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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
9C_98/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 5 août 2015  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Meyer, Juge présidant, Parrino et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
Caisse de pensions de X.________, 
représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
K.________, 
représentée par Me Eric Hess, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle, 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 19 janvier 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 1 er octobre 2005, K.________ a débuté un emploi à plein temps au service de X.________ en qualité d'assistante pour le responsable du planning et du contrôle de la partie francophone d'un département dès le 1 er octobre 2005. Elle a été totalement incapable de travailler à compter du 16 janvier 2006 en raison d'affections psychiques. Par lettre du 18 janvier 2006, la Caisse de pensions de X.________ a émis une réserve de santé pour l'octroi des prestations d'assurance surobligatoire libellée comme suit: "en cas d'incapacité de gain consécutive aux affections psychiques et à leurs conséquences, aucune prestation d'assurance ne sera accordée", la réserve étant valable trois ans. Par courriel du 29 mars 2006, la Caisse de pensions de X.________ s'est référée à son écriture du 18 janvier 2006, en invitant K.________ à lui confirmer sa réception et lui retourner une copie munie de sa signature.  
Par décision du 24 novembre 2008, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève a alloué à K.________ une rente entière d'invalidité à compter du 1 er avril 2007 (demande tardive). L'office AI a retenu que la capacité de travail de l'assurée était considérablement restreinte depuis janvier 2006.  
Le 22 septembre 2009, K.________, agissant par son curateur, a demandé à la Caisse de pensions de X.________ de lui verser une rente d'invalidité. L'institution de prévoyance a opposé un refus, motivé par le fait que K.________ était incapable de travailler avant son affiliation. 
 
B.   
Le 21 décembre 2011, K.________ a saisi la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, en concluant à ce que la Caisse de pensions de X.________ fût condamnée à lui verser une rente d'invalidité à 100 % dès le 1 er janvier 2007, avec intérêts. La défenderesse a conclu au rejet de la demande.  
La juridiction cantonale a entendu plusieurs médecins et témoins. Après avoir ordonné l'appel en cause de deux institutions de prévoyance auprès desquelles l'assurée avait précédemment été affiliée, elle a rejeté la demande par jugement du 4 juin 2013. 
Saisi par K.________, le Tribunal fédéral a annulé ce jugement par arrêt du 25 février 2014 (9C_503/2013, in SVR 2014 BVG n° 38 p. 143). En bref, il a jugé que l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité était survenue pour la première fois en janvier 2006, si bien que les prestations d'invalidité étaient dues, pour autant que toutes les autres conditions fussent remplies, par la Caisse de pensions de X.________ auprès de laquelle la recourante était affiliée lorsqu'elle est devenue entièrement incapable de travailler. La cause a dès lors été renvoyée aux premiers juges afin qu'ils statuent à nouveau sur la demande du 21 décembre 2011, en examinant à cette occasion aussi la validité de la réserve concernant les prestations de la prévoyance professionnelle surobligatoire (consid. 6.4). 
Par jugement du 19 janvier 2015, la Cour de justice a admis partiellement la demande, condamnant la défenderesse à verser à la demanderesse la somme de 153'306 fr. 40 avec intérêts à 5 % dès le 22 décembre 2011 (ch. 3 du dispositif), ainsi qu'une rente annuelle de 35'035 fr. dès le 1 er décembre 2011 (ch. 4 du dispositif).  
 
C.   
La Caisse de pensions de X.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle invite le Tribunal fédéral à lui donner acte qu'elle reconnaît devoir à l'intimée une rente d'invalidité minimale LPP de 16'086 fr. l'an à partir du 1er décembre 2007, avec intérêts à 5 % l'an dès le 22 décembre 2011. Elle sollicite l'attribution de l'effet suspensif à son recours. 
L'intimée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le droit de l'intimée à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire, d'un montant de 16'086 fr. l'an à partir du 1er décembre 2007 avec intérêts à 5 % l'an à compter du 22 décembre 2011, n'est pas contesté. 
Le litige porte uniquement sur le droit de l'intimée à une rente d'invalidité annuelle réglementaire plus élevée, d'un montant total de 35'035 fr. dès le 1 er décembre 2011, ainsi qu'un montant de 153'306 fr. 40 avec intérêts à 5 % l'an dès le 22 décembre 2011 à titre de rétroactifs de rentes de janvier 2007 à novembre 2011. La solution du litige dépend du point de savoir si la réserve de santé du 18 janvier 2006 est ou non valide.  
 
2.   
Les premiers juges ont exposé correctement les règles applicables à l'émission de réserves pour raisons de santé dans le cadre de la prévoyance plus étendue, singulièrement celles qui se rapportent à la preuve de la communication des réserves, si bien qu'il suffit de renvoyer au consid. 5 du jugement attaqué. 
 
3.   
Devant la juridiction cantonale, l'institution de prévoyance défenderesse avait indiqué qu'elle avait communiqué la réserve de santé à la demanderesse aussi bien par lettre du 18 janvier 2006 que par courriel du 29 mars 2006. 
Les premiers juges ont constaté que la lettre du 18 janvier 2006 avait été envoyée sous simple pli à sa destinataire, laquelle contestait l'avoir reçue. Considérant que si la réception d'un courrier peut être admise au degré de la vraisemblance prépondérante si l'ensemble des circonstances, en l'absence de preuve stricte, le permet, les juges cantonaux ont admis que la réception de la réserve n'était pas établie dans le cas d'espèce. En effet, l'intimée avait toujours donné suite aux requêtes de la recourante et n'avait découvert l'existence de l'écriture du 18 janvier 2006 qu'à la lecture du mémoire-réponse de la recourante, défenderesse en procédure cantonale. 
Quant au courriel du 29 mars 2006, les juges ont constaté que la recourante l'avait envoyé à l'adresse professionnelle de l'intimée, où cette dernière n'était plus revenue travailler dès le 16 janvier 2006. Ils ont ainsi constaté qu'elle n'avait pas pu le recevoir. 
Dès lors que la recourante n'avait pas démontré que la réserve de santé avait été notifiée à l'intimée, la juridiction cantonale a admis que la recourante devait supporter les conséquences de l'absence de preuve. Comme la réserve n'avait pas été valablement communiquée à l'intimée, elle ne pouvait pas lui être opposée. 
 
4.   
La recourante soutient qu'une réserve d'assurance n'est pas soumise à acceptation ni à réception par acte recommandé. Dans le cas d'espèce, elle estime qu'elle pouvait déduire du silence de l'intimée que la réserve n'avait pas été acceptée, car la lettre du 18 janvier 2006 qui l'instaurait ne lui avait pas été retournée, alors que l'intimée avait toujours répondu aux courriers adressés sous simple pli. 
Selon la recourante, en niant la validité de la réserve d'assurance pour le seul motif qu'elle n'avait pas été envoyée sous pli recommandé à l'intimée, la juridiction cantonale a fixé des exigences formelles dépourvues de toutes bases légales, inconciliables avec l'art. 49 al. 2 LPP, l'art. 331c CO, l'art. 3 de son Règlement de prévoyance, le principe de la légalité (art. 5 al. 1 et 3 Cst.), de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.), de la bonne foi et celui de la prohibition de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Elle ajoute que la voie suivie par les premiers juges ne respecte pas la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt 9C_117/2007 du 16 mai 2008 consid. 5), selon laquelle il ne faut pas émettre des exigences trop sévères dans le domaine de la prévoyance plus étendue, caractérisée par l'absence d'obligation de contracter. 
 
5.  
 
