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[AZA 3] 
 
4P.43/2000 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
12 mai 2000 
 
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu et Mme 
Rottenberg Liatowitsch, juges. Greffier: M. Carruzzo. 
 
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Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
P. Grumser S.A., à Lausanne, représentée par Me Michel Dupuis, avocat à Lausanne, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 1er février 2000 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause qui oppose la recourante à Pierre Grumser, à Epalinges, représenté par Me Baptiste Rusconi, avocat à Lausanne; 
(art. 9 et 29 al. 2 Cst. ; appréciation des preuves, droit d'être entendu, procédure civile vaudoise) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- a) Pierre Grumser (ci-après: l'intimé) est actionnaire minoritaire de P. Grumser S.A. (ci-après: la recourante), une société dont le siège est à Lausanne et qui a pour but le commerce de bijouterie, orfèvrerie et horlogerie. 
Le capital de ladite société se monte à 100 000 fr.; il est composé de 200 actions nominatives privilégiées d'une valeur nominale de 100 fr. (actions A) et de 80 actions nominatives d'une valeur nominale de 1000 fr. (actions B). Fondée en 1926 par le grand-père de l'intimé, la société n'a jamais quitté les mains de la famille Grumser. A la fin des années 70, le père de l'intimé, André Grumser, alors actionnaire majoritaire, a cherché sans succès une solution avec ses trois enfants - Marianne Gallusser-Grumser, Jacques Grumser et l'intimé - en vue d'assurer la poursuite de l'exploitation du commerce de bijouterie sis au numéro 11 de la rue Saint-François, à Lausanne. A l'époque, il détenait 175 des 200 actions A, le solde appartenant à son épouse; quant aux 80 actions B, elles étaient réparties entre André Grumser (72), Marianne Gallusser-Grumser (7) et l'intimé (1). Finalement, par lettre du 30 mai 1979, la recourante a résilié le contrat de travail de l'intimé avec effet au 30 septembre 1979. Ce dernier s'est alors établi à son propre compte, ouvrant un magasin concurrent au numéro 10 de la rue de Bourg, à Lausanne. 
 
b) Le 4 décembre 1979, la société Grumser S.A., ayant pour actionnaires Marianne Gallusser-Grumser, Jacques Grumser et l'intimé, a été inscrite au registre du commerce; du 1er janvier 1980 au 31 juillet 1991, elle a exploité la bijouterie-horlogerie du numéro 11 de la rue Saint-François. 
Par la suite, c'est la recourante qui a repris l'exploitation de ce commerce. Au décès d'André Grumser, en 1991, Marianne Gallusser-Grumser s'est vu attribuer toutes les actions A ainsi que neuf actions B et est devenue administratrice unique de la recourante, puis présidente du conseil d'administration dès le 11 mars 1994; le solde des titres a été réparti à raison d'un tiers par enfant. En 1992, Jacques Grumser a vendu à sa soeur les 21 actions dont il avait hérité. Ainsi, au jour du dépôt de la demande, Marianne Gallusser-Grumser et l'intimé détenaient, respectivement, 78% et 22% du capitalactions de la recourante. 
 
c) Lors des assemblées générales ordinaires de la recourante des 5 juin 1992 et 29 juillet 1993, de même qu'au cours de l'assemblée générale extraordinaire du 3 décembre 1993, l'intimé a posé de nombreuses questions au conseil d'administration et à l'organe de révision sur la marche des affaires, questions auxquelles il n'a été répondu qu'en partie. 
A l'occasion de la dernière assemblée citée, la présidente du conseil d'administration a refusé d'autoriser l'intimé à consulter des livres et de la correspondance, au motif qu'il était un concurrent direct de la recourante. 
 
