtsstaatlichen Strafprozess, thèse Zurich 1962, p. 172; contra: Sylva Fisnar, op. cit., p. 89, pour qui toute atteinte portée à la liberté personnelle doit reposer sur une base légale). Cette solution est dans l'intérêt du prévenu, car si l'autorité devait ne pas estimer suffisant le versement d'une caution pour pallier à tout risque de fuite, l'alternative ne consisterait pas nécessairement dans la libération immédiate de l'intéressé, mais dans le maintien de la détention préventive. L'autorité est tenue d'examiner d'office si la mise en liberté provisoire peut intervenir moyennant des mesures de substitution (Gérard Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2e éd., Zurich 2006, § 112, n° 870, p. 565). 
3.3 Les mesures alternatives à l'incarcération du prévenu ne sont admissibles que pour autant qu'il subsiste un motif de détention préventive (ATF 107 Ia 206 consid. 2b p. 208/209; 95 I 202 consid. 2 p. 204). Pour le recourant, cette condition ne serait pas réalisée car le risque de fuite aurait si ce n'est disparu, du moins diminué dans une mesure telle que la saisie de ses pièces d'identité ne se justifierait plus. 
Selon la jurisprudence, lorsque le danger de fuite est invoqué non pas comme motif de détention, mais comme condition au prononcé d'une mesure alternative moins contraignante, on peut être moins exigeant quant à la vraisemblance d'un tel danger (arrêt 1P.244/1990 du 27 juin 1990 consid. 4e confirmé en dernier lieu dans l'arrêt 1P.704/2004 du 29 décembre 2004 consid. 4.1 in fine). Le recourant ne fait valoir aucun élément nouveau dans sa situation personnelle qui permettrait d'apprécier différemment le risque de fuite tel que le Tribunal fédéral l'a retenu dans son arrêt rendu le 13 février 2006 (cause 1S.2/2006). Par ailleurs, la gravité des charges qui pèsent sur lui ne s'est pas atténuée depuis lors. Elle paraît même s'être renforcée au vu des résultats du rapport d'analyse financière versé au dossier le 5 juillet 2006 qui précise le cheminement suivant lequel les fonds publics prétendument détournés en Russie seraient parvenus en partie sur les comptes bancaires personnels du recourant. Le risque de fuite reste donc toujours aussi important en l'état de la procédure. Le fait que le recourant n'ait pas cherché à quitter le pays ou à se soustraire d'une manière ou d'une autre à l'instruction depuis sa libération provisoire intervenue le 24 juillet 2006 n'est à cet égard pas déterminant. Le Juge d'instruction fédéral pouvait d'autant plus redouter que B.________ ne revienne pas en Suisse, si celui-ci était autorisé à se rendre provisoirement en Russie, que son frère A.________ a également présenté une demande en ce sens. 
3.4 Le recourant soutient que la saisie de son passeport porterait une atteinte disproportionnée à ses intérêts en l'empêchant de renouer les contacts nécessaires à la reprise des activités commerciales de la société X.________, dont il tire l'essentiel de ses revenus. Selon lui, le séquestre de ses biens et le versement d'une caution de 600'000 fr. constitueraient des garanties suffisantes qu'il retournera en Suisse au terme du délai de 30 jours dont il estime avoir besoin pour rétablir ces contacts. Il argue également de la nécessité de revoir ses amis et de l'atteinte portée à sa santé psychique par la procédure pénale en cours en Suisse pour justifier son séjour en Europe et en Russie. Ces éléments devaient être mis en balance avec l'importance du risque de fuite. 
Le recourant n'explique pas en quoi sa présence en Europe serait absolument indispensable à la reprise des relations commerciales de la société X.________, qu'il a développée avec son frère A.________, au point de considérer la mesure attaquée comme disproportionnée. Le Juge d'instruction fédéral a estimé que les contacts nécessaires avec les partenaires commerciaux étrangers de cette société pouvaient parfaitement être créés, voire entretenus, par le fils du recourant, D.________, dont la liberté de mouvement n'est pas restreinte. Le recourant ne fournit aucun élément qui permettrait de réfuter cette motivation. Il n'a donné aucune liste des personnes qu'il entendait rencontrer durant son séjour à l'étranger. Il ne prétend pas occuper des fonctions spécifiques au sein de l'entreprise X.________ qui exigeraient qu'il entreprenne personnellement le voyage en Europe et en Russie en lieu et place de son fils ou d'un tiers de confiance mandaté à cette fin. Comme le relève à juste titre le Juge d'instruction fédéral, le recourant peut communiquer librement par téléphone, par téléfax ou par tout autre moyen de télécommunication moderne avec les anciens clients commerciaux de X.________ et ceux-ci peuvent se rendre en Suisse si des contacts personnels devaient se révéler indispensables. Il en va de même de ses amis restés en Russie. Enfin, le recourant n'a pas plus étayé les raisons de santé qui exigeraient, selon lui, qu'il se rende dans son pays d'origine pour se faire soigner et se reposer, en produisant des certificats médicaux. 
3.5 Lorsqu'une mesure alternative à la détention ne suffit pas pour pallier au risque de fuite, elle peut s'accompagner d'autres mesures. En l'occurrence, la Cour des plaintes pouvait à juste titre admettre que le versement d'une caution de 600'000 fr., le blocage des avoirs du recourant en Suisse et l'engagement écrit de ce dernier de répondre aux convocations qui lui seraient notifiées à son domicile élu ne constituaient pas des garanties suffisantes pour parer au risque concret de fuite existant et qu'il convenait de compléter cette mesure par le dépôt des papiers d'identité valables (cf. Bruno Fässler, op. cit., p. 55, et Gérard Piquerez, op. cit., § 112, n° 878, p. 569, qui admettent expressément le cumul de ces mesures). Au demeurant, on observera que le recourant n'est pas assigné à résidence, mais qu'il peut se déplacer librement en Suisse avec sa famille. La saisie de ses pièces d'identité n'équivaut dès lors nullement à une privation de liberté qui tomberait sous le coup de l'art. 5 § 1 let. c CEDH. Pour le surplus, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner, en première instance de recours, si le blocage des papiers d'identité pourrait utilement être remplacé par une astreinte à se présenter périodiquement au poste de police de son domicile. 
4. 
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Ministère public de la Confédération, à l'Office des juges d'instruction fédéraux et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. 
Lausanne, le 3 janvier 2007 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: