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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.386/2006 /ram 
 
Arrêt du 18 avril 2007 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss. 
Greffier: M. Ramelet. 
 
Parties 
Banque X.________, 
demanderesse et recourante, représentée par Me Pierre Schifferli, 
 
contre 
 
Banque Y.________ SA, (ancien. Banque Z.________ SA), 
défenderesse et intimée, représentée par Me Pierre-André Béguin. 
 
Objet 
responsabilité délictuelle, blanchiment d'argent, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 15 septembre 2006. 
 
Faits : 
 
A. 
A.a La banque X.________ (ci-après: X.________), fondée en 1975, est une grande banque sise dans un pays du Golfe. La présidence du conseil d'administration de X.________ est assurée depuis sa fondation par son actionnaire principal, A.________. Il a été retenu que les règles de contrôle et d'audit étaient, de manière générale, peu appliquées au sein de X.________. B.________, entré comme caissier au sein de ladite banque, en était devenu sous-directeur dans les années 1990. 
 
C.________ est un citoyen malien né en 1945. Au début des années 1990, C.________ était connu dans plusieurs Etats d'Afrique de l'Ouest comme un homme d'affaires très fortuné possédant un avion privé (il y était surnommé le "milliardaire malien") et comme un philanthrope. C.________ donnait à ses interlocuteurs des explications différentes quant à l'origine et l'ampleur de sa fortune. Il affirmait par exemple toucher des commissions sur des contrats pétroliers. 
A.b Le 21 août 1995, C.________ a ouvert un compte courant auprès de X.________. Il s'est présenté au guichet de la banque, sans recommandation particulière, indiquant qu'il était associé d'une société en formation "D.________", sise aux Emirats Arabes Unis. Les documents d'ouverture du compte ne contenaient aucune information sur les activités professionnelles du client ou la provenance de ses fonds. 
 
C'est B.________ qui a ouvert le compte de C.________. Un crédit pour l'achat d'une voiture, par 400'000 dirhams des Emirats Arabes Unis (AED), et une carte de crédit ont été immédiatement octroyés à C.________. 
 
Toujours au mois d'août 1995, C.________ a convaincu B.________ qu'il avait des pouvoirs surnaturels, lui permettant de multiplier des billets de banque par des procédés de magie noire. 
 
C.________ a ainsi déterminé B.________ à faire parvenir - soit à lui-même soit à des personnes désignées par ses soins - des sommes d'argent qui devaient totaliser, lors de la découverte des malversations au début de l'année 1998, la somme colossale de 889'000'000 AED, représentant plus de 240'000'000 US$. Sous réserve de l'utilisation de la carte de crédit de C.________ et de divers retraits en espèces, ces montants ont fait l'objet de virements exécutés par X.________, grâce à l'entremise de sa banque correspondante pour les virements internationaux, soit E.________, à New York (Etats-Unis d'Amérique), sur des comptes bancaires détenus par C.________ et ses complices dans plusieurs pays, dont la Suisse, les Etats-Unis, et la France. 
 
L'argent soustrait a permis à C.________ d'augmenter sa réputation de businessman très aisé et généreux, cela tant en Afrique, où il avait procédé à des investissements et obtenu un passeport diplomatique gambien, qu'aux Etats-Unis, où il dépensait beaucoup et contribuait à des oeuvres de bienfaisance. 
 
En Suisse, les montants détournés ont transité par des comptes ouverts singulièrement auprès de la Banque Y.________ SA, anciennement Banque Z.________ SA (ci-après: Z.________), à Genève, qui est un établissement bancaire actif notamment dans la gestion de fonds. Z.________ comptait à son service F.________, directeur général, G.________, directeur, et H.________ exerçant la fonction de gérant de fortune. 
A.c Le 30 août 1996, C.________ a ouvert auprès de Z.________ un compte γ dans les circonstances suivantes. 
 
I.________, président de la Chambre du commerce de l'Etat K.________ et président de la banque J.________ (ci-après: J.________) auprès de laquelle C.________ était déjà client, a présenté ce dernier à H.________, que I.________ connaissait depuis plusieurs années. C.________ a alors indiqué à H.________ qu'il désirait ouvrir un compte bancaire auprès de Z.________. H.________, qui effectuait régulièrement des voyages professionnels en Afrique, avait entendu parler de C.________ comme d'une personne faisant beaucoup de bien à l'Afrique et désireuse d'y monter une compagnie aérienne, à savoir L.________. H.________ savait aussi que C.________ travaillait avec la banque E.________, ce qui lui semblait être un gage de sérieux. 
 
H.________ a consigné dans les documents afférents à l'ouverture du compte que C.________ exerçait la profession d'homme d'affaires pour diverses branches économiques et que sa situation financière était «très bonne». Sous la rubrique «activité économique exercée par le client», H.________ a noté que C.________ effectuait des investissements en Afrique, particulièrement, dans le secteur hôtelier et du transport aérien, et qu'il finançait des projets gouvernementaux (réseaux de téléphone, centrales électriques); sous la rubrique «origine des fonds déposés», il a mentionné «commissions sur transactions pétrolières», précisant encore que le client était en relation d'affaires avec des familles des Emirats Arabes Unis. 
 
C.________, qui a présenté à H.________ son passeport diplomatique gambien, a fait part de son intention de faire gérer, à terme, une partie de sa fortune par Z.________, établissement qui allait être chargé d'effectuer ses paiements au moyen des fonds qu'il y déposerait. 
 
Cette manière de procéder n'était pas inhabituelle pour la clientèle privée de Z.________. 
A.d Le 1er septembre 1996, C.________ a été arrêté à Genève, à la requête des Etats-Unis, et détenu à titre extraditionnel sous l'accusation de tentative de corruption d'un officier des douanes américaines. Il a été extradé le 29 octobre 1996 à Miami, avec son accord, obtenant en suite d'être libéré contre le versement le 18 novembre 1996 d'une caution de 20'000'000 US$. Ayant plaidé coupable pour avoir offert 30'000 US$ à l'officier précité afin qu'il accélère la délivrance d'une licence d'exportation de deux hélicoptères, C.________ a été condamné le 4 mars 1997 à quatre mois d'emprisonnement et quatre mois d'arrêts domiciliaires, ainsi qu'à une amende de 250'000 US$ et à l'expulsion du territoire américain; les quatre mois d'arrêts domiciliaires ont été commués en paiement de 1'200'000 US$ à des organisations caritatives. La presse américaine a rapporté les propos de l'un des avocats américains de C.________, selon lesquels celui-ci avait été la victime d'un agent provocateur du FBI. 
 
