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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_323/2022  
 
 
Arrêt du 27 octobre 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me François Bellanger, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
2. C.________, 
tous les deux représentés par Me Timo Sulc, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
sûretés d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, inscription provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 29 mars 2022 (C/13860/2021 ACJC/452/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles du 16 juillet 2021, A.________ SA a conclu à ce que le Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après: le tribunal) ordonne l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence de 38'725 fr. 85 avec intérêts à 5% dès le 17 mars 2021 sur le bien-fonds no xxx de la commune de U.________, propriété de B.________ et C.________ (ci-après: les propriétaires); un délai de trois mois devait lui être imparti pour introduire une action au fond. 
 
A.a. Le 16 juillet 2021, le tribunal a ordonné à titre superprovisionnel l'inscription provisoire sollicitée et dit que cette décision déploierait ses effet jusqu'à l'exécution de la nouvelle décision qui serait rendue après déterminations des propriétaires.  
L'inscription a été opérée le même jour. 
Le 3 août 2021, les propriétaires ont conclu à la radiation de l'inscription provisoire, faisant valoir avoir fourni des sûretés à hauteur de 58'088 fr. 78, lesquelles étaient suffisantes au sens de l'art. 839 al. 3 CC
 
A.b. Statuant le 26 novembre 2021 sur mesures provisionnelles, le tribunal a constaté que le montant de 58'088 fr. 78 consigné le 8 octobre 2021 par les propriétaires auprès des Services financiers du pouvoir judiciaire constituait des sûretés suffisantes au sens de l'art. 839 al. 3 CC (ch. 1); dit que ce montant demeurerait consigné jusqu'à droit définitivement jugé sur le fond ou accord entre les parties (ch. 2); que la requête en inscription provisoire d'hypothèque légale déposée le 16 juillet 2021 était désormais sans objet (ch. 3); révoqué l'ordonnance de mesures superprovisionnelles rendue le 16 juillet 2021 (ch. 4); dit que les ch. 3 et 4 précités ne deviendraient exécutoires qu'après expiration du délai d'appel de l'art. 314 al. 1 CPC et, en cas d'appel, pour autant que l'effet suspensif n'ait pas été accordé (ch. 5); imparti à l'entreprise A.________ SA un délai de trois mois pour faire valoir son droit en justice (ch. 6).  
A.________ SA a fait appel de l'ordonnance devant la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: cour cantonale ou Cour de justice). L'entreprise a préalablement conclu à ce que la cour cantonale octroie l'effet suspensif à l'appel et, principalement, à ce qu'elle annule l'ordonnance, constate que le montant consigné par les propriétaires ne constituait pas des sûretés suffisantes au sens de l'art. 839 al. 3 CC, ordonne à son profit l'inscription de l'hypothèque légale telle que sollicitée dans sa requête, lui impartisse un délai de trois mois pour ouvrir action au fond et la dispense de sûretés. 
 
A.b.a. La question préalable de l'effet suspensif, dont l'octroi a été refusé par la cour cantonale, a fait l'objet d'une procédure devant la Cour de céans: celle-ci a conclu à sa perte d'objet (arrêt 5A_51/2022 du 6 mai 2022), la cour cantonale ayant entre-temps statué au fond (infra let A.b.b); par ordonnance présidentielle du 11 février 2022, interdiction avait été faite au conservateur du registre foncier de radier l'hypothèque inscrite à titre superprovisionnel.  
 
A.b.b. Par arrêt du 29 mars 2022, la Cour de justice a confirmé l'ordonnance du premier juge et débouté les parties de toutes autres conclusions.  
 
B.  
Agissant le 4 mai 2022 par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, A.________ SA (ci-après: la recourante) conclut principalement à ce qu'il soit constaté que le montant de 58'088 fr. 78 consigné par B.________ et C.________ (ci-après: les intimés) ne constitue pas des sûretés suffisantes au sens de l'art. 839 al. 3 CC; à ce que l'arrêt entrepris soit annulé et l'ordonnance de mesures superprovisionnelles du 16 juillet 2021 confirmée; à ce qu'il soit ordonné au conservateur du registre foncier de maintenir à son bénéfice l'inscription provisoire de l'hypothèque légale inscrite à titre superprovisionnel, ce jusqu'à droit jugé sur l'inscription définitive de l'hypothèque légale et sur le fond; à ce qu'un délai de trois mois lui soit imparti pour faire valoir son droit en justice. Subsidiairement, la recourante réclame le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt; les intimés concluent au rejet du recours. Les parties ont renoncé à un échange d'écritures complémentaire. 
 
