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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.245/2002 /svc 
 
Arrêt du 24 février 2003 
Ire Cour de droit public 
 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et 
Président du Tribunal fédéral, Reeb et Féraud. 
Greffier: M. Zimmermann. 
 
Raúl Salinas de Gortari, act. détenu au Mexique, 
Trocca Limited, resp. Trocca Trust, POB 1170, 
KY-Grand Cayman, 
Patricia Paulina Castañon Rios Zertuche de Salinas, Paseo de la Reforma 975, MX-Mexico DF 11000, 
Dozar Separate Property Trust, 
recourants, 
tous les quatre représentés par Me Pierre-André Béguin, avocat, rue Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12, 
 
contre 
 
Juge d'instruction du canton de Genève, case postale 3344, 1211 Genève 3, 
Chambre d'accusation du canton de Genève, 
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
entraide judiciaire internationale en matière pénale au Mexique - B 100666/06, 
 
recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 8 novembre 2002. 
 
Faits: 
A. 
Raùl Salinas de Gortari est détenu au Mexique pour l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée contre lui pour homicide. Son frère, Carlos Salinas, a occupé la fonction de Président des Etats-Unis du Mexique de 1988 à 1994. Il a quitté le pays depuis lors. 
B. 
Le 21 décembre 2000, l'Ambassade du Mexique à Berne a remis au Département fédéral des affaires étrangères une demande d'entraide judiciaire, datée du 24 novembre 2000, émanant du Bureau du Procureur général de la République à Mexico. Cette demande était présentée pour les besoins d'une enquête ouverte contre Salinas de Gortari. Celui-ci aurait ouvert, sous le nom de Rolando Gutierrez Garcia le compte n°aaa auprès de A.________ et, sous le nom de Juan José Gonzalez Cadena, le compte n°bbb auprès du B.________. Ces comptes auraient été alimentés par des fonds publics détournés, pour un montant de 200'000'000 USD. Ces faits tomberaient sous le coup de l'art. 223 du Code pénal mexicain, réprimant la concussion. Le produit de ces détournements avait été acheminé ensuite à l'étranger, dont la Suisse. La demande tendait à la saisie d'une douzaine de comptes détenus en Suisse par Salinas de Gortari et ses complices, ainsi qu'à l'identification de l'ayant droit d'une demi-douzaine d'autres comptes. 
 
La demande a été complétée les 30 novembre 2000, 16 février 2001, 16 mars 2001 et 6 mai 2002. 
 
Le 16 mai 2002, le Juge d'instruction du canton de Genève, auquel l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) avait délégué l'exécution de la demande, est entré en matière. Il a ordonné la saisie des comptes suivants: 
 
auprès de la Banque C.________ à N.________: 
1) n°ccc, dont Dozar Separate Property Trust (ci-après: Dozar) est la titulaire, Patricia Paulina Castanon Rios Zertuche de Salinas l'ayant droit et sur lequel Salinas de Gortari détient une procuration; 
 
auprès de la Banque D.________ à N.________: 
2) n°ddd, dont Salinas de Gortari est le titulaire (sous le couvert de son pseudonyme Juan Guillermo Gomez Gutierrez) et sur lequel Castanon détient une procuration; 
3) n°eee, dont Margarita Nava Sanchez est la titulaire; 
 
auprès de E.________ à O.________: 
4) n°fff, dont Trocca est la titulaire, Salinas de Gortari et Castanon les ayants droit; 
5) n°ggg, dont Salinas de Gortari et Castanon sont les titulaires; 
auprès de la Banque P.________, à O.________: 
6) n°hhh, dont Novatone Inc. est la titulaire et Gomez Gutierrez l'ayant droit; 
7) n°iii, dont Salinas de Gortari est le titulaire et sur lequel Castanon détient une procuration; 
8) n°kkk, dont Gomez Gutierriez est le titulaire; 
 
auprès de R.________ à O.________: 
9) n°mmm, dont Castanon et Andrea Diaz Ordaz sont les titulaires; 
 
auprès de S.________ à O.________: 
10) n°ooo, dont Trocca est la titulaire et Salinas de Gortari l'ayant droit. 
 
Le 16 mai 2002, le Juge d'instruction a notifié sa décision aux divers établissements bancaires concernés. 
 
Salinas de Gortari, Castanon, Trocca et Dozar ont recouru séparément contre la décision d'entrée en matière et la circulaire aux banques. 
 
Après avoir joint les recours, la Chambre d'accusation du canton de Genève les a déclarés irrecevables, le 8 novembre 2002. Elle a considéré, en bref, que l'avis adressé aux banques n'était pas attaquable, faute d'être une décision. La condition du préjudice immédiat et irréparable n'était pas remplie s'agissant de la décision d'entrée en matière. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, Raùl Salinas de Gortari, Trocca Ltd, Patricia Paulina Castanon Rios Zertuche de Salinas et Dozar Separate Property Trust demandent au Tribunal fédéral d'annuler les décisions des 8 novembre et 16 mai 2002, de rejeter la demande d'entraide et d'ordonner la levée des séquestres. Ils invoquent les art. 1, 2, 3, 5, 8, 28, 63, 64, 75, 80e let. b de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1). 
 