Le 23 octobre 1996, une des épouses de C.________ a également ouvert un compte ß auprès de Z.________; les documents d'ouverture dudit compte indiquent que les fonds déposés sur ce compte proviennent du compte γ de son mari. 
 
En novembre 1996, H.________ a appris la détention de C.________ aux Etats-Unis. L'avocat genevois de celui-ci, Me M.________, a expliqué au gérant de fortune que l'enquête américaine n'avait rien révélé de défavorable sur C.________. 
 
Le 5 novembre 1996, C.________, alors détenu en Floride, a ouvert un deuxième compte α auprès de Z.________, destiné à servir à l'utilisation de sa carte de crédit. Les formulaires d'ouverture de ce compte, qui avaient été remis à la banque par l'avocat M.________, ont été remplis par une employée de Z.________ sur la base du dossier afférent au compte γ. 
 
A partir de décembre 1996, C.________ a téléphoné régulièrement à H.________, qui s'est trouvé rassuré et n'a parlé à ses supérieurs des problèmes judiciaires de l'intéressé qu'en janvier 1998. 
A.e Entre le 18 septembre 1996 et le 27 janvier 1998, la somme totale de 66'672'167 US$ a été créditée sur le compte γ. Il s'agissait pour l'essentiel de virements en provenance de X.________, censés intervenir sur ordre de deux individus nommés N.________ et O.________, lesquels, à l'insu de Z.________, ne détenaient aucun compte courant auprès de X.________. Pendant la période considérée, des montants entre 1'400'000 US$ et 9'000'000 US$ ont ainsi été virés chaque mois sur le compte γ - à l'exception des mois de mai à juillet 1997 - au moyen de plusieurs versements mensuels oscillant entre 100'000 US$ et 1'000'000 US$. Il a été retenu que les montants des virements étaient souvent identiques et que, parfois, différentes sommes étaient créditées le même jour. 
 
Z.________ a interprété la circonstance que les virements provenaient toujours des mêmes donneurs d'ordre sur une banque tirée établie dans un pays du Golfe comme un indice de la réalité des allégations de C.________ concernant l'origine des fonds transférés. 
 
Entre les mois de septembre 1996 et mars 1998, le compte γ a été débité d'un montant total d'environ 54'000'000 US$ par des virements, variant entre 100'000 US$ et 1'000'000 US$, opérés sur des comptes ouverts par C.________ ou un affidé auprès de diverses banques à l'étranger, sises principalement en Afrique et aux Etats-Unis. D'autres virements ont été effectués à partir du compte γ au profit de personnes et sociétés impliquées dans les investissements menés par C.________ dans les domaines de l'aéronautique (i.e. la compagnie L.________) et de l'hôtellerie ou encore pour approvisionner les comptes α et ß de Z.________, voire sur les comptes de proches de C.________ en Afrique, en France et aux Etats-Unis. 
 
Aucune corrélation directe n'a été constatée entre les montants arrivant sur le compte γ et les sommes qui en étaient débitées; les débits, qui avaient des causes diverses, étaient souvent nettement inférieurs aux crédits précédents et ne succédaient pas immédiatement à ceux-ci. 
 
C.________ a toujours laissé des fonds (en moyenne entre 2'000'000 US$ et 6'000'000 US$) sur les deux comptes qu'il détenait auprès de Z.________. 
 
Dans un premier temps, C.________ avait aussi émis des chèques, principalement en faveur de l'avocat genevois M.________ ou de pilotes de la compagnie L.________, dont les montants s'échelonnaient entre 10'000 US$ et 120'000 US$. A la suite de l'intervention de son service "compliance", Z.________ a enjoint C.________ de cesser d'émettre de tels papiers-valeurs, requête à laquelle ce dernier a obtempéré. 
A.f Au début mars 1997, à la suite d'un transfert de 6'000'000 US$ par débit du compte γ, la direction générale de Z.________ a demandé à H.________ des renseignements sur C.________, l'origine de sa fortune et la transaction en question. Dans une note du 3 mars 1997, H.________ a indiqué à ladite direction que C.________ avait comme partenaire une famille princière d'Arabie Saoudite milliardaire en dollars américains, que les versements en faveur du compte γ provenaient de cette source et qu'ils étaient destinés à des investissements en Afrique, notamment pour une compagnie aérienne L.________ possédant déjà 6 avions et différents hôtels en construction. H.________ a encore précisé que le transfert de 6'000'000 US$ précité concernait l'achat d'un avion pour L.________. 
 
A la même époque, Z.________ a demandé à son réviseur externe, P.________, d'effectuer un contrôle général portant sur la qualité de l'information et de la documentation relatives à la clientèle. Après avoir procédé par sondages et examiné notamment le compte γ en raison de ses mouvements importants, ledit réviseur n'y a rien décelé de suspect. 
 
Sur demande de G.________, directeur de Z.________, H.________ a tenté, à plusieurs reprises, d'obtenir de C.________ des documents se rapportant aux opérations pétrolières menées par ce dernier. En vain. 
 
Alors qu'étaient intervenues en novembre 1997 sur le compte γ treize bonifications en provenance de X.________ dépassant chacune 500'000 fr., G.________, dans une note du 1er décembre 1997, a fait part à un membre de la famille Y.________, à H.________ ainsi qu'à Q.________, "compliance officer" de Z.________, que les mouvements de ce compte continuaient à le préoccuper et qu'en l'absence d'explications documentées sur la provenance des fonds et les transferts, il faudrait mettre un terme à la relation nouée avec C.________. 
Le 9 décembre 1997, I.________, en sa qualité de président de la banque J.________ dans l'Etat K.________, a adressé à Z.________ une "lettre de bonne renommée" indiquant que C.________ était un homme d'affaires important investissant dans le transport aérien et l'hôtellerie, au bénéfice d'une bonne réputation dans l'Etat K.________ et dans d'autres pays africains. 
 
Le 16 décembre 1997, Q.________ a indiqué à H.________ avoir pris bonne note du fait que celui-ci attendait jusqu'en février 1998 pour recevoir des copies de contrats ou des explications écrites de la part de C.________. 
 
Le 8 janvier 1998, H.________ a récapitulé pour la direction de Z.________ toutes les informations dont il disposait au sujet des affaires conduites par C.________, en détaillant notamment la provenance et l'utilisation des fonds transitant par le compte γ. 
 
