Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_167/2010
Arrêt du 27 avril 2010
IIe Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Herrmann.
Greffier: M. Braconi.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Christoph J. Joller, avocat,
recourant,
contre
Confédération Suisse, 3003 Berne,
représentée par l'Administration fédérale des finances, Service juridique, Christoffelgasse 5, 3003 Berne,
intimée.
Objet
opposition pour défaut de retour à meilleure fortune,
recours contre l'ordonnance du Président du Tribunal civil de la Gruyère du 15 janvier 2010.
Faits:
A.
À l'issue de la faillite de X.________, close le 13 juillet 2004, l'Office des faillites du canton de Fribourg a délivré à la Confédération suisse un acte de défaut de biens pour le montant de 81'452 fr. Sur la base de cet acte, la Confédération suisse a fait notifier le 16 octobre 2009 à X.________ un commandement de payer la somme précitée (plus frais de poursuite), auquel le poursuivi a formé "opposition totale pour non-retour à meilleure fortune" (poursuite n° xxxx).
B.
Le 19 octobre 2009, l'Office des poursuites de la Gruyère a transmis le commandement de payer au Président du Tribunal civil de la Gruyère en vertu de l'art. 265a al. 1 LP. Le 2 novembre suivant, ce magistrat a cité les parties à comparaître à l'audience du 15 janvier 2010, tout en précisant qu'il "sera statué nonobstant l'absence des parties"; dans la même convocation, il a invité l'Administration fédérale des finances à produire, jusqu'au 21 décembre 2010 (sic), "l'acte de défaut de biens et les pièces constituant son dossier".
Statuant le 15 janvier 2010 en l'absence des deux parties, le Président du Tribunal civil de la Gruyère a déclaré irrecevable l'opposition pour défaut de retour à meilleure fortune et mis les frais (230 fr.) à la charge du poursuivi.
C.
Par acte du 3 mars 2010, le poursuivi interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cette décision; il conclut à ce que son opposition soit déclarée recevable, subsidiairement à ce que la décision attaquée soit annulée.
Des observations n'ont pas été requises. En transmettant le dossier de la cause, le Président du Tribunal de la Gruyère a informé le Tribunal fédéral que le recourant avait introduit le 22 février 2010 une action en constatation de non-retour à meilleure fortune contre l'intimée, dont il a annexé une copie. En réponse à ce courrier, le recourant a, par écrit non daté expédié le 19 mars suivant, produit une détermination quant à la recevabilité de son recours sous l'angle de l'art. 75 LTF.
Considérant en droit:
1.
1.1 Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a et art. 90 LTF ; art. 265a al. 1 à 3 LP; ATF 134 III 524 consid. 1.1 p. 526); la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 134 III 524 consid. 1.2 in fine p. 527; cf. toutefois Beat Fürstenberger, Einrede des mangelnden und Feststellung neuen Vermögens nach revidiertem Schuldbetreibungs- und Konkursgesetz, 1999, p. 81/82 et les références citées en note 46); le recourant, qui a succombé devant l'autorité précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
1.2 Le présent recours n'étant ouvert sous l'angle de l'art. 75 al. 1 LTF que pour violation du droit d'être entendu (ATF 134 III 524 consid. 1.3 in fine p. 528 et la jurisprudence citée), le recourant n'est pas admis à se plaindre de ce que la juridiction précédente s'est bornée à déclarer l'opposition irrecevable, sans toutefois déterminer "dans quelle mesure le débiteur est revenu à meilleure fortune" (art. 265a al. 3 LP); ce grief ne ressortit pas au déni de justice formel, mais à la fausse application du droit (cf. ATF 79 I 113 consid. 4 p. 116). Comme le reconnaît aussi le recourant, il en va de même du grief pris de l'absence de production de l'acte de défaut de biens "par la requérante" (intimée).
2.
Pour déclarer l'opposition irrecevable, l'autorité inférieure s'est fondée sur une double considération. D'une part, l'opposition pour non-retour à meilleure fortune n'est concevable que si un acte de défaut de biens a été délivré; or, on ignore si la poursuivante s'est vu remettre un acte de défaut de biens "après saisie", dès lors qu'elle n'a pas donné suite à l'invitation contenue dans la citation du 2 novembre 2009. D'autre part, faute d'avoir comparu à l'audience du 15 janvier 2010, le poursuivi n'a pas prouvé qu'il n'était pas revenu à meilleure fortune.
Avec raison, le juge précédent est parti du principe qu'il lui appartenait de vérifier la recevabilité de l'opposition (cf. ATF 124 III 379 consid. 3b p. 381; 130 III 678 consid. 2.1 p. 679); son opinion appelle néanmoins les remarques suivantes.
2.1 L'opposition pour non-retour à meilleure fortune ne saurait entrer en ligne de compte lorsque la créance est constatée dans un acte de défaut de biens après saisie (ATF 133 III 620 consid. 3.1 in fine p. 623 et les références; Jeandin, in: Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 7 ad art. 265a LP), sous réserve des hypothèses où cet acte a été délivré à l'issue d'une poursuite fondée sur un acte de défaut de biens après faillite (ATF 69 III 86 consid. 1 p. 87 ss) ou a pour objet une créance qui est née avant l'ouverture de la faillite et n'a pas participé à la liquidation (art. 267 LP; BlSchK 54/1990 p. 102). Il ne ressort pas du dossier que ces exceptions seraient réalisées; il apparaît, au contraire, à la lumière des pièces produites par le recourant, que la poursuivante procède au bénéfice d'un acte de défaut de biens après faillite (cf., par exemple, la lettre de l'Office cantonal des faillites du 23 juillet 2004 et l'extrait du tableau de distribution de la faillite).
2.2 Il appartient au poursuivi de prouver les conditions de recevabilité de son exception (FÜRSTENBERGER, op. cit., p. 84 et 112), en particulier qu'il a été déclaré en faillite (BlSchK 54/1990 p. 102) et que celle-ci n'a pas été révoquée ni suspendue faute d'actif (Fürstenberger, ibid., n. 131 et l'arrêt cité). Contrairement à ce qu'a fait le juge précédent, c'est donc le recourant (poursuivi), et non l'intimée (poursuivante), qui devait être invité à produire l'acte de défaut de biens après faillite.
3.
3.1 Le recourant expose en substance que, en "procédure sommaire ordinaire", le juge peut statuer "sans entendre les parties", mais qu'il ne peut pas le faire lors de l'examen du retour à meilleure fortune, où l'audition du débiteur poursuivi est "nécessaire". En l'espèce, il a reçu une citation à comparaître qui indiquait seulement que le juge statuerait "nonobstant l'absence des parties". Dans ces circonstances, il pouvait légitimement en inférer que sa présence n'était pas "souhaitée", à tout le moins pas nécessaire; aussi bien, ne s'est-il pas présenté. En outre, le juge précédent ne lui a pas donné l'occasion de produire les pièces topiques relatives à sa situation financière.
3.2 En vertu de l'art. 265a al. 1 (2e phrase) LP, le juge auquel l'office des poursuites a soumis l'opposition "statue définitivement après avoir entendu les parties". Contrairement à ce qu'affirme le recourant, cette disposition interdit simplement au juge de statuer sans avoir donné aux parties l'occasion de présenter leurs moyens, mais non de trancher en l'absence des parties, du débiteur poursuivi en l'occurrence (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. III, 2001, n° 17 ad art. 265a LP; Huber, in: Basler Kommentar zum SchKG, vol. III, n° 23 ad art. 265a LP). À suivre la thèse de l'intéressé, le débiteur pourrait faire échec à une décision judiciaire en refusant de collaborer, ce qui ne saurait être le sens de la loi. Une telle opinion est au surplus démentie par l'art. 181 LP - norme sur laquelle est calquée la procédure de recevabilité de l'opposition tirée du défaut de retour à meilleure fortune (Gilliéron, ibid., n° 5) -, qui prévoit expressément que le juge cite les parties à comparaître et statue même en leur absence sur la recevabilité de l'opposition cambiaire (Dallèves, in: Commentaire romand, op. cit., n° 6 ad art. 181 LP).
Il résulte de ces considérations que le droit d'être entendu du poursuivi est respecté si la possibilité de faire valoir (oralement ou par écrit) ses arguments lui a été offerte. Certes, la citation à comparaître - dont le texte est identique pour les deux parties - invite uniquement la "partie créancière" (intimée) à "produire l'acte de défaut de biens et les pièces constituant son dossier". Il n'en demeure pas moins que la loi impose expressément au débiteur de rendre vraisemblable son défaut de retour à meilleure fortune en produisant les documents relatifs à sa situation financière (art. 265a al. 2 LP; sur l'étendue de cette obligation: Jeandin, ibid., n° 19). Le recourant ne saurait dès lors tirer argument du fait que la citation précitée ne comportait aucune invitation explicite à produire les pièces en question, cette incombance découlant directement de la loi; la formule d'après laquelle il sera statué "nonobstant l'absence des parties" ne peut davantage être comprise comme le refus du juge de recevoir leurs observations écrites, munies des pièces idoines.
4.
En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Président du Tribunal civil de la Gruyère.
Lausanne, le 27 avril 2010
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Hohl Braconi