Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_157/2024
Arrêt du 11 novembre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Merz.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. C.________,
3. B.________,
tous les trois représentés par Maîtres Tarkan Göksu et Arnaud Constantin, avocats,
recourants,
contre
Conseil d'État du canton de Fribourg, route des Arsenaux 41, 1700 Fribourg,
Direction de la formation et des affaires culturelles de l'Etat de Fribourg,
rue de l'Hôpital 1, 1700 Fribourg.
Objet
Droit de la fonction publique; égalité de traitement,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour administrative, du 1er février 2024
(601 2023 3).
Faits :
A.
Le 3 juillet 2001, le Conseil d'État du canton de Fribourg a confié à la Commission cantonale d'évaluation et de classification des fonctions (CEF) le mandat d'évaluer, notamment, les fonctions de l'enseignement du degré secondaire supérieur (DSS). Se fondant sur le système d'évaluation EVALFRI, la CEF a rendu son rapport le 10 septembre 2002, sur la base duquel le Conseil d'État a adopté, le 18 février 2003, une ordonnance modifiant le tableau de l'arrêté du 19 novembre 1990 concernant la classification des fonctions du personnel de l'État (RS/FR 122.72.21). Les enseignants DSS ont été mis au bénéfice de la classe de fonction 25, indépendamment des branches enseignées.
Selon le règlement cantonal du 6 juillet 2004 relatif au personnel enseignant de la Direction de l'instruction publique, de la culture et du sport (DICS), remplacé ensuite par une réglementation du 14 mars 2016 à l'intitulé identique (RPEns; RS/FR 415.0.11), le nombre d'unités d'enseignement hebdomadaires complet est de 26 pour les enseignants de branches spéciales telles que l'éducation physique, les arts visuels et la musique alors que dans les branches générales, les professeurs devaient dispenser 24 unités. Cette règle figurait déjà dans un règlement de 1991.
B.
Le 18 décembre 2013, A.________, B.________ et C.________, tous trois professeurs d'arts visuels dans des collèges du canton de Fribourg, ont déposé auprès de la DICS une requête tendant à ce que cette différence de traitement soit déclarée anticonstitutionnelle. Par décision du 29 août 2014, la DICS a rejeté la demande: la différence du nombre d'unités hebdomadaires se justifiait car le temps moyen consacré pour l'enseignement des branches spéciales était moindre que celui consacré à l'enseignement des branches générales; le suivi pédagogique et éducatif était en outre moins intensif pour les enseignants des branches spéciales.
Par décision du 31 octobre 2016, le Conseil d'État du canton de Fribourg a rejeté les recours des trois professeurs, décision confirmée sur recours par le Tribunal cantonal. Cet arrêt a toutefois été annulé par le Tribunal fédéral (arrêt 8C_136/2018 du 20 novembre 2018), et la cause a été renvoyée au Tribunal cantonal afin que l'audience publique demandée par les recourants soit mise sur pied. Par la suite les recourants ont requis en vain la récusation des juges cantonaux ayant déjà statué (arrêt 8C_474/2019 du 23 juillet 2020).
Par arrêt du 10 mai 2021, le Tribunal cantonal a admis le recours et renvoyé la cause au Conseil d'État, considérant qu'il y avait lieu de tenir compte des considérations du rapport EVALFRI à propos de la charge de travail des différents enseignants DSS.
Par arrêté du 29 novembre 2022, le Conseil d'État a à nouveau rejeté le recours après avoir formellement consulté la CEF. Celle-ci ne devait pas se prononcer sur le nombre d'unités d'enseignement et s'était fondée sur les indications de seulement deux enseignants d'arts visuels, de sorte que le rapport EVALFRI était sans pertinence. Les deux unités supplémentaires imposées aux enseignants d'arts visuels étaient compensées par un temps moins important consacré à la préparation des cours, à l'évaluation et à la correction des travaux ainsi qu'au suivi pédagogique.
C.
Par arrêt du 1er février 2024, la I ère Cour administrative du Tribunal cantonal a confirmé cette décision. Le rapport EVALFRI, qui ne se fondait pas sur une enquête à grande échelle mais sur des questionnaires remplis par quelques enseignants, n'avait pas pour but de déterminer le nombre d'unités d'enseignement et était donc sans pertinence pour l'issue du litige. Le temps passé aux corrections et au suivi des élèves était moindre pour l'enseignement d'arts visuels; les étudiants travaillaient en classe de manière autonome durant plusieurs heures sur le même objet. La gestion du matériel, la mise à disposition du matériel pédagogique et la formation continue ne prenaient pas plus de temps que pour les autres branches. Les comparaisons intercantonales étaient sans pertinence, certains cantons prévoyant d'ailleurs aussi des unités d'enseignement supplémentaires pour les enseignants d'arts visuels. Les offres de preuves formées précédemment par des recourants (expertise ou audition d'enseignants d'arts visuels, inspection des classes) avaient été rejetées à juste titre et celles qui avaient été présentées à la cour cantonale ont été écartées.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et, subsidiairement, d'un recours constitutionnel subsidiaire, A.________, B.________ et C.________ demandent au Tribunal fédéral de constater l'inconstitutionnalité de l'art. 22 al. 1 let. c ch. 1 et 2 RPEns et de donner ordre à la DFAC de modifier son règlement afin que les enseignants d'arts visuels aient à effectuer 24 unités d'enseignement, respectivement 22 à partir de 50 ans. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision après avoir donné suite aux réquisitions de preuves des recourants.
La cour cantonale a produit le dossier de la cause, sans déterminations. Le Conseil d'État conclut au rejet du recours. La DFAC ne s'est pas déterminée.
Considérant en droit :
1.
Le jugement entrepris a été rendu en matière de rapports de travail de droit public au sens de l'art. 83 let. g LTF. Il s'agit d'une contestation pécuniaire du moment que le litige est étroitement lié au traitement des recourants (le nombre d'unités à accomplir peut être évalué en argent). Il vise donc, principalement tout au moins, un but économique. Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. g LTF n'entre donc pas en considération (arrêt 8C_136/2018 du 20 novembre 2018 consid. 1).
1.1. Dans ses arrêts précités de 2018 et de 2020, le Tribunal fédéral a retenu que, selon les allégués non contestés des recourants, l'inégalité dont ils se plaignent entraînait une différence de traitement de l'ordre de 8'000 fr. par année. Considérée sur plusieurs années et compte tenu de la règle du cumul subjectif de l'art. 52 LTF, la valeur litigieuse dépassait largement le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public en ce domaine (cf. art. 85 al. 1 let. b LTF). Dans l'arrêt attaqué (consid. 6), la cour cantonale se contente pour sa part de nier l'existence d'une valeur litigieuse (en raison du fait que les recourants critiquent uniquement le nombre d'heures d'enseignement qui leur sont imposées) pour justifier une exemption des frais de procédure. Il n'y a, cela étant, pas lieu de se départir de l'appréciation formulée dans les arrêts précédents du Tribunal fédéral (arrêts 8C_136/2018 du 20 novembre 2018 consid. 1; 8C_474/2019 du 23 juillet 2020 consid. 1.3). La décision attaquée peut donc être entreprise par la voie du recours en matière de droit public, de sorte qu'il n'y a pas lieu de traiter du recours constitutionnel formé à titre subsidiaire par les recourants (art. 113 LTF a contrario).
1.2. Les recourants étaient tous trois déjà à la retraite au moment du dépôt du recours cantonal. Ils n'en disposent pas moins d'un intérêt actuel au recours dès lors que l'admission de celui-ci leur permettrait de requérir a posteriori une indemnisation pour les deux unités d'enseignement hebdomadaires supplémentaires qu'ils ont dû accomplir, indûment selon eux.
1.3. Tout comme la demande initiale du 18 décembre 2013, le recours tend non pas à l'annulation d'une disposition réglementaire, mais à la constatation de l'inconstitutionnalité (dans le sens d'une inégalité de traitement) de l'art. 22 al. 1 let. c ch. 1 et 2 RPEns. En cas d'admission d'un tel recours, le Tribunal fédéral pourrait certes procéder à la constatation requise, mais ne pourrait pas, comme le demandent également les recourants, ordonner à la DFAC de modifier le règlement en question. Seule une annulation de la disposition litigieuse à l'occasion d'un recours formé directement contre le règlement, à l'occasion de l'adoption ou d'une modification de celui-ci, pourrait permettre d'obtenir un tel résultat.
