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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_438/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 21 novembre 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Chaix et Kneubühler. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
tous les deux représentés par Me Ludivine Détienne, avocate, 
recourants, 
 
contre  
 
Commune de Martigny, Administration communale, 1920 Martigny, représentée par Me Nicolas Voide, avocat, 
Commission d'estimation en matière d'expropriation du canton du Valais, par Mme Viviane Zehnder, Présidente, case postale 47, 1890 St-Maurice. 
 
Objet 
Expropriation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
du Valais, Cour de droit public, du 28 juin 2017 
(A1 17 68, A1 17 69, A1 17 70). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Dans le cadre de l'aménagement de mesures de protection contre les crues de la Dranse, projet homologué par le Conseil d'Etat du canton du Valais le 28 mars 2012, la Commune de Martigny-Combe a procédé à l'expropriation partielle de plusieurs parcelles. Parmi celles-ci se trouvent celle de A.________ et B.________ (n° 8542), colloquée en zone agricole, d'une surface totale de 7'070 m2 dont 403 m2 doivent être expropriés. 
Après avoir procédé à une visite des lieux, la Commission cantonale d'estimation en matière d'expropriation a, par décision du 24 février 2017, fixé à 8 fr./m 2 l'indemnité pour le terrain exproprié, à 33'436 fr. 80 l'indemnité pour la perte de récolte et à 12'155 fr. l'indemnité pour la haie de thuyas. Le recours contre cette décision a été rejeté par arrêt du 28 juin 2017 de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal). Cette autorité a notamment considéré que les conditions pour un dédommagement en nature n'étaient pas données.  
 
B.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de renvoyer la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision. Ils demandent aussi qu'une compensation en nature des terres expropriées soit ordonnée et sollicitent que l'indemnité relative à la perte de récolte soit calculée en fonction du type de terrain proposé, de son équipement et du délai dans lequel il pourrait être mis à disposition. En tout état, ils concluent à la condamnation de l'Etat du Valais aux frais de la procédure et au versement de dépens en leur faveur. 
Invités à déposer des observations, le Tribunal cantonal et la Commission cantonale d'estimation en matière d'expropriation renoncent à se déterminer. Les recourants n'ont pas déposé de réplique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance en matière d'expropriation formelle fondée sur le droit cantonal, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué, en tant que propriétaires de l'immeuble exproprié. Ils ont donc la qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité sont remplies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Dans un grief formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus. Ils reprochent en particulier à la cour cantonale de ne pas avoir répondu aux griefs qu'ils avaient élevés devant cette instance en rapport avec le principe d'une indemnisation en nature. 
 
2.1. Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 137 II 266 consid. 3.2 p. 270; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236).  
Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565 et les références). 
 
2.2. Sur la question encore litigieuse devant le Tribunal fédéral de l'indemnisation en nature, la cour cantonale a retenu que l'art. 11 al. 2 de la loi cantonale du 8 mai 2008 sur les expropriations (ci-après: LEx/VS; RS/VS 170.1) pose le principe de l'indemnité d'expropriation payable en argent, tandis qu'il soumet le dédommagement en nature à une convention entre l'expropriant et l'exproprié. Quant à l'art. 12 al. 1 LEx/VS, il traite du cas dans lequel un dédommagement en nature peut être imposé à l'expropriant lorsque l'expropriation met en péril l'exploitation économique d'une entreprise. La cour cantonale en a ainsi déduit que, en droit valaisan, le dédommagement en argent est la règle et l'indemnisation en nature l'exception.  
Appliquant ces principes au cas d'espèce, les juges cantonaux ont constaté l'absence de convention prévoyant une indemnisation en nature qui justifierait de s'écarter du principe de l'indemnité pécuniaire. Ils ont ensuite abordé la question de savoir si l'expropriation était susceptible de mettre en péril l'exploitation économique de l'entreprise des recourants. Sur ce point, ils ont d'abord reproché aux expropriés de ne pas avoir apporté d'éléments démontrant la mise en péril de leur entreprise; ils ont ensuite considéré qu'une expropriation de 5.7% de leur parcelle ne pouvait pas empêcher l'exploitation agricole, ce d'autant moins que les recourants disposaient d'autres surfaces agricoles utiles. Dans ce contexte, la cour cantonale a énoncé que la simple invocation de dispositions de droit fédéral sur l'aménagement du territoire ou la protection de l'environnement ne leur était d'aucune aide, de même que la prétendue "rareté des surfaces d'assolement (SAD) sur le sol suisse". 
 
2.3. Devant la cour cantonale, les recourants soutenaient qu'exproprier une terre agricole en ne la compensant pas en nature viole les dispositions de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) et de l'ordonnance du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1) relatives aux surfaces d'assolement. Ils pointaient en particulier l'art. 41c bis de l'ordonnance du 28 octobre 1998 sur la protection des eaux (OEaux; RS 814.201) dont l'entrée en vigueur était fixée au 1 er mai 2017 et dont l'al. 2 prévoit que, si des terres cultivables ayant la qualité de surface d'assolement situées dans l'espace réservé aux eaux sont affectées à des mesures constructives de protection contre les crues ou la revitalisation des eaux, leur perte doit être compensée conformément au plan sectoriel des surfaces d'assolement prévu à l'art. 29 OAT. Les recourants poursuivaient leur raisonnement en affirmant que les mesures envisagées par la Commune de Martigny remplissaient les conditions de l'art. 41c bis al. 2 OEaux, de sorte que les terres expropriées devaient être compensées par d'autres terres du même type.  
Un tel grief aurait certes mérité un traitement plus approfondi que celui réservé par la cour cantonale et le caractère lapidaire de la motivation cantonale sur ce point est sujet à critique. Il n'en demeure pas moins qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la cour cantonale a pris connaissance des arguments des recourants, notamment en matière de surface d'assolement, mais ne les a pas développés au motif qu'ils ne jouaient, selon ses termes, aucun rôle, ce par quoi il faut entendre qu'ils n'étaient pas pertinents pour l'issue du litige. Dans la mesure où, comme on le verra (cf. infra consid. 3), l'argumentation des recourants était effectivement sans incidence sur l'issue du litige, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit d'être entendus des recourants, procéder par ellipse. 
 
3.   
Sur le fond, les recourants font valoir que le principe de l'indemnisation en nature doit être la règle eu égard aux nombreuses lois fédérales exigeant ce type d'indemnité dans le domaine agricole et que la Commission cantonale d'estimation aurait dû exiger de la part de la commune une compensation en nature. 
Aux termes de l'art. 36a al. 3 3 ème phrase de la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux; RS 814.20), la disparition des surfaces d'assolement est compensée conformément aux plans sectoriels de la Confédération visés à l'art. 13 LAT. Cette disposition, entrée en vigueur le 1 er janvier 2011, a donné lieu, le 20 mai 2014, à une Fiche pratique "Espace réservé aux eaux et agriculture", conçue par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) et l'Office fédéral du développement territorial (ARE) en collaboration avec les cantons. A teneur de cette Fiche pratique, antérieure à l'entrée en vigueur de l'actuel art. 41c bis al. 2 OEaux, seules les pertes effectives en sols de qualité SDA, par exemple à la suite de projets de revitalisation, doivent être compensées; cette compensation intervient en principe hors du projet ayant généré ces pertes (ch. 5, p. 11).  
L'obligation de compensation prévue dans les dispositions précitées s'adresse ainsi aux collectivités publiques dans le cadre de leur planification générale, laquelle leur impose notamment de tenir compte des plans sectoriels de la Confédération (art. 6 al. 4 LAT et 29 OAT). A ce titre, les cantons s'assurent que leur part de la surface totale minimale d'assolement soit garantie de façon durable (art. 30 al. 2 OAT). En l'absence d'une telle garantie, ils prennent le risque que le Conseil fédéral refuse d'approuver leur plan directeur (art. 11 LAT; pour un exemple: cf. l'approbation partielle du plan directeur cantonal du canton de Genève [FF 2015 p. 3242 ch. 9c]). 
Dès lors, la compensation des éventuelles surfaces d'assolement perdues en raison du projet d'aménagement de mesures de protection contre les crues de la Dranse ne doit pas être confondue avec le dédommagement de l'expropriation subie par les recourants. Tandis que la compensation précitée concerne uniquement les relations entre les autorités, le dédommagement pour expropriation s'inscrit dans une relation entre l'Etat et le particulier atteint dans son droit de propriété. Dans l'hypothèse où le canton du Valais ne respecterait pas le quota de 7'350 hectares des surfaces d'assolement attribué par le Conseil fédéral (FF 1992 II 1616), cette question occuperait ces autorités, mais n'intéresserait pas les recourants. Ceux-ci, dans leur rapport avec la Commune de Martigny, ne peuvent dès lors fonder leurs prétentions en indemnisation que sur la LEx/VS, loi cantonale qui ne contrevient pas, contrairement aux affirmations des recourants, au droit supérieur. Or, comme l'ont exposé avec pertinence les juges cantonaux, les conditions fixées par le droit valaisan pour un dédommagement en nature ne sont pas réalisées (voir supra consid. 2.2). Quant à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR; RS 211.412.11), les dispositions visées par les recourants autorisent précisément le partage matériel ou le morcellement à la suite d'une expropriation (art. 59 let. c LDFR). 
Par conséquent, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en refusant d'octroyer aux recourants un dédommagement en nature et en préférant leur octroyer une indemnisation pécuniaire. 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté, aux frais des recourants qui succombent (art. 65 et 66 al.1 LTF). La Commune de Martigny, qui ne s'est par ailleurs pas déterminée, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge des recourants. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants et de la Commune de Martigny, à la Commission d'estimation en matière d'expropriation du canton du Valais et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public. 
 
 
Lausanne, le 21 novembre 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Tornay Schaller