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[AZA 0/2] 
 
1P.553/2001 
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
12 novembre 2001 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, 
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
_____________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
A.________, représenté par Me Michel Ducrot, avocat Martigny, 
 
contre 
la décision prise le 19 juin 2001 par la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui oppose le recourant à B.________, Juge d'instruction pénale du Valais central, à Sion, et au Juge d'instruction pénale duB as-Valais; 
 
(procédure pénale; composition irrégulière de l'autorité 
chargée de statuer sur une demande de récusation) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Les 6 octobre et 12 décembre 2000, A.________ a déposé plainte contre le Juge d'instruction pénale du Valais central, B.________, pour violation du secret de fonction, écoute et enregistrement de conversations entre d'autres personnes et séquestration. Il lui reprochait en premier lieu d'avoir transmis à la Juge cantonale déléguée à la surveillance des juges d'instruction des procès-verbaux d'écoutes téléphoniques, ordonnées dans le cadre d'une plainte pénale déposée contre lui par C.________, concernant notamment le rôle du Juge d'instruction pénale du Valais central, D.________, dans l'affaire "X.________". Il le soupçonnait ensuite d'avoir communiqué au Conseiller d'Etat valaisan E.________ des faits relatifs aux opérations d'instruction couverts par le secret de fonction, dont en particulier les motifs de son arrestation. Il lui faisait enfin grief d'avoir volontairement et indûment prolongé sa détention préventive en déplaçant l'audition d'un témoin et d'avoir remis au Commandant de la Police de sûreté valaisanne des écoutes téléphoniques portant la mention "X.________", des factures d'un avocat genevois frappées du secret professionnel et des documents privés le concernant. 
 
Par décision du 10 avril 2001, le Juge d'instruction pénale du Bas-Valais en charge du dossier n'a pas donné suite à la plainte de A.________ du 6 octobre 2000 et à son complément du 12 décembre 2000, sous réserve de faits nouveaux, et mis les frais à la charge du plaignant. 
 
Le 13 avril 2001, A.________ a saisi la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: la Chambre pénale) d'une plainte contre cette décision. Il a demandé la récusation des juges du Tribunal cantonal qui étaient en fonction lorsque B.________ a remis les écoutes téléphoniques utilisées dans la procédure disciplinaire dirigée contre le Juge d'instruction pénale D.________ parce qu'ils avaient admis la licéité de ce procédé, et celle du Juge cantonal F.________, entré en fonction le 1er avril 2001, en raison de l'esprit de collégialité régnant au sein du cette juridiction. 
 
Par décision du 19 juin 2001, la Chambre pénale, composée de F.________, Président ad hoc, de G.________ et H.________, tous deux juges cantonaux suppléants, a déclaré irrecevable la demande de récusation en ce qui concerne le Juge cantonal F.________ et l'a considérée comme sans objet pour les autres juges cantonaux, dans la mesure où ils ne faisaient pas partie de la composition de la cour. Sur le fond, elle a partiellement admis la plainte en tant qu'elle portait sur la répartition des frais de justice et l'a rejetée pour le surplus dans la mesure où elle était recevable. 
 
B.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des art. 9, 29 al. 1 et 2 et 30 al. 1 Cst. , A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision. 
Il reproche à la Chambre pénale d'avoir méconnu le texte clair de l'art. 13 al. 3 (recte: al. 4) de la loi d'organisation judiciaire valaisanne, du 27 juin 2000 (LOJ val.) en statuant elle-même sur la demande de récusation des juges du Tribunal cantonal, et d'avoir fait une application arbitraire du droit cantonal de procédure en déniant l'existence de motifs légitimes de récusation concernant les juges choisis pour composer la cour. Il prétend que sa plainte aurait été rejetée en violation de son droit d'être entendu, de ses droits procéduraux et de son droit à l'égalité de traitement. 
 
La Chambre pénale se réfère aux considérants de sa décision. Le Juge d'instruction pénale du Bas-Valais et B.________ n'ont pas formulé d'observations. Le Ministère public du Bas-Valais conclut au rejet du recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de droit public, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. 
 
Selon une jurisprudence constante, celui qui se prétend lésé par une infraction n'a en principe pas la qualité, au sens de l'art. 88 OJ, pour former un recours de droit public contre une décision de classement de la procédure pénale ou un jugement d'acquittement au motif qu'il n'est pas lésé dans un intérêt personnel et juridiquement protégé par la décision de ne pas poursuivre ou punir l'auteur d'une prétendue infraction (ATF 126 I 97 consid. 1a p. 99; 125 I 253 consid. 1b p. 255); un intérêt juridiquement protégé n'est reconnu qu'à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, selon les art. 2 et 8 al. 1 let. c de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI), ce qui n'est pas le cas du recourant (cf. ATF 123 IV 184 consid. 1b p. 187, 190 consid. 1 p. 191). Ce dernier n'a dès lors pas qualité pour recourir sur le fond; il peut seulement se plaindre, le cas échéant, d'une violation de ses droits de partie à la procédure, équivalant à un déni de justice formel (ATF 126 I 97 consid. 1a p. 99; 125 I 253 consid. 1b p. 255). 
Ce droit d'invoquer des garanties procédurales ne permet pas de mettre en cause, même de façon indirecte, le jugement au fond; le recours ne peut donc pas porter sur des points indissociables de ce jugement tels que le refus d'administrer une preuve sur la base d'une appréciation anticipée de celle-ci ou le devoir de l'autorité de motiver sa décision de façon suffisamment détaillée (ATF 125 I 253 consid. 1b p. 255; 120 Ia 157 consid. 2a p. 159, 220 consid. 2a p. 222, 227 consid. 1 p. 230 et les arrêts cités). 
 
 
 
A la lumière de ces principes, le recours de droit public déposé par A.________ est largement irrecevable, notamment en tant qu'il critique matériellement la décision attaquée ou sur des points formels indissociables du jugement au fond; en revanche, en tant qu'il s'en prend à la composition prétendument irrégulière de la cour qui a statué, le recours est recevable (ATF 114 Ia 275 consid. 2 p. 276 et la jurisprudence citée). Enfin, dans la mesure où la demande de récusation des juges cantonaux a été traitée en même temps que les moyens de fond adressés à l'encontre de la décision du Juge d'instruction pénale du Bas-Valais du 10 avril 2001 refusant de donner suite à sa plainte pénale, on ne saurait faire grief au recourant de n'attaquer le rejet de celle-ci que dans le cadre de la décision sur le fond (cf. ATF 126 I 203). 
 
2.- Invoquant les art. 9 et 30 al. 1 Cst. , le recourant prétend que la Chambre pénale se serait écartée du texte clair de l'art. 13 al. 4 LOJ val. en statuant elle-même sur la demande de récusation des juges du Tribunal cantonal. 
 
a) A teneur de l'art. 30 al. 1 Cst. , toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial, les tribunaux d'exception étant interdits. Cette disposition, dont le contenu matériel correspond à l'art. 58 aCst. (cf. Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 185), garantit le respect de la compétence établie selon les règles de droit (ATF 122 I 18 consid. 2b/bb p. 24 et les arrêts cités). Autrement dit, elle confère au justiciable le droit de voir les litiges auxquels il est partie soumis à un tribunal régulièrement constitué d'après la constitution, la loi ou les règlements en vigueur, et généralement compétent pour statuer (ATF 100 Ib 137 consid. II/1 p. 148; 91 I 399 consid. b p. 401 et les références citées). 
Elle n'impose toutefois pas aux cantons une organisation judiciaire particulière ni une procédure déterminée (ATF 123 I 49 consid. 2b p. 51; 122 I 18 consid. 2b/bb p. 24; 105 Ia 172 consid. 3a p. 174/175; 100 Ib 137 consid. II/1 p. 148), mais elle les laisse libres de délimiter les compétences matérielles de leurs autorités, par exemple d'attribuer certains litiges à des tribunaux et d'autres à des autorités administratives (ATF 117 Ia 190 consid. 6a p. 191 et les références citées). 
 
Elle fixe cependant des exigences minimales de procédure, telles que l'interdiction des tribunaux d'exception et de la mise en oeuvre de juges ad hoc ou ad personam, et exige une organisation judiciaire et une procédure déterminées par un texte légal en vue d'empêcher toute manipulation et d'assurer l'indépendance nécessaire; en outre, elle garantit à chacun le recours à un juge indépendant et impartial (ATF 123 I 49 consid. 2b p. 51; 117 Ia 378 consid. 4b p. 380/381; 114 Ia 50 consid. 3b p. 53/54 et les arrêts cités). 
 
Lorsque, comme en l'espèce, l'art. 30 al. 1 Cst. est invoqué uniquement pour contester l'interprétation ou l'application des prescriptions cantonales sur l'organisation et la composition des tribunaux, sans que soient invoquées les exigences minimales de procédure garanties par cette disposition, ce grief se confond avec celui tiré de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 110 Ia 106 consid. 1 p. 107; 105 Ia 172 consid. 3a p. 174/175; 98 Ia 356 consid. 2 p. 359; 91 I 399 consid. 1b p. 401). Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70). 
 
 
b) L'art. 13 al. 4 LOJ val. , dont la violation est alléguée, a la teneur suivante: 
 
"Si, par suite d'empêchement ou de récusation de 
ses membres et de leurs suppléants, le Tribunal 
cantonal est incomplet, il se complète lui-même en 
faisant appel à un ou plusieurs juges de district 
ou à un ou plusieurs de leurs suppléants. 
Si une partie demande la récusation de tous les 
membres du Tribunal cantonal, il en est statué par 
un tribunal extraordinaire composé de trois à cinq 
membres tirés au sort par le Conseil d'Etat parmi 
les juges suppléants du Tribunal cantonal, les juges 
de district et leurs suppléants, subsidiairement 
parmi les juges d'instruction, les juges des 
mineurs et leurs suppléants. Si la récusation est 
reconnue fondée, ce même tribunal connaît de la 
cause.. " 
 
En l'espèce, le recourant a requis à titre incident la récusation des juges du Tribunal cantonal. L'art. 13 al. 4, 2ème phrase, LOJ val. prescrit en pareil cas qu'un tribunal extraordinaire de trois à cinq membres, tirés au sort par le Conseil d'Etat, doit statuer sur la demande de récusation. 
A cet égard, le texte de cette dernière disposition est clair et seuls des motifs déterminants tirés des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d'autres dispositions, permettraient de s'en écarter (ATF 127 V 1 consid. 4a p. 5 et les arrêts cités). 
 
L'autorité intimée a vu un motif pertinent de ne pas appliquer l'art. 13 al. 4, 2ème phrase, LOJ val. dans le caractère abusif de la demande de récusation en tant qu'elle visait le Juge cantonal F.________. Il est exact que le tribunal dont la récusation est demandée en bloc peut déclarer lui-même la requête irrecevable lorsque celle-ci est abusive ou manifestement mal fondée alors même que cette décision incomberait, selon la loi de procédure applicable, à une autre autorité (ATF 114 Ia 278 consid. 1 p. 279; 105 Ib 301 consid. 1c et d p. 304). Les juridictions cantonales peuvent également appliquer cette jurisprudence, développée dans le cadre d'une demande de récusation des juges du Tribunal fédéral, sans verser dans l'arbitraire (arrêt non publié du 3 février 1995 dans la cause R. contre Président du Tribunal cantonal du canton du Valais, consid. 2). S'agissant toutefois d'une exception au principe suivant lequel le juge dont la récusation est sollicitée ne saurait faire partie de la composition de l'autorité chargée de statuer sur son déport (cf. ZBl 97/1998 p. 289 consid. 3d p. 293 et les références citées), le caractère abusif ou manifestement infondé d'une demande de récusation ne doit pas être admis trop facilement. Le Tribunal fédéral a notamment vu un motif objectif propre à justifier le dépôt d'une requête de récusation en bloc des juges cantonaux dans le fait qu'une procédure pénale divisait l'un des juges d'avec le requérant, qu'un second était appelé à témoigner dans le cadre de cette procédure et que les autres avaient déjà été amenés à se prononcer dans le cadre d'une plainte portant sur le même complexe de fait (arrêt non publié du 8 février 1999 cité par Regula Kiener, Richterliche Unabhängigkeit, Berne 2001, p. 365, à la note 167). 
 
 
Dans le cas particulier, le recourant avait des motifs concrets pour demander la récusation des juges cantonaux qui étaient en fonction lorsque B.________ a transmis les écoutes téléphoniques à la Juge cantonale déléguée à la surveillance des juges d'instruction, puisque la question de la licéité de cette démarche était au centre de la plainte pénale qu'il a déposée contre ce magistrat pour violation du secret de fonction; en demandant leur récusation, il n'a donc pas agi dans un but de paralyser l'action de la justice, mais pour des raisons qu'il pouvait tenir pour objectivement fondées. 
La Chambre pénale paraît d'ailleurs avoir été d'un avis semblable puisque les juges concernés n'ont pas été appelés à siéger dans la composition de la cour. Le motif de récusation allégué pouvait également s'appliquer au juge F.________ et aux juges cantonaux suppléants, quand bien même ils n'étaient, soit pas encore en fonction au moment des faits incriminés, soit pas encore appelés à siéger dans la composition critiquée, et ne s'étaient pas prononcés sur la licéité de la transmission des écoutes téléphoniques à l'occasion de la procédure disciplinaire ouverte contre le Juge d'instruction pénale D.________. Si l'esprit de collégialité ne constitue en règle générale pas un motif fondé de récusation (cf. 
ATF 105 Ib 301 consid. 1d p. 304), la question est plus délicate lorsque les faits reprochés à un juge sont de nature à déboucher sur l'ouverture d'une plainte pénale. A tout le moins, le motif ne peut être considéré comme manifestement mal fondé ou abusif au point que le juge concerné puisse le constater lui-même. 
 
Dans ces conditions, c'est à tort que la Chambre pénale a cru pouvoir statuer elle-même sur la demande de récusation dont elle était saisie; elle devait transmettre la procédure au Conseil d'Etat pour la constitution du Tribunal extraordinaire conformément à l'art. 13 al. 4, 2ème phrase, LOJ val. Le grief tiré d'une application arbitraire du droit cantonal de procédure est donc bien fondé. 
 
Une décision prise en violation des dispositions relatives à la composition régulière d'une autorité doit en principe être annulée même si elle devait se révéler matériellement bien fondée; une exception n'est consentie que si la violation de procédure est insignifiante (ZBl 97/1998 p. 289 consid. 4 p. 293 et les arrêts cités). Tel n'est pas le cas en l'occurrence, de sorte que la décision du Tribunal cantonal du 19 juin 2001 sera annulée, la procédure étant replacée dans l'état où elle se trouvait avant que la Chambre pénale ne statue. 
 
 
3.- Le recours doit par conséquent être admis dans la mesure où il est recevable. En application de l'art. 156 al. 2 OJ, aucun émolument ne sera mis à la charge du canton du Valais; ce dernier versera en revanche une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens au recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un homme de loi (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet le recours dans la mesure où il est recevable et annule la décision attaquée; 
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire; 
 
3. Alloue au recourant une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens, à la charge du canton de Valais; 
4. Communique le présent arrêt en copie aux parties, au Juge d'instruction pénale et au Ministère public du Bas-Valais, ainsi qu'à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Valais. 
 
_______________ 
Lausanne, le 12 novembre 2001 PMN/col 
 
Au nom de la Ie Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,