1.4. Tout au long de leur écriture, les recourants adressent de nombreux reproches au Conseil d'État, oubliant ainsi que la décision attaquée est celle du Tribunal cantonal et qu'il leur appartient de fournir à l'encontre de cette décision une motivation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF et, s'agissant des griefs d'ordre constitutionnel, de l'art. 106 al. 2 LTF.
Sous réserve de ces derniers points, le recours en matière de droit public est en soi recevable.
2.
Invoquant les art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH, les recourants reprochent à la cour cantonale de n'avoir pas fait mention des pièces produites (pièces 6 à 9 du bordereau du 16 janvier 2023, soit des déclarations de directeurs de collèges fribourgeois) démontrant selon eux que l'ensemble des enseignants ont les mêmes obligations s'agissant de la présence aux réunions de parents. La cour cantonale ne ferait pas non plus mention du dossier de réévaluation des professeurs d'arts visuels au secondaire II dans le canton de Fribourg, ainsi que d'une caisse de documents démontrant que les professeurs en question ne consacrent pas moins de temps hors classe que les autres enseignants. Les recourants font aussi reproche à la cour cantonale d'avoir refusé de les entendre personnellement sur les mêmes sujets. Ils se plaignent tant d'une violation de leur droit d'être entendus (défaut de motivation de l'arrêt attaqué) que d'arbitraire dans l'appréciation des preuves, la cour cantonale ayant écarté les preuves présentées en se fondant sur des affirmations et des lieux-communs vagues et non vérifiés.
2.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). Cette appréciation doit être dûment motivée, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2).
2.2. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, la cour cantonale a exposé les raisons pour lesquelles elle a renoncé à donner suite à leurs offres de preuves: "une expertise auprès d'enseignants en arts visuels, les auditions de certains d'entre eux ou encore des inspections en classe demeureraient éminemment subjectives et non représentatives de la situation sous tous ses aspects puisque le résultat de ces mesures ne reposerait toujours que sur un échantillon qu'il y aurait ensuite lieu de synthétiser et d'apprécier de manière globale, en conservant toujours un certain schématisme". Une telle motivation, bien que succincte, satisfait à l'obligation formelle de motiver et permet aisément de comprendre pour quelles raisons les différentes offres de preuves des recourants ont été écartées. Il n'y a pas de violation du droit d'être entendu de ce point de vue.
2.2.1. Les différentes attestations versées par des directrices et directeurs de collèges fribourgeois (Collège D.________, Collège E.________, Collège F.________, Collège G.________) concernent l'obligation de participer aux réunions de parents. Les deux premiers, répondant à une question posée par courriel de l'un des recourants, ont précisé que les enseignant-e-s d'arts visuels assistaient aux réunions de parents "en fonction des demandes d'entretien formulées par les parents". Cela correspond à la constatation du Conseil d'État, reprise par la cour cantonale, selon laquelle les professeurs en question ont "rarement besoin de participer aux entretiens avec les parents, à moins qu'une demande spéciale ne soit formulée, ce qui paraît rare compte tenu du fait que le nombre d'élèves non promus est significativement moins important dans ce domaine que dans celui des branches générales". S'agissant du troisième collège cité, il a été en revanche confirmé que tous les enseignants d'une classe, sans distinction de discipline, étaient tenus d'assister aux réunions de parents. Enfin, le recteur du Collège G.________ a déclaré que l'ensemble des enseignants était tenu d'assister à la soirée de parents qui se tient pour les premières classes au début du mois de février. Cette déclaration ne s'étend manifestement pas à l'ensemble des entretiens qui peuvent avoir lieu à la demande des parents, et ne permet pas de remettre en cause le fait que les demandes d'entretiens sont sensiblement moins nombreuses en ce qui concerne les enseignants d'arts visuels dans la mesure où le nombre d'élèves non promus ayant une notre insuffisante en arts visuels est faible (29 sur 2'029 suivant cet enseignement pour l'année 2021/2022). La cour cantonale a dès lors suffisamment expliqué pour quelle raison elle a écarté, pour défaut de pertinence suffisante, les pièces produites sur ce point à l'appui du recours cantonal.
2.2.2. Les recourants font aussi état d'une caisse de documents produite le 5 décembre 2016 devant le Tribunal cantonal et censée démontrer que les enseignants d'arts visuels ne consacreraient pas moins de temps hors classe que les autres enseignants. Ils se contentent d'une description générale de ces documents (dossiers de cours, fiches d'évaluation, exemples de travaux d'élèves et de bases de données concernant la matière enseignée), sans toutefois expliquer clairement en quoi ces pièces permettraient de parvenir à la démonstration recherchée. Le grief est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'art. 106 al. 2 LTF.
2.2.3. S'agissant du dossier pour la réévaluation des professeurs d'arts visuels au secondaire II dans le canton de Fribourg, annexé à la requête du 18 décembre 2013, les recourants se limitent là aussi à décrire ce document (présentation du contexte des arts visuels, formation requise, description de l'activité professionnelle, situation de l'enseignement en 2013), sans non plus indiquer sur quels points précis cette pièce permettrait de battre en brèche l'appréciation des instances précédentes. ll apparaît en outre que le document en question ne constitue pas un véritable élément de preuve puisqu'il a été élaboré par les recourants eux-mêmes à l'appui de leur demande, et contient la même argumentation que celle qui a été soumise aux différentes instances cantonales.
2.3. Quand bien même la cour cantonale n'a pas spécifiquement expliqué les raisons pour lesquelles elle n'a pas tenu compte des différentes pièces en question, il n'y a violation du droit d'être entendu. A l'exception des pièces produites le 16 janvier 2023, et sur lesquelles la cour cantonale s'est, comme on l'a vu, implicitement prononcée, les autres éléments n'ont pas été directement produits devant elle mais faisaient déjà partie du dossier de la cause. Le grief doit dès lors être écarté.
3.
Les recourants soulèvent ensuite différents griefs d'arbitraire qui se recoupent largement et peuvent être traités simultanément. Dans un premier grief, ils se plaignent d'arbitraire dans la constatation des faits. Ils reprochent au Conseil d'État et à la cour cantonale d'avoir dénié toute pertinence au rapport EVALFRI (soit un rapport officiel établi par une autorité compétente, disposant de la même force probante qu'une expertise) alors que ce dernier contenait des indications précises sur la répartition du temps de travail par tâches, sans faire de distinctions déterminantes en fonction de la matière enseignée et en précisant qu'une clarification et une harmonisation s'imposent. Les explications contradictoires fournies par la CEF 20 ans plus tard (et dans une autre composition) ne seraient pas pertinentes.
Dans un second grief d'arbitraire, les recourants estiment que l'évaluation du temps de travail des enseignant-e-s d'arts visuels aurait dû se faire sur la base d'éléments objectifs, et non en fonction d'une "expérience" alléguée par le Conseil d'État et ne reposant sur aucune preuve. L'existence d'un pouvoir d'appréciation ne dispenserait pas d'une appréciation objective des preuves. La cour cantonale aurait pour sa part repris sans examen les considérations du Conseil d'État, sans notamment tenir compte du fait que la distinction entre branches générales et branches spéciales a été supprimée lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle maturité.
Un troisième grief d'arbitraire concerne l'application du droit cantonal, soit des art. 45 al. 1 et 46 al. 1 du code de procédure et de juridiction administrative du canton de Fribourg du 23 mai 1991 (CPJA, RS/FR 150.1), dispositions qui imposent à l'autorité d'établir d'office les faits en recourant aux moyens de preuves nécessaires. Les recourants rappellent que l'arrêt de renvoi du 10 mai 2021 exigeait une instruction approfondie et estiment que la cour cantonale ne pouvait pas écarter le rapport EVALFRI sans procéder d'office à une instruction complémentaire et à la mise en oeuvre d'une expertise, dès lors qu'aucune preuve (en particulier pas le rapport du 30 octobre 2001 mentionné par le Conseil d'État) ne permettrait d'affirmer que les enseignants d'arts visuels passent moins de temps de travail hors classe.
3.1. De la garantie générale de l'égalité de traitement de l'art. 8 al. 1 Cst. découle l'obligation de l'employeur public de rémunérer un même travail avec un même salaire. Dans les limites de l'interdiction de l'arbitraire, les autorités disposent d'une grande marge d'appréciation, particulièrement en ce qui concerne les questions d'organisation et de rémunération. La juridiction saisie doit observer une retenue particulière lorsqu'il s'agit non seulement de comparer deux catégories d'ayants droit mais de juger tout un système de rémunération; elle risque en effet de créer de nouvelles inégalités (ATF 143 I 65 consid. 5.2 et les références). Par ailleurs, la question de savoir si des activités doivent être considérées comme identiques dépend d'appréciations qui peuvent se révéler différentes. Dans les limites de l'interdiction de l'arbitraire et du principe de l'égalité de traitement, les autorités sont habilitées à choisir, parmi les multiples éléments pouvant entrer en considération, les critères qui doivent être considérés comme déterminants pour la rémunération des fonctionnaires. Le droit constitutionnel n'exige pas que la rémunération soit fixée uniquement selon la qualité du travail fourni, voire selon des exigences effectivement posées. Les inégalités de traitement doivent cependant être raisonnablement motivées, et donc apparaître objectivement défendables. Ainsi le Tribunal fédéral a-t-il reconnu que l'art. 8 Cst. n'était pas violé lorsque les différences de rémunération reposaient sur des motifs objectifs tels que l'âge, l'ancienneté, l'expérience, les charges familiales, les qualifications, le genre et la durée de la formation requise pour le poste, le temps de travail, les horaires, le cahier des charges, l'étendue des responsabilités ou les prestations (ATF 143 I 65 précité consid. 5.2 et les références). Ces considérations, qui concerne la question de la rémunération des employés de l'État, valent également, mutatis mutandis, à propos du temps de travail qui leur est imposé.
3.2. Il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 148 I 127 consid. 4.3; 143 IV 241 consid. 2.3.1; 142 II 433 consid. 4.4). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit démontrer le caractère arbitraire par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).
Une décision est par ailleurs arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 148 II 465 consid. 8.1; 148 I 145 consid. 6.1). Dans ce contexte, il incombe à la partie recourante d'exposer une argumentation spécifique qui réponde aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 146 I 62 consid. 3).
3.3. Le rapport EVALFRI a été établi sur mandat du Conseil d'État afin d'évaluer les fonctions, notamment, de l'enseignement professionnel et de l'enseignement du niveau secondaire II (p. 3 du rapport). Il est rappelé que l'évaluation avec l'outil EVALFRI a comme objectif "d'établir le profil de la fonction en terme d'exigences et de charges" (p. 6). Plus clairement encore, la CEF ajoute (p. 7) : "Il est important de souligner que ni les résultats de l'évaluation, ni les propositions de classification que la CEF formulera dans les pages suivantes du présent rapport ne tiendront compte d'autres paramètres tels que le nombre d'unités d'enseignement hebdomadaires, les semaines de non-classe, le système de décharge pour tâches spéciales, du mode de financement de la formation, etc. Or, ces paramètres font partie intégrante du statut global du personnel enseignant". Invitée à se déterminer à la suite de l'arrêt de renvoi du 10 mai 2021, la CEF a encore apporté les précisions suivantes. L'évaluation a lieu sur la base de questionnaires complétés par un échantillon de collaborateurs. En l'occurrence, trois enseignants de branches spéciales de trois collèges différents (un enseignant de dessin, un enseignant de création artistique/activités, un enseignant de musique) avaient rempli le questionnaire en indiquant des pourcentages différents à propos des différentes activités (enseignement, préparation, corrections, gestion matériel, conseil et contacts, formation continue, administration). Sur la base de ces indications, la CEF avait regroupé les activités semblables et indiqué des fourchettes en fonction des pourcentages indiqués. Quoi qu'il en soit, la CEF a encore répété que sa compétence portait sur la proposition de la classe de traitement et non sur le nombre d'unités d'enseignement, précisant qu'il n'y avait aucun lien entre ces deux questions.
Compte tenu des indications données par l'autorité concernée elle-même, il n'apparaît nullement arbitraire de considérer que le rapport de la CEF était sans pertinence sur la question spécifique du nombre d'unités d'enseignement, quand bien même la cour cantonale a pu dans un premier temps laisser entendre le contraire dans son arrêt de renvoi. Il n'y a pas lieu, cela étant, de s'interroger sur le caractère représentatif des questionnaires remis à la CEF, ni sur les éventuelles erreurs de chiffres que son rapport contiendrait.
3.4. Les questions de savoir quelles sont les activités exercées dans le cadre d'une fonction déterminée et dans quelles circonstances cette activité est normalement exercée, tout comme la détermination du temps de travail, constituent des questions de fait que le Tribunal fédéral examine sous l'angle de l'arbitraire (ATF 125 II 385 consid. 5b, 521 consid. 4b). Pour les résoudre, l'instance compétente se fonde sur les éléments de preuve disponibles, y compris lorsqu'elle se convainc de l'existence ou de l'inexistence d'un fait sur la base de déductions, en faisant appel notamment à l'expérience générale de la vie (GRÉGORY BOVEY, in Commentaire LTF, 3ème éd. 2022, n° 34 ad art. 105 LTF).
Comme cela est relevé ci-dessus, le rapport EVALFRI ne pouvait être utilisé pour déterminer le nombre d'unités d'enseignement propres à chaque branche. Le Conseil d'État devait dès lors se fonder sur d'autres éléments. Il a repris les quatre champs d'activités décrits à l'art. 19 RPEns, soit: l'enseignement (qui comprend notamment la préparation et la planification des cours, l'enseignement proprement dit, l'évaluation des élèves, la correction des travaux), le suivi pédagogique (qui comprend notamment la surveillance, le soutien, l'encadrement et le conseil aux élèves, les relations école-famille), le fonctionnement de l'école (qui comprend la concertation avec les collègues, la participation aux réunions, groupes de travail et conférences ainsi qu'aux manifestations de la vie scolaire et aux divers projets de l'établissement) ainsi que la formation continue.
3.5. S'agissant de l'enseignement, il a retenu que la préparation des cours pour les arts visuels pouvait être valorisée sur une plus longue durée que pour les branches générales puisque les enseignants de ces dernières devaient introduire de nouvelles notions pour presque chaque leçon. Les évaluations pouvaient se faire durant les heures de cours et ne nécessitaient pas de corrections en dehors des heures d'enseignement. La cour cantonale a ajouté à ce sujet que la correction d'un travail d'art visuel prend généralement moins de temps que celle d'une dissertation de plusieurs pages, ce qui n'a rien d'insoutenable. S'agissant du suivi pédagogique, la participation aux entretiens avec les parents, sur requête de ceux-ci, est également moins fréquente, considération qui, comme on l'a vu, échappe au grief d'arbitraire. Si, sur les deux derniers champs d'activité (fonctionnement de l'école et suivi pédagogique), le Conseil d'État et la cour cantonale n'ont pas discerné de différences notables entre les branches, les différences relevées s'agissant de l'enseignement et du suivi suffisaient à justifier les deux unités d'enseignement supplémentaires.
Sur le vu de ce qui précède, il apparaît que la cour cantonale s'est fondée sur des éléments pertinents pour confirmer la décision du Conseil d'État. Sa décision est exempte d'arbitraire et il ne se justifiait pas, cela étant, de procéder à des investigations complémentaires telles qu'une expertise ou une recherche à large échelle auprès de l'ensemble des enseignants du canton. Comme le relève la cour cantonale, de telles investigations ne permettraient pas - comme en atteste la diversité des questionnaires remis lors de l'élaboration du rapport EVALFRI - d'obtenir une vision plus objective et uniforme de la situation, puisqu'elles nécessiteraient ensuite un travail d'uniformisation impliquant lui aussi une part inévitable de schématisme.
Les différents griefs d'arbitraire doivent par conséquent être écartés, dans la mesure où ils sont suffisamment motivés.
4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours en matière de droit public est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours en matière de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, au Conseil d'État du canton de Fribourg, à la Direction de la formation et des affaires culturelles de l'État de Fribourg et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour administrative.
Lausanne, le 11 novembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz