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[AZA 0] 
5P.110/2000 
 
IIe COUR CIVILE 
************************** 
 
15 mai 2000 
 
Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Weyermann, 
M. Bianchi, M. Raselli et Mme Nordmann, juges. 
Greffier: M. Abrecht. 
 
_________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
X.________ SA, représentée par Me Lucien Tissot, avocat à La Chaux-de-Fonds, 
 
contre 
le jugement rendu le 31 janvier 2000 par la première Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel dans la cause qui oppose la recourante à Y.________ SA, intimée, représentée par Me Patrick Burkhalter, avocat au Locle; 
 
(art. 9 Cst. ; révocation d'un concordat) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les f a i t s suivants: 
 
A.- Le 8 janvier 1997, la société X.________ SA, à La Chaux-de-Fonds, a été mise au bénéfice d'un sursis concordataire. 
Le 4 février 1997, la société française Y.________ SA a produit une créance de 114'955 fr. 10, relative à des marchandises livrées et facturées en mai, juin et juillet 1996; cette production a ultérieurement été ramenée à 114'505 fr. 10, somme qui n'a donné lieu à aucune contestation. 
 
Par lettre circulaire du 11 septembre 1997, le commissaire au sursis a soumis aux créanciers un projet de concordat ordinaire (concordat-dividende) proposant le paiement aux créanciers chirographaires d'un dividende de 18%, payable dans le mois suivant l'homologation. Sur le bulletin d'adhésion joint à cette circulaire, la créance de Y.________ SA figure pour un montant de 114'505 fr., le dividende de 18% étant ainsi de 20'610 fr. 90 et le solde non couvert de 93'894 fr. 20. Le concordat a été homologué le 2 mars 1998 par la première Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
B.- Par courrier du 23 mars 1998, X.________ SA a annoncé à Y.________ SA le règlement du montant de 9'440 fr. 
90. Elle déclarait opérer sur le dividende de 20'610 fr. 90 une déduction de 11'170 fr. pour "des marchandises nous appartenant et se trouvant actuellement chez Y.________", en précisant que "dans la mesure où les marchandises faisant l'objet de notre retenue nous sera retourné (sic) après parfaite remise en état, le montant de Frs. 11'170.-- vous sera bonifié". Y.________ SA a contesté la déduction opérée et mis X.________ SA en demeure de s'acquitter du montant de 20'610 fr. 90. Seul le montant de 9'440 fr. 90 a été payé, le montant de 11'170 fr. ayant été consigné sur un compte bancaire. 
 
C.- Par mémoire du 12 mai 1998, Y.________ SA a actionné X.________ SA devant la première Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, en concluant à la révocation du concordat et à la condamnation de la défenderesse au paiement de 103'335 fr. 10 (soit 114'505 fr. 10 moins 11'170 fr.) plus intérêts. X.________ SA a conclu au rejet des conclusions de la demande et, reconventionnellement, au paiement de la somme de 11'170 fr. au titre de dommages-intérêts. Dans sa réplique, la demanderesse a réduit "à bien plaire" ses conclusions en paiement à 93'894 fr. 20 (soit 103'335 fr. 10 moins 9'440 fr. 90) plus intérêts. 
 
Statuant le 31 janvier 2000, la cour cantonale a révoqué le concordat en ce qui concernait Y.________ SA et a condamné X.________ SA à payer à celle-ci la somme de 93'894 fr. 20 avec intérêts à 5% l'an dès le 12 mai 1998. 
 
D.- Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral, X.________ SA a conclu avec suite de frais et dépens à l'annulation de ce jugement et a sollicité l'octroi de l'effet suspensif. Invitée à se déterminer sur la requête d'effet suspensif (aucun échange d'écritures n'ayant en revanche été ordonné sur le fond), Y.________ SA en a proposé le rejet. Par ordonnance du 7 avril 2000, le Président de la Cour de céans a accordé l'effet suspensif au recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- La décision d'une autorité cantonale admettant ou refusant la révocation d'un concordat ne tranche pas une contestation civile et ne peut faire l'objet d'un recours en réforme au Tribunal fédéral (ATF 74 III 26; Jürg Guggisberg, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, SchKG II, Bâle 1998, n. 2 ad art. 316 LP). Le recours de droit public est ainsi recevable au regard du principe de la subsidiarité absolue ancré à l'art. 84 al. 2 OJ. Il l'est également au regard du principe de subsidiarité relative posé par l'art. 86 al. 1 OJ, aucun recours cantonal n'étant ouvert contre un jugement rendu par une des deux cours civiles du Tribunal cantonal neuchâtelois statuant comme juge du concordat conformément à l'art. 12 LELP/NE (RSN 262. 1). 
 
2.- a) L'autorité cantonale a constaté qu'en mars 1997, soit pendant la procédure concordataire, les parties ont eu des contacts au sujet d'une partie de la marchandise livrée en mai 1996, X.________ SA se plaignant de défauts. 
Selon les juges cantonaux, on ignore le contenu exact de ces discussions, voire des engagements pris alors, les déclarations des parties divergeant à ce sujet; il est seulement constant que de la marchandise a été retournée à Y.________ SA, qui se trouve encore en possession de la marchandise en question et qui a adressé le 30 juillet 1997 à X.________ SA une facture - contestée par celle-ci - de 11'100 fr. plus 70 fr. de frais (jugement attaqué, lettre B p. 2/3). 
 
b) La cour cantonale relève que dans le cadre des discussions entourant la proposition de dividende, puis dans le cadre de la procédure d'homologation, X.________ SA n'a fait aucune réserve à l'égard de Y.________ SA s'agissant du versement du dividende promis de 20'610 fr. 90. Or le concordat fixe définitivement les rapports entre les parties, et il ne saurait être question d'en rediscuter le contenu, en tous cas pas en l'absence d'éléments nouveaux postérieurs aux adhésions et à l'homologation. La nature même du concordat, qui suppose la conclusion entre créanciers et débiteur d'un accord homologué judiciairement, exclut que l'accord qui fonde la décision d'homologation puisse être revu ou modifié par la suite au gré de l'une ou l'autre des parties. Le cas des créances contestées est prévu par les art. 305 al. 3 et 315 al. 1 LP. En l'espèce, si X.________ SA avait l'intention de contester la créance de Y.________ SA ou pour une quelconque raison de ne pas s'acquitter du montant promis de 20'610 fr. 
90, elle devait en informer tant cette société que le juge du concordat. En effet, lors des pourparlers qui ont entouré l'homologation du concordat, elle était en possession de tous les éléments dont elle a fait état ultérieurement pour s'opposer au paiement de la plus grande partie du montant promis de 20'610 fr. 90. Dès lors, les conditions d'application de l'art. 316 LP sont réalisées et le concordat doit être révoqué en ce qui concerne Y.________ SA (jugement attaqué, consid. 4). 
 
 
c) Comme déjà évoqué (cf. consid. a supra), l'autorité cantonale a considéré que X.________ SA n'a pas apporté la preuve que Y.________ SA avait accepté de reprendre et de réparer un certain nombre d'articles gratuitement dans le cadre de ses obligations de garantie. En conséquence, elle ne saurait exciper de l'inexécution par Y.________ SA de ses obligations de garantie pour refuser de verser le dividende promis (jugement attaqué, consid. 5a). 
 
d) Par ailleurs, toujours selon les juges cantonaux, X.________ SA a bel et bien procédé à une compensation en retenant une partie du dividende, contrairement à ce qu'elle a indiqué pour la première fois dans ses conclusions en cause. 
Or elle n'était pas en droit d'invoquer la compensation à concurrence de 11'170 fr. avec le dividende de 20'610 fr. 90 qu'elle avait reconnu devoir, cette compensation étant injustifiée dans son principe - tout particulièrement en raison de l'absence de toute contestation au moment de l'homologation du concordat - comme dans sa mesure. En effet, si l'on admettait la compensation opérée par X.________ SA, celle-ci obtiendrait par ce biais un paiement à 100% tandis que Y.________ ne toucherait que le 18% de sa facture; bien plus, si le retour de marchandise avait porté sur une somme supérieure au dividende, c'est Y.________ SA qui serait devenue débitrice, malgré l'ardoise de plusieurs dizaines de milliers de francs à la charge de X.________ SA (jugement attaqué, consid. 5b et c). 
 
3.- a) La recourante se plaint d'abord d'une appréciation arbitraire des preuves par l'autorité cantonale (cf. 
consid. 2a et 2c supra). Elle soutient en effet avoir apporté la preuve que la marchandise pour laquelle elle a opéré la retenue de 11'170 sur le versement du dividende était défectueuse, qu'elle a été retournée à Y.________ SA dans le délai légal d'un an pour être réparée et qu'elle a effectivement été réparée, mais que Y.________ SA conditionnait le retour de la marchandise au paiement de son prix total (à savoir les 11'170 fr. objet de la facture du 30 juillet 1997). 
 
b) En ce qui concerne l'application du droit matériel, la recourante reproche aux juges cantonaux d'être tombés dans l'arbitraire en retenant qu'elle avait invoqué la compensation (cf. consid. 2d supra); elle soutient avoir en réalité invoqué l'exception d'inexécution de l'art. 82 CO
C'est également de manière arbitraire que l'autorité cantonale aurait retenu que si la recourante avait l'intention de ne pas s'acquitter de l'entier du dividende, elle devait en informer l'intimée et le juge du concordat en application des art. 305 al. 3 et 315 al. 1 LP (cf. consid. 2b supra); en effet, la créance produite par l'intimée dans le sursis n'avait aucune raison d'être contestée par la recourante. 
Enfin, le jugement attaqué heurterait le sentiment de la justice et de l'équité dans la mesure où il cautionnerait le comportement par lequel l'intimée a tenté d'obtenir un avantage illicite en facturant une seconde fois la marchandise qui lui avait été renvoyée pour réparation (cf. consid. 2a supra) tout en obtenant un dividende calculé sur l'entier de la première facturation. 
 
4.- a) Aux termes de l'art. 316 al. 1 LP - tel qu'il faut le lire en français, conformément aux textes allemand et italien, selon l'annotation de pied de page figurant au recueil systématique du droit fédéral (RS 281. 1) -, "tout créancier à l'égard duquel le concordat n'est pas exécuté peut en faire prononcer la révocation par l'autorité compétente pour ce qui le concerne, tout en conservant les droits nouveaux acquis en vertu du concordat". Cette disposition correspond exactement à l'ancien art. 315 LP. Dans le concordat ordinaire, le créancier donne au débiteur quittance pour le solde de la dette dépassant le dividende, à condition que le concordat soit régulièrement exécuté; en cas d'exécution irrégulière de ce dernier, le créancier a le droit de demander la révocation du concordat en ce qui le concerne, de sorte qu'il ne soit plus tenu par la quittance partielle donnée tout en conservant les droits acquis par le concordat (ATF 110 III 40 consid. 2b; Guggisberg, op. cit. , n. 10 ss ad art. 314 LP). 
 
 
b) Il n'est pas nécessaire d'examiner les griefs d'appréciation arbitraire des preuves soulevés par la recourante (cf. consid. 3a supra). En effet, même si la version des faits soutenue par la recourante devait être admise, le jugement attaqué résisterait au grief d'arbitraire, ainsi qu'on va le voir. 
 
c) Il n'est pas contesté que la prétention de 11'170 fr. déduite par la recourante concerne une partie des marchandises livrées en mai 1996. En effet, la recourante expose elle-même que le montant de 11'170 fr. correspond au prix même des marchandises retournées. La prétention de 11'170 fr. 
déduite par la recourante était ainsi connexe à la créance de 114'505 fr. 10 - correspondant au prix des marchandises livrées de mai à juillet 1996 - produite par l'intimée dans le cadre du concordat. Par ailleurs, il est constant que la recourante était en mesure d'exercer sa prétention antérieurement à la conclusion et à l'homologation du concordat en contestant la créance de l'intimée à concurrence de 11'170 fr., puisqu'elle pouvait faire valoir que le contrat n'avait pas été correctement exécuté en ce qui concernait les marchandises correspondant à ce montant. 
 
d) En ce qui concerne les conditions auxquelles le débiteur peut compenser dans la procédure concordataire ses prétentions contre un créancier avec ses dettes envers celui-ci, on peut se référer par analogie à la jurisprudence développée sur la compensation dans la faillite (cf. ATF 125 III 154 consid. 3 sur l'application par analogie à la procédure concordataire des principes applicables dans la procédure de faillite). Or selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la compensation par la masse des prétentions d'un créancier avec les créances que le failli peut avoir contre celui-ci doit être exercée, sauf circonstances exceptionnelles, au plus tard au moment de la publication de l'état de collocation (ATF 109 III 112 consid. 4a et les arrêts cités). Une telle compensation ne peut en particulier plus être exercée au stade de la distribution des deniers, de telle manière que la créance du failli soit compensée avec le seul dividende et non avec le montant intégral de la créance admise à l'état de collocation (ATF 76 III 13 consid. 1 in fine et les arrêts cités). 
 
e) Dès lors, il n'apparaît pas arbitraire de considérer que la recourante - qui, bien qu'elle fût déjà lors de la conclusion du concordat en mesure de faire valoir sa réclamation, s'était néanmoins engagée sans réserve à payer dans le mois suivant l'homologation un dividende de 18% (soit 20'610 fr. 90) sur une somme de 114'505 fr. - n'était pas fondée à opérer la compensation avec le dividende promis, de sorte que l'inexécution du concordat entraînait sa révocation à l'égard de l'intimée en application de l'art. 316 LP (cf. 
dans ce sens déjà le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois reproduit in JdT 1894 p. 471). C'est au contraire la solution opposée qui serait particulièrement choquante dans son résultat car, alors que l'intimée a accepté de renoncer dans le cadre du concordat à plus de quatre cinquièmes de sa créance de 114'505 fr. 10 pour se contenter d'un dividende de 20'610 fr. 90, la compensation invoquée par la recourante permettrait à celle-ci de ne payer en fin de compte que 9'440 fr. 90 - soit moins de la moitié du dividende de 18% promis, ou quelque 8% de la créance de l'intimée - tout en restant en possession de marchandises pour un montant de 103'335 fr. 10 (114'505 fr. 10 moins 11'170 fr.) correspondant à 90% de la créance de l'intimée. L'absurdité d'une telle solution est plus patente encore dans l'hypothèse où le retour de marchandise aurait porté sur une somme supérieure au dividende, car la recourante aurait alors pu se soustraire intégralement au paiement du dividende tout en conservant la plus grande partie de la marchandise livrée (cf. consid. 2d in fine supra). 
 
f) La recourante ne saurait par ailleurs prétendre avoir été fondée à refuser d'exécuter le concordat en application de l'art. 82 CO. En effet, le dividende promis de 20'610 fr. 90 n'était pas dû en exécution du contrat synallagmatique portant sur la livraison de marchandises, mais en exécution du concordat par lequel l'intimée acceptait, moyennant paiement du dividende, de renoncer au solde de sa créance (cf. consid. a supra). 
 
5.- En définitive, le recours se révèle manifestement mal fondé et ne peut par conséquent qu'être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Vu l'issue du recours, l'intimée a en outre droit de la part de la recourante à une indemnité à titre de dépens pour sa détermination sur la requête d'effet suspensif (art. 159 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu de lui allouer d'autres dépens, dès lors qu'elle n'a pas été invitée à répondre au recours et n'a en conséquence pas assumé de frais pour la procédure sur le fond (Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours. 
 
2. Met à la charge de la recourante: 
a) un émolument judiciaire de 5'000 fr.; 
b) une indemnité de 200 fr. à verser à l'intimée 
à titre de dépens. 
 
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la première Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
__________ 
Lausanne, le 15 mai 2000 ABR/frs 
 
Au nom de la IIe Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE : 
Le Président, Le Greffier,