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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.291/2001 /ech 
 
Arrêt du 10 septembre 2002 
Ière Cour civile 
 
Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre, 
greffière Michellod 
 
A.________ SA, 
recourante, représentée par Me Hrant Hovagemyan, avocat, 
rue Vallin 2, case postale 5554, 1211 Genève 11, 
 
contre 
 
B.________ SA, 
intimée, représentée par Me Gabriel Benezra, avocat, 
rue Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12, 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
art. 9 et 29 al. 2 Cst., appréciation des preuves en procédure civile; déni de justice et droit d'être entendu. 
 
(recours de droit public contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2001 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève) 
 
Faits: 
A. 
B.________ fabrique et commercialise des montres depuis près d'un siècle et demi; elle est notamment active dans le domaine de la montre haut de gamme. A.________ s'occupe de l'achat, de la vente, de la fabrication et de la création d'articles d'horlogerie et de bijouterie de luxe. Son conseil d'administration est présidé par X.________. Cette société n'a jamais fabriqué elle-même les montres qu'elle vend, mais a délégué leur fabrication à divers sous-traitants. Les parties entretiennent des contacts commerciaux depuis de nombreuses années. 
 
Au début des années 1980, dans le cadre de la création de ses propres modèles, A.________ a fait appel à B.________ pour certains travaux sur des mouvements de montres. Par la suite, elle a confié à B.________ le soin de réaliser des modèles de montre haut de gamme qui devaient être commercialisés sous le label "A.________". Les premiers dessins de ces nouvelles créations, notamment le modèle M1, ont été élaborés par les créateurs de la maison X.________ à Paris; la réalisation des dessins et des prototypes a par la suite été remise à B.________. Les premiers modèles M1 ont été livrés par B.________ en juillet 1988. Le développement des modèles s'est fait en contact permanent avec A.________, qui déterminait les critères d'esthétique, les fonctions et le type de mouvement, tandis que la conception technique et qualitative était du ressort de B.________. Les parties se sont rencontrées à de nombreuses reprises entre le 26 juin 1989 et le 12 juillet 1995. Il ressort clairement des procès-verbaux qu'elles avaient en vue la création d'un véritable "tandem". 
 
En juillet 1991, les premiers prototypes de nouveaux modèles de base M2, M3, M4 et M5 ont été soumis à X.________, qui les a acceptés en janvier 1992. Un modèle M6 a également été développé sur la base de l'ancien modèle M1. Enfin, un modèle de base M7 a été approuvé par A.________ en novembre 1993. A.________ a commandé en tout 6'527 montres des nouvelles collections entre le 5 février 1992 et le 5 septembre 1994. La dernière livraison de montres nouveaux modèles remonte au 25 avril 1995. 
 
Dès le début 1995, un litige s'est élevé quant à la qualité des montres fournies par B.________. Suite à divers échanges de courriers, B.________ a, le 17 septembre 1996, mis A.________ en demeure de payer contre livraison 534 montres déjà produites (M2 et M6), de payer les factures ouvertes pour un montant de 399'320,75 fr., et de fournir un plan de réception pour les montres ayant fait l'objet d'une commande ferme et qui devaient encore être produites. Cette mise en demeure n'a pas été suivie d'effet et c'est ainsi que, par courrier du 18 octobre 1996, B.________ a informé A.________ qu'elle entendait, conformément à l'art. 107 al. 2 CO, maintenir le contrat les liant, renoncer au plan de réception et réclamer des dommages-intérêts pour cause d'inexécution. Pour sa part, A.________ a, le 23 octobre 1996, résilié les 17 contrats qui la liaient à B.________, portant sur des commandes intervenues entre le 18 septembre 1992 et le 4 avril 1995 et concernant les modèles M6, M2, M3, M4 et M5. 
 
Au 29 février 1996, B.________ avait livré 1'975 montres nouveaux modèles. A.________ devait donc encore prendre livraison et payer 4'552 pièces. Après avoir introduit deux poursuites contre A.________, B.________ a, le 10 mars 1997, consigné les 534 montres fabriquées auprès d'une banque. 
B. 
Le 17 mars 1997, B.________ a ouvert action contre A.________ pour un montant supérieur à 13'000'000 fr., concluant notamment à ce que la défenderesse soit condamnée: (I) à prendre livraison des 534 montres produites et consignées ainsi qu'à lui payer le prix de ces montres, soit 1'079'736,25 fr. avec intérêts à 5% dès le 17 septembre 1996, (II) à lui verser 12'650'953 fr. plus intérêts à 5% dès le 18 octobre 1996 à titre de dommages-intérêts, et (III) à lui payer divers montants correspondant à des factures impayées, avec intérêts à 5%. 
 
A.________ a conclu au déboutement de B.________, arguant de défauts affectant les montres livrées et faisant valoir subsidiairement, en compensation, le dommage que lui avaient occasionné ces défauts, sans toutefois prendre de conclusions chiffrées à ce sujet. Pour attester de ce dommage, A.________ a produit plusieurs lettres de clients ou concessionnaires, datant de février et septembre 1997, annulant des commandes à l'annonce que les montres devaient encore être envoyées en Suisse avant livraison pour vérification. 
 
