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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_407/2018  
 
 
Arrêt du 5février 2019  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les juges Kiss, présidente, Klett et Niquille. 
Greffier : M. Thélin. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, 
représentée par Me Amédée Kasser, 
demanderesse et recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Daniel Perruchoud, 
défendeur et intimé. 
 
Objet 
société anonyme; responsabilité de l'administrateur 
 
recours contre l'arrêt rendu le 11 juin 2018 par la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais 
(C1 16 129). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Dès l'automne de l'an 2000, U.________ s'est installé à Montana avec divers membres de sa famille. Il y a pris à bail un appartement par l'entremise de C.________ SA, dont A.________ et B.________ étaient les administrateurs. Il s'est présenté comme un riche homme d'affaires désireux d'investir à Montana. Il prétendait jouir d'une fortune considérable à l'étranger, dont il ne pouvait toutefois pas disposer en Suisse, à court terme, en raison de difficultés administratives dans les transferts de fonds. Certains que U.________ leur apporterait des affaires très profitables, A.________ et B.________ lui ont témoigné une confiance aveugle. Il lui ont procuré un statut professionnel d'indépendant rattaché à leur agence immobilière, où il occupait un bureau. 
U.________ souhaitait acquérir des automobiles dont les difficultés du moment, à ses dires, ne lui permettaient pas de payer le prix. Au nom de C.________ SA, A.________ et B.________ ont conclu deux contrats de leasing avec la société X.________ SA, l'un le 2 février 2001, l'autre le 9 avril, relatifs à deux véhicules de cette marque. Ces véhicules étaient destinés à U.________ et les administrateurs lui ont remis un document qui l'habilitait textuellement à les utiliser aussi hors de Suisse. Il était entendu avec lui qu'il assumerait régulièrement et personnellement le versement des redevances mensuelles dues à X.________ SA. U.________ n'a que brièvement respecté cet engagement. 
Le 8 janvier 2002, X.________ SA a résilié les deux contrats au motif que les mensualités convenues n'étaient pas versées. Elle a exigé la restitution des véhicules. Il s'est avéré que ceux-ci se trouvaient alors en Tchéquie. La donneuse de leasing n'est parvenue à en récupérer qu'un seul, moyennant d'importants frais. 
 
B.   
X.________ SA a déposé plainte pénale contre les administrateurs. Par jugement du 2 avril 2008, le Juge de district de Sierre les a déclarés tous deux coupables d'abus de confiance et d'escroquerie. B.________ a appelé de ce jugement et le Tribunal cantonal l'a acquitté le 8 juillet 2009. A.________ n'a pas appelé, lui, et sa condamnation est actuellement définitive. 
La plaignante n'avait pas articulé de prétentions civiles chiffrées et le Juge de district l'a renvoyée à agir au for civil. 
 
C.   
La faillite de C.________ SA est survenue le 27 août 2008. Faute d'actifs, la faillite a été suspendue le 17 septembre suivant. La société est radiée du registre du commerce depuis le 25 novembre 2009. 
 
D.   
Le 19 novembre 2013, X.________ SA a ouvert action contre A.________ devant le Juge de district de Sierre. Le défendeur devait être condamné à payer 133'450 fr.55 à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 9 janvier 2002. 
Le défendeur a conclu au rejet de l'action. 
Le magistrat saisi s'est prononcé le 29 avril 2016; il a accueilli l'action et condamné le défendeur selon les conclusions de la demande. 
La IIe Cour civile du Tribunal cantonal a statué le 11 juin 2018 sur l'appel du défendeur. Elle a accueilli cet appel et rejeté l'action. 
 
E.   
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse saisit le Tribunal fédéral de conclusions correspondant à celles de sa demande en justice. 
Le défendeur conclut au rejet du recours. 
La demanderesse a spontanément déposé une réplique; le défendeur a renoncé à présenter une duplique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse. 
 