C.  
Par ordonnance présidentielle du 25 mai 2022, la requête de mesures provisionnelles de la recourante a été admise et interdiction a été faite au conservateur du registre foncier du canton de Genève de radier, pendant la procédure fédérale, l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence de 38'725 fr. 85 avec intérêts à 5% l'an dès le 17 mars 2021 sur le bien-fonds no xxx de la commune de U.________. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La décision déférée confirme le refus d'inscrire provisoirement l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs requise par la recourante. Il s'agit ainsi d'une décision finale (art. 90 LTF; ATF 137 III 589 consid. 1.2.2 et la jurisprudence citée), rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale et sur recours (art. 75 LTF); la contestation, de nature pécuniaire, atteint la valeur litigieuse de 30'000 fr. (art. 74 al 1 let. b LTF) et la recourante, qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. a et b LTF), a agi à temps (art. 100 al. 1 et 46 al. 2 LTF). Le recours est donc recevable. 
 
2.  
La procédure porte sur l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, à savoir une mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF (ATF 137 III 563 consid. 3.3; arrêt 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 2.1 et les références). Seule peut en conséquence être invoquée la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation de ces droits que si un tel moyen est invoqué et motivé par le recourant (principe d'allégation; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1 et les références). 
Une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 141 III 564 consid. 4.1); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7.1, 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3). Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle s'écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour autant que la solution divergente puisse s'appuyer sur des motifs objectifs (ATF 148 III 95 consid. 4.1 et les références; arrêt 5A_253/2020 du 25 mars 2021 consid. 2.1). 
 
3.  
La recourante estime que la cour cantonale aurait procédé à une application arbitraire de l'art. 839 al. 3 CC
 
3.1. L'autorité cantonale a considéré comme étant abusive la démarche de la recourante consistant à ne pas se satisfaire des sûretés offertes par les intimés, lesquelles couvraient la créance de l'entreprise et les intérêts moratoires sur une durée de dix ans, et à persister réclamer le maintien de l'inscription de l'hypothèque légale. Celui-ci était susceptible de causer un double préjudice aux intimés alors que la recourante n'y rendait vraisemblable aucun intérêt concret: le caractère prétendument insuffisant de la garantie proposée par ses parties adverses - faute de garantir les intérêts de sa créance de manière illimitée et fondé sur l'ATF 142 III 738 - était en effet remis en cause tant par la doctrine que par les développements législatifs récents.  
 
3.2. La recourante se réfère à l'ATF 142 III 738, relevant que les principes que posait cette jurisprudence étaient clairs et ne laissaient nulle place à l'interprétation: une sûreté couvrant le capital d'une créance et les intérêts sur dix ans n'était pas suffisante selon l'art. 839 al. 3 CC, car limitée dans le temps. La cour cantonale ne pouvait se référer à un projet législatif qui n'était pas en vigueur pour appuyer un raisonnement qui n'était manifestement pas conforme au droit actuel et donc arbitraire. Cette conclusion s'appliquait également au résultat auquel parvenait l'autorité cantonale, la recourante soutenant à cet égard se voir ainsi privée d'une garantie plus étendue que ne le permettaient les sûretés versées et auxquelles elle pouvait prétendre selon le droit actuellement en vigueur. Dans la mesure où ses prétentions étaient conformes à la loi, sans que la garantie proposée par sa partie adverse le soit, la recourante affirme qu'aucun abus de droit ne pouvait lui être reproché.  
Dans leurs déterminations, les intimés reprennent en substance les éléments qui ressortent de la motivation cantonale (ainsi: critiques doctrinales et avant-projet législatif remettant en cause l'ATF 142 III 738; abus de droit de la recourante). 
 
3.3. Le propriétaire foncier peut empêcher l'inscription - provisoire ou définitive - d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs s'il fournit des " sûretés suffisantes " (art. 839 al. 3 CC).  
 
3.3.1. Ces sûretés peuvent être personnelles (garantie bancaire, cautionnement, autre garantie fondée sur le droit des obligations), ou réelles (consignation d'un montant ou nantissement d'autres valeurs; cf. ATF 103 Ia 462 consid. 2b).  
Pour être " suffisantes ", les sûretés qui tiennent lieu d'inscription d'une hypothèque légale doivent garantir pleinement la créance (ATF 97 I 209 consid. 2; LEEMANN, in Berner Kommentar, n. 24a ad art. 839 CC) : elles doivent ainsi offrir qualitativement et quantitativement la même couverture que l'hypothèque des artisans ou entrepreneurs. Cette affirmation, qui ressort d'un arrêt publié aux ATF 142 III 738 consid. 4.4.2, se fonde sur la jurisprudence antérieure à la modification législative entrée en vigueur le 1er janvier 2012 (RO 2011 4637 ss, p. 4645 et 4657; ainsi: ATF 121 III 445 consid. 5a; 110 II 34 consid. 1b; 97 I 209 consid. 2), celle-ci n'ayant pas modifié la teneur de l'art. 839 al. 3 CC
 