A la fin janvier 1998, les versements sur ledit compte en provenance de X.________ ont cessé. Q.________ en a déduit que le client avait fini par être fâché par l'insistance de la banque Z.________ au sujet de la documentation écrite exigée. 
 
En mars 1998, H.________ s'est rendu en Afrique avec C.________ pour vérifier la réalité de ses affaires. A Banjul (Gambie), il a vu en particulier des avions de la compagnie L.________, un hôtel en construction et des terrains en bord de mer destinés à abriter des établissements hôteliers. A Bamako (Mali), où il a volé depuis Banjul dans un avion L.________, il lui a été montré un palace en construction, un parc de matériel et deux résidences que C.________ venait d'acheter. Sur le tarmac de l'aéroport de cette capitale, H.________ a constaté la présence de 5 ou 6 avions de la compagnie L.________. 
 
De retour à Genève, H.________ a rendu oralement compte de sa mission au directeur général F.________ et à Q.________. 
A.g Le 14 mars 1998, B.________ a contacté un membre du comité des crédits de X.________ pour lui avouer avoir effectué des détournements massifs au préjudice de X.________. Ces aveux faisaient suite à un contrôle effectué au sein de X.________ par la Banque centrale d'un pays du Golfe en février 1998, contrôle qui avait mis à jour des irrégularités causées illicitement. Diverses plaintes pénales ont été déposées auprès de la police de W.________. 
Le 28 avril 1998, X.________ a déposé à Genève une plainte pénale contre inconnu pour violation des art. 305bis et 305ter CP. Le 29 avril 1998, le juge d'instruction genevois a ordonné la saisie de tous les fonds crédités sur les comptes γ et ß en provenance de X.________, qui se trouvaient encore en mains de Z.________. Ce magistrat a ordonné le 3 novembre 2000 la restitution à X.________ de l'intégralité des avoirs saisis sur les comptes γ, α et ß, qui se montaient à 383'351,03 US$ et 55'490 fr. 90. 
 
La procédure pénale genevoise n'a abouti à aucune condamnation d'un organe ou employé de Z.________. 
Par courrier du 30 juillet 1998, la Commission fédérale des banques (CFB) a demandé à Z.________ de lui fournir des informations détaillées au sujet des faits ayant donné lieu à la plainte pénale déposée par X.________, en particulier concernant le genre et le volume des transactions concernées, l'entrée en relation d'affaires avec le client impliqué et la justification de l'ayant droit économique. Z.________ a donné les informations requises le 28 août 1998. Il semble qu'aucune mesure n'a été prise à l'encontre de Z.________. 
A.h Les 19 juillet et 7 novembre 1998, la fiduciaire R.________ a rédigé à l'intention du Ministère public de W.________ deux rapports sur les malversations commises au détriment de X.________. Il résulte en résumé ce qui suit de ces rapports: 
 
- Les virements électroniques au profit des comptes ouverts par C.________ ou ses proches à l'étranger - dont le total ascende à 569'652'494 AED correspondant à 155'134'121 US$ - étaient censés émaner de clients et être couverts par des versements d'espèces auprès de X.________, lesquels étaient en réalité inexistants. 
 
B.________ donnait l'ordre de préparer les documents nécessaires pour effectuer les virements au chef du service étranger de X.________, qui s'en chargeait avec le concours des employés de ce service. Une fausse signature était apposée par le service étranger sous le nom de prétendus donneurs d'ordre dénommés principalement O.________ et N.________. L'ordre de virement était ensuite remis au caissier chef ou à un autre employé de la caisse, qui y apposait sa signature de manière à attester que des espèces avaient été reçues de la part du client imaginaire. Le service de la caisse mentionnait dans la comptabilité de la banque des rentrées fictives d'espèces. Le virement était ensuite opéré par le service étranger sur la base des documents visés par la caisse, après vérification que de fausses écritures comptables avaient bien été passées. 
 
- Des espèces, par 37'163'902 AED, ont été versées sur le compte α de C.________ lié à sa carte de crédit. La plus grande partie de ces paiements en espèces a été effectuée par B.________, avec la complicité du caissier de X.________ qui mentionnait faussement avoir reçu un montant équivalent en dépôts. Dans certains cas, B.________ a remis au caissier des billets de banque qu'il avait directement prélevés sans droit dans les coffres de X.________. 
 
C.________ a effectué des paiements, pour 39'400'000 AED, au moyen de sa carte de crédit. Au moment où les détournements ont été mis à jour, le découvert de C.________ sur sa carte était de 2'600'000 AED, alors que la ligne de crédit de ce moyen de paiement était limitée à 20'000 AED. Cette limite avait déjà été dépassée à de nombreuses reprises, avec l'accord du chef du service des cartes de crédit, lequel agissait sur instructions de B.________. 
 
- B.________, qui était l'un des gardiens du coffre-fort de X.________, a pris en espèces environ 250'000'000 AED, soit à l'agence principale de X.________, soit à l'agence S.________. Il prenait les billets directement dans le coffre et remettait en échange des petits bouts de papier - indiquant le montant prélevé - au caissier. Ce dernier ne mentionnait pas ces retraits dans la comptabilité de la banque. B.________ transportait les espèces dans des sacs et les échangeait contre des dollars américains à l'agence S.________. 
 
- Le compte transitoire de X.________ a été utilisé pour dissimuler comptablement la fraude, cela avec l'aide du chef comptable et de plusieurs employés du service comptabilité de X.________. Certaines écritures fictives étaient enregistrées juste avant la révision annuelle des comptes et extournées après le contrôle. 
- Le comité de banque - composé de quatre personnes dont B.________ - n'a pas exercé correctement sa tâche de surveillance. Alors que ledit comité recevait des rapports journaliers, qui indiquaient clairement, sous "autres actifs", les montants débités du compte courant de X.________, lesquels représentaient les fruits des délits commis au détriment de la banque, aucun de ses membres n'a réagi. 
A.i Le 7 février 1999, le réviseur externe de X.________, P.________, qui avait établi des rapports d'audit pour les années 1995 à 1997 sans déceler la fraude, a versé à cette banque 10'000'000 US$ à titre transactionnel, sans reconnaissance de responsabilité, à la suite de prétentions civiles formées à son endroit par X.________. 
 