B.- Par demande du 19 avril 1996, l'intimé a ouvert action contre la recourante, concluant à ce que la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud ordonne la dissolution de la société et nomme des liquidateurs chargés de procéder à la liquidation de celle-ci dans un délai de six mois dès jugement définitif et exécutoire. Il alléguait, en substance, que la défenderesse, du fait qu'elle était mal gérée, enregistrait des pertes annuelles constantes, qui avaient nécessité la dissolution de réserves latentes et un accroissement de l'endettement de la société envers son actionnaire majoritaire. Selon lui, le défaut de rentabilité de l'entreprise conduirait tôt ou tard à un surendettement et, finalement, à la faillite. 
 
La recourante a conclu au rejet de la demande. 
 
Par ordonnance de mesures provisionnelles du 3 décembre 1996, le Juge instructeur de la Cour civile, saisi d'une requête ad hoc de l'intimé, a fait défense à la recourante d'aliéner, de mettre en gage ou de céder, de quelque manière que ce soit, l'immeuble de la rue Saint-François. 
 
Statuant sur le fond le 6 juillet 1999, la Cour civile a prononcé la dissolution de la recourante, nommé un liquidateur en la personne de Raymond Ducrey, de la société Intermandat S.A., à Lausanne, et mis les frais de liquidation à la charge de la recourante. 
 
Le 1er février 2000, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours formé par la société défenderesse contre le jugement de la Cour civile qu'elle a confirmé. 
 
C.- Agissant par la voie du recours de droit public, la recourante demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre des recours. Elle interjette séparément un recours en réforme contre le jugement de la Cour civile. 
 
L'intimé propose le rejet du recours de droit public. 
Quant à la Chambre des recours, elle se réfère aux motifs énoncés dans son arrêt. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- La recourante invoque, en premier lieu, la violation de son droit d'être entendue ainsi que l'application arbitraire des art. 300 al. 2 et 243 du Code de procédure civile vaudois (CPC vaud.). Elle fait grief à la Cour civile de n'avoir pas retenu, sans fournir de motifs suffisants au sens de l'art. 300 al. 2 CPC vaud. pour ce faire, les dépositions des témoins Gallusser, Grumser et Sugar, dont il ressortirait que l'intimé avait débauché des employés de la recourante en 1979 et utilisé abusivement la cartothèque des clients de celle-ci. Les premiers juges se voient en outre reprocher de s'être écartés des conclusions de l'expert judiciaire sans motiver leur conviction, en violation de l'art. 243 CPC vaud. 
 
 
a) A propos de ces griefs, qui ont été soumis à son examen, la Chambre des recours a considéré que la lecture du jugement de première instance permettait de comprendre sans difficulté les raisons pour lesquelles la Cour civile avait estimé que les allégations de la recourante touchant le débauchage de ses employés et l'utilisation abusive de sa cartothèque n'étaient pas suffisamment établies. Au demeurant, de telles circonstances n'étaient pas déterminantes pour le sort de l'action, selon l'autorité de recours cantonale. Enfin, de l'avis de celle-ci, les premiers juges ne s'étaient pas écartés des conclusions de l'expert. 
 
b) La recourante ne critique pas les motifs énoncés dans l'arrêt de la Chambre des recours; ses griefs ne visent, en effet, que le jugement de première instance. Or, s'agissant du moyen pris de la violation du droit d'être entendu, seule la décision prise en dernière instance cantonale peut être l'objet du recours de droit public (art. 86 al. 1 OJ; ATF 120 Ia 19 consid. 2b p. 23, 118 Ia 165 consid. 2b p. 169). En l'occurrence, la recourante ne démontre pas en quoi la Chambre des recours aurait méconnu son droit d'être entendue ou aurait appliqué d'une manière arbitraire les art. 300 al. 2 et 243 CPC vaud. et il n'apparaît pas que semblables reproches soient fondés. Sur ce point, le présent recours est donc irrecevable. 
 
 
2.- La recourante reproche, par ailleurs, à la Cour civile d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des éléments de preuve dont elle disposait. 
 
a) Bien qu'il soit dirigé contre le jugement de première instance, le grief en question n'est pas irrecevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ, dès lors que, selon les indications de la Chambre des recours, il ne pouvait pas être soumis à cette autorité par la voie du recours en nullité (ATF 120 Ia 19 consid. 2b p. 23 et les arrêts cités). 
 
b) Lorsqu'il statue sur un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés (ATF 122 I 70 consid. 1c, 121 IV 317 consid. 3b). Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation alléguée (ATF 117 Ia 393 consid. 3). Le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public, ne doit ainsi examiner que les griefs exposés de manière claire et détaillée (ATF 120 I 70 consid. 1c p. 73, 119 Ia 197 consid. 1d p. 201, 118 Ia 64 consid. 1b p. 67, 117 Ia 10 consid. 4b p. 11 s., 115 Ia 183 consid. 3 p. 185). S'il invoque une violation de l'art. 9 Cst. , le recourant ne peut se contenter de prétendre que la décision entreprise est arbitraire. 
Il lui faut démontrer que la décision attaquée est manifestement insoutenable, qu'elle est en contradiction flagrante avec la situation de fait ou viole gravement un principe de droit incontesté ou encore contredit de manière choquante le sentiment de la justice (ATF 122 III 130 consid. 2a p. 131, 121 I 113 consid. 3a p. 114, 120 Ia 369 consid. 3a p. 
 
373). Une critique de nature purement appellatoire est irrecevable (ATF 107 Ia 186). S'il s'en prend à l'appréciation des preuves, le recourant doit démontrer que le juge cantonal a abusé du large pouvoir qui lui est reconnu dans ce domaine (ATF 112 Ia 371 consid. 3), en parvenant à des conclusions manifestement insoutenables (ATF 101 Ia 306 consid. 5, 100 Ia 468, 98 Ia 142 consid. 3a et les arrêts cités). Il ne suffit pas, au demeurant, que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables; encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 123 I 1 consid. 4a p. 5; 122 III 130 consid. 2a p. 131; 121 I 113 consid. 3a p. 114; 120 Ia 369 consid. 3a p. 373; 119 Ia 433 consid. 4 p. 439 et les arrêts cités). Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 120 Ia 369 consid. 3a p. 373; 118 Ia 497 consid. 2a p. 499; 116 Ia 325 consid. 3a p. 326/327). 
 
 
En l'espèce, le recours ne satisfait nullement à ces exigences. Son auteur se contente, en effet, de substituer sa propre appréciation des preuves à celle de la Cour civile et de soumettre au Tribunal fédéral sa version des faits, comme s'il plaidait devant une juridiction d'appel, sans tenter de démontrer ce qu'il pourrait y avoir d'arbitraire dans celle qui a été retenue par les juges de première instance. En particulier, la recourante n'indique pas en quoi le prétendu débauchage de ses employés par l'intimé et l'utilisation abusive de son fichier de clients auraient une incidence sur l'issue du litige relatif à la dissolution d'une société anonyme. Quant à l'argument selon lequel il existerait une contradiction entre les conclusions de l'expert judiciaire et les considérations émises par la Cour civile, la Chambre des recours l'a déjà réfuté et la recourante laisse intact ce point de l'arrêt cantonal. Il n'y a pas lieu non plus d'entrer en matière sur le recours en tant qu'il soulève la question de la violation du droit fédéral, puisque la voie du recours en réforme est ouverte dans la présente cause (art. 84 al. 2 OJ). 
 
3.- En définitive, le recours soumis à l'examen du Tribunal fédéral est totalement irrecevable. Par conséquent, la recourante devra payer l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ) et verser des dépens à l'intimé (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Déclare le recours irrecevable; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 10 000 fr. à la charge de la recourante; 
 
3. Dit que la recourante versera à l'intimé une indemnité de 12 000 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
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Lausanne, le 12 mai 2000 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,