2.   
A teneur de l'art. 754 al. 1 CO, les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion d'une société anonyme répondent à l'égard de celle-ci, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. 
En ce qui concerne la qualité pour agir du créancier social, la jurisprudence distingue trois éventualités. D'abord, le créancier peut être lésé à titre personnel par le comportement des organes, à l'exclusion de tout dommage causé à la société (ATF 141 III 112 consid. 5.2.1 p. 116; 132 III 564 consid. 3.1.1 p. 568); l'action n'est alors soumise à aucune restriction (ATF 131 III 306 consid. 3.1.2 p. 311). Ensuite, le créancier peut être lésé parce que la société subit un dommage causé par le comportement fautif de l'organe; ce créancier ne subit alors qu'un dommage indirect ou réfléchi et il n'a pas qualité pour agir tant que la société demeure solvable; c'est dans sa faillite, seulement, que la communauté des créanciers peut poursuivre l'organe (ATF 141 III 112 consid. 5.2.2 p. 117; 132 III 564 consid. 3.1.2 p. 568; 131 III 306 consid. 3.1.1 p. 311). Enfin, le créancier et la société peuvent être l'un et l'autre lésés; dans ce cas, pour éviter la compétition de leurs actions respectives lors de la faillite de la société, la jurisprudence a posé que le créancier ne peut qu'exceptionnellement agir en réparation de son dommage direct, et ceci lorsque le comportement de l'organe était illicite aux termes de l'art. 41 CO, constituait une  culpa in contrahendo, ou violait des règles du droit des sociétés destinées exclusivement à la protection des créanciers (ATF 141 III 112 consid. 5.2.2 p. 117; 132 III 564 consid. 3.1.3 p. 569; 131 III 306 consid. 3.1.2 p. 311).  
 
3.   
Les administrateurs de C.________ SA ont conclu au nom de cette société deux contrats de leasing et ils ont cédé à U.________ l'usage exclusif des véhicules concernés. Cette opération était étrangère au but de la société et elle ne lui apportait aucun profit; elle l'exposait en revanche au risque évident d'être recherchée par la donneuse de leasing dans l'éventualité où U.________ n'assumerait pas les obligations contractées. Par ce comportement, les administrateurs ont fautivement violé le devoir de diligence à eux imposé par l'art. 717 al. 1 CO. Cette violation fautive du devoir de diligence est retenue par le Juge de district et aussi par le Tribunal cantonal. Elle n'est bien sûr pas contestée par la demanderesse, et elle ne l'est pas davantage par le défendeur dans sa réponse au recours. Il est ainsi constant que la responsabilité de cet administrateur est engagée au regard de l'art. 754 al. 1 CO. Toutefois, le succès de l'action suppose encore un dommage en lien de causalité avec la conclusion des contrats, et il suppose aussi que la demanderesse ait qualité pour agir. 
En conséquence de l'inexécution des obligations imposées par les deux contrats, la demanderesse subit un dommage qu'elle chiffre à 133'450 fr.55. Il existe un lien de causalité juridiquement adéquate entre le comportement fautif des deux administrateurs et ce dommage, en ce sens que si les contrats n'avaient pas été conclus, les obligations restées inexécutées n'auraient pas pris naissance et U.________ n'aurait pas été mis en possession des véhicules. Le comportement déceptif de cet individu, comportement lui aussi dommageable, n'est pas un événement si extraordinaire et imprévisible qu'il ait pour effet d'interrompre le lien de causalité (cf. ATF 143 II 661 consid. 7.1 p. 660; 143 III 242 consid. 3.7 i.f. p. 250). 
L'art. 97 al. 1 CO autorisait la demanderesse à exiger de sa cocontractante C.________ SA la réparation de ce dommage. La dette correspondante diminuait le patrimoine de la société, de sorte que celle-ci subissait elle aussi un dommage par suite du comportement de ses administrateurs (cf. ATF 141 III 112 consid. 5.3.2 i.f. p. 118, où le Tribunal fédéral a retenu un dommage subi cumulativement par le salarié d'une société anonyme et par cette société, dommage dont l'organe était responsable). Il s'agit donc d'une situation où, selon la jurisprudence ci-mentionnée, le créancier social ne peut agir sur la base de l'art. 754 al. 1 CO que si le dommage résulte d'un acte illicite aux termes de l'art. 41 CO, ou d'une  culpa in contrahendo, ou de la violation d'une règle du droit de la société anonyme destinée exclusivement à la protection des créanciers. Cette troisième hypothèse n'entre pas en considération dans la présente affaire. Le Juge de district a retenu que le comportement des administrateurs était illicite; le Tribunal cantonal retient au contraire qu'il ne l'était pas, ce qui conduit ce tribunal à rejeter l'action en réparation du dommage. Ni le Juge de district ni le Tribunal cantonal n'ont envisagé la  culpa in contrahendo.  
 
4.   
A titre liminaire, la demanderesse met en doute que sa qualité pour agir soit subordonnée à l'une de ces trois conditions. Elle affirme inexactement que « la faillite de C.________ SA a été liquidée en la forme sommaire et que l'administration de la faillite a renoncé à agir contre les organes de la société ». Il ressort plutôt de l'arrêt attaqué et du registre du commerce que la faillite a été suspendue faute d'actifs selon l'art. 230 LP, avec cette conséquence qu'aucune liquidation n'a été accomplie. Il est vrai qu'en l'état, « l'action de la [demanderesse] n'entre pas et n'est pas entrée en concurrence avec les prétentions de la masse en faillite », mais c'est seulement parce que cette créancière n'a pas requis la liquidation conformément à l'art. 230 al. 2 LP. L'action individuelle qu'elle exerce contre le défendeur doit évidemment lui éviter que les dommages-intérêts exigibles ne soient diminués des frais de la procédure de faillite puis, le cas échéant, répartis entre elle et d'autres créanciers eux aussi portés à l'état de collocation. Ce procédé élude le principe de l'égalité des créanciers dans la faillite (cf. ATF 139 III 384 consid. 2.1 p. 388; 123 III 60 consid. 5c p. 65) et c'est pourquoi, en dépit de quelques opinions doctrinales favorables (Dieter Gericke et Stefan Waller, in Commentaire bâlois, 5e éd., n° 26 ad art. 757 CO, avec références à d'autres auteurs), la jurisprudence ne l'autorise pas. En effet, après que la faillite a été suspendue faute d'actifs et que la société a été radiée du registre du commerce, le créancier social dont la prétention ne répond à aucune des trois conditions ci-énoncées doit d'abord obtenir, pour qu'une action en réparation du dommage soit intentée à l'organe responsable, la réinscription de la société et la réouverture de la faillite (arrêt 4A_384/2016 du 1er février 2017, consid. 2). 
 
5.   
A titre principal, la demanderesse persiste à soutenir qu'un acte illicite est imputable au défendeur. 
Le Tribunal cantonal a discuté le comportement des administrateurs de C.________ SA au regard de l'art. 41 CO. Il a considéré qu'en mettant U.________ en possession des deux véhicules pris en leasing, les administrateurs ont tout au plus violé une obligation contractuelle envers la demanderesse, à supposer que les contrats interdissent l'utilisation des véhicules par des personnes sans lien avec la société preneuse de leasing. Pour le surplus, selon les juges, les administrateurs n'ont pas porté atteinte au droit de propriété que leur cocontractante conservait sur ces biens et ils n'ont, non plus, violé aucun devoir imposé à chacun par l'ordre juridique. Le Tribunal cantonal a par ailleurs retenu qu'au regard de l'art. 53 CO, il n'était pas lié par l'appréciation juridique différente du juge de l'accusation pénale. Le tribunal parvient ainsi à la conclusion que le dommage subi par la demanderesse ne résulte pas d'un acte illicite du défendeur. 
A l'encontre de cette appréciation juridique, la demanderesse soutient que le comportement des administrateurs et, en particulier, celui du défendeur a porté atteinte à son droit de propriété. Or, la propriété est un droit absolu dont la lésion est illicite (ATF 112 II 118 consid. 5e p. 128). 
Il est certes constant que la demanderesse acquérait la propriété des véhicules remis en leasing et que cette propriété lui était réservée pendant toute la durée des contrats correspondants. 
Le Tribunal cantonal se réfère au jugement d'appel du 8 juillet 2009 par lequel B.________ a été acquitté dans la cause pénale. Sur la base de ce prononcé, il retient que A.________, à l'instar de B.________, a signé les deux contrats sans envisager que son comportement permettrait à U.________ de s'approprier les véhicules et d'en déposséder durablement la demanderesse. Il s'agit d'une constatation de fait qui lie le Tribunal fédéral selon l'art. 105 al. 1 LTF, car élucider ce que les parties savaient ou voulaient au moment de conclure relève de la constatation des faits (ATF 140 III 86 consid. 4.1 p. 91). Sur la base de cette constatation, le Tribunal cantonal juge à bon droit que le demandeur n'a pas commis de faute et qu'il n'a donc pas engagé sa responsabilité selon l'art. 41 CO
 
6.   
Subsidiairement, la demanderesse soutient qu'une  culpa in contrahendoest imputable au défendeur. Elle semble toutefois ignorer que selon la jurisprudence, la responsabilité fondée sur la confiance, y compris la responsabilité consécutive à une  culpa in contrahendo, revêt un caractère subsidiaire et n'entre éventuellement en considération que si le lésé ne peut invoquer aucune responsabilité contractuelle (ATF 131 III 377 consid. 3 p. 380). Or, les contrats de leasing n'ont pas été seulement négociés mais effectivement conclus. Ce moyen est donc lui aussi privé de fondement. Il s'ensuit que conformément au jugement du Tribunal cantonal, la demanderesse n'a pas qualité pour exercer l'action accordée au créancier social par l'art. 754 al. 1 CO. Le recours se révèle ainsi privé de fondement, ce qui conduit à son rejet.  
 
7.   
A titre de partie qui succombe, la demanderesse doit acquitter l'émolument à percevoir par ce tribunal et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 5'500 francs. 
 
3.   
La demanderesse versera une indemnité de 6'500 fr. au défendeur, à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 5 février 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La présidente : Kiss 
 
Le greffier : Thélin