3.3.2. Du point de vue quantitatif - seul ici discuté -, l'hypothèque légale des artisans ou entrepreneurs offre au créancier une sécurité pour le capital (art. 818 al. 1er ch. 1 CC) et les intérêts moratoires (art. 818 al. 1er ch. 2 CC), le cas échéant pour les intérêts contractuels (art. 818 al. 1er ch. 3 CC). En tant que les intérêts moratoires ne sont pas limités dans le temps (art. 104 CO; ATF 121 III 445 consid. 5a; arrêt 5A_109/2011 du 24 juin 2011 consid. 4.2.1), la jurisprudence retient que les sûretés tenant lieu d'inscription d'une hypothèque doivent également offrir une sécurité illimitée pour les intérêts moratoires (ATF 142 III 738 consid. 4.4.2; 121 III 445 consid. 5a).  
 
3.3.2.1. Cette conception a été commentée et critiquée en doctrine, qui lui reproche essentiellement d'ôter toute portée pratique à l'art. 839 al. 3 CC. A son sens, le recours à des instruments de garantie usuels se révélerait difficilement envisageable en tant que, pour des motifs juridiques et/ou économiques, une limitation du montant de la responsabilité (et donc des intérêts moratoires) serait nécessaire à leur mise en oeuvre (ainsi: VETTER/BRUNNER, Die hinreichende Sicherheit gemäss Art. 830 Abs. 3 ZGB, in Jusletter du 27 février 2017, n. 27; THURNHERR, in Basler Kommentar, 6e éd. 2019, n. 11 ad art. 839/840 ZGB; ZARB, L'hypothèque légale, in Revue de l'avocat 2018 125 ss, p. 128; SCHUMACHER/REY, Das Bauhandwerkerpfandrecht, 4e éd. 2021, n. 1229, ces derniers auteurs citant cependant différents arrêts zurichois dans lesquels la banque a accepté d'accorder des garanties bancaires couvrant les intérêts de manière illimitée [op. cit., n. 1238]). Il s'ensuivrait concrètement que les sûretés ne pourraient finalement plus être fournies qu'avec l'accord du créancier: l'exercice de ce droit formateur du propriétaire serait ainsi vidé de sa substance (SCHUMACHER/REY, op. cit, n. 1232; THURNHERR, op. cit., ibid.; VETTER/BRUNNER, op. cit., n. 27; PLATTNER, in DC 2017 293 ss, p. 294), le versement des sûretés devant en effet pouvoir intervenir contre la volonté de l'entrepreneur (THURNHERR, op. cit., ibid.). Certains auteurs ont également relevé que, contrairement au crédit hypothécaire, auquel le législateur avait pensé lors de l'élaboration des règles générales relatives au droit de gage immobilier, l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne servirait pas à garantir durablement les montants d'emprunts, pour lesquels le délai de prescription légal de l'art. 127 CO apparaît trop bref: l'on pouvait plutôt présumer que, dans cette hypothèse, le créancier gagiste voudrait et recouvrerait sa créance dans un délai raisonnable, malgré le délai de prescription de l'art. 807 CC (SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 1235). Il a aussi été rappelé que la lettre de l'art. 839 al. 3 CC n'exigeait pas une sûreté identique, mais " suffisante " ( hinreichende Sicherheit; sufficiente garanzia). Dans cette perspective, il apparaissait ainsi important d'effectuer une appréciation globale, à savoir non seulement quantitative, mais également qualitative. Or à différents points de vue, l'octroi d'une sûreté serait favorable à l'entrepreneur, lequel s'épargnerait alors les risques liés à la procédure d'exécution forcée et à son issue (SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 1236; VETTER/BRUNNER, op. cit., n. 28; cf. également: PLATTNER, op. cit., p. 294). Dans la pratique, la garantie des intérêts serait d'ailleurs presque toujours limitée dans le temps, à savoir à trois, cinq, voire sept ans, en fonction de la durée probable de la procédure (PRAPLAN, L'hypothèque légale des artisans entrepreneurs: Mise en oeuvre judiciaire, in JdT 2010 II 37 ss p. 57 ch. 8.2; contra : SCHMID/PESCHKE, in DC 2017 163, p. 164 qui voient dans cette " pratique " non pas un motif juridique, mais plutôt la concession d'un avantage à l'entrepreneur dans certaines circonstances concrètes).  
 
3.3.2.2. C'est dans ce contexte que la motion Burkart 17.4079 du 13 décembre 2017 a été adoptée par les Chambres fédérales (à savoir: le 16 mars 2018 par le Conseil national, le 19 septembre 2018 par le Conseil des États). Cette motion charge le Conseil fédéral de préciser les dispositions sur l'hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs dans le cadre de la révision du droit contractuel de la construction " afin que l'application du droit qu'a le propriétaire de fournir des sûretés suffisantes corresponde à nouveau à la volonté du législateur ".  
L'avant-projet du Conseil fédéral concrétisant cette motion limite à dix ans les intérêts moratoires compris dans les sûretés prévues à l'art. 839 al. 3 CC (ainsi: " [l'inscription] ne peut être requise si le propriétaire fournit des sûretés suffisantes au créancier, intérêts moratoires pour une durée de dix ans compris "). Dans son rapport explicatif, le Conseil fédéral relève que cette limite redonnerait une portée pratique à la disposition légale précitée, le montant des sûretés de substitution étant ainsi déterminable, et ne toucherait qu'à peine les intérêts des artisans et entrepreneurs, le délai de dix ans suffisant généralement pour liquider les éventuelles procédures judiciaires portant sur les sûretés. Faciliter l'obtention d'une garantie bancaire profiterait aussi aux créanciers, en tant que non seulement celle-ci serait plus attrayante économiquement, mais également plus simple et plus facile à faire exécuter qu'une hypothèque à réaliser (Rapport explicatif du 19 août 2020, Révision du code des obligations [défauts de construction], p. 30 s.). 
La proposition visant à concrétiser les exigences relatives aux sûretés fournies en remplacement de l'hypothèque des artisans et entrepreneurs a rencontré un large soutien lors de la procédure de consultation (Office fédéral de la justice, Révision du code des obligations [Défauts de construction], Synthèse des résultats de la procédure de consultation, 19 octobre 2022, p. 3, 16). Le 19 octobre 2022, le Conseil fédéral a pris acte des résultats de cette procédure et adopté le message à l'intention du parlement. La teneur de l'art. 839 al. 3 CC telle que prévue par l'avant-projet a été confirmée, la durée de couverture des intérêts moratoires étant ainsi limitée à dix ans (message du Conseil fédéral non encore publié dans la Feuille fédérale, mais néanmoins disponible sur le site de l'OFJ, à savoir: https://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/aktuell/mm.msg-id-90716.html). 
 
3.3.3. La jurisprudence admet que, dans certains cas, une révision législative en cours peut être prise en compte lors de l'interprétation d'une norme. Cela n'est toutefois envisageable que si le régime applicable n'est pas fondamentalement modifié et s'il s'agit seulement de concrétiser la situation juridique existante ou de combler des lacunes dans le droit applicable (cf. ATF 141 II 297 consid. 5.5.3; 125 III 401 consid. 2a; 124 II 193 consid. 5d; arrêt 5A_793/2011 du 3 février 2012 consid. 6.8.3).  
 
3.4. Le montant des sûretés consignées par les intimés comprennent ici les intérêts moratoires sur une durée de dix ans. En admettant que celles-ci sont suffisantes au regard de l'art. 839 al. 3 CC, la cour cantonale s'écarte manifestement de la jurisprudence actuelle du Tribunal de céans, selon laquelle ces intérêts doivent être garantis de manière illimitée par les sûretés remplaçant l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Dès lors que la société recourante se fonde sur cette jurisprudence pour invoquer l'insuffisance des sûretés versées et solliciter ainsi le maintien de l'inscription provisoire de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs sur le bien-fonds des intimés, il apparaît arbitraire de considérer que son comportement procéderait de l'abus de droit.  
La décision cantonale n'est cependant pas arbitraire dans son résultat. Si elle se fonde essentiellement sur le prétendu abus de droit de la recourante pour admettre la suffisance des sûretés prestées, la cour cantonale a néanmoins relevé la remise en cause de l'interprétation donnée par la jurisprudence à l'art. 839 al. 3 CC et les travaux législatifs tendant à concrétiser les exigences relatives à la mise en oeuvre des sûretés que prévoit cette dernière disposition. Les développements législatifs sur lesquels l'autorité cantonale s'est fondée sont désormais au stade du projet; ils permettent de définitivement clarifier la durée de couverture des intérêts moratoires, sans toutefois modifier le régime même des sûretés remplaçant l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Dans ces conditions, il faut admettre que la cour cantonale pouvait s'y référer pour appuyer la distance qu'elle prenait par rapport à la jurisprudence fédérale (cf. supra consid. 3.3.3) et considérer, sans arbitraire, que les sûretés garantissant ici la créance de l'entrepreneur ainsi que les intérêts moratoires sur dix ans étaient suffisantes.  
 
4.  
En définitive, le recours est rejeté. La recourante s'acquittera des frais judiciaires et des dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de 5'000 fr., à verser aux intimés à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, et au registre foncier du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 27 octobre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso