Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1033/2023
Arrêt du 8 juillet 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys, Muschietti, van de Graaf et von Felten.
Greffier : M. Barraz.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Sébastien Fanti, avocat,
recourant,
contre
1. Ministère public central du canton du Valais, rue des Vergers 9, case postale, 1950 Sion 2,
2. B.________,
représenté par Me Nicolas Rouiller, avocat,
intimés.
Objet
Défaut d'opposition à une publication constituant
une infraction (art. 322bis CP); arbitraire;
principe d'accusation; principe de célérité,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour pénale I, du 27 juin 2023 (P1 21 127).
Faits :
A.
Par acte d'accusation du 31 mai 2021, le Ministère public du canton du Valais a demandé la mise en accusation de A.________ pour les motifs suivants:
"
Le site "
C.________.ch "
, dont A.________ est le responsable rédactionnel, a publié, en mars 2019, un article intitulé "
Le TF condamne B.________ pour avoir soustrait au fisc CHF 267'609.-", alors que l'arrêt du Tribunal fédéral en question (2C_xxxx/2017 du 5 février 2019) ne porte nullement sur une soustraction fiscale, ni sur une condamnation de ce chef, mais sur un différend dans la comptabilisation d'une avance sur indemnités qui a fait l'objet d'une reprise fiscale, à la suite d'une procédure usuelle.
A.________ invoque que le terme "soustraction" est l'une des opérations basiques de l'arithmétique, soit l'opposé de l'addition, et y déduire une quelconque connotation pénale serait une fausse interprétation de l'article publié sur le site "C.________.ch".
Dans le contexte présent, à savoir la taxation fiscale, une définition du terme soustraction est ancrée dans la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LFID), à l'art. 175 al. 1. Ainsi commet une soustraction, le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète. L'utilisation de ce terme dans le contexte était donc erronée.
L'article publié sur le site "C.________.ch" fait apparaître B.________ comme une personne qui a non seulement manqué à ses obligations en tant que contribuable, mais qui a également commis une infraction pénale. Le fait de prétendre qu'une personne a commis une infraction pénale porte atteinte à sa considération d'homme honorable.
En tant que responsable rédactionnel du site "C.________.ch", A.________ avait l'obligation - avant de le publier - de vérifier le contenu de l'article en question rédigé par un tiers ainsi que l'arrêt du Tribunal fédéral y relatif. Il se serait aperçu que ce dernier ne traitait nullement d'une soustraction fiscale.
Cela étant, en publiant des propos qui font apparaître B.________ comme contribuable ayant commis une infraction pénale sous forme d'une soustraction fiscale, alors que cela n'était en l'espèce pas le cas, A.________ s'est rendu coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 CP). En tant que professeur d'Université émérite, il ne pouvait ignorer la portée du terme soustraction fiscale dans le présent contexte ".
B.
B.a. Lors des débats de première instance du 11 octobre 2021, le Juge I du district de Sierre a rejeté la demande formulée par B.________ visant à l'extension de l'acte d'accusation aux art. 174 CP, respectivement 322bis CP
cum 28 CP. Il s'est également prononcé sur la question - débattue par A.________ - du for, jugeant que la contestation de ce dernier ne respectait pas l'exigence d'immédiateté imposée par l'art. 41 al. 1 CPP.
B.b. Par jugement du 11 octobre 2021, le Juge I du district de Sierre a reconnu A.________ coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 CP). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 150 fr. le jour, assortie d'un sursis à l'exécution de deux ans, ainsi qu'à une amende de 750 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif étant fixée à cinq jours.
C.
C.a. Par acte du 21 avril 2023, la Juge de la Cour pénale I du Tribunal cantonal du Valais a informé les parties que les faits décrits dans l'acte d'accusation du 31 mai 2021 seraient également examinés sous l'angle de l'art. 322bis CP.
C.b. Par jugement du 27 juin 2023, la Cour pénale I du Tribunal cantonal du Valais a rejeté l'appel de A.________ et a très partiellement admis celui de B.________. Ainsi, elle a reconnu A.________ coupable de défaut d'opposition à une publication constituant une infraction (art. 322bis CP) en lieu et place de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 150 fr. le jour, assortie d'un sursis à l'exécution de deux ans.
C.c. La Cour pénale I du Tribunal cantonal du Valais a statué sur la base des faits suivants:
C.c.a. Le 8 mars 2019, le site "C.________.ch", dont A.________ est le responsable rédactionnel, a publié un article intitulé "Le TF condamne B.________ pour avoir soustrait au fisc CHF 267'609.-" alors que l'arrêt du Tribunal fédéral en question (2C_xxxx/2017 du 5 février 2019) ne porte ni sur une soustraction fiscale, ni sur une condamnation de ce chef, mais sur un différend dans la comptabilisation d'une avance sur indemnités qui a fait l'objet d'une reprise fiscale à la suite d'une procédure usuelle. L'identité de l'auteur n'est pas connue. L'article litigieux a la teneur suivante:
"
Le TF condamne B.________ pour avoir soustrait au fisc CHF 267'609.-.
L'avocat-polémiste B.________, rendu célèbre notamment par ses diatribes contre D.________, s'est fait prendre la main dans le sac par le fisc valaisan pour avoir "
oublié" de déclarer CHF 200'000.- de revenus en 2008 et pour avoir indûment et systématiquement déduit de ses revenus CHF 67'609 durant les années 2008 à 2011. Le Tribunal fédéral vient de le condamner en dernière instance pour cette tricherie fiscale.
Tel est pris qui croyait prendre. Le plus grand donneur de leçons que le Valais ait jamais connu s'est fait prendre la main dans le sac. En 2008, il a "oublié" de déclarer CHF 200'000.- dans ses revenus imposables. Ce montant correspond à l'indemnité de départ touchée au moment de quitter l'étude à laquelle il était associé jusqu'en 2007. Le fisc valaisan s'en est rendu compte en 2013 et a prononcé une reprise d'impôts pour ces CHF 200'000.-, mais a également pour plusieurs autres montants que B.________ avait indûment et systématiquement portés en déduction de ses revenus pour les années 2008 (CHF 9'500.-), 2009 (CHF 11'459.-), 2010 (CHF 19'262.-) et 2011 (CHF 27'388.-), soit un montant total de CHF 67'609.-. B.________ a recouru contre le fisc valaisan, d'abord auprès de la Commission de recours en matière fiscale du canton du Valais, puis auprès du Tribunal fédéral. Dans un arrêt du 5 février 2019 (2C_xxxx/2017), ce dernier a définitivement donné tort au trublion valaisan en balayant point par point chacun de ses arguments et en mettant à sa charge des frais judiciaires à hauteur de CHF 3'500.-. La décision de la plus haute instance judiciaire du pays se lit comme une véritable leçon de droit infligée à celui qui se prévaut pourtant si souvent de ses compétences juridiques pour crédibiliser les chroniques de son blog. [...] Aujourd'hui, ironie de l'histoire ou juste retour de bâton selon l'angle d'approche que l'on adopte, B.________ est condamné pour avoir soustrait au fisc d'importants montants. Après la crédibilité juridique, c'est la crédibilité morale de l'homme qui s'effondre comme un château de cartes. [...] À l'évidence, le récent arrêté du Tribunal fédéral relève de l'intérêt public tant le décalage est abyssal entre la posture adoptée par l'homme dans ses écrits et la réalité de ses tricheries avec le fisc valaisan. [...] Protégé par les médias traditionnels, mais démasqué par le Tribunal fédéral, B.________ devrait, pour mieux comprendre la trajectoire du caillou qui lui revient aujourd'hui en pleine figure, prendre le temps de relire et de méditer un instant le chapitre 8 de l'évangile selon Jean."
C.c.b. A.________ a publié l'article sur le site "C.________.ch" dans le dessein de dire du mal de B.________, ce sans n'avoir procédé à aucune vérification particulière. Pourtant, une simple lecture de l'arrêt du Tribunal fédéral concerné aurait permis à A.________ de se rendre compte que les informations contenues dans l'article étaient erronées, sans qu'il n'eut besoin de connaissances juridiques approfondies. Cet article - qui a connu une certaine notoriété - a été retiré au plus tôt le 16 mars 2019 du blog de A.________, soit six jours après qu'il ait eu connaissance de la position de B.________ sur son contenu.
D.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal du 27 juin 2023. Avec suite de frais et dépens, il conclut principalement à la réforme du jugement attaqué dans le sens de son acquittement, subsidiairement à ce qu'il soit dispensé de toute peine.
Considérant en droit :
1.
Manifestement tardif, le complément de recours adressé le 18 janvier 2024 par le recourant au Tribunal fédéral est irrecevable. Il n'en sera pas tenu compte (cf. art. 100 al. 1 LTF).
2.
Dans une section de son mémoire intitulée "
Faits pertinents retenus par le Tribunal cantonal et non contestés ", le recourant énonce divers éléments qui ne ressortent pas - ou que partiellement - du jugement attaqué, sans simultanément invoquer et établir que leur omission serait arbitraire. Une telle démarche, appellatoire, est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2).
3.
Invoquant une violation de l'interdiction de l'arbitraire, le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré qu'il aurait publié l'article litigieux alors que, selon lui, E.________ aurait affirmé dans sa déclaration du 15 mai 2023 que c'était lui qui éditait les articles.
3.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).
3.2. La cour cantonale a considéré que le recourant n'était pas crédible lorsqu'il déclarait - pour la première fois lors des débats de première instance alors qu'il l'avait jusqu'ici admis à plusieurs reprises - qu'il aurait oublié s'il avait publié l'article sur son site, respectivement qu'il ne l'aurait pas fait. Selon elle, ce changement de version est manifestement guidé par les besoins de la défense et n'est soutenu par aucun élément du dossier. Quant aux déclarations de E.________, la cour cantonale a jugé qu'elles ne révélaient rien au sujet de la publication de l'article litigieux mais apportaient uniquement des précisions sur sa suppression.
3.3. En se contentant de contester le fait qu'il ait été à l'origine de la publication litigieuse et de se référer aux déclarations de E.________, le recourant ne formule pas un grief suffisamment motivé eu égard aux exigences accrues découlant des art. 42 et 106 al. 2 LTF .
Il convient néanmoins d'abonder dans le sens de la cour cantonale quant au contenu des déclarations écrites de E.________ du 15 mai 2023. Pour cause, il y indique uniquement "
éditer des articles sur le site ", et non avoir publié l'article litigieux. Pour ce motif également, le grief du recourant est irrecevable.
4.
Le recourant invoque une violation de l'art. 31 CPP et conteste la compétence des autorités de poursuite pénale valaisannes. La grande majorité de ses explications - du moins celles qui sont intelligibles - reposent sur le postulat selon lequel il n'aurait pas publié l'article litigieux et qu'il ne l'aurait appris qu'à réception des déclarations du 15 mai 2023 de E.________, postulat toutefois rejeté (v.
supra consid. 3.3). Dans cette mesure, son grief est irrecevable.
5.
Invoquant une violation du principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation (art. 344 CPP), le recourant conteste sa condamnation pour défaut d'opposition à une publication constituant une infraction au sens de l'art. 322bis CP. Selon lui, certains des éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction visée ne figureraient pas - ou seulement de manière peu claire - dans l'acte d'accusation du 31 mai 2021, soit en particulier le rôle qui doit lui être attribué, la condition de la subsidiarité de la poursuite au sens de l'art. 322bis
cum 28 al. 2 CP ou encore l'intention, respectivement la négligence.
5.1.
5.1.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 143 IV 63 consid. 2.2). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Il peut également retenir dans son jugement des faits ou des circonstances complémentaires, lorsque ceux-ci sont secondaires et n'ont aucune influence sur l'appréciation juridique. Le principe de l'accusation est également déduit de l'art. 29 al. 2 Cst., de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation; arrêts 6B_997/2023 du 28 mars 2024 consid. 2.1; 6B_1486/2022 du 5 février 2024 consid. 5.1.1; 6B_1166/2022 du 2 août 2023 consid. 3.1.1).
5.1.2. Selon l'art. 325 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur, les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 143 IV 63 consid. 2.2; arrêt 6B_997/2023 précité consid. 2.2). Que certains éléments constitutifs de l'infraction ne ressortent qu'implicitement de l'état de fait compris dans l'acte d'accusation ne constitue pas une violation de la maxime d'accusation, pour autant que le prévenu puisse préparer efficacement sa défense (arrêts 6B_398/2022 du 22 mars 2023 consid. 1.1; 6B_397/2014 du 28 août 2014 consid. 1.2; 6B_186/2010 du 23 avril 2010 consid. 2.3).
5.2. Le rôle du recourant est clairement définit dans l'acte d'accusation du 31 mai 2021 (cf.
supra consid. A). Ainsi, il est décrit à deux reprises comme le "
responsable rédactionnel " du site "C.________.ch", puis comme celui ayant publié l'article litigieux. Quant à la condition de la subsidiarité de la poursuite, l'acte d'accusation précité mentionne que l'article litigieux a été "
rédigé par un tiers ", soit une personne dont l'identité n'a pas été établie. Bien qu'implicitement, cela ne laisse aucun doute quant au fait que, de l'avis du ministère public, la responsabilité pénale du recourant découle du fait que dit tiers n'a pas été identifié. Pour ce qui est finalement de l'élément constitutif subjectif, si le terme "intentionnellement" n'y figure pas expressément, l'acte d'accusation reproche au recourant, en sa qualité de responsable rédactionnel, d'avoir publié l'article litigieux sans effectuer la moindre vérification, ce qui lui aurait pourtant permis de s'apercevoir du caractère illicite de ce dernier. Une telle formulation, exempte de toute référence à une éventuelle négligence, ne saurait être comprise que comme une mise en accusation pour un acte intentionnel, à tout le moins implicitement. Sous l'angle de la possibilité de préparer efficacement sa défense, il convient encore de relever que le recourant a initialement été renvoyé en jugement pour diffamation, infraction qui ne peut être commise qu'intentionnellement.
Aucun des arguments soulevés par le recourant ne laisse dès lors entendre que la cour cantonale se serait écartée de l'état de fait tel que décrit dans l'acte d'accusation du 31 mai 2021 et ainsi, qu'elle aurait violé le principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation en le condamnant au titre de l'art. 322bis CP. Partant, son grief est rejeté.
6.
Le recourant conteste s'être rendu coupable de défaut d'opposition à une publication constituant une infraction (art. 322bis
cum 28 al. 2 CP).
6.1.
6.1.1. Depuis les faits, l'art. 322bis CP a fait l'objet d'une modification, entrée en vigueur le 1er juillet 2023 (RO 2023 259; Message du Conseil fédéral du 25 avril 2018 concernant la loi fédérale sur l'harmonisation des peines et la loi fédérale sur l'adaptation du droit pénal accessoire au droit des sanctions modifié - FF 2018 2889, p. 2956 ss). Toutefois, indépendamment de la nature plus favorable ou non du nouvel art. 322bis CP, c'est celui dans sa teneur au 1er mars 2019 qui sera appliqué en l'espèce, compte tenu du fait que le jugement attaqué a été rendu le 27 juin 2023 - date à prendre en compte pour fixer le moment de la "mise en jugement" au sens de l'art. 2 al. 2 CP - soit avant l'entrée en vigueur de la modification législative précitée (ATF 145 IV 137 consid. 2.8, in JdT 2019 IV 270).
6.1.2. En vertu de l'art. 322bis CP, dans sa teneur en vigueur au 1er mars 2019, la personne responsable au sens de l' art. 28 al. 2 et 3 CP d'une publication constituant une infraction sera punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire si, intentionnellement, elle ne s'est pas opposée à la publication. Si elle a agi par négligence, la peine sera l'amende.
6.1.3. Conformément à l'art. 28 CP, lorsqu'une infraction a été commise et consommée sous la forme de publication par un média, l'auteur est seul punissable, sous réserve des dispositions suivantes (al. 1). Si l'auteur ne peut être découvert ou qu'il ne peut être traduit en Suisse devant un tribunal, le rédacteur responsable est punissable en vertu de l'art. 322bis CP. À défaut de rédacteur, la personne responsable de la publication en cause est punissable en vertu de ce même article (al. 2).
6.1.4. Compte tenu de ce qui précède, il s'agit tout d'abord d'examiner si les conditions préalables à l'application de l'art. 322bis CP sont remplies, à savoir la commission d'une infraction primaire (cf.
infra consid. 6.2) ayant fait l'objet d'une publication (cf.
infra consid. 6.3) dans un média (cf.
infra consid. 6.4) et ayant été consommée de ce fait (cf.
infra consid. 6.5), dont le recourant n'est pas l'auteur au sens de l'art. 28 al. 1 CP (cf.
infra consid. 6.6) et dont l'auteur au sens de cette même disposition ne peut être découvert ou ne peut être traduit en Suisse devant un tribunal (cf.
infra consid. 6.7). Il s'agit ensuite d'examiner si les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'art. 322bis CP sont réalisés, à savoir si le recourant est une personne responsable au sens de l'art. 28 al. 2 CP (cf.
infra consid. 6.8), s'il s'est rendu coupable du comportement typique décrit par l'art. 322bis CP, soit un défaut d'opposition à la publication (cf.
infra consid. 6.9), et s'il a agi intentionnellement ou par négligence (cf.
infra consid. 6.10). Il s'agit finalement d'examiner si le recourant est admis à se prévaloir des preuves libératoires de l'art. 173 ch. 2 CP, cas échéant avec succès (cf.
infra consid. 6.11) et si la condition procédurale du dépôt de plainte contre l'auteur de l'infraction primaire est remplie (cf.
infra consid. 6.12).
6.2. L'application de l'art. 322bis CP présuppose tout d'abord, selon la lettre claire de la loi, la commission d'une infraction primaire (ATF 147 IV 65 consid. 5.3; 130 IV 121 consid. 1.3; arrêts 6S.110/2005 du 1er septembre 2005 consid. 4.3, non publié in ATF 131 IV 160; 6B_645/2007 du 2 mai 2008 consid. 6.3, in SJ 2008 I 373).
En l'espèce, c'est à juste titre que la cour cantonale a considéré que les propos tenus dans l'article litigieux étaient de nature diffamatoire (jugement attaqué consid. 5.4.1), ce que le recourant ne conteste au demeurant pas. Partant, cette première condition est remplie.
6.3. L'application de l'art. 322bis CP présuppose également, toujours selon la lettre claire de la loi, que l'infraction primaire (cf.
supra consid. 6.2) ait fait l'objet d'une publication (ATF 147 IV 65 consid. 5.3; 130 IV 121 consid. 1.3; arrêt 6S.110/2005 précité consid. 4.3). Par publication, il faut entendre la mise à disposition d'un écrit, d'une image ou d'un son au public, respectivement à un cercle indéterminé de personnes. Un écrit, une image ou un son doit déjà être considéré comme publié s'il est répandu dans un cercle limité de personnes, à condition qu'il ne soit pas remis seulement à des personnes déterminées mais, à l'intérieur du cercle, à quiconque s'y intéresse. Enfin, il y a également publication lorsque le moyen technique de communication est mis en circulation et n'est plus sous le contrôle de son créateur (ATF 128 IV 53 consid. 5c; 125 IV 177 consid. 4; 117 IV 364 consid. 2b; 82 IV 71 consid. 4; 74 IV 129 consid. 2 in JdT 1948 IV 136; v. également en ce sens DONATSCH/GODENZI/TAG, Strafrecht I, 10e éd. 2022, p. 209; NOBEL/WEBER, Medienrecht, 4e éd. 2021, p. 415; WERLY, in Commentaire romand, Code pénal I, 2e éd. 2021, no 15
ad art. 28 CP; KILLIAS/KUHN/DONGOIS, Précis de droit pénal général, 4e éd. 2016, note de bas de page no 106; BARRELET, Droit de la communication, 1re éd. 1998, p. 332).
L'article litigieux a été publié sur le site "C.________.ch", site auquel sont abonnés 80'000 personnes et qui est consulté par plus de 2'000 lecteurs par jour, selon les dires du précité (jugement attaqué consid. 3.2). Ainsi, le cercle de personnes ayant potentiellement eu la possibilité de consulter l'article litigieux était indéterminé, à tout le moins très important. Il y a dès lors lieu de considérer que l'article litigieux a été publié, cette deuxième condition étant donc remplie.
6.4. L'application de l'art. 322bis CP présuppose encore que la publication litigieuse intervienne dans un média. À propos de cette notion, il peut être fait référence à l'ATF 147 IV 65 consid. 5.4, lequel en décrit précisément les contours. Il sera uniquement rappelé qu'il s'agit d'une notion ouverte et évolutive devant être interprétée largement et qui, à tout le moins, couvre tous les supports de communication (journaux, revues, radio, télévision, etc.) et tous les moyens de communication (vidéo, télétexte, courriel, internet, etc.), le but poursuivi par le média en question ne jouant aucun rôle (ATF 147 IV 65 consid. 5.4; 77 IV 193 in JdT 1952 IV 64; BORN/BLATTMANN/ CANONICA/STUDER, Medienrecht der Schweiz, 2e éd. 2023, p. 141; DONATSCH/GODENZI/TAG,
op. cit., p. 2 08; WERLY,
op. cit., no 14
ad art. 28 CP; RIEDO/BEGLINGER, in PJA 10/2021, p. 1260; KILLIAS/KUHN/DONGOIS,
op. cit., note de bas de page no 1 05).
En l'espèce, la publication litigieuse a été diffusée sur le site "C.________.ch", décrit par la cour cantonale comme le "
blog " du recourant (jugement attaqué consid. 1.6.3), les références journalistiques étant nombreuses ("article", "lecteurs", "abonnés", "publication", "responsable rédactionnel" - v. notamment jugement attaqué consid. 1.6.3, 2.1 et 5.4.1). En tous les cas, la cour cantonale a considéré, sans autre explication, qu'il s'agissait d'un média (jugement attaqué consid. 5.4.1, p. 19). Il convient de confirmer cette appréciation, dans la mesure où le site "C.________.ch" s'apparente à un journal en ligne destiné à informer un large public, ce que le recourant ne conteste au demeurant pas. Partant, cette troisième condition préalable est également remplie.
6.5. L'application de l'art. 322bis CP présuppose, en quatrième lieu, que l'infraction primaire soit "consommée" ("
erschöpft " en allemand ou "
consumato " en italien) par la publication dans un média (l'art. 28 al. 1 CP parle d'une infraction "commise et consommée" sous forme de publication par un média; v. ATF 147 IV 65 consid. 5.5 et les références citées; KILLIAS/KUHN/DONGOIS,
op. cit., note de bas de page no 1 07). Ainsi, toutes les atteintes commises par la voie des médias n'entrent pas en ligne de compte, l'art. 28 CP, et par extension l'art. 322bis CP, visant uniquement des infractions que la seule publication rend possibles et effectives. En d'autres termes, le comportement réprimé doit pouvoir se réaliser du seul fait qu'un tiers prenne connaissance de la pensée exprimée par l'écrit, l'image ou le son. Il en va généralement ainsi de tous les délits d'expression de la pensée ("
Gedankenäusserungsdelikte "), dont notamment - mais pas uniquement - les infractions contre l'honneur des art. 173 ss CP (ATF 128 IV 53 consid. 5c; 125 IV 206 consid. 3b; BORN/ BLATTMANN/CANONICA/STUDER,
op. cit., p. 142; DONATSCH/GODENZI/TAG,
op. cit., p. 2 1 0 et 211; ZELLER, in Basler Kommentar, Strafrecht, 4e éd. 2019, no 64
ad art. 28 CP; RIEDO/BEGLINGER,
op. cit., p. 1260; pour une liste étendue des infractions concernées, v. WERLY,
op. cit., no 16
ad art. 28 CP; EQUEY, La responsabilité pénale des fournisseurs de services Internet, 1re éd. 2016, p. 125 ss). En revanche, les infractions ayant besoin d'un agissement de la victime pour être consommées ne peuvent satisfaire à cette condition, dès lors que la publication ne suffit pas à consommer juridiquement l'infraction (ATF 125 IV 206 consid. 3b; WERLY,
op. cit., no 16
ad art. 28 CP et les références citées). Il convient finalement de relever qu'en sus de ce qui précède, l'application de l'art. 28 CP n'est possible que si elle n'est pas contraire au but que poursuivait le législateur en réprimant l'infraction primaire concernée, ce qui est notamment le cas des art. 135, 197 al. 4 et 261bis al. 4 CP, puisque ces infractions ont précisément pour objectif d'empêcher la publication de certaines représentations brutales, pornographiques et discriminatoires (ATF 125 IV 206 consid. 3c; en ce sens, v. également DONATSCH/GODENZI/TAG,
op. cit., p. 2 12 et les références citées).
En l'espèce, les propos tenus dans l'article litigieux sont constitutifs de diffamation (cf.
supra consid. 6.2), infraction contre l'honneur dont il est généralement admis qu'elle peut constituer un délit de presse au sens de l'art. 28 CP, tant elle est consommée par la publication même dans un média (ATF 125 IV 206 consid. 3b; 122 IV 311; 118 IV 153 consid. 4; 117 IV 27 consid. 2c; 106 IV 161 consid. 3). Ainsi, cette quatrième condition est remplie.
Il convient néanmoins de relever que la situation sous revue présente une particularité. Pour cause, l'infraction de diffamation doit être considérée comme consommée dès lors qu'un tiers prend effectivement connaissance de l'allégation attentatoire à l'honneur (en ce sens, v. arrêt 6B_69/2016 du 29 septembre 2016 consid. 2.3.2; DONATSCH/GODENZI/TAG,
op. cit., p. 2 11; RIEBEN/MAZOU, in Commentaire romand, Code pénal II, 1re éd. 2017, no 14
ad art. 173 CP et les références citées). Cela implique qu'en l'espèce, l'infraction de diffamation a été consommée une première fois lorsque l'auteur (inconnu) de l'article litigieux a envoyé son projet d'article au recourant et que celui-ci en a pris connaissance (jugement attaqué consid. 3.2). Par la suite, l'infraction de diffamation a été consommée une seconde fois, de manière indépendante, lorsque les lecteurs et/ou abonnés du site "C.________.ch" ont pris connaissance de l'article litigieux publié par le recourant. Si cette distinction peut, selon les cas, avoir des conséquences au moment d'examiner l'applicabilité du privilège de l'art. 28 CP à une personne donnée, elle n'enlève rien au fait que l'infraction dont il est question a été consommée par sa publication dans un média, du moins dans une deuxième phase.
6.6. L'application de l'art. 322bis CP présuppose, en cinquième lieu, que le recourant ne soit pas qualifié d'auteur initial selon l'art. 28 al. 1 CP.
6.6.1. La cour cantonale a considéré que le recourant, en sa qualité de responsable rédactionnel du site "C.________.ch" (jugement attaqué consid. 2.1), a reçu l'article litigieux par courriel ou par courrier de la part d'une personne non identifiée, à tout le moins d'une personne qu'il n'a pas souhaité nommer. Après simple lecture (
ibidem consid. 2.3.1), le recourant a pris la décision de publier l'article en question sur le site précité sans en modifier le contenu ou le titre (
ibidem consid. 3.2), dans un "
but de vérité " (
ibidem consid. 2.3.1).
6.6.2. Conformément à l'art. 28 al. 1 CP, seul l'auteur est punissable. Sa responsabilité est primaire et exclusive, ce qui implique en principe que les personnes qui rendent concrètement accessible au public un écrit constitutif d'une infraction - tels que le libraire, le vendeur de journaux, le distributeur de tracts ou encore le poseur d'affiches - ne sont pas punissables, car ils interviennent dans la chaîne de diffusion typiquement propre au média (ATF 147 IV 65 consid. 5.3; 128 IV 53 consid. 5e; DONATSCH/GODENZI/TAG,
op. cit., p. 2 13; WERLY,
op. cit., no 23; RIEDO/BEGLINGER,
op. cit., p. 1261; MUSY, in SJ 2019 II 1, p. 14; KILLIAS/ KUHN/DONGOIS,
op. cit., p. 104). Par auteur, il faut entendre non seulement la personne qui a conçu et qui a donné sa forme au contenu litigieux, mais également celui qui charge un tiers de l'établir dans le but de le publier en son nom propre, ou encore celui qui par tout autre moyen se fait passer pour son auteur et en assume la responsabilité (ATF 128 IV 53 consid. 5e; 82 IV 71 consid. 1; arrêt 6B_683/2016 du 14 mars 2017 consid. 2.3; BORN/BLATTMANN/CANONICA/ STUDER,
op. cit., p. 143; DONATSCH/ GODENZI/TAG,
op. cit., p. 2 13; WERLY,
op. cit., no 22; NOBEL/WEBER,
op. cit., p. 416; ZELLER,
op. cit., no 74
ad art. 28 CP; KILLIAS/KUHN/DONGOIS,
op. cit., p. 105; BARRELET,
op. cit., p. 331).
Compte tenu de ce qui précède, il peut d'emblée être exclu que le recourant soit qualifié d'auteur initial, au sens de l'art. 28 al. 1 CP, de l'infraction de diffamation dont il est question, à défaut pour lui d'avoir conçu et donné sa forme au contenu litigieux, d'avoir chargé un tiers de l'établir dans le but de le publier en son nom propre ou de s'être fait passer pour son auteur tout en en assumant la responsabilité.
6.7. L'application de l'art. 322bis CP présuppose finalement que l'auteur au sens de l'art. 28 al. 1 CP ne puisse être découvert ou ne puisse être traduit en Suisse devant un tribunal. Cette condition résulte de la responsabilité primaire et exclusive de l'auteur initial, telle que décrite
supra au consid. 6.6.2.
6.7.1. À cet égard, la cour cantonale a relevé que l'identité de l'auteur initial de l'article litigieux n'avait pas pu être découverte (jugement attaqué consid. 5.4.1). Quant aux reproches formulés par le recourant - reproches consistant en substance à dire que les autorités de poursuite pénale n'avaient pas entrepris les démarches nécessaires permettant de démasquer l'auteur initial - la cour cantonale a considéré qu'ils étaient sans fondement, dans la mesure où les autorités de poursuite pénale n'auraient pas pu découvrir l'identité de l'auteur initial à défaut pour le recourant d'avoir été en mesure de se souvenir de son identité et/ou du moyen par lequel l'article lui était parvenu (
ibidem consid. 3.2).
6.7.2. À l'appui de son mémoire de recours, s'il ne conteste pas que l'identité de l'auteur initial est inconnue, le recourant soutient à nouveau que les autorités de poursuite pénale auraient manqué à leurs obligations d'instruction, alors même qu'il eut été "simple" et "rapide" d'identifier l'auteur initial, soit notamment en accédant au serveur du site "C.________.ch" - serveur localisé hors des États-Unis selon le recourant - pour y collecter les données pertinentes. Il relève encore que l'auteur initial ne se cachait pas sous un pseudonyme et n'utilisait pas un VPN ou toute autre technologie similaire.
6.7.3. Tout le raisonnement du recourant est basé sur des éléments de fait qui ne ressortent pas du jugement attaqué, lequel lie pourtant le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). En particulier, rien ne permet de confirmer que l'auteur initial n'aurait pas utilisé un VPN ou de localiser les serveurs du site "C.________.ch". En cela, son grief apparaît irrecevable. Il convient encore de constater que ces éléments, même s'ils étaient avérés, sont sans pertinence. Pour cause, le recourant a déclaré de manière constante ne pas se souvenir s'il avait reçu l'article litigieux par courriel ou par courrier, et avoir procédé lui-même à sa publication (v. notamment: jugement attaqué consid. 3.2). Ainsi, il n'appert pas que l'auteur initial ait, à quelque moment que ce soit, laissé des traces sur le serveur du site précité, n'ayant pas directement été à l'origine de la publication. La seule méthode d'identification proposée par le recourant n'est dès lors pas pertinente. En cela également, son grief est irrecevable.
6.7.4. Il résulte de ce qui précède que la sixième et dernière condition préalable à l'application de l'art. 322bis CP est remplie.
6.8. Ne peut être condamné au titre de l'art. 322bis CP que la personne responsable selon l'art. 28 al. 2 CP, à savoir le rédacteur responsable en premier lieu, ou la personne responsable de la publication en second lieu. En cela, le défaut d'opposition à une publication constituant une infraction est un délit propre pur (TRECHSEL/JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, in Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, TRECHSEL/PIETH [éd.], 4e éd. 2021, no 1
ad art. 322bis CP; WERLY,
op. cit., no 8
ad art. 322bis CP; DUPUIS ET AL., Petit Commentaire du Code pénal, 2e éd. 2017, no 4
ad art. 322bis CP).
Cette responsabilité de la personne responsable n'est que subsidiaire (DONATSCH/GODENZI/TAG,
op. cit., p. 2 13; WERLY,
op. cit., no 5
ad art. 322bis CP). Elle suppose que l'intervenant subsidiaire en question assume effectivement une responsabilité lui permettant d'exercer une surveillance et le pouvoir d'intervenir si besoin est, ce qui doit être établi au cas par cas par les autorités de poursuite pénale, cas échéant avec l'aide du mécanisme prévu à l'art. 322 CP (Message du Conseil fédéral du 17 juin 1996 concernant la modification du Code pénal suisse et du Code pénal militaire, p. 560, in FF 1996 IV 533; BORN/BLATTMANN/CANONICA/STUDER,
op. cit., p. 144; WERLY,
op. cit., no 8
ad art. 322bis CP; ZELLER,
op. cit., no 93
ad art. 28 CP; DUPUIS ET AL.,
op. cit., no 5
ad art. 322bis CP; CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Volume II, 3e éd. 2010, p. 803). Par rédacteur responsable au sens de l'art. 28 al. 2 CP, il faut entendre la personne disposant concrètement d'un certain pouvoir de décision sur la sélection des contenus spécifiquement destinés à être publiés et assumant la responsabilité de ceux-ci (ATF 100 IV 5 consid. 2; N OBEL/WEBER,
op. cit., p. 419; ZELLER,
op. cit., no 96
ad art. 28 CP et les références citées). Quant à la personne responsable de la publication au sens de cette même disposition, il s'agit de celle qui exerce effectivement une responsabilité la mettant en mesure d'exercer une surveillance et d'intervenir si nécessaire (ATF 128 IV 53 consid. 5e et les références citées; v. également DONATSCH/GODENZI/TAG,
op. cit., p. 2 15; BORN/BLATTMANN/ CANONICA/STUDER,
op. cit., p. 144; ZELLER,
op. cit., no 100
ad art. 28 CP).
Après avoir plusieurs fois qualifié le recourant de responsable rédactionnel du site "C.________.ch", la cour cantonale a fini par dire qu'il revêtait la qualité de personne responsable de la publication au sens de l'art. 28 al. 2 CP (jugement attaqué consid. 5.4.1
in fine). Bien qu'il eût plutôt fallu le qualifier de rédacteur responsable - compte tenu notamment du fait qu'il décidait seul de la publication ou non d'un article, de sorte qu'il disposait concrètement d'un certain pouvoir de décision sur la sélection des contenus spécifiquement destinés à être publiés - cette imprécision est sans conséquence. Pour cause, le recourant semble avoir assumé seul l'entier des processus liés au site "C.________.ch", si ce n'est l'aide ponctuelle d'un modérateur, de sorte qu'il cumulait dans les faits les casquettes de rédacteur responsable et de personne responsable de la publication, ce qu'il ne conteste au demeurant pas.
6.9. Le comportement typique incriminé par l'art. 322bis CP se définit comme le fait de ne pas s'opposer à une publication constitutive d'une infraction. Il s'agit d'un délit d'omission proprement dit (CORBOZ,
op. cit., p. 803; WERLY,
op. cit., no 6
ad art. 322bis CP; ZELLER,
op. cit., no 8
ad art. 322bis CP), commis par une personne qui, ayant le pouvoir d'empêcher la publication, n'en a pas fait usage (DUPUIS ET AL.,
op. cit., no 12
ad art. 322bis CP; ZELLER,
op. cit., no 9
ad art. 322bis CP; TRECHSEL/JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL,
op. cit., no 4
ad art. 322bis CP). Il n'est pas nécessaire que le responsable n'ait rien fait du tout; il suffit qu'il n'ait pas pris la mesure appropriée (CORBOZ,
op. cit., p. 803). Il découle de l'art. 322bis CP que le responsable a l'obligation juridique d'agir et d'empêcher la publication lorsque celle-ci constitue une infraction au sens de l'art. 28 al. 1 CP (CORBOZ,
op. cit., p. 803; WERLY,
op. cit., no 6
ad art. 322bis CP).
En l'espèce, il ressort de l'état de fait cantonal que le recourant a publié l'article litigieux sur le site "C.________.ch" après une simple lecture (cf.
supra consid. 6.6.1). Ce faisant, il ne s'est pas opposé à une publication constitutive d'une infraction au sens de l'art. 28 al. 1 CP alors qu'il disposait des pouvoirs pour ce faire, et a donc adopté le comportement typique incriminé par l'art. 322bis CP, ce qu'il ne conteste au demeurant pas.
En revanche, le recourant expose que l'intimé n'a jamais sollicité que l'article litigieux soit retiré du site précité. L'ayant toutefois fait après six jours, le recourant considère qu'il n'est pas punissable au titre de l'art. 322bis CP. Ce faisant, le précité omet que l'infraction reprochée a été consommée dès la prise de connaissance par les lecteurs et/ou abonnés du site "C.________.ch" de l'article litigieux (cf.
supra consid. 6.5
in fine et les références citées). C'est dès ce moment que le recourant s'est, à son tour, rendu coupable de ne pas s'être opposé à une publication constitutive d'une infraction. La question qu'il paraît soulever - à savoir celle de l'obligation d'intervenir lorsque la publication a déjà eu lieu - est en réalité tout autre et n'est d'aucune pertinence en l'espèce, de tels agissements ne lui étant pas reprochés par la cour cantonale (il est relevé qu'une telle obligation est largement débattue en doctrine et n'a pour l'heure pas été confirmée par le Tribunal fédéral. À cet égard, v. ZELLER,
op. cit., no 9
ad art. 322bis CP et les références citées, mais également TRECHSEL/JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL,
op. cit., no 4
ad art. 322bis CP).
6.10. L'infraction décrite par l'art. 322bis CP peut être commise intentionnellement ou par négligence.
6.10.1. Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits internes, qui, en tant que tels, lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils aient été retenus de manière arbitraire (ATF 147 IV 439 consid. 7.3.1; 141 IV 369 consid. 6.3). Est en revanche une question de droit celle de savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de la notion d'intention et si elle l'a correctement appliquée sur la base des faits retenus et des éléments à prendre en considération (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3; 135 IV 152 consid. 2.3.2).
6.10.2. Selon la cour cantonale, le recourant a agi avec conscience et volonté, dans la mesure où il a indiqué avoir lui-même publié l'article litigieux après l'avoir lu, de sorte qu'au moment où il a décidé de le rendre accessible au public sur internet, il connaissait ou aurait dû connaître le caractère mensonger de celui-ci (jugement attaqué consid. 5.4.2). La cour cantonale a également relevé que la simple lecture de l'arrêt du Tribunal fédéral ayant inspiré l'article litigieux aurait permis au recourant de se rendre compte que les informations contenues dans ledit article étaient erronées, sans qu'il n'eut besoin de connaissances juridiques approfondies (
ibidem consid. 2.3.3).
6.10.3. Le recourant ne soutient pas que la cour cantonale se serait fondée sur une conception erronée de la notion d'intention. Il estime en revanche qu'elle n'a pas tenu compte de tous les éléments pertinents au moment de déterminer le contenu de sa pensée, soit en particulier l'adoption d'une charte de publication, l'engagement d'un modérateur et le retrait de l'article litigieux après six jours. Ce faisant, le recourant n'articule aucun élément pertinent susceptible de démontrer en quoi la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en admettant que c'est avec conscience et volonté qu'il a agi. Partant, sa critique est irrecevable.
6.11. La personne responsable au sens de l'art. 322bis CP, pour autant que l'infraction primaire soit une diffamation, est en droit de recourir à la preuve de la vérité de la même manière que pourrait le faire l'auteur initial, sur la base de l'art. 173 ch. 2 CP (ATF 130 IV 121 consid. 1.6), ce dans les limites de l'art. 173 ch. 3 CP.
En l'occurrence, la cour cantonale a considéré que le recourant n'était pas admis à se prévaloir de la preuve de la vérité, dans la mesure où il a accepté de publier l'article litigieux dans le dessein de dire du mal d'autrui (jugement attaqué consid. 2.3.3 et 5.4.3). À défaut pour le recourant de contester ce qui précède, il y a lieu d'abonder dans le sens de la cour cantonale, dont l'appréciation quant au dessein du recourant lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF).
6.12. En dernier lieu, l'application de l'art. 322bis CP n'est possible que si une plainte a été déposée contre l'auteur initial au sens de l'art. 28 al. 1 CP (si celui-ci est connu) ou contre inconnu (dans le cas contraire), pour autant que l'infraction primaire en question soit poursuivie sur plainte (déjà sous l'ancien droit, applicable en l'espèce, en vertu de l'ATF 130 IV 121 consid. 2.3, maintenant codifié à l'art. 322bis al. 3 CP; à ce propos, v. le Message du Conseil fédéral du 25 avril 2018 précité, p. 2957).
À cet égard, la cour cantonale a relevé que l'intimé avait régulièrement porté plainte dans le respect du délai prévu par l'art. 31 CP (jugement attaqué consid. 5.4.4). Quant à lui, le recourant soutient que le précité n'aurait porté plainte que contre lui, et non contre l'auteur initial de l'article litigieux. Il ressort pourtant du dossier de la cause que l'intimé a bel et bien porté plainte contre le recourant et contre l'auteur initial de l'article litigieux (v. plainte pénale du 11 mars 2019: "
Il est ordonné sans délai l'ouverture d'une enquête pénale pour diffamation ou/et calomnie à l'encontre de A.________ et de l'auteur anonyme de cet article "). Partant, le grief du recourant doit être rejeté.
6.13. Il résulte de ce qui précède que la condition procédurale et toutes les conditions préalables de l'art. 322bis CP sont remplies, de même que ses éléments constitutifs, sans que le recourant ne soit admis à se prévaloir de la preuve de la vérité. Partant, c'est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale l'a reconnu coupable à ce titre.
7.
Dans un dernier grief, le recourant se plaint d'une violation du principe de célérité. Selon lui, un délai de vingt mois pour juger en appel une cause "
aussi simple " que celle sous revue devrait conduire au constat de la violation du principe précité et à une diminution de sa peine.
Si le recourant soutient que "
dite violation a été invoquée lors des débats d'appel ", cela ne ressort pas du jugement attaqué, du procès-verbal d'audience du 1er juin 2023 - document qu'il a pourtant signé - ou encore de ses échanges postérieurs à l'audience de jugement avec la cour cantonale. À défaut pour le précité de soutenir et de démontrer que la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en l'omettant, respectivement de se plaindre d'un déni de justice formel, il faut considérer qu'il a renoncé à invoquer une violation du principe de célérité devant l'instance précédente, alors même qu'il avait la possibilité de le faire. Que ce soit sous l'angle de la bonne foi en procédure (ATF 143 IV 397 consid. 3.4.2; v. également en lien avec le principe de célérité, l'arrêt 6B_1345/2021 du 5 octobre 2022 consid. 2.4) ou sous l'angle de l'épuisement des voies de droit (art. 80 al. 1 LTF; arrêt 6B_1062/2023 du 22 avril 2024 consid. 2 et les références citées), le recourant ne saurait s'en prévaloir pour la première fois devant le Tribunal fédéral. Le moyen est irrecevable.
8.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du Valais, Cour pénale I.
Lausanne, le 8 juillet 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
Le Greffier : Barraz