La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. L'Office fédéral propose le rejet du recours dans la mesure où il serait recevable. Le Juge d'instruction conclut à la confirmation des décisions attaquées. 
D. 
Le 6 janvier 2003, le Tribunal fédéral a rejeté la demande d'assistance judiciaire présentée par les recourants. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
L'autorité chargée de l'exécution d'une demande d'entraide procède en deux temps. Elle ouvre la procédure d'exécution par une décision d'entrée en matière par laquelle, au terme d'un examen sommaire, elle s'assure qu'aucun motif d'exclusion d'entraide ne fait manifestement obstacle à la demande; elle procède aux actes requis par l'autorité étrangère, en l'occurrence, la saisie de comptes bancaires (art. 80a EIMP). Une fois la demande exécutée et la cause instruite, l'autorité d'exécution statue sur l'octroi et l'étendue de l'entraide; elle rend à cet effet une décision de clôture (art. 80d EIMP). La décision de clôture (et, avec elle, les décisions incidentes antérieures) est attaquable (art. 80e let. a EIMP). En revanche, les décisions incidentes ne sont attaquables séparément, selon l'art. 80e let. b EIMP, qu'en cas de préjudice immédiat et irréparable découlant de la saisie d'objets ou de valeurs (ch. 1) ou de la présence de personnes participant à la procédure à l'étranger (ch. 2). 
 
En l'espèce, il est constant que la décision d'entrée en matière et de saisie du 16 mai 2002 est de caractère incident. Il reste à examiner si elle peut néanmoins faire l'objet d'un recours direct au regard de l'art. 80e let. b ch. 1 EIMP. La Chambre d'accusation a répondu à cette question par la négative, pour des motifs que contestent les recourants. 
2. 
2.1 Contrairement à ce que le libellé du texte légal pourrait laisser supposer, le prononcé d'un séquestre ou l'autorisation accordée à des fonctionnaires étrangers de participer à l'exécution de la demande ne causent pas, ipso facto, un dommage immédiat et irréparable ouvrant la voie du recours de droit administratif selon les art. 80e, 80f et 80g EIMP (ATF 128 II 211 consid. 2.1 p. 215/216, 353 consid. 3 p. 354.). Pour que la condition de l'art. 80e let. b EIMP soit remplie, il faut que la personne touchée rende vraisemblable que la mesure qu'elle critique lui cause un tel dommage et en quoi celui-ci ne pourrait être réparé par l'annulation de la décision attaquée (ATF 128 II 211 consid. 2.1. p. 215/216). Ce dommage peut consister dans l'impossibilité de satisfaire à des obligations contractuelles échues, dans le fait d'être exposé à des actes de poursuite ou faillite, ou à la révocation d'une autorisation administrative, ou dans l'impossibilité de conclure des affaires sur le point d'aboutir (ATF 128 II 353 consid. 3 p. 354.). Est aussi de nature à causer un tel dommage le séquestre équivalant manifestement à une recherche indéterminée de preuves ou dont la mise en oeuvre a pour effet de paralyser totalement l'activité économique de la personne, physique ou morale, concernée (arrêts 1A.256/2000 du 28 novembre 2000, consid. 2c; 1A.218/2000 du 6 novembre 2000, consid. 1e; 1A.57/1999 du 1er juin 1999, consid. 1). 
2.2 Les recourants reprochent au Juge d'instruction d'avoir fait saisir des comptes qui n'étaient pas mentionnés dans la demande. 
2.2.1 Le principe de la proportionnalité empêche l'autorité d'exécution d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68, et les arrêts cités). Au besoin, il appartient à l'autorité d'exécution d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement lui donner; rien ne s'oppose à une interprétation large de la requête s'il est établi que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid, 3a p. 243). 
2.2.2 Sur le vu de la demande, la saisie des comptes nos1, 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 10, détenus ou contrôlés par Salinas de Gortari, s'impose sans discussion. Il reste le cas du compte n°3, détenu par Nava Sanchez, qui n'a toutefois pas contesté la mesure, et le compte n°9, qui n'est pas mentionné dans la demande. Cela étant, compte tenu de l'implication de Castanon dans les affaires de son mari et l'habitude de celui-ci d'utiliser les comptes de son épouse, la saisie de ce compte était également justifiée à ce stade initial de la procédure. Il incombera au Juge d'instruction d'examiner le contenu de la documentation relative à ces comptes et de vérifier l'existence d'un lien entre ceux-ci et les activités délictueuses mises à la charge des accusés dans l'Etat requérant. 
2.3 Selon les recourants, le but de la demande est d'obtenir, par le truchement de l'entraide prêtée par la Suisse, un blocage indéfini des comptes saisis. 
 
Le séquestre peut avoir un but probatoire ou conservatoire. Il est probatoire lorsque la remise de la documentation relative au compte est demandée pour confirmer ou infirmer les soupçons de l'autorité de poursuite (art. 74 EIMP). Il est conservatoire lorsqu'il vise à une remise ultérieure des fonds se trouvant sur ces comptes, en vue de leur confiscation ou de leur restitution ultérieure (art. 74a EIMP). Sur le vu de la demande, il semble que l'on se trouve dans le premier cas, sans qu'il soit possible d'exclure que les autorités mexicaines demandent ultérieurement la remise des fonds en vue de leur dévolution au lésé, soit l'Etat. De toute manière, dans un cas de figure comme dans l'autre, un séquestre ne saurait prolonger indéfiniment ses effets, à peine de violer le principe de la proportionnalité. Un tel risque n'est manifestement pas réalisé à ce stade. Pour le surplus, la crainte des recourants de voir le Juge d'instruction ne pas statuer sur l'octroi de l'entraide ne repose sur rien. Quant aux critiques relatives à la délégation au Mexique d'une procédure pénale parallèle, elles sont vaines depuis le prononcé de l'arrêt du 10 septembre 2002 (cause 1A.153/2002). 
 
3. 
Le recours doit ainsi être rejeté. Cela rend superflu l'examen de tous les autres griefs soulevés au fond par les recourants, que ceux-ci seraient libres de reprendre, le cas échéant, contre la décision de clôture que devra rendre le Juge d'instruction. 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument de 10'000 fr. est mis à la charge des recourants. Il n'est pas alloué de dépens. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 100666/06). 
Lausanne, le 24 février 2003 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: