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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_459/2022  
 
 
Arrêt du 20 mars 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Hurni. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Germain Quach, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. B.________, 
représenté par Me Isabelle Bühler Galladé, avocate, 
intimés. 
 
Objet 
Violation du secret professionnel; indemnités, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, 
du 10 février 2022 (P/11481/2020 AARP/46/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 14 octobre 2021, le Tribunal de police du canton de Genève a acquitté B.________ du chef d'accusation de violation du secret professionnel, a rejeté les conclusions civiles de la partie plaignante A.________ et a accordé à B.________, à charge de cette dernière, une indemnité de 5'500 fr., avec intérêts à 5 % dès le 29 avril 2021, de 7'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 26 août 2021 et de 14'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 21 septembre 2021 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a et 432 al. 2 CPP). 
 
B.  
Par arrêt du 10 février 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a admis très partiellement l'appel formé par A.________ et réformé l'arrêt attaqué. Elle a acquitté B.________ du chef d'accusation de violation du secret professionnel, a débouté A.________ de ses conclusions civiles, a condamné cette dernière à verser à B.________ 20'156 fr. à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP et 432 al. 2 CPP), a condamné B.________ à verser à A.________ 280 fr. à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel (art. 428 et 433 CPP) et, enfin, a condamné A.________ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à 1'290 fr. (art. 427 al. 2 let. a CPP). 
En substance, elle a retenu les faits suivants: 
 
B.a. A.________ et B.________ ont entretenu une relation sentimentale de courte durée en 2012.  
 
B.b. En 2012, A.________ a confié deux mandats à B.________, avocat, l'un en lien avec son divorce et l'autre concernant un litige de droit du travail qui l'opposait à son ancien employeur. D'avril 2013 à juin 2015, elle a été administratrice de C.________ SA, dont B.________ était l'un des actionnaires et l'administrateur entre le mois de juin 2015 et le 21 septembre 2018. En automne 2013, elle y a investi l'intégralité de son 2e pilier, sous forme d'un prêt consenti à cette entité. Dès le 1er février 2014 et jusqu'au 31 décembre 2015, elle a été employée de cette société.  
Le 4 décembre 2019, A.________ a introduit une demande en paiement devant le Tribunal d'arrondissement de Lausanne à l'encontre de B.________, en sa qualité d'ancien administrateur de C.________ SA. Selon A.________, B.________ aurait dévoilé, dans le cadre de sa défense, des informations la concernant et dont il avait eu connaissance alors qu'il était son avocat, sans avoir préalablement obtenu la levée de son secret professionnel par celle-ci. A.________ a déposé une plainte pénale à l'encontre de B.________ en raison de ces faits le 15 juin 2020. 
 
C.  
Contre cet arrêt cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Principalement, elle conclut à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que B.________ est reconnu coupable de violation du secret professionnel, qu'il lui doit immédiat paiement d'un montant de 1 fr. au titre d'indemnité pour tort moral et qu'il est reconnu son débiteur d'une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par les procédures pénales de première et de deuxième instances. Subsidiairement, elle demande que l'arrêt attaqué soit réformé en ce sens qu'elle n'est pas condamnée à verser à B.________ une indemnité pour ses frais de défense ni à payer les frais de la procédure. En outre, elle sollicite l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1 p. 358). 
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Les prétentions civiles envisagées sous l'angle de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF sont celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). En cas d'acquittement du prévenu, cela suppose que la partie plaignante fasse valoir dans la procédure pénale, autant que cela pouvait raisonnablement être exigé d'elle, des prétentions civiles découlant de l'infraction (ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1 p. 247 s.), étant rappelé que les prétentions civiles peuvent être élevées au plus tard lors des plaidoiries devant le tribunal du premier degré (art. 123 al. 2 CPP; arrêts 6B_928/2018 du 26 mars 2019 consid. 1.1; 6B_282/2017 du 14 septembre 2017 consid. 1.1). Si la partie plaignante n'est pas à même de le faire, notamment parce que son dommage n'est pas encore ou pas entièrement établi, elle doit indiquer quelles sortes de prétentions civiles elle entend faire valoir et demander qu'elles lui soient allouées dans leur principe (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187; arrêts 6B_282/2017 précité consid. 1.1; 6B_1156/2015 du 27 juillet 2016 consid. 2.1). La partie plaignante ne saurait en tous les cas se limiter à demander la réserve de ses prétentions civiles ou, en d'autres termes, à signaler simplement qu'elle pourrait les faire valoir ultérieurement, dans une autre procédure. Ce faisant, elle ne prend pas de conclusions civiles sur le fond (ATF 127 IV 185 consid. 1b p. 188).  
L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (arrêts 6B_89/2022 du 2 juin 2022 consid. 1.1; 6B_1043/2019 du 26 septembre 2019 consid. 2.1; 6B_637/2019 du 8 août 2019 consid. 1.2). 
 
1.2. En l'espèce, la recourante a conclu au versement d'un montant symbolique de 1 franc à titre de réparation du tort moral. Elle explique qu'elle a réduit ce montant à un franc symbolique, car elle estime être de longue date victime d'agissements systématiques de l'intimé à son encontre et que les actes pénaux reprochés à l'intimé dans la présente procédure ont participé à cette souffrance, toutefois dans une mesure difficile à chiffrer.  
 
1.3. En l'espèce, la procédure pénale a été menée jusqu'au stade du jugement, ce qui aurait dû permettre à la recourante, en tant que partie plaignante, d'articuler ses prétentions civiles. La recourante s'est cependant limitée à demander le versement d'un montant symbolique au titre de la réparation de son tort moral au motif qu'elle ne pouvait pas chiffrer celui-ci. Elle n'a pas expliqué en quoi l'atteinte subie du fait de l'infraction dénoncée présentait une gravité suffisante pour obtenir l'allocation d'une indemnité pour tort moral ni établi que cette atteinte avait été causée par l'infraction de violation du secret professionnel et non le comportement général de l'intimé. La réduction de ses conclusions à un franc symbolique ne pouvait lui permettre d'échapper à ces exigences (cf. arrêt 6B_329/2020 du 20 janvier 2021 consid. 1). Au demeurant, si, comme elle le soutient, elle ne pouvait pas chiffrer le montant de son indemnité en réparation du tort moral, elle devait conclure à l'allocation de ses prétentions civiles dans leur principe et expliquer, par des motifs compréhensibles, pourquoi elle n'avait pas pu prendre des conclusions chiffrées au stade du jugement, ce qu'elle ne fait pas non plus. A défaut d'explications suffisantes sur ces questions, la qualité pour recourir sur le fond doit lui être refusée.  
 
2.  
Pour le reste, la recourante conteste que les frais de la procédure liés à sa plainte puissent être mis à sa charge selon l'art. 427 al. 2 CPP. Elle se plaint également de sa condamnation au versement d'une indemnité à l'intimé pour ses frais de défense en vertu de l'art. 432 al. 2 CPP. Elle a, sur ces points, qualité pour recourir au Tribunal fédéral sur la base de l'art. 81 al. 1 LTF (cf. ATF 138 IV 248 consid. 2 p. 250). Il convient donc d'entrer en matière. 
 
2.1. Selon l'art. 427 al. 2 CPP, en cas d'infractions poursuivies sur plainte, les frais de la procédure peuvent être mis à la charge de la partie plaignante ou du plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile lorsque la procédure est classée ou le prévenu acquitté (let. a) et que le prévenu n'est pas astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 (let. b).  
Dans ce contexte, le plaignant doit être compris comme la personne qui a déposé une plainte pénale et qui a renoncé à user des droits qui sont les siens au sens de l'art. 120 CPP, étant précisé que cette renonciation ne vaut pas retrait de la plainte pénale (ATF 138 IV 248 consid. 4.2.1; arrêt 6B_538/2021 du 8 décembre 2021 consid. 1.1.1). Contrairement à la version française, les versions allemande et italienne opèrent une distinction entre la partie plaignante ("Privatklägerschaft"; "accusatore privato") et le plaignant ("antragstellende Person"; "querelante"). Ainsi, la condition d'avoir agi de manière téméraire ou par négligence grave et de la sorte entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile ne s'applique qu'au plaignant. En revanche, cette condition ne s'applique pas à la partie plaignante à qui les frais peuvent être mis à charge sans autre condition (ATF 138 IV 248 consid. 4.2.2; arrêts 6B_538/2021 précité consid. 1.1.1; 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 6.1; 6B_369/2018 du 7 février 2019 consid. 2.1). La personne qui porte plainte pénale et qui prend part à la procédure comme partie plaignante doit assumer entièrement le risque lié aux frais, tandis que la personne qui porte plainte mais renonce à ses droits de partie ne doit supporter les frais qu'en cas de comportement téméraire (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.2; 138 IV 248 consid. 4.2.3; arrêt 6B_1081/2021 du 23 novembre 2022 consid. 2.3). La jurisprudence a toutefois précisé que les frais de procédure ne peuvent être mis à la charge de la partie plaignante ayant déposé une plainte pénale qui, hormis le dépôt de la plainte, ne participe pas activement à la procédure que dans des cas particuliers (ATF 138 IV 248 consid. 4.4.1; arrêts 6B_940/2021 du 9 février 2023 consid. 4.1.1; 6B_538/2021 précité consid. 1.1.1). 
 
2.2. Conformément à l'art. 432 al. 2 CPP, lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l'infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou a rendu celle-ci plus difficile peut être tenu d'indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.  
Dans le cas d'infractions poursuivies sur plainte, il n'est pas nécessaire que la partie plaignante ait agi de manière téméraire ou par négligence grave pour être tenue d'indemniser le prévenu qui obtient gain de cause. L'obligation d'indemnisation de la partie plaignante (ayant participé activement à la procédure) est de nature dispositive. En cas de classement de la procédure ou d'acquittement, l'indemnisation du prévenu est à la charge de l'État lorsqu'il s'agit d'une infraction poursuivie d'office mais, en cas d'infraction poursuivie sur plainte, elle est (en principe) à la charge de la partie plaignante (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.3-4.2.6; cf. ATF 138 IV 248 consid. 4.2.2). Lorsque la partie plaignante ou le plaignant supporte les frais en application de l'art. 427 al. 2 CPP, une éventuelle indemnité allouée au prévenu peut en principe être mise à la charge de la partie plaignante ou du plaignant en vertu de l'art. 432 al. 2 CPP (arrêt 6B_1081/2021 précité consid. 3.4). 
 
2.3. La recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir examiné si l'intimé n'avait pas provoqué, de manière illicite et fautive, l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (cf. art. 426 al. 2 CPP, par renvoi de l'art. 427 al. 2 let. b CP). Elle dénonce à cet égard une violation de son droit d'être entendue.  
Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique l'obligation pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183). Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183). 
 
2.4. La cour cantonale a noté que l'infraction de violation du secret professionnel (art. 321 CP), dénoncée par la recourante, n'était poursuivie que sur plainte. Elle a rappelé que, dans le cas d'infractions poursuivies sur plainte, il n'était pas nécessaire que la partie plaignante ait agi de manière téméraire ou par négligence grave pour être tenue d'indemniser le prévenu qui obtenait gain de cause (ATF 147 IV 47 consid. 4.2) ni pour que les frais soient mis à sa charge. Elle a considéré en l'espèce que la recourante, en tant que partie plaignante, devait indemniser l'intimé pour ses frais de défense et payé les frais de procédure dans la mesure où elle avait fait preuve d'un acharnement injustifié à l'encontre de l'intimé. Ces constatations excluaient implicitement que l'intimé ait provoqué, de manière illicite et fautive, l'ouverture de la procédure. Une motivation complémentaire à ce sujet n'était pas nécessaire. Le grief tiré du défaut de motivation doit donc être rejeté.  
 
3.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 20 mars 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin