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[AZA 7] 
H 38/01 Mh 
 
IIe Chambre 
 
MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer et Frésard. 
Greffier : M. Berthoud 
 
Arrêt du 17 janvier 2002 
 
dans la cause 
 
1. A.________, 
 
2. B.________, 
recourants, tous deux représentés par Maître Cyrille Piguet, avocat, rue du Grand-Chêne 8, 1002 Lausanne, 
 
contre 
Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du Lac 37, 1815 Clarens, intimée, 
 
et 
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne 
 
A.- La société X.________ SA était affiliée en tant qu'employeur à la Caisse cantonale vaudoise de compensation (la caisse). C.________, A.________ et son épouse B.________ ont été administrateurs de cette société. 
En 1997, X.________ SA a obtenu un sursis concordataire, dans lequel la caisse a produit, le 13 mai 1997, une créance de cotisations de 113 522 fr. 95. Le sursis a été révoqué le 3 mars 1998, suivi du prononcé immédiat de la faillite; la production de la caisse dans ladite faillite, du 25 mars 1998, s'est élevée à 181 809 fr. 90. 
Par décision du 12 janvier 1999, la caisse a informé les trois administrateurs prénommés qu'elle les rendait responsables du préjudice qu'elle avait subi dans la faillite de la société X.________ SA et qu'elle leur en demandait réparation jusqu'à concurrence de 162 481 fr. 70. 
 
B.- A.________ et B.________ ayant formé opposition à cette décision, la caisse a porté le cas devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, le 11 mars 1999, en concluant à ce que les deux défendeurs fussent condamnés à lui payer la somme précitée. En cours d'instance, la caisse a réduit ses prétentions à 155 914 fr. 55. 
Par jugement du 20 juin 2000, le Tribunal cantonal a adjugé entièrement ses conclusions à la caisse demanderesse. 
 
C.- A.________ et B.________ interjettent recours de droit administratif contre ce jugement dont ils demandent l'annulation. Ils concluent principalement à leur libération, subsidiairement à leur condamnation à verser un montant à dire de justice mais inférieur à 155 914 fr. 55, plus subsidiairement encore au renvoi de la cause aux premiers juges. 
La caisse intimée conclut au rejet du recours. 
L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé. 
Considérant en droit : 
 
1.- Le litige porte sur la responsabilité des recourants dans le préjudice subi par l'intimée, au sens de l'art. 52 LAVS et de la jurisprudence (ATF 123 V 170 consid. 2a, 122 V 66 consid. 4a et les références). 
Comme il n'a pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ). 
 
Par ailleurs, dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. 
Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références). 
 
2.- a) Dans un premier moyen, les recourants contestent avoir eu la qualité d'employeur au sens de l'art. 52 LAVS. Ils se prévalent en particulier du défaut de base légale qui permettrait d'étendre la responsabilité découlant de cette disposition légale aux organes d'une personne morale. A leurs yeux, la jurisprudence aurait comblé à tort une lacune inexistante de la loi. 
b) La Cour de céans ne voit toutefois aucune raison de revenir sur la jurisprudence qui a été développée à propos de l'art. 52 LAVS, que les premiers juges ont rappelée au consid. 2 de leur jugement. La responsabilité subsidiaire des organes qui ont agi au nom d'une personne morale est en effet un principe dûment consacré en ce domaine (ATF 108 V 194 consid. 2e), maintes fois confirmé (ATF 123 V 15 consid. 5b et les références; SVR 2001 AHV n° 6 p. 20 consid. 2a). 
 
3.- a) Devant l'instance cantonale, les recourants ont allégué que le commissaire au sursis était seul responsable de la gestion de la société X.________ SA durant les années 1997 et 1998, dans laquelle ils n'avaient plus aucun pouvoir (duplique du 6 octobre 1999, p. 4). 
En procédure fédérale, ils soutiennent que l'état de fait est lacunaire sur ce point. Les recourants allèguent en effet que le Tribunal cantonal des assurances a failli à son devoir d'établir d'office les faits pertinents, en violation de l'art. 85 al. 2 let. c LAVS. Selon eux, les premiers juges n'ont pas cherché à connaître la fonction exacte que le commissaire au sursis avait occupée, en particulier de savoir s'il avait été autorisé par le juge du concordat à poursuivre l'activité de l'entreprise à la place du débiteur (cf. art. 298 al. 1 LP, seconde phrase in fine). En pareille éventualité, concluent-ils, leur responsabilité dans le dommage consécutif au non-paiement des cotisations paritaires durant la période du sursis devrait être exclue. 
 
b) Selon l'art. 298 al. 1 LP, le débiteur peut poursuivre son activité sous la surveillance du commissaire. Le juge du concordat peut cependant prescrire que certains actes ne pourront valablement être accomplis qu'avec le concours du commissaire, ou autoriser le commissaire à poursuivre l'activité de l'entreprise à la place du débiteur. 
L'art. 298 al. 2 LP prévoit que sauf autorisation du juge du concordat, il est interdit, sous peine de nullité, d'aliéner ou de grever l'actif immobilisé, de constituer un gage, de se porter caution et de disposer à titre gratuit pendant la durée du sursis. 
A moins que le juge du concordat n'en dispose autrement, il découle ainsi de l'art. 298 LP que le débiteur conserve la libre disposition de ses biens. Celui-ci peut poursuivre l'exploitation de son entreprise et accomplir tous les actes juridiques qui entrent dans le cadre de la gestion quotidienne de celle-ci, à l'exception toutefois de ceux qui sont mentionnés à l'art. 298 al. 2 LP (Staehelin/Bauer/Staehelin, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. III, n. 3 ad art. 298; Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 3e éd., p. 434). 
Le versement des cotisations dues sur les salaires payés durant la période du sursis concordataire n'entre pas dans la catégorie des actes juridiques tombant sous le coup des actes prohibés par l'art. 298 al. 2 LP. Par ailleurs, selon la jurisprudence, les montants dus à des institutions de prévoyance sociale à partir de la date du sursis sont des dettes de la masse qui ne sont pas touchées par le concordat et qui peuvent, de ce fait, être immédiatement payées (ATF 100 III 30; arrêt non publié H. du 17 mars 1998, H 277/97; Amonn/Gasser, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 6e éd., § 54 n. 46). 
 
c) En l'espèce, les recourants ont été administrateurs de X.________ SA jusqu'à l'ouverture de la faillite de cette société. Ils devaient ainsi savoir mieux que quiconque si certaines de leurs prérogatives de gestionnaires leur avaient expressément été retirées - en application de la seconde phrase de l'art. 298 al. 1 LP - lors de l'octroi du sursis concordataire; si tel avait été le cas, ils auraient pu sans difficultés produire une copie de la décision d'octroi du sursis sans y être invités (cf. ATF 125 V 195 consid. 2 et les références), d'autant qu'ils étaient assistés par un homme de loi. En tout état de cause, devant le Tribunal fédéral des assurances, les recourants n'ont pas allégué que le juge du concordat aurait restreint leurs pouvoirs d'administrateurs, de telle façon qu'ils leur était impossible de payer les cotisations paritaires afférentes aux salaires qu'ils versaient. Par ailleurs, ils n'ont ni établi ni même rendu vraisemblable que les faits pertinents (singulièrement ceux portant sur l'étendue exacte des pouvoirs du commissaire) auraient été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète par le Tribunal cantonal des assurances, si bien que ces faits lient la Cour de céans. 
En conséquence, il faut partir du principe qu'il incombait toujours aux administrateurs et non au commissaire, durant la période du sursis, de verser les cotisations paritaires (RDAT 1999 I n° 71 p. 278). 
 
4.- a) En ce qui concerne le principe de leur responsabilité, les recourants contestent avoir commis une négligence grave, voire une faute qualifiée au sens de l'art. 52 LAVS. Ils rappellent qu'ils n'exerçaient aucune fonction opérationnelle, qu'ils n'assumaient pas la gestion effective de la société, et que leur point de vue n'était jamais requis du troisième administrateur, notamment quand il s'agissait d'affecter les liquidités. A ce propos, ils font également grief aux premiers juges de ne pas avoir administré les preuves, les privant ainsi de la possibilité de démontrer qu'ils n'avaient joué aucun rôle dans la direction et la gestion de la société X.________ SA. 
 
b) En leur qualité d'administrateurs de la société faillie, les recourants devaient s'assurer que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à la caisse de compensation, conformément aux obligations légales de la société (art. 14 al. 1 LAVS en corrélation avec les art. 34 ss RAVS), nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein de l'administration de la société X.________ SA. Un administrateur ne peut en effet se libérer de cette responsabilité en se bornant à soutenir qu'il faisait confiance à ses collègues chargés de gérer les finances de l'entreprise et de régler lesdites cotisations à la caisse intimée, ou à affirmer qu'il n'avait qu'un rôle subalterne, car cela constitue déjà en soi un cas de négligence grave. On rappellera d'ailleurs que la jurisprudence s'est toujours montrée sévère, lorsqu'il s'est agi d'apprécier la responsabilité d'administrateurs qui alléguaient avoir été exclus de la gestion d'une société et qui s'étaient accommodés de ce fait sans autre forme de procès (cf. notamment RCC 1992 pp. 268-269 consid. 7b, 1989 pp. 115-116 consid. 4). 
La passivité des recourants est de surcroît en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par la caisse de compensation. En effet, si A.________ avait correctement exécuté son mandat d'administrateur, il aurait pu veiller au paiement des cotisations aux assurances sociales, d'autant plus que la structure simple de l'entreprise était propice à ce genre de surveillance. 
Quant à B.________, elle a reconnu avoir su que la société éprouvait des retards dans le versement des cotisations paritaires et que les fournisseurs de l'entreprise étaient désintéressés en priorité, tout en ajoutant qu'elle s'était néanmoins satisfaite des explications de C.________ (réponse du 9 juin 1999, p. 3). Si la recourante s'était trouvée dans l'incapacité d'exercer sa tâche d'administratrice, en raison de l'opposition de C.________, elle aurait alors dû démissionner de ses fonctions. Pareil comportement tombe sous le coup de l'art. 52 LAVS
5.- a) Les recourants contestent le montant du dommage dont l'intimée entend leur demander réparation. Ils soutiennent que ce point n'a pas été établi à satisfaction et qu'il devra être instruit. 
 
b) Devant le Tribunal cantonal des assurances, l'intimée a détaillé l'état de ses prétentions (écriture du 5 mai 2000). Elle a expliqué que la différence entre la créance de 181 809 fr. 90, qu'elle avait produite dans la faillite, et le montant de 162 481 fr. 70, qui a fait l'objet de la décision en réparation du dommage du 12 janvier 1999, était due aux allocations familiales de droit cantonal qui ne sont pas prises en considération dans la procédure prévue par les art. 52 LAVS et 81 al. 1 RAVS. Par ailleurs, C.________ a effectué plusieurs versements, ce qui a conduit l'intimée à réduire ses conclusions à 155 914 fr. 55. 
Invités à se déterminer sur ce point, les recourants ont répondu que le litige ne portait pas sur le montant du dommage, mais uniquement sur le principe de leur responsabilité, laissant entendre par là que la créance de la caisse n'était pas contestée quant à son montant comme tel (lettre du 25 mai 2000). En outre, ils n'ont pas sollicité l'administration de preuves quant à l'étendue du dommage. 
En l'état du dossier, la juridiction cantonale n'a donc pas établi les faits pertinents en violation des art. 104 let. b et 105 al. 2 OJ, lorsqu'elle a constaté que le dommage subi par l'intimée consistait en des cotisations sociales restées impayées de 1996 à mars 1998, des frais de gestion, des intérêts moratoires et des frais de poursuite, conformément aux décisions annexées à la demande en réparation, pour une somme totale de 155 914 fr. 55 (consid. 4 du jugement attaqué). Au demeurant, en procédure fédérale, les recourants n'indiquent pas en quoi ce montant serait erroné. 
 
6.- La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ a contrario). Les recourants qui succombent, supporteront les frais de justice, arrêtés à 8000 fr. (art. 153a, 156 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
prononce : 
 
I. Le recours est rejeté. 
 
II. Les frais de justice, par 8000 fr. au total, sont mis à la charge des recourants, par moitié chacun. Les frais sont couverts par leurs avances respectives de 
 
 
6000 fr. Le solde des avances est restitué aux recourants 
à raison de 2000 fr. chacun. 
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 17 janvier 2002 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre : 
 
Le Greffier :