Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
8C_481/2010
Arrêt du 15 février 2011
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Niquille.
Greffière: Mme Berset.
Participants à la procédure
Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève,
recourante,
contre
A.________,
représenté par Assista TCS SA,
intimé.
Objet
Assurance-chômage (indemnité de chômage),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 29 avril 2010.
Faits:
A.
Le 4 septembre 2009, A.________ a requis l'indemnité de chômage auprès de la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après: la caisse). Il a travaillé en dernier lieu en qualité de directeur du restaurant « X.________ » au service de la société Y.________ Sàrl du 2 avril 2007 au 31 août 2009, date à laquelle les rapports de travail ont pris fin en raison d'une « restructuration du personnel ». A la question de savoir s'il était membre d'un organe supérieur de décision de l'entreprise, il a répondu par l'affirmative.
Inscrite au Registre du commerce le 3 avril 2007, la société Y.________ Sàrl avait pour but l'achat, la vente, l'exploitation et la location de tous établissements publics dans le domaine de la restauration. Son capital s'élevait à 20'000 fr. Ses deux associés-gérants, avec pouvoir de signature individuelle, étaient A.________ et B.________, avec une part sociale de 10'000 fr. chacun. Le 4 juillet 2007, la part de B.________ a été radiée et la part de A.________ portée à 20'000 fr. Depuis lors, celui-ci est resté seul associé-gérant de la société.
Par décision du 28 septembre 2009, la caisse a refusé d'allouer des indemnités de chômage au requérant, au motif qu'il réalisait en sa personne la double qualité d'employeur et d'employé et que sa perte de travail était incontrôlable.
Le 2 octobre 2009, une assemblée générale extraordinaire de la Sàrl, tenue en l'étude de Maître G.________, notaire, a décidé la dissolution de la société et A.________ a démissionné de ses fonctions de gérant. Il a été désigné associé-liquidateur, avec pouvoir de signature individuelle, en vue de procéder à la radiation de la Sàrl. Cette décision a été publiée dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC), sous la mention « Y.________ Sàrl, en liquidation ».
Le 28 octobre 2009, A.________ s'est opposé à la décision de la caisse du 28 septembre 2009 en se prévalant des diverses modifications intervenues au sein de la Sàrl ainsi que d'un extrait actualisé du Registre du commerce.
Par décision sur opposition du 18 novembre 2009, la caisse a confirmé sa position initiale. Elle a retenu qu'en sa qualité de liquidateur avec signature individuelle, le requérant ne pouvait prétendre à l'indemnité de chômage.
B.
Par acte du 4 décembre 2009, A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève (depuis le 1er janvier 2011: Chambre des assurances sociales de la Cour de Justice de la République et canton de Genève) en demandant son annulation ainsi que l'octroi de l'indemnité de chômage dès le 1er septembre 2009. Il faisait valoir que l'entreprise Y.________ Sàrl avait vendu le restaurant et les biens matériels y afférents à la société Z.________ Sàrl pour le prix de 175'000 fr. payable au plus tard le 27 août 2009 et prise de possession le 1er septembre 2009. Il exposait que les trois appels aux créanciers avaient eu lieu les 3, 4 et 5 novembre 2009 et qu'il avait déposé une réquisition de radiation au Registre du commerce le 20 novembre 2009. Il précisait que la période de liquidation de la Sàrl avait uniquement servi à régler les aspects fiscaux.
Statuant par jugement du 29 avril 2010, la juridiction cantonale a admis le recours, annulé les décisions de la caisse des 28 septembre et 28 octobre (recte: 18 novembre) 2009 et renvoyé la cause à l'administration pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
C.
La caisse interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation en concluant à la confirmation de sa décision sur opposition du 18 novembre 2009, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle a requis que l'effet suspensif soit accordé à son recours.
A.________ conclut au rejet du recours, sous suite de dépens, tout en indiquant qu'il s'en rapporte à justice en ce qui concerne l'effet suspensif. Quant au Secrétariat d'Etat à l'économie, il a renoncé à se déterminer.
D.
Par ordonnance du 3 septembre 2010, le juge instructeur a admis la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit:
1.
Dans son jugement, la juridiction cantonale a annulé les décisions des 28 septembre et 18 novembre 2009 par lesquelles la caisse avait nié le droit de l'intéressé à l'indemnité de chômage à partir du 1er septembre 2009, en raison du fait qu'il occupait une position assimilable à celle d'un employeur. Elle a considéré qu'à partir du 1er septembre 2009, l'assuré avait définitivement quitté l'entreprise. Aussi, incombait-il à l'administration d'examiner si les autres conditions du droit aux prestations étaient réalisées.
D'un point de vue purement formel, il s'agit d'une décision de renvoi. En principe, les décisions de renvoi sont des décisions incidentes qui ne peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l'art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2 et 4.3 p. 481 s et les arrêts cités). Dans la mesure où la recourante pourrait être tenue, en vertu de ce renvoi, de rendre une décision qui, selon elle, est contraire au droit fédéral, elle subit un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (sur cette notion voir ATF 134 I 83 consid. 3.1 p. 87; pour un cas similaire voir arrêt 8C_445/2009 du 22 juillet 2010 consid. 1, non publié in ATF 136 V 339, mais in SVR 2010 UV n° 32 p. 130). Il convient dès lors d'entrer en matière sur son recours.
2.
Le litige porte sur le droit de l'intimé à l'indemnité journalière de chômage, plus précisément sur le point de savoir s'il faut nier ce droit en raison des liens entre l'intimé et son dernier employeur.
3.
3.1 Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail lorsqu'ils remplissent les conditions décrites aux lettres a à d de l'art. 31 al. 1 LACI. Une réduction de l'horaire de travail peut consister non seulement en une réduction de la durée quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle du travail, mais aussi en une cessation d'activité pour une certaine période, sans résiliation des rapports de travail (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb p. 237). N'ont pas droit à l'indemnité en question les travailleurs dont la réduction de l'horaire de travail ne peut pas être déterminée ou dont l'horaire n'est pas suffisamment contrôlable (art. 31 al. 3 let. a LACI), de même que les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement -, en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière de l'entreprise; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise (art. 31 al. 3 let. b et c LACI).
3.2 La jurisprudence considère, par ailleurs, qu'un travailleur qui jouit d'une situation comparable à celle d'un employeur - ou son conjoint -, n'a pas droit à l'indemnité de chômage (art. 8 ss LACI) lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue à fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais des dispositions sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière d'indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Dans ce sens, il existe un étroit parallélisme entre le droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail et le droit à l'indemnité journalière de chômage (ATF 123 V 234 cité).
4.
4.1 Au regard des règles légales et la jurisprudence présentées ci-avant, la juridiction cantonale a considéré comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, s'agissant de la période postérieure au 31 août 2009, que l'intéressé avait définitivement quitté l'entreprise à la suite de la vente du restaurant « X.________ », soit par la prise en possession des locaux par l'acheteur. La gestion de la société se confondait en l'espèce avec l'exploitation du restaurant. En conséquence, elle a retenu que depuis le 1er septembre 2009, A.________ n'avait plus une position assimilable à celle d'employeur. La caisse recourante estime au contraire que l'intimé n'a jamais cessé d'exercer une influence déterminante sur les décisions de la société d'abord en raison de sa qualité d'unique associé-gérant puis par son statut de liquidateur. Elle fait valoir en particulier que si le restaurant était bien exploité par Y.________ Sàrl, il n'en demeure pas moins que le but de cette société englobait l'achat, la vente, l'exploitation et la location de tous établissements publics dans le domaine de la restauration. L'intimé avait donc la faculté d'acheter, d'exploiter ou de louer un autre établissement public sous le manteau de la Sàrl.
4.2 Lorsque le salarié qui se trouve dans une position assimilable à celle d'un employeur quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci, il n'y a pas de risque que les conditions posées par l'art. 31 al. 3 let. c LACI soient contournées. Il en va de même si l'entreprise continue d'exister, mais que l'assuré rompt définitivement tout lien avec elle après la résiliation des rapports de travail. Dans un cas comme dans l'autre, il peut en principe prétendre des indemnités journalières de chômage. Toutefois, la jurisprudence exclut de considérer qu'un associé a définitivement quitté son ancienne entreprise en raison de la fermeture de celle-ci tant qu'elle n'est pas entrée en liquidation (cf. arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 355/00 du 28 mars 2001, in DTA 2001 p. 164 et C 37/02 du 22 novembre 2002). Par ailleurs, dans le contexte d'une société commerciale, le prononcé de la dissolution de la société et son entrée en liquidation ne suffisent en principe pas à considérer que l'assuré qui exerce encore la fonction de liquidateur a définitivement quitté son ancienne entreprise, en raison de la fermeture de celle-ci (arrêts C 267/04 du 3 avril 2006, in DTA 2007 p. 115 et C 373/00 du 19 mars 2002, in DTA 2002 p. 183; cf. également arrêt C 180/06 du 16 avril 2007, in SVR 2007 AlV no 21 p. 69). Demeurent réservés les cas dans lesquels une procédure de faillite a été suspendue faute d'actif, une reprise d'une activité de la société et le réengagement de l'intéressé pouvant alors être exclus (arrêt 8C_415/2008 du 23 janvier 2009 consid. 3.2).
5.
5.1 En l'espèce, l'intimé a disposé, ex lege, du pouvoir de fixer les décisions de la Sàrl à lui seul depuis le mois de juillet 2007 en tant qu'associé-gérant d'abord. Devenu liquidateur à partir du mois d'octobre 2009, l'intimé a conservé des prérogatives analogues à celles dont il disposait précédemment. En particulier, il était chargé de la gestion et de la représentation de la société en liquidation, avec pouvoir d'accomplir tous les actes qui entraient dans le but de la liquidation. Cette situation a perduré jusqu'à la radiation de la société le 1er mars 2010 (avec publication dans la FOSC le 5 mars 2010: cf. jugement cantonal consid. 6 p. 7), soit bien au-delà de la date à laquelle la décision sur opposition a été rendue (18 novembre 2009). En d'autres termes, le statut de liquidateur de la Sàrl a eu pour effet de maintenir l'intimé dans le cercle des personnes qui fixent les décisions de l'employeur ou qui les influencent de manière déterminante. De ce chef, il n'a pas droit à l'indemnité, ce que la jurisprudence a d'ailleurs déjà admis dans des affaires analogues concernant des liquidateurs (arrêt 8C_415/2008 du 23 janvier 2009 consid. 3.3 ainsi que les arrêts cités au consid. 3.2 de l'arrêt C 175/04 du 29 novembre 2005).
5.2 Vu ce qui précède, la caisse recourante était fondée, par sa décision sur opposition du 18 novembre 2009, à nier le droit de l'intimé à une indemnité de chômage depuis le 1er septembre 2009. Il convient en conséquence d'annuler le jugement attaqué.
6.
Cette appréciation ne préjugeait pas de la situation postérieure à la radiation de la société, comme l'a, à juste titre, admis la caisse, qui indique avoir ouvert un délai-cadre d'indemnisation en faveur de l'intimé à partir du 2 mars 2010.
7.
Vu le sort du litige, l'intimé supportera les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF). La recourante n'a pas droit aux dépens qu'elle prétend (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et le jugement du 29 avril 2010 du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève est annulé.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et au Secrétariat d'Etat à l'économie.
Lucerne, le 15 février 2011
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Ursprung Berset