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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_202/2017  
 
 
Arrêt du 21 février 2018  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, 
Frésard et Viscione. 
Greffière : Mme von Zwehl. 
 
Participants à la procédure 
Coopérative des Assurances-Bouchers, 
Sihlquai 255, 8005 Zurich, représentée par Me Alexis Overney et Me Raphaël Tinguely, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Charles Poupon, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (traitement médical), 
 
recours contre le jugement de la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 8 février 2017 (AA 143 / 2015). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Alors qu'il travaillait comme livreur de viande pour la société B.________ SA, A.________ a été victime d'un accident le 25 juillet 2008. Au moment de décharger des marchandises, il a glissé et fait une chute en se réceptionnant sur les mains, ce qui lui a occasionné des douleurs au poignet et à l'épaule gauche. Une arthro-IRM a mis en évidence une atteinte au niveau de la coiffe des rotateurs. La Coopérative des Assurances-Bouchers, auprès de laquelle A.________ était assuré contre le risque d'accidents, a pris en charge le cas. 
L'assuré a subi de multiples interventions à l'épaule gauche. La dernière opération, pratiquée le 25 avril 2014 par les docteurs C.________ et D.________, chirurgiens orthopédistes à l'Hôpital E.________, a consisté en une implantation d'une prothèse totale inversée de l'épaule gauche. La persistance, chez l'assuré, de douleurs localisées au niveau de l'articulation acromio-claviculaire gauche a conduit le docteur C.________ à procéder à une infiltration dans cette articulation et, au vu du résultat de celle-ci, à envisager une nouvelle intervention sous la forme d'une résection acromio-claviculaire (rapport du 4 mars 2015). 
Entre-temps, l'assuré a été examiné par le Centre d'Expertise Médicale (CEMed) à Nyon dans le cadre de sa demande de prestations de l'assurance-invalidité (voir l'expertise pluridisciplinaire du CEMed des 18 et 26 février 2015). Par ailleurs, l'assureur-accidents a mandaté le docteur F.________, chirurgien spécialiste des membres supérieurs à la Clinique G.________, pour qu'il se prononce sur le point de savoir si l'on pouvait attendre de la continuation du traitement médical une amélioration sensible de l'état de l'assuré. A l'issue de son examen du 2 février 2015, ce médecin a déclaré qu'une résection acromio-claviculaire pourrait éventuellement réduire le syndrome douloureux, mais n'aurait pas d'influence sur la mobilité et la force du membre supérieur gauche, ni sur la capacité de travail de l'assuré en tant que chauffeur de poids lourds qui était nulle; d'autres thérapies n'étaient pas indiquées; des activités légères ne sollicitant pas l'épaule gauche étaient envisageables (rapport du 3 juillet 2015). Le docteur C.________, qui s'était dans un premier temps rallié à cet avis (voir son rapport du 19 mai 2015), a demandé à l'assureur-accidents de réévaluer la question de la prise en charge de l'intervention en cause dans un rapport subséquent du 2 juillet 2015. 
Par décision du 23 juillet 2015, se fondant sur l'avis du docteur F.________, la Coopérative des Assurances-Bouchers a retenu que l'épaule gauche de l'assuré avait atteint un état définitif, et mis un terme aux indemnités journalières au 31 juillet 2015. Elle a alloué à A.________ une rente d'invalidité fondée sur un degré d'invalidité à 53 % à compter du 1er août 2015, considérant qu'il pourrait encore exercer une activité adaptée avec une diminution de rendement de 50 %. L'assuré a formé opposition à cette décision. Il contestait le passage à la rente (y compris le degré d'invalidité fixé) et demandait la prise en charge de la mesure médicale préconisée par le docteur C.________ sur la base d'un nouveau rapport de ce chirurgien du 7 août 2015, dans lequel ce dernier soutenait qu'une réduction des douleurs par le biais d'une résection acromio-claviculaire permettrait à son patient de soulever des charges plus lourdes. L'assureur-accidents a écarté l'opposition et confirmé sa position initiale dans une nouvelle décision du 20 octobre 2015. 
 
B.   
A.________ a déféré cette dernière décision à la Cour des assurances du Tribunal cantonal jurassien (ci-après: la cour cantonale). En cours de procédure, il a produit d'autres rapports médicaux (des docteurs C.________ et H.________, neurologue). 
Statuant le 8 février 2017, la cour cantonale a admis le recours, annulé la décision litigieuse, et renvoyé le dossier à l'assureur-accidents pour qu'il procède conformément aux considérants. 
 
C.   
La Coopérative des Assurances-Bouchers interjette un recours en matière de droit public et demande l'annulation du jugement cantonal, ainsi que la confirmation de sa décision sur opposition. Elle requiert en outre l'octroi de l'effet suspensif. 
A.________ conclut principalement au rejet du recours et, subsidiairement, à l'octroi d'une rente d'invalidité entière depuis le 1er août 2015. De son côté, l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le jugement attaqué s'analyse, d'un point de vue purement formel, comme une décision de renvoi car il ne met pas un terme à la procédure. En principe, les décisions de renvoi sont des décisions incidentes qui ne peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l'art. 93 LTF. Elles sont toutefois tenues pour finales lorsque le renvoi a lieu uniquement en vue de son exécution par l'autorité inférieure sans que celle-ci ne dispose encore d'une liberté d'appréciation notable (ATF 140 V 282 consid. 4.2 p. 285 s.).  
Tel est le cas en l'espèce du moment que la cour cantonale renvoie la cause à la Coopérative des Assurances-Bouchers afin qu'elle continue de prendre en charge les frais médicaux de l'assuré, en particulier ceux relatifs à l'intervention chirurgicale indiquée par le docteur C.________, et poursuive le versement de l'indemnité journalière au-delà du 31 juillet 2015 jusqu'à la naissance du droit éventuel à une rente d'invalidité. 
 
1.2. Pour le surplus, le recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il convient donc d'entrer en matière.  
 
1.3. La loi sur le Tribunal fédéral ne connaît pas l'institution du recours joint. L'intimé, qui n'a pas recouru contre le jugement cantonal, ne peut, dans ses déterminations sur le recours de l'assureur-accidents, que proposer l'irrecevabilité et/ou le rejet, en tout ou partie, de celui-ci (ATF 138 V 106 consid. 2.1 p. 110). Sa conclusion subsidiaire tendant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité depuis le 1er août 2015 est par conséquent irrecevable.  
 
2.   
Selon l'art. 97 al. 2 LTF, si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits (voir également l'art. 105 al. 3 LTF). Il en va différemment lorsque le litige porte sur des prestations en nature de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire. Dans ce cas, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de l'instance précédente et ne peut s'en écarter qu'en cas de constatation des faits manifestement inexacte ou effectuée en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1, 105 al. 1 et 105 al. 2 LTF). 
En l'espèce, la question est de savoir si l'intimé a droit à la poursuite du traitement médical, qui est une prestation en nature de l'assurance-accidents (cf. art. 14 LPGA [RS 830.1]), de sorte que les faits pertinents à cet égard ne seront revus que dans les limites précitées. 
 
3.   
Le traitement médical n'est alloué qu'aussi longtemps que sa continuation est susceptible d'apporter une amélioration sensible de l'état de l'assuré (art. 19 al. 1, seconde phrase, LAA a contrario). Une telle évaluation doit être évaluée au regard de l'augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à attendre du traitement médical, une amélioration insignifiante de celle-ci n'étant pas suffisante (FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., 2016, n. 200; voir aussi ATF 134 V 109 consid. 4.3 p. 115). Il n'y a pas d'amélioration sensible de l'état de santé quand la mesure thérapeutique (par exemple une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04 consid. 3.1). Si une amélioration n'est plus possible, le traitement prend fin et l'assuré peut prétendre une rente d'invalidité (pour autant qu'il présente une incapacité de gain de 10 pour cent au moins). L'art. 19 al. 1 LAA délimite ainsi du point de vue temporel le droit au traitement médical et le droit à la rente d'invalidité. 
 
4.   
La recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves en considérant que l'opinion du docteur C.________ n'était contredite par aucune pièce médicale au dossier, et en retenant, sur la base de cet avis jugé à tort comme probant, qu'une nouvelle intervention chirurgicale était susceptible d'apporter une amélioration sensible de l'état de santé de l'intimé au sens de l'art. 19 LAA. D'une part, le docteur F.________ était arrivé à la conclusion contraire. D'autre part, le docteur C.________ n'était pas convaincant puisqu'il avait changé d'opinion qu'après qu'elle eut refusé de prendre en charge la mesure médicale et sans justifier son revirement par une modification de la situation médicale de l'assuré. Dans ces conditions, la cour cantonale aurait dû lui préférer l'avis du docteur F.________. En tout état de cause, selon la jurisprudence, le fait qu'une mesure médicale déterminée conduise éventuellement à une réduction des douleurs ne constituait pas un motif suffisant pour justifier la poursuite du traitement médical. 
 
5.   
Selon la jurisprudence, il y a arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références citées). 
 
6.   
En l'occurrence, la cour cantonale ne pouvait valablement retenir - comme elle l'a fait - que l'opinion du docteur F.________ n'allait pas à l'encontre de celle exprimée, dans un second temps, par le docteur C.________. A l'instar de ce qu'a relevé la recourante, une telle conclusion ne se laisse nullement déduire du rapport du docteur F.________. Tout en reconnaissant qu'une résection acromio-claviculaire pourrait éventuellement diminuer les douleurs ressenties par l'assuré, ce médecin a souligné que la force et la mobilité de l'épaule gauche ne s'en trouveraient toutefois pas améliorées, ni la capacité de travail en tant que chauffeur de poids lourds. Le seul fait qu'il n'a pas également affirmé qu'il en allait de même de la capacité de l'assuré dans une activité légère adaptée ne permet pas encore de faire la déduction inverse. Ce d'autant moins que, dans ses remarques finales, le docteur F.________ a estimé que des activités légères restaient accessibles à l'assuré, constatation qui ne peut se comprendre qu'en relation avec l'état de l'épaule gauche au moment de son examen. On peut au demeurant écarter toute ambiguïté quant au sens à donner à ces considérations sur le vu du rapport établi par le docteur C.________ après un échange téléphonique avec le docteur F.________. Dans ce document (du 19 mai 2015), en effet, le chirurgien traitant s'était alors déclaré d'accord avec son confrère pour dire que de nouvelles interventions chirurgicales, en particulier une résection acromio-claviculaire, ne seraient pas de nature à augmenter de façon significative la fonction de l'épaule et la capacité de travail de l'assuré, ajoutant qu'il fallait désormais envisager des mesures de réadaptation, voire une rente d'invalidité. C'est dire que la cour cantonale n'était pas fondée, sous peine d'arbitraire, à considérer que le point de vue soutenu par le docteur C.________ dans son rapport du 7 août 2015 n'était remis en cause par aucun avis médical divergent. 
On ne saurait non plus suivre la cour cantonale lorsqu'elle constate que le docteur C.________ a donné une justification objective à son revirement d'opinion au cours de la procédure d'opposition, à savoir le résultat positif d'une infiltration-test au niveau de l'articulation acromio-claviculaire de l'assuré. Ce médecin en avait déjà fait état dans son rapport précédent du 3 mars 2015 et cet élément ne l'avait pas empêché d'acquiescer, dans un premier temps, aux conclusions de son confrère de la Clinique G.________ qui en a expressément tenu compte dans son évaluation du cas (voir la page 4 du rapport du docteur F.________ où celui-ci a écrit les lignes suivantes: "Die Angaben des Exploranden, die klinische Untersuchung und das gute aber nur kurzfristige Ansprechen auf eine Infiltration des resezierten AC-Gelenks lassen vermuten, dass mit einer offenen Revision des AC-Gelenks zur Abrundung des lateralen Claviculaendes eine Schmerzlinderung bewirkt werden kann."). On ne peut donc y voir une justification convaincante de la part du chirurgien traitant pour étayer son changement d'opinion. 
Il s'ensuit que la cour cantonale s'est livrée à une appréciation arbitraire des preuves en reconnaissant, pour les motifs qu'elle a retenus, un caractère concluant au rapport du 7 août 2015 du docteur C.________ et en admettant, sur cette base, que la mesure médicale proposée pouvait à suffisance de preuve augmenter la capacité de travail de l'assuré. En l'espèce, il n'y avait pas de motif de s'écarter de l'avis du docteur F.________ pour lequel la mesure médicale envisagée n'était pas susceptible d'améliorer les capacités fonctionnelles de l'épaule gauche de l'assuré et, en conséquence, non plus sa capacité de travail résiduelle. Devant l'expertise circonstanciée d'un médecin externe à l'assureur, le rapport du chirurgien traitant qui a exprimé deux opinions différentes et contradictoires à trois mois d'intervalle ne saurait emporter la conviction. Eu égard à l'état de santé de l'assuré prévalant à la date - déterminante - de la décision sur opposition, le refus de la recourante de prendre en charge la résection acromio-claviculaire n'était donc pas critiquable, ce que la cour cantonale aurait dû confirmer. La simple possibilité, hypothétique, d'une réduction des douleurs par le biais de cette mesure médicale - admise par les deux médecins - n'est en effet pas une condition suffisante pour retenir que la poursuite du traitement médical était susceptible d'apporter une amélioration sensible de l'état de l'intimé au sens de l'art. 19 al. 1 LAA (voir supra consid. 3). 
Il ressort certes du dernier rapport du docteur C.________, établi le 8 février 2016 et produit en procédure cantonale, que l'examen clinique effectué révélait une certaine aggravation de l'état de l'épaule gauche de l'intimé. Dès lors que le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue, cette constatation n'est toutefois pas décisive pour l'issue de la présente procédure (ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 p. 220; 131 V 242 consid. 2.1 p. 243). Elle pourrait le cas échéant fonder l'annonce d'une rechute de l'accident (cf. art. 11 OLAA [RS 832.202]). 
Ainsi donc, le recours se révèle bien fondé et le jugement cantonal doit être annulé. La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet. 
 
7.   
L'intimé, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La recourante n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. Le jugement de la Cour des assurances du Tribunal cantonal jurassien du 8 février 2017 est annulé et la décision sur opposition de la Coopérative des Assurances-Bouchers du 20 octobre 2015 confirmée. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 21 février 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : von Zwehl