5.1. Selon la jurisprudence rendue en matière de prévoyance professionnelle, une réserve pour raisons de santé est une restriction individuelle, concrète et limitée dans le temps de la couverture d'assurance dans un cas particulier (cf. ATF 127 III 235 consid. 2c p. 238). La réserve doit donc être formulée de façon explicite, datée et communiquée à l'assuré au moment de son entrée dans l'institution de prévoyance (arrêt 9C_810/2011 du 4 juin 2012 consid. 3.2, in SVR 2013 BVG n° 4 p. 16, citant l'arrêt B 110/01 du 24 novembre 2003 consid. 4.3, in SVR 2004 BVG n° 13 p. 40). Cela permet en particulier, en cas de changement ultérieur d'institution de prévoyance, de savoir quelle institution répond d'une atteinte à la santé déjà existante (arrêt B 124/05 du 17 octobre 2006 consid. 2, in RSAS 2007 p. 376). La réserve ne déploie ses effets qu'au moment où le cas d'assurance survient et qu'il en résulte un devoir pour l'assureur d'allouer des prestations. L'assureur est délié de son obligation de prester dans la mesure du risque réservé (arrêt 9C_104/2007 du 20 août 2007, in SVR 2008 BVG n° 18 p. 69). La question de la preuve de la communication de la réserve de santé n'est pas réglée spécifiquement dans les dispositions que la recourante invoque, que ce soit aux art. 49 al. 2 LPP et 331c CO, ou à l'art. 3 de son règlement (teneur au 1 er janvier 2006).  
Les réserves de santé sont également connues en matière d'assurance facultative d'indemnités journalières selon la LAMal, où la validité d'une réserve dépend de sa communication par écrit à l'assuré (cf. art. 69 al. 3 LAMal). Sous l'empire de la LAMA (abrogée au 1 er janvier 1996), le principe de la bonne foi commandait à l'assureur-maladie de notifier à nouveau une réserve (art. 5 al. 3 LAMA) lorsque l'assuré n'avait pas retiré le pli recommandé contenant le libellé de ladite réserve, ou de rendre une décision formelle suivant l'art. 30 al. 1 LAMA (arrêt K 81/00 du 8 septembre 2000 consid. 3b). Dans ce contexte, l'autorité fédérale de surveillance avait jadis recommandé de notifier les réserves sous pli recommandé, afin que la preuve de leur communication pût être apportée (arrêt K 67/89 du 26 juin 1990 consid. 2a, in RAMA 1990 p. 235).  
 
5.2. Contrairement à ce que soutient la recourante, la juridiction cantonale n'a pas fait dépendre la validité de la réserve d'assurance de sa notification sous pli recommandé à l'intimée. Les premiers juges ont uniquement considéré que la preuve de la communication de la réserve n'était pas établie dans le cas d'espèce, si bien que la recourante devait supporter les conséquences de l'absence de preuve.  
Suivant l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire un droit. A défaut de règles contraires que la recourante n'énonce d'ailleurs pas, la preuve de la communication de la réserve de santé incombe ainsi à l'institution de prévoyance recourante qui soutient l'avoir émise et qui s'en prévaut pour refuser d'allouer ses prestations. La voie suivie par la recourante pour communiquer la réserve de santé dans le cas d'espèce (simple pli, courriel) importe donc peu. En effet, il suffit de constater, comme les premiers juges l'ont fait, que la recourante n'a pas établi que ses communications des 18 janvier 2006 (lettre postée sous simple pli) et 29 mars 2006 (courriel) étaient parvenues à leur destinataire, seul critère décisif. Comme la recourante a échoué à rapporter la preuve de la communication de la réserve, alors qu'elle en avait le fardeau (art. 8 CC), c'est à juste titre que les premiers juges ont admis que la réserve de santé n'avait pas de validité. 
Au demeurant, confrontée au silence de l'intimée qui n'avait pas accusé réception de la réserve, ainsi que la recourante le lui avait demandé dans sa lettre du 18 janvier 2006 et son courriel du 29 mars 2006, la recourante aurait eu tout loisir de s'assurer de la bonne communication de la réserve en l'envoyant désormais sous pli recommandé afin d'éviter toute ambigüité future (à propos de la bonne foi de l'assureur en pareilles circonstances, voir l'arrêt K 81/00 précité). 
 
5.3. Pour le surplus, les observations de la recourante portant sur le financement du présent cas d'assurance, dont elle juge les coûts considérables dans le cadre de la prévoyance obligatoire et exorbitants dans celui de la prévoyance plus étendue, sont dépourvues de toute pertinence pour l'issue du litige. Il en va de même du discours qu'elle tient au sujet des dépenses liées à la réassurance de prestations d'invalidité en matière de prévoyance plus étendue (recours, ch. 46 à 49).  
Par ailleurs, à défaut d'explications convaincantes, on ne peut pas admettre que la solution adoptée par les premiers juges serait disproportionnée ou arbitraire. Quant aux calculs des rentes, ils ne sont pas contestés en tant que tels. Le recours étant infondé, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet. 
 
6.   
La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF) ainsi que les dépens de l'intimée (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée la somme de 2'400 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 5 août 2015 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Meyer 
 
Le Greffier : Berthoud