Il résulte des rapports d'audit de ce réviseur pour les années 1995 à 1997 que de très nombreuses et graves irrégularités avaient été relevées dans la gestion et le contrôle des activités de la banque, à telle enseigne que des recommandations avaient été adressées à X.________, restées pour la plupart lettre morte. P.________ avait noté les points suivants: 
 
- Des crédits étaient accordés en violation des limites prévues et sans garanties suffisantes. 
- Des débits en compte étaient tolérés sans contrôle pendant de longues périodes. 
- Le conseil d'administration de la banque ne se réunissait pas aussi souvent que la loi l'exigeait. 
- Le compte transitoire de la banque ne faisait l'objet d'aucun contrôle. 
- Des lacunes existaient en matière de surveillance informatique. 
- La formation du personnel était insuffisante. 
- L'inspectorat interne était défaillant. 
- Les informations sur la situation financière des clients étaient insuffisantes. 
- Les responsabilités et pouvoirs des employés n'étaient pas clairement définis; il n'existait en particulier pas de séparation suffisante des responsabilités et des pouvoirs. 
- Il n'y avait pas de contrôle des soldes débiteurs de X.________ avec les banques correspondantes. 
- Il n'y avait pas de procédures permettant de prévenir les fraudes dans la passation des écritures journalières. 
- Les retraits cash n'étaient pas suffisamment contrôlés. 
- Il n'y avait pas de relevés des avoirs et engagements de la banque permettant d'avoir une vue claire de sa situation. 
- Les états financiers de la banque n'étaient pas tenus conformément aux standards de comptabilité internationaux; en particulier des différences de soldes inexpliquées existaient entre les comptabilités générale et auxiliaire au sujet des investissements internationaux de la banque. 
 
B. 
B.a Par demande du 15 mars 1999, la banque X.________ a actionné la Banque Y.________ SA devant les autorités genevoises. En dernier lieu, la demanderesse a conclu à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser 67'195'167 US$ avec intérêts à 5% l'an dès le 15 mars 1998, sous déduction de 52'618,41 US$, 139'791,41 US$ et 194'875,18 US$. 
 
La défenderesse a conclu à sa libération. 
B.b En juin 2000, le Tribunal pénal de première instance de W.________ a condamné C.________, cinq employés de X.________ dont B.________, et onze autres personnes à la peine de 3 ans d'emprisonnement chacun, les objets saisis étant confisqués et les prétentions civiles réservées. Sur appel, deux des employés de X.________, mais non B.________, ont été acquittés par la Cour de cassation de W.________ le 10 novembre 2001. 
B.c X.________ a entrepris diverses démarches pour récupérer les fonds soustraits par C.________ et ses proches. Il est apparu que seule la somme de 1'200'000 US$ a pu être récupérée jusqu'à la comparution personnelle des parties, le 6 février 2001. 
 
Au moment des enquêtes, C.________, qui vit désormais au Mali, était maire de V.________ et député à l'Assemblée nationale de ce pays. 
 
Actionnée en responsabilité à hauteur de 153'000'000 US$, la banque E.________ a accepté le 23 mars 2004 de verser à X.________, à titre transactionnel et sans reconnaissance de responsabilité, 20'000'000 US$ afin de mettre fin au litige qui opposait ces deux banques. Dans leur transaction, X.________ et E.________ ont expressément réservé le droit de la première de faire valoir des prétentions contre d'autres responsables. 
B.d Par jugement du 22 septembre 2005, le Tribunal de première instance a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions et l'a condamnée aux dépens de la procédure, y compris une indemnité de 70'000 fr. à titre de participation aux honoraires d'avocat de la défenderesse. 
B.e Saisie d'un appel de la demanderesse, la Chambre civile de la Cour de justice genevoise, par arrêt du 15 septembre 2006, a confirmé le jugement précité; elle a mis les frais et dépens à la charge de l'appelante, comprenant une indemnité de procédure de 50'000 fr. à titre de participation aux honoraires d'avocat de la défenderesse, et exigé paiement d'un émolument complémentaire de 20'000 fr. en raison de la complexité de la cause et de l'activité déployée pour résoudre la querelle. 
 
En substance, la cour cantonale a constaté in limine que X.________ ne faisait valoir que des griefs se rapportant à une éventuelle responsabilité délictuelle de la défenderesse au sens de l'art. 41 al. 1 CO. Elle a ensuite exposé qu'en vertu de la théorie objective de l'illicéité consacrée par le Tribunal fédéral, un comportement est illicite s'il viole un devoir légal général, soit parce qu'il porte atteinte à un droit absolu du lésé, soit parce qu'il enfreint une injonction ou une interdiction écrite ou non écrite de l'ordre légal destinée à protéger le bien juridique atteint. Le patrimoine n'étant pas protégé en tant que tel, une atteinte provoquant un dommage purement économique n'est illicite que si l'auteur a enfreint une norme, qui peut être de nature pénale, destinée, selon son but, à prévenir de telles atteintes. L'autorité cantonale a rappelé que, d'après la jurisprudence de la juridiction fédérale, l'art. 305bis CP, qui réprime le blanchiment d'argent, protège également les intérêts patrimoniaux de ceux qui sont lésés par le crime préalable, à l'instar de la demanderesse. Seule cette norme pouvait entrer en considération, dès l'instant où les faits litigieux étaient antérieurs à l'entrée en vigueur, le 1er avril 1998, de la loi fédérale du 10 octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier (LBA; RS 955.0). 
 
Les magistrats genevois ont ensuite posé qu'en cas de dissimulation non intentionnelle du butin d'une infraction contre le patrimoine, la victime du crime préalable ne peut toutefois pas se prévaloir de l'interdiction du blanchiment au sens de la norme susrappelée pour réclamer directement au blanchisseur involontaire - i.e. par exemple la banque qui, ignorant la provenance criminelle de l'argent versé sur le compte de son client, a exécuté un ordre de virement à l'étranger - la réparation du préjudice qu'elle a subi, correspondant à la valeur du butin transféré. Ils ont donc admis qu'il n'y avait pas lieu de maintenir la jurisprudence contraire qu'ils avaient arrêtée dans un précédent publié à la SJ 1998 p. 646 ss, resté isolé et mis en doute par deux auteurs. 
 