Suite à un incident de procédure soulevé par A.________, le tribunal a rendu, le 1er octobre 1998, un jugement ordonnant à B.________ de produire toutes les pièces en sa possession concernant les retours opérés par A.________ de montres M2, M3, M4, M5 et M6. Ce faisant, il a écarté de l'instruction de la cause les anciens modèles M1, qui avaient tous été livrés et entièrement payés. Les documents produits par B.________ suite à ce jugement consistent pour l'essentiel en des courriers adressés à A.________ entre 1993 et 1995 accompagnant des retours de montres. 
 
Le tribunal a ordonné l'ouverture d'enquêtes, au cours desquelles il a entendu de nombreux témoins, dont plusieurs employés ou anciens employés des deux parties. Celles-ci ont toutes deux renoncé à une expertise; le tribunal s'est rallié à cette position par ordonnance du 14 février 2000, considérant qu'il était trop aléatoire d'ordonner une telle mesure sur des montres qui étaient restées plusieurs années entre les mains des parties. 
Par jugement du 1er septembre 2000, le tribunal a condamné A.________ à payer à B.________ (I) la somme de 1'020'938,80 fr. avec intérêts à 5% dès le 4 octobre 1996, correspondant aux montres produites par B.________ et dont A.________ avait refusé de prendre livraison, (II) la somme de 10'186'104, 55 fr. avec intérêts à 5% dès le 18 octobre 1996, à titre de dommages-intérêts pour cause d'inexécution du contrat et (III) divers montants correspondant à des factures restées impayées. Il a qualifié le contrat de contrat d'entreprise. S'agissant de la première prétention, il a considéré que A.________ n'avait pas apporté la preuve que les montres fabriquées n'étaient pas conformes à la convention. B.________ s'étant libérée de son obligation en consignant ces objets, A.________ devait les payer. En ce qui concerne les dommages-intérêts réclamés par B.________, le tribunal a estimé que les conditions permettant une résiliation anticipée selon l'art. 366 CO n'étaient pas réalisées. Il a donc appliqué l'art. 377 CO et a condamné la défenderesse à indemniser entièrement B.________. Enfin, concernant la troisième prétention, le tribunal a constaté que A.________ n'avait pas allégué que les factures ouvertes correspondaient à des prestations non effectuées par B.________, qu'elle n'avait pas établi avoir refusé les montres correspondant à ces factures ou les avoir restituées à B.________. Elle n'avait donc aucun droit de résoudre le contrat selon l'art. 368 CO et devait exécuter son obligation de paiement. 
C. 
A.________ a formé un appel contre ce jugement. Elle a préalablement conclu à ce que la Cour de justice ordonne la réouverture des enquêtes et lui accorde un délai raisonnable pour établir le montant de la créance opposée en compensation, qu'elle fasse effectuer une expertise sur les cinq rapports d'expertise produits par B.________ en première instance, qu'elle ordonne à cette dernière de produire tous les documents techniques et autres plans, ainsi que tous autres documents relatifs aux montres M1, ancienne et nouvelle génération, M3, M2, M4, M5 et M8 et ordonne une expertise sur ces documents. 
 
Par arrêt du 12 octobre 2001, la Cour de justice a rejeté cette requête pour les motifs suivants: A.________, qui avait accepté la clôture des enquêtes en première instance, sollicitait leur réouverture sans invoquer un quelconque fait nouveau ou lacune dans l'instruction. A.________ demandait l'application de l'art. 42 CO ou qu'un délai lui soit accordé pour chiffrer et prouver le dommage opposé en compensation alors qu'elle n'avait produit, en première instance, aucun moyen de preuve à même de contribuer à l'établissement des faits invoqués à l'appui de la compensation. La procédure de première instance avait duré plus de trois ans et à aucun moment A.________ n'avait développé les arguments fondant son objection de compensation, qui tenaient sur deux pages dans sa réponse, sur quelques lignes dans sa duplique et sur moins de deux pages dans son écriture après enquêtes. Quant aux critiques de A.________ sur les témoignages recueillis en première instance, la cour cantonale a rappelé qu'il appartenait à la défenderesse de remettre ces témoignages en cause dans ses écritures après enquêtes et non seulement en appel, puisqu'elle avait tous les éléments en main pour le faire devant le premier juge. 
 
Considérant que les enquêtes menées par le tribunal étaient complètes et exhaustives, la cour cantonale a refusé d'ordonner de nouvelles mesures d'instruction en appel. Elle a également refusé d'ordonner les expertises sollicitées par A.________, estimant que ces requêtes auraient dû être formulées devant le juge de première instance déjà; enfin, elle a rejeté la demande d'un deuxième échange d'écriture, au motif que l'instruction de la cause était complète et que les écritures d'appel et de réponse étaient volumineuses. 
 
Sur le fond, la cour cantonale a considéré que les parties étaient liées par une série de contrats d'entreprise conclus entre 1992 et 1994, portant sur un nombre déterminé de montres à livrer selon un calendrier à discuter entre elles. Examinant ensuite si la résiliation des contrats par A.________ était justifiée au sens de l'art. 368 al. 1 CO (droits du maître en cas de défaut de l'ouvrage), la cour cantonale a constaté que les montres livrées par B.________ avaient été acceptées par A.________; malgré un certain nombre de retours pour lesquels A.________ avait fait valoir la garantie des défauts en invitant B.________ à remédier à divers problèmes, A.________ n'avait à aucun moment, avant 1995, refusé l'ouvrage remis. Même si la procédure avait permis d'établir un certain nombre de défauts, ceux-ci n'étaient manifestement pas rédhibitoires, puisque A.________ n'avait pas refusé les montres concernées et avait continué à les vendre même après avoir invoqué son droit de résoudre le contrat. A l'instar du tribunal, la cour cantonale a retenu qu'aucun défaut systématique ou de conception n'avait été mis en évidence, la plupart des défauts soulevés par A.________ relevant de la garantie des défauts et non de la résolution du contrat. La cour cantonale a admis que dans certains cas, la multiplication des défauts peut avoir pour conséquence que l'ouvrage devient inacceptable; tel n'était toutefois pas le cas en l'espèce. En effet, si réellement les défauts avaient été à ce point graves, A.________ n'aurait ni commandé une nouvelle gamme de montres en septembre 1994, ni envisagé d'établir des liens encore plus serrés avec B.________ à fin 1994/début 1995. La cour cantonale a finalement constaté que A.________ avait perdu tout intérêt pour le type de montres produit par B.________, qu'elle voulait développer des montres plus complexes et donc se débarrasser des montres commandées auprès de B.________, qui ne correspondaient plus à ses nouvelles exigences. 
 
Au terme de ce raisonnement, la cour cantonale a jugé que la résiliation des contrats n'était pas justifiée et que A.________ devait par conséquent indemniser pleinement B.________ en application de l'art. 377 CO. Elle a relevé que la défenderesse n'avait, en appel, développé aucune critique sur le principe d'une indemnisation fondée sur cette disposition, ni sur les montants retenus par le tribunal de première instance à titre de dommage subi par B.________. La cour cantonale a toutefois rectifié d'office une erreur de calcul concernant le nombre de montres livrées. 
S'agissant du dommage invoqué par A.________ en compensation, la cour cantonale a estimé que le préjudice allégué ne découlait pas des défauts affectant les montres livrées. A.________ soutenait en effet que son dommage était constitué d'une part d'un stock de 1'833 montres nouvelles créations, d'autre part de frais de campagnes publicitaires effectuées en vain et enfin, d'une défaillance du service après-vente de B.________. La cour cantonale a considéré qu'il était absurde de prétendre que sur toute la période de collaboration avec B.________, A.________ n'avait vendu qu'une centaine de montres nouvelles collections, que A.________ était seule responsable des frais publicitaires engagés en vain puisqu'elle avait elle-même mis fin aux contrats en cours avec B.________, que la pièce produite à l'appui de cette allégation n'avait au surplus aucune valeur probante, et enfin, que B.________ n'avait pas failli à son obligation de garantie. La cour cantonale a par conséquent nié l'existence d'un dommage en relation de causalité avec les défauts des ouvrages livrés par B.________. 
 
Pour ces motifs, la Cour de justice a rectifié l'un des postes du dispositif du jugement du 1er septembre 2000 entaché d'une erreur de calcul et a confirmé ce jugement pour le surplus. 
D. 
A.________ interjette un recours de droit public contre l'arrêt du 12 octobre 2001. Elle conclut préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et, principalement, à l'annulation de l'arrêt cantonal, du jugement de première instance et des ordonnances préparatoires rendues par le premier juge. Invitée à déposer une réponse, B.________ a conclu à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. Quant à la Cour de Justice, elle s'est référée aux considérants de son arrêt. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16 et les arrêts cités). 
1.1 La requête d'effet suspensif a été déclarée sans objet par ordonnance du 15 janvier 2002, vu le dépôt d'un recours en réforme contre l'arrêt attaqué (cf. art. 54 al. 2 OJ). 
1.2 Aux termes de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale. La jurisprudence a notamment déduit de cette règle qu'il ne pouvait être dirigé que contre le prononcé de dernière instance cantonale. Elle admet cependant que la décision d'une autorité inférieure puisse aussi être attaquée lorsque le pouvoir d'examen de l'autorité cantonale de recours est plus restreint que celui du Tribunal fédéral ou lorsque le recours de droit public porte à la fois sur des points qui pouvaient être soumis à l'autorité cantonale de recours et sur ceux pour lesquels il n'existe pas de recours cantonal (ATF 126 II 377 consid. 8b p. 395). Le recourant doit avoir toutefois pris une conclusion en annulation de la décision de l'autorité inférieure. 
 
Dans le cas particulier, les moyens que la recourante dirige contre le jugement du Tribunal de première instance et les ordonnances préparatoires ou jugement incident sont irrecevables dans la mesure où l'appel à la Cour de justice emporte un effet dévolutif complet, le litige se poursuivant, circonscrit par les conclusions des parties, devant l'autorité de recours, dans toute son étendue de fait et de droit. Comme la cognition de la juridiction cantonale de recours n'est pas plus restreinte que le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, l'une des conditions à laquelle la jurisprudence subordonne la recevabilité des conclusions prises contre le prononcé de l'autorité inférieure fait défaut, raison pour laquelle celles-là seront déclarées irrecevables. 
1.3 Le recours de droit public n'est pas la simple continuation de la procédure cantonale, mais ouvre, en tant que moyen de droit indépendant et extraordinaire, une procédure nouvelle dont l'objet est d'examiner si la décision cantonale attaquée viole les droits constitutionnels des citoyens. Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs clairement et suffisamment motivés (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43). Dès lors, celui qui exerce un recours de droit public doit non seulement indiquer les droits constitutionnels ou les principes juridiques prétendument violés, mais encore préciser en quoi consiste la violation (ATF 110 Ia 1 consid. 2 p. 3). Des critiques de nature purement appellatoire, lorsque l'interdiction de l'arbitraire est invoquée, ne sont pas admissibles (ATF 117 Ia 10 consid. 4b p. 11/12). De plus, comme le recours de droit public n'est recevable que contre des décisions prises en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ), les moyens nouveaux, de fait ou de droit, ne sont en principe pas recevables (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26; 107 Ia 187 consid. 2a p. 190 s.). 
 
L'intimée considère que le recours ne respecte pas ces exigences. Elles seront examinées ci-dessous, grief par grief. 
2. 
2.1 Selon la recourante, le jugement sur incident du 1er octobre 1998, qui n'ordonne pas à B.________ de produire les pièces relatives aux anciens modèles M1, repose sur une appréciation anticipée arbitraire des preuves et 
consacre une violation du droit d'être entendu; en excluant du champ de son examen la problématique des défauts relatifs à ces anciens modèles, le premier juge aurait en outre commis un déni de justice formel. 
 
Pour le motif rappelé ci-dessus au considérant 1.2, ces griefs sont irrecevables. 
2.2 La recourante soutient que le jugement sur incident susmentionné constitue une ordonnance préparatoire qui ne peut être attaquée qu'avec le jugement au fond. Elle estime ainsi avoir valablement saisi la cour cantonale de la problématique relative à la limitation du champ des enquêtes et lui reproche de ne pas avoir examiné les critiques qu'elle formait à l'encontre du jugement sur incident et de ne pas avoir réparé le déni de justice qu'il consacre. La recourante se plaint à cet égard d'un déni de justice formel et d'une violation de son droit à une décision motivée. 
 
La question de savoir si le jugement sur incident rendu le 1er octobre 1998 devait être attaqué immédiatement ou s'il ne pouvait l'être qu'avec le jugement au fond peut rester ouverte (il en va de même de la recevabilité de l'avis de droit produit à l'appui du recours). En effet, même si l'on admettait que le jugement sur incident ne pouvait être critiqué qu'avec le jugement au fond, force est de constater que, dans son appel, la recourante ne soulève pas de griefs particuliers à son encontre. Aux pages 39 et 40 de son mémoire d'appel, elle soutient que ce jugement n'exclut pas les anciens modèles M1 du litige et, par conséquent, sollicite de la cour cantonale la réouverture des enquêtes sur ce point. La recourante ne soutient nullement que le jugement sur incident violerait son droit d'être entendu, reposerait sur une appréciation anticipée arbitraire des preuves ou constituerait un déni de justice formel. Elle ne saurait donc reprocher à la cour cantonale de ne pas avoir examiné ses critiques. Par ailleurs, la cour cantonale a longuement motivé sa décision de ne pas ordonner la réouverture des enquêtes. On ne voit donc ni déni de justice formel ni violation du droit à une décision motivée. 
3. 
La recourante estime que la cour cantonale aurait dû ordonner la réouverture des enquêtes sur la question des défauts affectant les anciens modèles M1, puisque celle-ci était pertinente pour fonder une résiliation ou une résolution du contrat sans indemnité. Faute de l'avoir fait, elle aurait violé le droit à la preuve et à la contre-preuve tels que déduits du droit d'être entendu. 
3.1 
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Tel qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst., il comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités). La faculté de prouver un allégué n'existe que si l'offre de preuve correspondante satisfait, quant à sa forme et à son contenu, aux exigences du droit cantonal (ATF 114 II 289 consid. 2a) 
 
Le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est possible, sans violer le droit d'être entendu, de refuser une mesure probatoire sollicitée lorsqu'elle est inapte à apporter la preuve, lorsque le fait à prouver est sans pertinence ou déjà établi ou encore lorsque le juge, à la suite d'une appréciation anticipée des preuves non arbitraire, parvient à la conclusion que l'administration de la preuve sollicitée ne pourrait l'amener à modifier son opinion (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211, 274 consid. 5b p. 285; 122 II 464 consid. 4a p. 469). 
3.2 
Le 23 octobre 1996, A.________ a déclaré se départir "des divers contrats de vente", ce par quoi elle entendait les 17 contrats portant sur les commandes intervenues entre le 18 septembre 1992 et le 4 avril 1995 et concernant les modèles M6, M3, M2, M4 et M5, à l'exclusion de tout autre. Par ailleurs, il a été constaté que les commandes d'anciennes M1 avaient toutes été exécutées, livrées et payées de 1988 à 1996. 
 
La prétention de B.________ en paiement des 534 montres fabriquées mais dont A.________ a refusé de prendre livraison (I) repose sur un contrat distinct des contrats concernant les anciennes M1 puisqu'il s'agit de montres nouveaux modèles. A.________ ne pouvait donc invoquer d'éventuels défauts sur les anciennes M1 pour résoudre un contrat concernant un autre ouvrage. Par ailleurs, A.________ ne pouvait invoquer ces défauts pour dénoncer les contrats non encore exécutés par B.________, soit les commandes fermes de montres nouveaux modèles que B.________ devait encore fabriquer au moment de la résiliation (II). Seuls les droits anticipés de l'art. 366 CO pouvaient fonder une telle résiliation; or des défauts sur les M1 ancien modèle ne permettaient pas de "prévoir avec certitude" que les montres nouveaux modèles seraient fabriquées de façon défectueuse. Enfin, il a été établi que les anciennes M1 avaient toutes été payées. Il en résulte que la prétention de B.________ en paiement des factures ouvertes (III) ne concerne pas la livraison de ces montres. D'éventuels défauts sur les anciennes M1 ne permettaient donc pas à A.________ de résoudre les contrats portant sur les nouveaux modèles. 
 
Le fait à établir par les pièces dont A.________ sollicitait la production, soit l'existence de défauts sur les anciennes M1, n'était pas pertinent pour la solution du litige. La cour cantonale n'a donc pas violé le droit d'être entendu de la recourante en refusant de donner suite à sa conclusion préalable en production de pièces. 
4. 
La recourante affirme que le refus général de la cour cantonale de rouvrir les enquêtes est arbitraire, viole son droit d'être entendu et renverse le fardeau de la preuve. 
 
Dans son appel, la recourante demandait qu'une expertise soit ordonnée sur les expertises produites par B.________ (expertises de K.________ SA, de J.________ SA et de L.________), que B.________ soit condamnée à produire tous les documents techniques et autres plans et tous autres documents relatifs aux montres M1 (anciennes et nouvelles), M3, M2, M4, M5, M8, et que la cour cantonale ordonne une expertise sur ces pièces. 
4.1 
Il sera d'abord examiné si le refus de donner suite aux conclusions préalables de la recourante résiste au grief d'arbitraire. 
 
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; à cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 127 54 consid. 2b i.f. p. 56; 60 consid. 5a p. 70). Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre interprétation de la loi soit possible, ou même préférable (ATF 124 I 247 consid. 5 p. 250/251; 120 Ia 369 consid. 3a p. 373) 
Selon l'art. 307 de la loi de procédure civile genevoise (LPC gen.), la cour cantonale peut ordonner que les procédures probatoires qui ont eu lieu en première instance et qui lui paraissent défectueuses ou insuffisantes, soient refaites devant elle. Elle peut aussi ordonner toute autre espèce d'instruction ou de preuve qui n'a pas été administrée par les premiers juges. Selon la jurisprudence, cette disposition ne permet pas à une partie d'exiger en appel l'administration de preuves qu'elle n'aurait pas sollicitée devant le premier juge en temps utile et selon les formes adéquates (Bertossa, Gaillard, Guyet, Schmidt, Commentaire de la LPC, n. 2 ad art. 307 et les références) 
 
En l'espèce, la cour cantonale a examiné la question de savoir si les enquêtes de première instance étaient défectueuses ou insuffisantes. Constatant que tel n'était pas le cas, elle a rejeté les conclusions préalables de la recourante. Peu importe par conséquent de déterminer si A.________ a formellement accepté la clôture des enquêtes en première instance ou si elle a plaidé leur insuffisance dans son appel. 
 
Le refus de mesures probatoires consistant à ordonner une expertise sur les expertises déjà versées à la procédure échappe au grief d'arbitraire, dans la mesure où la recourante a expressément renoncé à ce qu'une expertise soit ordonnée à ce sujet dans le cadre de la procédure se déroulant devant le Tribunal de première instance (conclusions sur expertise du 30 novembre 1999). En considérant que la demande d'expertise formulée à nouveau devant elle était tardive, parce que la recourante, de même que sa partie adverse, y avaient renoncé devant le Tribunal de première instance, la Cour de justice n'a pas versé dans l'arbitraire dans l'interprétation de l'art. 307 al. 2 LPC, malgré une conclusion subsidiaire visant à faire établir un rapport d'expertise sur les expertises de K.________ SA et de J.________ SA. Cette demande s'avérait, devant le Tribunal de première instance, contradictoire avec les conclusions principales qui ont été retenues; elle était de surcroît dénuée d'une motivation spécifique expliquant sa pertinence, en cas de rejet de ces dernières. Enfin, la recourante, plaidant en appel devant la cour cantonale, n'a pas apporté d'élément nouveau décisif permettant de démontrer l'inanité des conclusions principales et le bien-fondé de la conclusion subsidiaire, de sorte qu'en préférant les premières à la seconde, la cour cantonale a rendu une décision dont le caractère insoutenable n'est pas démontré. 
 
Il en va de même du rejet des conclusions en production des plans et cahiers des charges par B.________. En effet, il ne ressort pas du dossier que A.________ ait demandé en première instance que B.________ produise ces documents, ni qu'elle ait sollicité une expertise à leur sujet. En outre, A.________ n'a pas exposé, en appel, de faits nouveaux justifiant ces nouvelles conclusions. 
 
La cour cantonale a par ailleurs relevé que, pour le point sur lequel la recourante souhaitait de nouvelles enquêtes, à savoir le bien-fondé d'une objection de compensation opposée à la créance de l'intimée, elle n'avait produit aucune pièce ni fait citer aucun témoin, alors que cela lui incombait à raison de la répartition du fardeau de la preuve et de la maxime des débats régissant la procédure. On ne discerne pas en quoi ce raisonnement et l'interprétation donnée à l'art. 307 LPC par la juridiction cantonale serait insoutenable. Le grief d'arbitraire est donc privé de tout fondement. 
4.2 S'agissant du droit d'être entendu, le contenu de cette garantie constitutionnelle a été exposé ci-dessus (consid. 3.1). Il suffit de rappeler qu'elle ne confère aux parties le droit de faire administrer les preuves pertinentes que si elles sont offertes en temps utile et dans les formes requises par le droit cantonal (ATF 114 II 289 consid. 2a déjà cité). 
En l'espèce, la cour cantonale a sans arbitraire jugé tardives les conclusions préalables de la recourante. Leur rejet ne viole donc pas le droit d'être entendu de la recourante. 
4.3 
La recourante voit enfin dans le rejet de ses conclusions préalables un renversement arbitraire du fardeau de la preuve en ce qu'elle devrait prouver les défauts de conception des nouvelles créations sans pouvoir disposer de ces documents ni se fonder sur les conclusions des expertises K.________ SA et J.________ SA. Sur ce point, la recourante perd de vue que l'application de l'art. 8 CC relève du droit fédéral et ne peut être examinée dans le cadre d'un recours de droit public. 
5. 
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir refusé de statuer sur des questions décisives pour l'issue du litige, à savoir la qualité des montres, les plans et cahiers des charges relatifs aux nouvelles collections, les défauts, la "cellule A.________" et la relation de confiance entre les parties. Elle se plaint d'une violation de l'art. 29 al. 1 Cst. 
5.1 L'autorité qui refuse indûment de se prononcer sur une requête dont l'examen relève de sa compétence commet un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., codifiant la jurisprudence tirée de l'art. 4 aCst. (ATF 107 Ib 160 consid. 3b p. 164; cf. également ZBl 96/1995 p. 174 consid. 2 p. 175; 81/1980 p. 265 consid. 2b p. 266; Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich 2001 p. 236 n. 829 à 832; André Grisel, Traité de droit administratif , vol. I, Neuchâtel 1984, p. 369; René A Rhinow/Beat Krähenmann, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, Bâle 1990, n° 80, p. 257/258; Arthur Haefliger, Alle Schweizer sind vor dem Gesetze gleich, Berne 1985, p. 115 ss). En principe, l'interdiction du déni de justice formel ne s'adresse qu'aux autorités administratives et judiciaires appelées à rendre, dans le cadre des procédures prévues par la loi, des décisions et des jugements (Georg Müller, Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874, n. 88 ad art. 4 aCst.). 
 
Ainsi, la juridiction qui n'entre pas en matière sur un recours qui lui est soumis dans un domaine dont elle a la compétence matérielle, locale et fonctionnelle pour en connaître commet un déni de justice formel, par le prononcé abusif d'une telle irrecevabilité (ATF 118 Ib 381 consid. 2b/bb, p. 390/391; ATF 117 Ia 116 consid. 3a et les arrêts cités). Il en va de même de l'autorité qui limite indûment son pouvoir d'examen, par exemple en restreignant à l'interdiction de l'arbitraire la cognition complète dont elle dispose, sous réserve d'exceptions tenant à la nature de l'affaire, dans lesquelles une certaine retenue s'impose pour des question d'opportunité ou d'appréciation de circonstances techniques ou locales particulières (ATF 120 Ib 27 consid. 3c/aa p. 35; ATF 115 Ia 5 consid. 2b et les arrêts cités). 
Dans l'usage juridique courant, l'expression "déni de justice" renvoie en général à la notion de déni de justice formel (dictionnaire juridique et administratif bernois, édité par la Chancellerie d'Etat du canton de Berne, 1996, p. 554). Toutefois, dans la terminologie du droit suisse, l'expression désigne aussi bien la violation de prescriptions de forme que celle du droit de fond. Dans cette dernière acception, le déni de justice matériel est assimilé à l'interdiction de l'arbitraire, cette locution étant l'une des traductions en français des termes "materielle Rechtsverweigerung" (Peter Metzger, Schweizerisches Juristisches Wörterbuch, Berne 1996). 
5.2 S'agissant de la qualité, la recourante soutient que l'arrêt attaqué ne permet pas de dire si les parties ont convenu d'une certaine qualité, le cas échéant, quelle était cette qualité, et si aucune qualité n'avait été convenue, quelle était celle que B.________ devait fournir. Selon la recourante, les pièces du dossier attestent que les parties avaient convenu de la qualité de "masterpieces", qualitativement irréprochables. Toute constatation contraire résulterait d'une appréciation arbitraire des preuves. 
 
Les instances cantonales devaient déterminer si la résiliation des contrats par A.________ était ou non justifiée. La question de la qualité que le maître est en droit d'attendre se pose lorsqu'il s'agit de déterminer si l'on peut ou non exiger de lui qu'il accepte l'ouvrage défectueux (art. 368 al. 1 CO). Elle ne se pose plus, en revanche, s'il a accepté cet ouvrage. En l'espèce, il a été constaté que les ouvrages défectueux n'ont pas été refusés par A.________, qui a demandé leur réparation puis les a conservés; il n'était par conséquent pas nécessaire de déterminer quelle qualité A.________ pouvait exiger de B.________. 
5.3 La recourante estime que la cour cantonale a refusé de statuer sur les défauts des montres alors que cette question était primordiale pour juger du droit à une résolution du contrat par le maître. Elle soutient que la cour cantonale n'a pas déterminé si les montres livrées par B.________ étaient entachées de défauts, et le cas échéant, quels étaient leur nature et leur nombre. Selon la recourante, le fait qu'un certain nombre de défauts ait été pris en charge par B.________, au titre de la garantie pour défauts, ne doit pas être confondu avec le fait que la multiplication de défauts, même réparés, peut constituer un motif rendant intolérable l'acceptation d'autres ouvrages. 
 
La juridiction cantonale a examiné la question des défauts allégués par A.________. Elle a notamment retenu ce qui suit: 
 
"Même si la procédure a permis d'établir un certain nombre de défauts, ceux-ci n'étaient manifestement pas rédhibitoires, puisque A.________ n'a d'une part pas refusé les montres concernées et, d'autre part, a continué à les vendre même après avoir invoqué son droit de résoudre le contrat. Comme l'a à raison retenu le Tribunal, aucun défaut systématique ou de conception n'a été mis en évidence; la plupart des défauts soulevés relevaient manifestement de la garantie des défauts et non de la résolution du contrat. Certes, dans certaines hypothèses, la multiplication des défauts peut avoir pour conséquence que l'ouvrage devient inacceptable. Tel n'est toutefois pas le cas en l'espèce. En effet, si réellement les défauts étaient à ce point graves, A.________ n'aurait ni commandé une nouvelle gamme de montres en 1994, ni envisagé d'établir des liens encore plus serrés avec B.________ à fin 1994/début 1995". 
 
La Cour de justice a ainsi examiné la question des défauts affectant les montres livrées par B.________. Elle n'a nullement commis de déni de justice formel sur ce point. A.________ conteste en outre le fait qu'aucun défaut systématique ou de conception n'ait été mis en évidence; elle n'expose toutefois pas en quoi cette affirmation serait arbitraire de sorte que cette critique est irrecevable. 
 
Par rapport aux montres livrées, il n'était pas nécessaire d'établir si le nombre de défauts constatés permettait à A.________ de résoudre les contrats, puisqu'elle a accepté ces ouvrages après leur réparation. Quant aux montres restant à fabriquer, A.________ ne saurait invoquer des défauts, même multiples, sur les montres livrées pour se départir des contrats non encore exécutés sans indemniser l'entrepreneur. En effet, seul l'art. 366 CO ouvre cette possibilité au maître; or, en l'absence de défauts systématiques ou de conception, il n'était pas possible de prévoir avec certitude que les nouveaux ouvrages seraient également défectueux. 
5.4 La recourante estime que la cour cantonale a refusé de se prononcer sur l'existence de plans et cahiers des charges concernant les nouveaux modèles et sur celle d'une "cellule A.________" au sein de B.________, alors que ces éléments étaient importants pour déterminer si la demanderesse avait respecté ses obligations contractuelles. 
 
A.________ a déclaré s'être départie des contrats en raison des défauts ayant affectés les montres livrées par B.________. Dès lors que l'existence de défauts systématiques ou de conception a été niée par la cour cantonale, celle-ci n'avait pas besoin d'examiner si B.________ devait ou non travailler sur la base de plans et cahiers des charges ou si elle devait créer et développer une "cellule A.________" dans son entreprise. 
5.5 La recourante reproche enfin aux juges cantonaux de ne pas avoir déterminé si "l'élément de confiance" entre les parties était "prédominant à leur relation contractuelle" et si la relation de confiance avait été rompue ou non. Elle soutient que l'existence d'une relation de confiance est une question fondamentale pour juger de l'ensemble des circonstances dans le cadre d'une "résiliation pour justes motifs" fondée sur l'art. 377 CO, "sans indemnisation pour le maître", et pour le complètement du contrat dans le cadre d'un contrat innommé. 
 
En septembre 1994, A.________ a passé une nouvelle commande de montres à B.________ et a envisagé, début 1995, de mettre sur pied avec elle une "joint-venture" pour la création de montres de luxe. La cour cantonale a indiqué ne pas s'expliquer comment la recourante avait pu faire cette nouvelle commande, renouvelant ainsi sa confiance à son partenaire et, moins de six mois plus tard, remettre en cause, de façon virulente, la qualité générale des livraisons de B.________ en soutenant que ce problème était récurrent depuis plusieurs années. La cour cantonale a constaté que A.________ avait bel et bien perdu tout intérêt pour le type de montres produit par B.________ et voulait se débarrasser des montres commandées, qui ne correspondaient plus à ses nouvelles exigences. Cette dernière constatation n'est pas remise en cause par la recourante. Il apparaît ainsi que, même si A.________ a allégué, au cours de la procédure, avoir résilié les contrats en raison des multiples défauts affectant les montres livrées par B.________, la Cour de justice a considéré que la recourante avait été guidée par un changement de stratégie commerciale, de sorte qu'elle a implicitement estimé que la résiliation n'était pas intervenue en raison d'une rupture du lien de confiance entre les parties; pour ce motif, aucun déni de justice formel sur cette dernière question ne peut lui être reproché. 
6. 
A.________ se plaint encore d'arbitraire dans l'appréciation des preuves concernant les rapports d'expertises produites par B.________. Elle estime que la cour cantonale a retenu les conclusions du rapport de la . La recourante soutient que ce rapport a été rendu sans examen des montres, qu'il a été établi en cours de procédure et sur la base d'explications données par B.________ et qu'il se fonde sur une prémisse totalement fausse, à savoir l'absence d'exigences particulières de l'acheteur quant à la qualité. Or, les parties divergeaient sur le sens qu'il fallait donner au terme de "masterpiece qualitativement irréprochable". 
 
Même si elle invoque l'interdiction de l'arbitraire, la recourante n'indique pas en quoi la Cour de justice a suivi spécifiquement les conclusions de ce rapport au détriment des quatre autres, de sorte que le défaut de motivation du grief entraîne son irrecevabilité au sens de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Il n'est guère possible de déduire implicitement du rejet des conclusions de la recourante par la juridiction cantonale et du fait que l'expertise de L.________ écartait la plupart des critiques émises par les autres experts, une appréciation arbitraire des preuves. Ceci d'autant moins que la Cour de justice ne s'est pas expressément référée à cette expertise pour asseoir sa solution et qu'elle pouvait faire valoir son large pouvoir d'appréciation à l'égard des preuves documentaires apportées au dossier, aucun des cinq rapports ne bénéficiant d'une force probante particulière en raison de leur nature d'expertises privées exécutées sur mandats des parties et versées à la procédure par l'une d'elles, B.________. Dans cette hypothèse, la cour cantonale gardait sa pleine liberté d'appréciation de la preuve, pour autant qu'elle ne se fonde pas sur l'opinion d'un expert manifestement contradictoire ou reposant sur des constatations de fait erronées (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146 et les arrêts cités). Face à cinq expertises privées, la problématique d'une certaine priorité du rapport d'expertise d'un organe officiel indépendant ne se pose pas (ATF 125 II 591 consid. 7a et les références, p. 602), pas davantage que celle, évidente, de la priorité de l'expertise sur l'avis d'un homme de l'art, proche d'une des parties (par ex., le cas du médecin-traitant, ATF 124 I 170 consid. 4 et les références, p. 175). A l'opposé de l'expert judiciaire, qui est l'auxiliaire du juge dans sa fonction de rendre une décision, sous l'angle des aspects scientifiques ou techniques de cette dernière (ATF 127 I 73 consid. 3f et les arrêts cités, p. 80), les experts privés ne font que refléter l'opinion des parties, en la documentant à l'aide de leur savoir et de leur expérience. 
 
En l'espèce, la divergence des parties sur l'exigence de qualité, exprimée par les termes de "masterpiece qualitativement irréprochable", ne permet pas de conclure que le rapport de L.________ a retenu des considérations totalement étrangères aux faits quant à la qualité de l'ouvrage, même si une différence d'interprétation subsistait entre les parties quant à l'expression du niveau de cette qualité. 
 
Il en résulte que l'appréciation des preuves résiste au grief d'arbitraire. 
7. 
Le reproche d'une qualification arbitraire du contrat, respectivement de la confusion entre l'objet du contrat et l'objet du litige, a trait essentiellement à l'application des art. 368 et 377 CO; le grief relève donc de l'application du droit fédéral et trouve sa place dans le recours en réforme interjeté parallèlement par la recourante; il est irrecevable dans le cadre du présent recours de droit public. 
8. 
Vu l'issue du recours, la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d'un émolument judiciaire de 30 000 fr., ainsi qu'à celui d'une indemnité de 30 000 fr. à titre de dépens en faveur de l'intimée (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 30'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 30'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 10 septembre 2002 
Au nom de la Ière Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: La greffière: