Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_496/2018
Arrêt du 21 juin 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Peter Pirkl,
recourant,
contre
1. B.________,
2. C.________,
tous les deux représentés par Me Serge Fasel,
3. D.________,
représenté par Me Aurélie Battiaz Gaudard,
4. E.________,
représentée par Me Daniel Burkhardt,
intimés.
Objet
responsabilité des administrateurs/de l'organe de révision, prescription pénale (art. 760 al. 2 CO), interruption de la prescription,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 19 juin 2018 (C/24011/2015, ACJC/830/2018).
Faits :
A.
A.a. Le 22 décembre 2006, L.________ SA, active dans les opérations immobilières, a conclu un contrat d'entreprise générale avec M.________ SA (ci-après : M.________ SA ou la société faillie), celle-ci s'engageant à construire deux villas sur une parcelle appartenant à A.________, fils de l'administratrice présidente de la société L.________ SA.
Le conseil d'administration de M.________ SA se composait de B.________, C.________ et D.________ (ci-après: les administrateurs). E.________ en était l'organe de révision.
A.b. La faillite de M.________ SA a été prononcée le 12 novembre 2008.
L.________ SA a produit une créance de 664'332 fr.28, puis une créance complémentaire de 92'851 fr.16 auprès de l'Office des faillites. Elle a requis l'inscription à l'inventaire de la faillite de créances en responsabilité (art. 754 ss CO) à l'encontre des organes de la société faillie, au motif que ceux-ci avaient violé leurs obligations. L'inscription a eu lieu le 4 février 2009.
Les deux créances de L.________ SA, admises en 3e classe à l'état de collocation déposé le 21 octobre 2009, ont finalement rapporté un dividende de 11,91 %, qui a été versé à la créancière.
A.c. Le 22 octobre 2010, la masse en faillite de M.________ SA a déposé plainte pénale pour gestion fautive et faux dans les titres contre les trois administrateurs de la société, leur reprochant notamment d'avoir aggravé son surendettement. Elle s'est constituée partie civile, sans toutefois prendre des conclusions civiles chiffrées.
Par ordonnance du 30 juin 2011, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière au motif que la prévention pénale des chefs de gestion fautive et de faux dans les titres apparaissait d'emblée insuffisante.
Statuant sur recours de la masse en faillite, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice a, par arrêt du 3 novembre 2011, annulé cette décision et renvoyé la cause au Ministère public afin que celui-ci ouvre une instruction du chef de gestion fautive (art. 165 CP) à l'encontre des administrateurs.
Le Ministère public a alors repris l'instruction de la procédure pénale.
A.d. Dans l'intervalle, le 23 août 2011, la masse en faillite de M.________ SA a cédé aux créanciers qui en avaient fait la demande, dont L.________ SA, les prétentions en responsabilité qui avaient été inventoriées à l'encontre des organes de la société faillie.
Le 12 novembre 2011, L.________ SA a cédé à A.________ la totalité de sa créance à l'encontre de M.________ SA. Elle est par la suite tombée en faillite, laquelle a été clôturée le 22 novembre 2012 pour défaut d'actifs.
A.________, ainsi que deux autres créanciers, ont confirmé leur volonté de se substituer à la masse en faillite de M.________ SA dans le cadre de la procédure pénale et se sont constitués parties plaignantes, demandeurs au pénal et au civil.
A.e. Le 8 janvier 2013, le Ministère public a informé les parties à la procédure pénale que la masse en faillite n'était plus partie plaignante et que les créanciers cessionnaires s'étaient constitués parties plaignantes en leur qualité de cessionnaires des droits de la masse.
Lors de l'audience du 17 janvier 2013 devant le Ministère public, A.________ a confirmé reprendre la plainte pénale de la masse en faillite en sa qualité de créancier cessionnaire. Il a indiqué faire valoir des prétentions civiles et son conseil a ajouté que celles-ci pouvaient être chiffrées à 757'173 fr.44, soit la somme des deux créances produites dans la faillite de M.________ SA.
B.________ et C.________ ont contesté la qualité de partie plaignante des créanciers cessionnaires, dont celle de A.________, au motif que celui-ci n'était pas en mesure d'invoquer une atteinte directe à ses droits.
Par ordonnance du 17 juin 2014, le Ministère public a refusé la qualité de partie plaignante à A.________, aux motifs que sa qualité de créancier cessionnaire ne l'habilitait pas à se constituer comme partie plaignante et qu'il ne subissait une atteinte à ses droits que de manière indirecte, par ricochet. Cette décision n'a pas été contestée et elle est entrée en force.
La faillite de M.________ SA a été clôturée le 24 juin 2014.
La procédure pénale a été classée par ordonnance du 15 octobre 2015, le Ministère public retenant que l'infraction reprochée aux administrateurs n'était pas réalisée, le lien entre la mauvaise gestion des administrateurs et l'aggravation des pertes de la société n'ayant pas été établi. Cette décision n'a pas été contestée et elle est entrée en force.
B.
Le 13 novembre 2015, A.________ a formé une action en responsabilité contre les trois administrateurs et l'organe de révision devant le Tribunal de première instance de Genève. La conciliation ayant échoué, A.________ (ci-après : le demandeur) a conclu, le 3 juin 2016, à ce que les défendeurs soient condamnés à lui payer le montant de 599'108 fr.13, intérêts en sus.
Les défendeurs ont soulevé l'exception de prescription et conclu au déboutement du demandeur de toutes ses conclusions.
Le demandeur soutient s'être constitué partie plaignante dans la procédure pénale, en qualité de demandeur au pénal et au civil, qu'il a chiffré ses prétentions à 757'173 fr.44 et, partant, qu'il a valablement interrompu la prescription.
Les défendeurs rappellent que le demandeur s'est vu refuser la qualité de partie plaignante par décision du 17 juin 2014, de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'une interruption de la prescription.
Par jugement du 30 octobre 2017, le Tribunal de première instance de Genève a considéré que l'action formée le 13 novembre 2015 par le demandeur était prescrite et il a rejeté sa demande.
Par arrêt du 19 juin 2018, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel du demandeur, confirmé le jugement entrepris, mis les frais judiciaires d'appel (3'000 fr.) à la charge du demandeur et l'a condamné à verser 3'000 fr. à B.________ et C.________ (créanciers solidaires), 3'000 fr. à D.________ et 3'000 fr. à l'organe de révision, à titre de dépens.
C.
Contre l'arrêt cantonal du 19 juin 2018, le demandeur exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à son annulation, à ce que la nullité de l'ordonnance de classement du Ministère public du 15 octobre 2015 soit constatée, au rejet de l'exception de prescription soulevée par les défendeurs, ceux-ci étant condamnés à lui verser les frais judiciaires et les dépens, subsidiairement, à l'annulation partielle de l'arrêt cantonal en tant qu'il a admis l'exception de prescription et mis à sa charge l'intégralité des frais judiciaires et des dépens de la procédure cantonale, à ce que l'exception de prescription soit rejetée et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle statue sur les frais et dépens, " plus subsidiairement ", à l'annulation partielle de l'arrêt attaqué en tant qu'il met à sa charge les frais et les dépens de la procédure cantonale et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau à cet égard, " encore plus subsidiairement ", à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Le recourant reproche aux juges précédents de s'être fondé sur un état de fait incomplet, d'avoir fait preuve d'arbitraire et transgressé son droit d'être entendu, d'avoir violé les art. 135, 138, 760 al. 2 CO , ainsi que l'art. 107 CPC.
B.________ et C.________ (intimés nos 1 et 2) concluent au rejet du recours.
D.________ (intimé no 3) conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué.
L'organe de révision (intimée) conclut au rejet du recours.
Le recourant, de même que les intimés nos 1 et 2 ont encore déposé des observations.
Considérant en droit :
1.
1.1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue sur appel du demandeur par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une affaire relevant de la responsabilité des administrateurs et de l'organe de révision (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse excède 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile, formé en tant utile (art. 100 al. 1 et 45 al. 1 LTF), est recevable au regard de ces dispositions.
1.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références).
La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261 s.).
1.3. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal ou, cas échéant, à l'état de fait qu'il aura rectifié. Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).
2.
La cour cantonale a admis l'exception de prescription en examinant la question sous deux angles différents. D'une part, elle considère que les actes accomplis par le demandeur dans le cadre de la procédure pénale, en particulier l'intervention du demandeur lors de l'audience du 17 janvier 2013, n'ont pas valablement interrompu la prescription quinquennale (art. 760 al. 1 CO) - dont le délai avait commencé à courir le 21 octobre 2009 (dépôt de l'état de collocation) - et que sa créance était bien prescrite lorsqu'il a ouvert action, le 13 novembre 2015, contre les défendeurs. D'autre part, elle retient que la prescription pénale de plus longue durée (art. 760 al. 2 CO) n'est pas applicable. Elle explique en particulier que, dans son ordonnance de classement du 15 octobre 2015, le Ministère public a retenu que les éléments constitutifs de l'infraction reprochée aux défendeurs n'étaient pas réalisés, que le juge civil est donc lié, ce qui exclut toute application de l'art. 760 al. 2 CO.
3.
Le recourant considère que la prescription quinquennale de l'art. 760 al. 1 CO n'est pas acquise, puisqu'il l'a interrompue en déposant des conclusions civiles dans le procès pénal.
Selon l'art. 115 al. 1 CPP, on entend par lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. Selon l'art. 118 al. 1 CPP, est partie plaignante le lésé (art. 115 CPP) qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil. Concrètement, pour participer comme demandeur au civil, le lésé doit faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction (action civile) par adhésion à la procédure pénale (art. 119 al. 2 let. b CPP, 122 al. 1 et 123 al. 1 CPP).
Selon la jurisprudence de la Cour de droit pénal, la cession des droits de la masse (art. 260 LP) n'a pas pour conséquence de faire passer le statut de lésé de la société faillie au créancier cessionnaire, celui-ci n'agissant pas pour la société faillie, mais en son nom propre (ATF 140 IV 155 consid. 3.4 p. 159 ss). Le cessionnaire ne peut donc pas prendre de conclusions civiles et il ne saurait se prévaloir valablement d'actes prétendument interruptifs de la prescription accomplis dans ce cadre.
Le moyen doit être rejeté.
4.
Le recourant revient à la charge en reprochant à l'autorité cantonale de ne pas avoir appliqué la prescription pénale de plus longue durée, en violation de l'art. 760 al. 2 CO. Selon lui, l'ordonnance de classement du 15 octobre 2015, entachée de nullité, ne liait pas le juge civil, de sorte que celui-ci devait se prononcer lui-même sur la réalisation d'une éventuelle infraction pénale. Sans fournir la moindre motivation à cet égard, le recourant en infère d'emblée que l'arrêt cantonal devrait être annulé et l'exception de prescription soulevée par les défendeurs rejetée.
4.1. L'art. 760 al. 1 CO prévoit que les actions en responsabilité prévues aux art. 752 ss CO se prescrivent par cinq ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage, ainsi que de la personne responsable, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit. En vertu de l'art. 760 al. 2 CO, si les dommages-intérêts dérivent d'une infraction soumise par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, cette prescription s'applique à l'action civile.
4.1.1. Il n'est en l'espèce pas contesté que l'application de l'art. 760 al. 2 CO aurait pour conséquence, aussi bien selon l'ancien art. 97 al. 1 CP que selon l'art. 97 al. 1 CP en vigueur depuis le 1er janvier 2014, de soumettre la prescription à un délai plus long (15 ans) et que celle-ci ne serait dès lors pas acquise au moment où le demandeur a ouvert action contre les défendeurs.
4.1.2. Les enseignements tirés de la jurisprudence relative à l' art. 60 al. 1 et 2 CO peuvent être repris dans le cadre de l'application de l'art. 760 CO, puisque cette dernière règle est calquée sur l' art. 60 al. 1 et 2 CO et qu'elle ne diffère de celle-ci que sur un point : le premier délai (relatif) de prescription est allongé d'une année à cinq ans.
La prescription de l'action civile, dans son mécanisme, est entièrement régie par le droit privé; le droit pénal n'intervient que pour substituer au délai prévu par le droit civil le délai plus long découlant du droit pénal (art. 760 al. 2 CO). Cette dernière règle a pour but d'harmoniser la prescription du droit civil avec celle du droit pénal. Elle repose sur l'idée qu'il serait inadéquat que la victime perde ses droits contre l'auteur responsable tant que celui-ci demeure exposé à une poursuite pénale, généralement plus lourde de conséquences pour lui (cf. ATF 136 III 502 consid. 6.1 p. 503).
4.1.3. La règle de prescription de l'art. 760 CO s'applique à toutes les actions en responsabilité du droit de la société anonyme (CORBOZ/AUBRY GIRARDIN, in Commentaire romand, Code des obligations II, 2e éd. 2017, no 3 ad art. 760 CO). Son champ d'application matériel couvre tous les cas de responsabilité visés par les art. 752 à 755 CO, peu importe qu'ils soient mis en oeuvre par l'action individuelle du créancier social ou de l'actionnaire pour le dommage direct qu'il a subi résultant notamment des art. 41 ss CO, par l'action sociale exercée par la société ou par un actionnaire (art. 756 CO), ou par l'action de la communauté des créanciers, qu'elle soit exercée par l'administration de la faillite, un créancier social ou un actionnaire (art. 757 CO) (cf. ATF 141 III 112 consid. 5.2.2 p. 116 s.; CORBOZ/AUBRY GIRARDIN, op. cit., no 3 ad art. 760 CO).
4.1.4. L'application de la prescription pénale de plus longue durée (art. 760 al. 2 CO) suppose la réalisation des conditions suivantes (cf. ATF 136 III 502 consid. 6.1 p. 503) :
1°) Le comportement à l'origine du dommage doit réaliser les éléments constitutifs objectifs et subjectifs d'un acte punissable selon le droit cantonal ou fédéral.
2°) L'infraction visée doit être en relation de causalité naturelle et adéquate avec le préjudice donnant lieu à l'action civile.
3°) Le lésé doit faire partie des personnes protégées par la loi pénale. Il s'agit là d'une conséquence de la théorie (objective) de l'illicéité prévalant en droit civil. Cette condition, qui porte sur le statut du lésé (au sens du droit pénal), appelle une distinction claire entre, d'une part, le lésé au sens des art. 752 ss CO (soit celui qui, subissant le dommage, a la qualité pour ouvrir action en responsabilité) et, d'autre part, le lésé au sens du droit pénal (directement touché par l'infraction selon l'art. 115 al. 1 CPP) susceptible, le cas échéant, de bénéficier de la prescription pénale de plus longue durée de l'art. 760 al. 2 CO.
Il appartient au créancier, qui entend bénéficier de la prescription pénale de plus longue durée, de prouver que les conditions auxquelles celle-ci est subordonnée sont réalisées (cf. art. 8 CC; ALEXANDRA JUNGO, in Zürcher Kommentar, 3e éd. 2018, no 486 ad art. 8 CC; KARL SPIRO, Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen, Band I, 1975, § 361 et note 1).
4.2. L'intégralité de l'argumentation du recourant repose sur la prémisse selon laquelle le juge civil est habilité à se prononcer, à titre préjudiciel (dans un cas d'application de l'art. 760 al. 2 CO), sur la nullité d'une décision pénale. En l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu de se déterminer sur cette attribution (prétendument) conférée au juge civil, dont on peine à identifier le besoin auquel elle est censée répondre, vu les moyens déjà à disposition des parties dans le procès pénal, ainsi que les voies de droit (appel, révision) auxquelles elles peuvent recourir, et étant donné l'approche très restrictive qui gouverne la question de la nullité d'une décision pénale (arrêts 6B_120/2018 du 31 juillet 2018 consid. 2.2; 6B_667/2017 du 15 décembre 2017 consid. 3.1; en Allemagne, cf. HANS KUDLICH, Nichtigkeit eines Strafurteils nach informeller Verständigung und fehlender Sachaufklärung, NJW 2013 p. 3216 ss).
L'argumentation du recourant peut en effet d'emblée être écartée au motif - qui vient d'être exposé (cf. supra consid. 3) - que, à défaut d'être une victime directe de l'infraction pénale (i.e un lésé au sens du droit pénal) prétendument commise par les organes sociaux, il ne peut être mis au bénéfice de la prescription pénale de plus longue durée (cf. supra consid. 4.1.4 troisième condition). Cela étant, il ne saurait prendre une conclusion (celle visant la question préjudicielle) qui a pour seule fin de permettre l'application d'une règle (l'art. 760 al. 2 CO) qui ne lui est pas destinée. En tant que lésé au civil (art. 752 ss CO), mais non au pénal (art. 115 CPP), il lui appartenait de se conformer à la prescription quinquennale prévue à l'art. 760 al. 1 CO.
Pour cette raison, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir exclu l'application de l'art. 760 al. 2 CO et, partant, d'avoir admis que la prescription était acquise lorsque le demandeur a ouvert action contre les défendeurs. Le complètement de l'état de fait sollicité par le recourant n'y change rien et il n'y a pas lieu d'y revenir. Les moyens tirés de la (prétendue) transgression de l'interdiction de l'arbitraire et de la violation du droit d'être entendu appellent la même conclusion.
4.3. Enfin, c'est en vain que le recourant tente de convaincre que l'organe de révision - qui n'était pas visé par l'instruction pénale - devrait être traité différemment des administrateurs (pour lesquels l'ordonnance de classement lie le juge civil) et qu'il affirme de manière lapidaire que " le réviseur a aidé les administrateurs à masquer les graves manquements, soit notamment en acceptant un bilan de complaisance et en antidatant son rapport de révision, ce qui constitue une infraction pénale ". Le fait que l'organe de révision n'était pas impliqué dans la procédure pénale (et qu'aucune ordonnance de classement n'a été rendue à son sujet) ne permet pas de lui opposer d'emblée la prescription pénale de plus longue durée. Il incombait encore au demandeur de fournir au juge civil les éléments susceptibles d'établir l'existence d'une infraction pénale dont l'organe de révision serait l'auteur et dont lui serait le lésé (cf. supra consid. 4.1.4 troisième condition). Or, devant la Cour de céans, le recourant ne donne pas la moindre explication en ce sens, mais il se borne à asséner que l'exception de prescription devrait être rejetée. En outre, même s'il soutient que le comportement des administrateurs serait à l'origine de l'activité délictueuse de l'organe de révision (qui aurait tenté de masquer des " graves manquements "), il ne fournit pas non plus d'éléments susceptibles d'étayer ses propos. Enfin, le fait que le demandeur n'ait pas dénoncé à l'autorité de poursuite pénale les infractions qui auraient été commises par l'organe de révision, ou que la procédure pénale n'ait pas été étendue à celui-ci (alors même qu'elle pouvait l'être d'office), n'est pas de nature à accréditer sa version des faits.
La critique est sans consistance.
5.
Subsidiairement, le recourant conteste la manière dont les juges cantonaux ont attribué les frais et les dépens. Il soutient que, malgré la perte du procès, ils ont omis de tenir compte des circonstances (violation grave par l'appareil judiciaire qui a entraîné la prescription, comportement des défendeurs contraire à la bonne foi) qui, pourtant, justifieraient une répartition des frais en équité conformément à l'art. 107 CPC.
5.1. Les frais et dépens sont répartis entre les parties en application des art. 106 et 107 CPC , la règle étant qu'ils sont en principe mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Le tribunal est toutefois libre de s'écarter de cette règle et de les répartir selon sa libre appréciation dans les hypothèses prévues par l'art. 107 CPC, notamment lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (art. 107 al. 1 let. f CPC).
Statuant dans ce cadre selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), l'autorité cantonale dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 139 III 358 consid. 3 p. 360; arrêt 4A_556/2016 du 19 septembre 2017 consid. 5.1).
5.2. En l'occurrence, les instances cantonales ont mis la totalité des frais judiciaires à la charge du demandeur, celui-ci ayant succombé intégralement. Les circonstances particulières dont se prévaut le recourant sont impropres à démontrer que la cour cantonale aurait abusé de son large pouvoir d'appréciation. L'argument tiré de l'acquisition de la prescription (qui n'aurait pas dû être admise en raison des graves erreurs commises par le Ministère public) tombe à faux, puisque le recourant lui-même n'a pas démontré les infractions qui auraient pu/dû être prises en compte. Quant à la (prétendue) attitude de mauvaise foi des défendeurs, elle s'appuie sur la propre version des faits du recourant et il n'y a donc pas lieu de s'y arrêter (cf. supra consid. 1.2).
Le moyen se révèle infondé dans la mesure de sa recevabilité.
6.
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Les frais et dépens sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera, à titre de dépens, une indemnité de 9'500 fr. aux intimés nos 1 et 2 (créanciers solidaires), de 9'500 fr. à l'intimé no 3 et de 9'500 fr. à l'intimée.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
Lausanne, le 21 juin 2019
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
Le Greffier : Piaget