Après avoir analysé minutieusement le comportement adopté par la défenderesse entre août 1996 (mois où C.________, instigateur des détournements, a ouvert son premier compte auprès de Z.________) et mars 1998 (mois où la demanderesse a découvert le détournement), l'autorité cantonale a nié l'intention de la banque précitée de blanchir de l'argent provenant d'un crime. Elle a aussi déclaré qu'il n'était pas possible de reprocher à la défenderesse une négligence coupable pour n'avoir pas refusé l'ouverture des comptes ou n'avoir pas bloqué les avoirs provenant de la demanderesse, car tant les transactions effectuées par C.________ que l'arrière-plan économique de celles-ci paraissaient normaux, avant que ne soit découverte la cause véritable (et difficilement imaginable) des virements. Elle a en conséquence exclu que la défenderesse ait commis un acte illicite et ait agi de façon dommageable par dol éventuel ou négligence. 
 
Dans une seconde motivation, la cour cantonale a estimé que la demanderesse devait se voir imputer les malversations commises par le sous-directeur B.________, qui avait été assisté dans son entreprise par d'autres organes et employés de X.________, du moment que cette banque avait elle-même choisi cet organe et qu'il avait été établi que son organisation présentait de graves et nombreuses défaillances. Les juges cantonaux ont implicitement admis que la faute concomitante dont répondait la demanderesse constituait un facteur interruptif du rapport de causalité. 
 
C. 
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité par arrêt de ce jour, la demanderesse forme un recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Elle conclut principalement à ce que la défenderesse soit condamnée à lui payer 67'193'959,17 US$ avec intérêts à 5% l'an dès le 15 mars 1998, sous déduction de 52'618,41 US$, 139'791,41 US$ et 194'875,18 US$. Subsidiairement, elle requiert le versement de 61'760'167 US$ avec les mêmes intérêts et sous déduction des trois mêmes sommes. Plus subsidiairement, la demanderesse sollicite le paiement de 29'590'959,17 US$ correspondant aux montants ayant transité par Z.________ du 7 août 1997 au 27 janvier 1998, avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 mars 1998, toujours sous déduction des trois montants précités. Encore plus subsidiairement, elle conclut au versement de 9'453'000 US$ correspondant aux sommes ayant transité par Z.________ du 7 décembre 1997 au 27 janvier 1998, plus intérêts à 5 % l'an dès le 15 mars 1998, avec déduction des trois montants susrappelés. 
 
L'intimée propose le rejet du recours. 
Sur requête de la défenderesse, le Tribunal fédéral, par ordonnance du 8 décembre 2006, a astreint la demanderesse à fournir des sûretés à hauteur de 90'000 fr. en garantie des dépens qui pourraient être accordés à son adverse partie, conformément à l'art. 150 al. 2 OJ. Les sûretés ont été déposées dans le délai imparti. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
1.1 La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2005, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF). 
 
1.2 Interjeté par la partie qui a entièrement succombé dans ses conclusions condamnatoires et dirigé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse très largement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ). 
 
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). 
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3). 
 
Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, qui ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 297 consid. 3.1). 
 
2. 
2.1 La présente cause comporte des aspects internationaux, puisque la demanderesse a son siège à W.________, dans un pays du Golfe, et que l'auteur des délits pénaux ayant généré l'action civile en responsabilité délictuelle déposée par X.________ contre la défenderesse est un ressortissant du Mali qui réside apparemment dans ce pays. Il faut donc contrôler d'office la question du droit applicable au litige, cela sur la base du droit international privé suisse en tant que lex fori (ATF 133 III 37 consid. 2; 132 III 609 consid. 4). 
 
2.2 La Cour de justice a considéré, en trois lignes, que le droit suisse était applicable. La question, plus délicate qu'il n'y paraît, mérite un examen approfondi. 
 
2.3 En l'absence de relation contractuelle entre les parties, la demanderesse fonde exclusivement son action sur la responsabilité délictuelle. Elle soutient que la défenderesse, respectivement les organes et employés de celle-ci, aurait commis un blanchiment d'argent à son détriment, en acceptant de recevoir des fonds d'origine criminelle, puis de les transférer auprès d'autres banques à l'étranger. 
 
Il faut tout d'abord déterminer quel est le droit d'application à cette action fondée sur un prétendu acte illicite, cela à la lumière du droit international privé du for (cf. consid. 2.1 ci-dessus). 
 
Il ne ressort pas des constatations cantonales que les plaideurs aient fait élection de droit en faveur de la lex fori (cf. art. 132 LDIP). 
 
Les parties n'ont pas leur résidence habituelle dans le même Etat (cf. art. 133 al. 1 LDIP). En conséquence, l'action est soumise en principe au droit de l'Etat dans lequel l'acte illicite a été commis (art. 133 al. 2, 1re phrase, LDIP). Selon la demande, l'acte illicite consistait à recevoir les fonds sur un compte en Suisse et à les transférer ensuite à l'étranger; la banque intimée a agi exclusivement en Suisse. Il en résulte que le droit suisse est théoriquement applicable, en tant que loi du lieu de commission de l'acte illicite invoqué. 
 
Il est vrai que l'art. 133 al. 2, 2e phrase, LDIP prévoit un rattachement différent si le résultat de l'acte illicite se produit dans un autre Etat, d'une manière prévisible pour l'auteur. Cependant, la jurisprudence a admis qu'en présence d'un préjudice purement patrimonial, comme c'est le cas en l'occurrence, le lieu du résultat ne correspond pas nécessairement au domicile du lésé (ATF 125 III 103 consid. 2b/bb p. 106); lorsque les fonds en cause peuvent être distingués de l'ensemble du patrimoine (ainsi en va-t-il dans le cas présent), il sied de prendre en considération le lieu où les intérêts patrimoniaux en cause sont touchés. In casu, la demanderesse fait valoir que le passage des fonds par la banque en Suisse rendait plus difficile la recherche des biens détournés. Elle se plaint donc d'une atteinte patrimoniale qui se serait produite en Suisse. Aussi le résultat ne s'est-il pas produit dans un autre Etat et il faut s'en tenir à la règle générale du lieu de commission. 
 
Le droit suisse est bien applicable à l'action et c'est au regard de ce droit qu'il conviendra d'examiner si les éléments constitutifs d'une responsabilité aquilienne de l'intimée sont réunis (art. 142 al. 1 LDIP), tout en prenant en considération les règles de sécurité et de comportement alors en vigueur en Suisse (art. 142 al. 2 LDIP). 
 
3. 
Lorsque la décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes, chacune doit, sous peine d'irrecevabilité, être attaquée avec le moyen ou le motif de recours approprié (ATF 132 III 555 consid. 3.2 p. 560; 129 I 185 consid. 1.6 p. 189 et l'arrêt cité). 
 
Dans le cas présent, la recourante a satisfait à ces exigences puisqu'elle a dûment attaqué les divers motifs sur lesquels repose l'arrêt cantonal, soit l'absence de tout acte illicite imputable à la défenderesse, l'absence d'une quelconque faute qui pourrait être reprochée à cette dernière et l'interruption du rapport de causalité. 
 
4. 
Sous la rubrique V/A de son mémoire de recours intitulée "Les incohérences et omissions de l'arrêt entrepris", la recourante reprend presque textuellement les 18 mêmes éléments factuels prétendument omis arbitrairement dont elle s'est prévalue en instance de recours de droit public et dont il a été fait justice au consid. 5 de l'arrêt connexe 4P.274/2006. Elle se borne à déclarer, à la p. 40 de son recours, qu'il s'agit là de faits pertinents et établis que la cour cantonale aurait écartés cette fois au mépris de l'art. 8 CC, aboutissant à un "résultat insoutenable en droit". 
 
4.1 Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf. ATF 125 III 78 consid. 3b), l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c) - en l'absence de disposition spéciale contraire - et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; 129 III 18 consid. 2.6; 127 III 519 consid. 2a). Il a également été déduit de l'art. 8 CC un droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6 et les arrêts cités). 
 
4.2 La recourante n'explique pas en quoi l'autorité cantonale, en rapport avec les faits exposés dans le grief, aurait déplacé le fardeau de la preuve. De même, elle ne précise pas avoir offert, selon les règles de la loi de procédure applicable, des mesures probatoires propres à établir les faits qu'elle qualifie de pertinents sans même esquisser de le démontrer. 
 
Il n'est pas possible d'examiner un tel moyen, qui est irrecevable, faute de motivation conforme à l'art. 55 al. 1 let. c OJ. 
 
4.3 A la lettre V/D de son mémoire, la recourante argue d'une nouvelle violation de l'art. 8 CC. La cour cantonale aurait refusé de retenir que H.________ a été inculpé en France de blanchiment d'argent aggravé dans le même complexe de faits. 
 
Ce fait est dénué de toute pertinence. 
 
La question de l'illicéité relève en effet du droit suisse, et nullement du droit français (cf. art. 142 LDIP). 
 
Il suit de là que la mise en examen de H.________ en France n'exerce pas la moindre influence sur l'issue du présent litige. Autrement dit, l'autorité cantonale pouvait écarter cette allégation sans transgresser l'art. 8 CC
 
4.4 Il s'ensuit que la Cour de céans examinera les violations du droit fédéral invoquées par la demanderesse à la seule lumière des faits pertinents ressortant de l'arrêt déféré, quoi qu'en dise la recourante, qui expose inutilement sur plus de 20 pages une version des faits plus favorable à la thèse qu'elle professe. 
 
5. 
A la lettre V/B de son recours, la recourante reproche à la Cour de justice d'avoir violé les art. 41 CO et 305bis CP. A l'appui de son grief, constellé de faits non retenus par la cour cantonale et donc irrecevables (art. 63 al. 2 OJ), elle fait valoir qu'en dépit de ce qui résulte de l'arrêt déféré, lequel a renversé une jurisprudence antérieure, récente et parfaitement motivée (SJ 1998 p. 646 ss), l'art. 305bis CP peut fonder une responsabilité civile de l'auteur du blanchiment à l'égard de la victime de l'infraction de base. Dans cette ancienne jurisprudence, poursuit la recourante, la Cour de justice avait admis à bon droit que la violation objective de l'art. 305bis CP constitue à elle seule un acte illicite au sens de l'art. 41 CO justifiant une réclamation en dommages-intérêts. Cette décision aurait été confirmée par le Tribunal fédéral à l'ATF 129 IV 322 consid. 2.2.4. La demanderesse soutient qu'en ayant accepté les ordres de "retransferts" des fonds par le débit du compte γ en faveur de comptes détenus par C.________ et ses proches auprès de banques situées à l'étranger, la défenderesse a commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales provenant d'un crime, ce qui constitue l'acte illicite envisagé par l'art. 41 CO. Elle allègue enfin qu'en tout cas dès le transfert de 6'000'000 US$ à partir du compte γ survenu au début de mars 1997, l'intimée n'avait plus aucune excuse pour continuer d'exécuter les virements. 
 
5.1 Il n'est pas contesté que le présent différend s'inscrit tout entier dans le cadre d'une action en responsabilité délictuelle fondée sur l'art. 41 CO, au moyen de laquelle la demanderesse cherche à obtenir la réparation d'un dommage purement économique, à savoir d'un préjudice apparu sans qu'il y ait eu atteinte à l'intégrité d'une personne ou endommagement, destruction ou perte d'une chose (ATF 118 II 176 consid. 4b; Anton K. Schnyder, Commentaire bâlois, n. 13 ad art. 41 CO; Franz Werro, Commentaire romand, n. 19. ad art. 41 CO). 
La responsabilité aquilienne présuppose, entre autres conditions, l'existence d'un acte illicite. 
 
Dans la conception objective de l'illicéité suivie par le Tribunal fédéral (ATF 132 III 122 consid. 4.1 et les arrêts cités), on distingue l'illicéité de résultat (Erfolgsunsrecht), qui suppose l'atteinte à un droit absolu du lésé, de l'illicéité du comportement (Verhaltensunrecht). Lorsqu'il est question, comme en l'espèce, d'un préjudice purement économique, celui-ci ne peut donner lieu à réparation, en vertu de l'illicéité déduite du comportement, que lorsque l'acte dommageable viole une norme qui a pour finalité de protéger le lésé dans les droits atteints par l'acte incriminé (ATF 132 III 122 consid. 4.1). De telles normes peuvent résulter de l'ensemble de l'ordre juridique suisse, qu'il s'agisse du droit privé, administratif ou pénal; peu importe qu'elles soient écrites on non écrites, de droit fédéral ou de droit cantonal (ATF 116 Ia 169 consid. 2c p. 169 et les références). 
 
La recourante invoque, au titre de norme protectrice, l'art. 305bis CP
 
En ce qui concerne le blanchiment d'argent réprimé par l'art. 305bis CP, la jurisprudence a confirmé que cette disposition protégeait également les intérêts patrimoniaux de ceux qui, à l'instar de la recourante, sont lésés par le crime préalable, lorsque les valeurs patrimoniales proviennent d'actes délictueux contre des intérêts individuels (ATF 129 IV 322 consid. 2.2.4). 
 
5.2 Sur le plan subjectif, l'infraction pénale de blanchiment d'argent prévue par la disposition susrappelée nécessite l'intention de l'auteur, le dol éventuel étant suffisant (Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, Berne 2002, n. 38 ad art. 305bis CP; Mark Pieth, Commentaire bâlois, n. 46 ad art. 305bis CP). 
 
Il résulte de l'état de fait déterminant (art. 63 al. 2 OJ) que l'intimée n'avait pas l'intention de blanchir de l'argent provenant d'un crime (cf. consid. 5.2.3 de l'arrêt critiqué, p. 22 in fine). La détermination de ce que l'auteur présumé d'une infraction voulait ou avait l'intention de faire relève des constatations de fait (ATF 125 IV 49 consid. 2d p. 56; 119 IV 222 consid. 2), qui ne peuvent être remises en cause dans un recours en réforme. La recourante est donc irrecevable à s'en prendre à cette constatation, comme elle le fait à la lettre F de son recours. 
 
Se pose donc la question de savoir si celui qui commet un acte de blanchiment non intentionnel - comportement qui, on vient de le voir, ne tombe pas sous le coup de la loi pénale - peut néanmoins engager sa responsabilité délictuelle en vertu de l'art. 41 al. 1 CO pour le préjudice qu'il a causé à la victime du crime préalable en accomplissant par négligence un acte d'entrave, lequel a consisté, par exemple, à transférer, à l'instar des données de l'espèce, des fonds d'origine criminelle d'un pays (i.e. la Suisse) dans différents autres Etats. 
5.2.1 Dans un arrêt du 20 février 1998, partiellement reproduit in SJ 1998 p. 646 ss, la Cour de justice du canton de Genève a admis que celui qui, par simple négligence, commet un acte de blanchiment d'argent doit répondre, en vertu de la responsabilité pour acte illicite de l'art. 41 al. 1 CO, du préjudice subi par la victime de l'infraction préalable. Elle s'est appuyée sur l'art. 53 al. 2 CO, selon lequel le juge civil n'est pas lié par les règles du droit pénal, singulièrement du point de vue de la faute. Elle en a déduit qu'il suffit pour que la responsabilité civile du blanchisseur entre en jeu que ce dernier ait commis un acte objectivement répréhensible, dès l'instant où l'acte illicite et la faute sont deux éléments constitutifs différents de l'art. 41 CO. Autrement dit, un acte illicite qui ne serait pas pénalement poursuivable, faute d'intention, peut parfaitement constituer un "acte illicite fautif", entraînant la responsabilité de son auteur sur le plan civil (cf. consid. 9 de l'arrêt précité). 
 
Cette jurisprudence cantonale, qui n'a pas été confirmée ultérieurement par la Cour de justice, a suscité des critiques de la doctrine. 
 
Benoît Chappuis (La notion d'illicéité civile à la lumière de l'illicéité pénale, Réflexions sur la responsabilité civile du blanchisseur d'argent par négligence, in SJ 2000 II p. 304 ss) a affirmé que l'interprétation de la notion d'illicéité ne saurait trouver une assise à l'art. 53 al. 2 CO, norme qui a une portée beaucoup plus restreinte que celle que lui a attribuée la Cour de justice. Il a déclaré que l'acceptation de la responsabilité civile du blanchisseur par négligence, en s'appuyant sur l'illicéité pénale extraite d'une norme réprimant exclusivement l'intention, n'est pas satisfaisante, car elle fait fi du contenu véritable de l'art. 305bis CP
 
Ursula Cassani (Le blanchiment d'argent, un crime sans victime?, in Wirtschaft und Strafrecht, Festschrift für Niklaus Schmid, Zurich 2001, p. 393 ss) a qualifié de problématique le fait d'avoir fondé l'illicéité sur une norme pénale exigeant que l'auteur ait connaissance, au moins par dol éventuel, de la provenance criminelle des avoirs, dans un cas où le seul reproche qui pouvait être adressé au blanchisseur involontaire était un manquement à la diligence. Selon cet auteur, l'appréciation civiliste autonome de l'élément de la faute est un travestissement de la norme pénale dont n'est utilisée qu'une partie alors que, intrinsèquement, elle forme un tout indissociable. 
 
Jürg-Beat Ackermann (Geldwäschereinormen - taugliche Vehikel für den privaten Geschädigten?, in Wiedererlangung widerrechtlich entzogener Vermögenswerte mit Instrumenten des Straf-, Zivil-, Vollstreckungs- und internationalen Rechts, Zurich 1999, p. 35 ss) fait valoir que si l'on devait admettre que l'art. 305bis CP, qui est un délit de mise en danger abstraite, protégeait le patrimoine auquel le crime préalable a porté atteinte, il en résulterait que chaque mise en danger abstraite par imprudence du patrimoine au moyen d'une activité de blanchiment provoquerait un préjudice suffisant pour qu'une action civile soit intentée (p. 48). 
 
Luc Thévenoz (Le droit bancaire privé suisse, in Revue suisse de droit des affaires [RSDA] 1999, p. 192 ss) exprime, sans plus ample développement, sa perplexité à propos de la solution adoptée par la Cour de justice. 
 
Quant à Christophe Misteli (La responsabilité pour le dommage purement économique, thèse Lausanne 1999), il explique, en p. 255, que la transposition automatique d'une norme pénale vers le droit de la responsabilité civile devient discutable lorsque l'on isole l'élément objectif de la norme pour lui attribuer en droit privé une portée beaucoup plus large qu'il n'en a en droit pénal, lequel limite en principe le champ d'application de ses dispositions au dol (art. 18 al. 1 aCP). 
 
S'exprimant de manière plus générale sur le thème soulevé par l'arrêt cantonal précité, Viktor Aepli (Zum Verschuldensmassstab bei der Haftung für reinen Vermögensschaden nach Art. 41 OR, in SJZ/RSJ 93/1997 p. 405 ss) a pour sa part exposé que si l'on veut suivre la théorie objective de l'illicéité, alors il faut logiquement tenir compte également des conditions subjectives de la norme protectrice du patrimoine fondant l'obligation de réparer le dommage créé. Le législateur, en adoptant la disposition concrète en question, a en effet exprimé sans détour qu'il n'entendait protéger le patrimoine qu'à ces conditions (p. 408). 
5.2.2 En dépit des affirmations contraires de la recourante, le Tribunal fédéral n'a aucunement confirmé l'arrêt de la Cour de justice du 20 février 1998 à l'ATF 129 IV 322, dès l'instant où l'infraction de blanchiment d'argent, qui entrait en considération dans ce précédent en tant que norme de comportement dont la transgression pouvait entraîner la responsabilité aquilienne de l'auteur, avait été sanctionnée sur le plan pénal, ce qui signifiait ipso facto qu'elle avait été causée de manière intentionnelle au sens de l'art. 18 al. 2 aCP (cf. pour un résumé et commentaire de l'ATF 129 IV 322, Henri Corboz/Patrick Gérard Fleury, Le blanchiment d'argent, le renouveau de l'illicéité de comportement? in HAVE/REAS 3/2004 p. 218 ss, spéc. p. 221). 
 
Dans un obiter dictum (arrêt du Tribunal fédéral 4C.77/2001 du 12 septembre 2001, consid. 2a/aa non publié à l'ATF 127 III 496), le Tribunal fédéral a relevé que le plaideur qui adopte, au cours d'un procès, une attitude malveillante ou contraire aux règles de la bonne foi, à l'exemple de celui qui viole consciemment son devoir de dire la vérité, commet un acte illicite. Il a ajouté, en se référant à un seul auteur, qu'il importe peu à cet égard que ce comportement tombe ou non sous le coup de l'art. 306 CP, qui réprime la fausse déclaration d'une partie en justice. Au consid. 2b, la juridiction fédérale a toutefois constaté que la personne dont la responsabilité délictuelle était recherchée savait qu'elle agissait contrairement au droit en faisant des déclarations mensongères et qu'elle avait eu la possibilité d'agir dans la légalité, de sorte qu'elle avait commis intentionnellement les actes illicites qui lui étaient reprochés. 
 
Dans ces conditions, on ne peut rien tirer de cet arrêt. Il est d'ailleurs permis de penser que la juridiction fédérale envisageait, lorsqu'elle a affirmé la responsabilité délictuelle de la personne qui obtient des mesures provisionnelles dommageables par des déclarations mensongères même si ce comportement n'était pas réprimé par l'art. 306 CP, l'hypothèse où la partie n'a pas été expressément invitée par le juge à dire la vérité. En effet, dans un tel cas, seule une condition objective de punissabilité fait défaut, alors que tous les éléments constitutifs de l'infraction sont réalisés (Bernard Corboz, op. cit., n. 14 ad art. 306 CP et les références citées). 
5.2.3 Le rappel des avis doctrinaux susrappelés amène le Tribunal fédéral à poser les réflexions suivantes. 
 
L'obligation de réparer un préjudice en droit de la responsabilité civile doit être contenue dans des limites raisonnables pour être acceptée socialement. L'illicéité, en tant que condition d'une telle responsabilité, tend à assurer que celle-ci ne soit pas étendue de manière excessive (cf. p. ex. Karl Oftinger/Emil W. Stark, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Allgemeiner Teil, vol. I, § 4, n. 3 ss, p. 167/168). 
Les éléments constitutifs d'une norme pénale se répartissent en éléments objectifs et subjectifs. On ne voit pas pourquoi il conviendrait d'attribuer une portée moindre à l'un desdits paramètres par rapport à l'autre dans le cadre de l'infraction de blanchiment d'argent de l'art. 305bis CP. Lorsqu'il a édicté cette norme, le législateur a clairement écarté la responsabilité du blanchisseur qui a agi par négligence (cf. Message du Conseil fédéral du 12 juin 1989, FF 1989 II p. 984, ch. 231.2). 
 
En accord avec la majorité des auteurs susmentionnés, il faut donc admettre que l'art. 305bis CP ne souffre pas d'être disséqué et qu'il s'agit d'une norme intangible, qui forme par elle-même un tout. 
 
En d'autres termes, un acte de blanchiment commis par négligence, qui n'est donc pas sanctionné par la loi pénale, ne saurait constituer un acte illicite tel que l'entend l'art. 41 CO
5.2.4 S'il n'y a, comme dans le cas présent, pas d'illicéité civile découlant du droit pénal, faute de réalisation de l'élément subjectif de l'infraction entrant en ligne de compte, il faut encore vérifier si l'illicéité ne pourrait pas résulter de la violation d'une obligation de sécurité (ATF 126 III 113 consid. 2b et les arrêts cités; Misteli, op. cit., p. 236 et 257). 
 
La LBA est entrée en vigueur le 1er avril 1998, si bien qu'elle n'est pas applicable aux faits incriminés qui se sont déroulés entre les mois de septembre 1996 et mars 1998. Il en va a fortiori de même de l'ordonnance de la Commission fédérale des banques en matière de lutte contre le blanchiment d'argent du 18 décembre 2002 (OBA-CFB, RS 955.022), qui est entrée en force le 1er juillet 2003. 
 
La recourante, dans son recours connexe 4P.274/2006, a fait grand cas des Recommandations du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), groupe rassemblant en particulier des représentants des Etats membres du G-7, créé en 1989 à Paris lors d'un sommet desdits Etats. En pure perte. Outre que ces dispositions s'adressent à des Etats et non à des particuliers, elles ne sont pas contraignantes (cf. www.fatf-gafi.org). 
 
Partant, la recourante ne peut pas se prévaloir de la violation d'une norme de sécurité. 
5.2.5 Au vu de ce qui précède, la défenderesse n'a violé aucune norme ayant pour but de protéger le patrimoine de la demanderesse. Autrement dit, il n'est pas possible d'imputer à l'intimée le comportement illicite d'un organe (art. 55 al. 2 CC) ou d'un auxiliaire (art. 55 CO), qui aurait été susceptible d'entraîner sa responsabilité délictuelle à l'égard de sa partie adverse, laquelle s'est prévalue d'un dommage purement économique. 
 
Ce résultat dispense le Tribunal fédéral d'examiner les autres griefs de la recourante, qui se rapportent au manque de diligence prétendu de la défenderesse, à la problématique du rapport de causalité adéquate et aux principes de calcul du dommage. 
 
6. 
En définitive, le recours doit être rejeté en tant qu'il est recevable. La recourante, qui succombe, paiera l'émolument de justice et versera des dépens à l'intimée (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Les dépens dus par la recourante seront imputés sur les sûretés qu'elle a versées à la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Un émolument judiciaire de 80'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 90'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 18 avril 2007 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: