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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.198/2002 /ech 
 
Arrêt du 25 novembre 2002 
Ire Cour civile 
 
Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et 
Favre, 
greffier Carruzzo. 
 
A.________, 
B.________ SA, 
recourantes, 
toutes deux représentées par Me Teresa Giovannini, avocate, Lalive & Associés, rue de l'Athénée 6, case postale 393, 1211 Genève 12, 
 
contre 
 
C.________, 
D.________ Inc., 
intimées, 
toutes deux représentées par Me Daniel Peregrina, avocat, Baker & McKenzie, chemin des Vergers 4, 1208 Genève, 
Tribunal arbitral CCI, à Genève, c/o Professeur Pierre Tercier, Président, chemin Guillaume-Ritter 5, 1700 Fribourg. 
 
arbitrage international; compétence 
 
(recours de droit public contre la sentence partielle du Tribunal arbitral CCI du 1er juillet 2002) 
 
Faits: 
A. 
Par contrat du 12 juillet 2000, E.________ et la Compagnie F.________ (ci-après: F.________), sociétés anonymes de droit français, ont cédé à D.________ Inc., société ayant son siège dans le Maryland (Etats-Unis d'Amérique), la totalité des actions des sociétés françaises G.________ et H.________ pour les prix de base respectifs de 2'450'000'000 et 300'000'000 de francs français (FRF). Le prix de base pour la cession des actions G.________ était susceptible d'un ajustement à la baisse aux conditions fixées à l'art. 3.2.2 du contrat et suivant la procédure arrêtée à l'art. 3.4. Le droit français était applicable au contrat de cession. Il était prévu de soumettre tout différend relatif audit contrat à un Tribunal arbitral ayant son siège à Genève. 
 
Le 28 août 2000, la société C.________ , nouvellement créée, a été substituée à D.________ Inc.relativement aux droits et obligations du contrat de cession, qui prévoyait cette possibilité. La société américaine est demeurée garante de l'exécution des obligations issues du contrat. 
 
La cession des actions G.________ et H.________ a été réalisée le 31 août 2000 au profit de C.________ qui en a payé le prix de base. 
 
Le 5 janvier 2001, D.________ Inc.a notifié, en son nom et au nom de C.________, à E.________, pour elle-même et comme représentante de F.________, une réclamation portant sur une réduction de prix de 1'020'225'000 FRF pour les actions G.________. 
 
Le 15 février 2001, F.________ et E.________ ont signifié le rejet total de la réclamation, estimant qu'elle ne respectait pas les modalités fixées dans le contrat de cession. Par la suite, elles ont exigé le paiement de la somme de 23'000'000 FRF, prévue dans ce contrat en sus du prix de base. 
 
Au début avril 2001, les sociétés C.________ et D.________ ont engagé la procédure d'expertise comptable, réservée à l'art. 3.4 du contrat de cession, afin d'obtenir une décision au sujet du montant de la réduction du prix de cession des actions G.________. Un expert-arbitre a été désigné et un acte de mission signé par les parties. Par arrêt du 28 juin 2001, la Cour d'appel de Nîmes, saisie par F.________ et E.________, a suspendu la procédure d'ajustement du prix jusqu'à ce que la sentence à rendre par le Tribunal arbitral, dans la procédure dont il sera question ci-après, soit définitive. 
B. 
Le 20 mars 2001, F.________ et E.________ ont adressé à la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) une demande d'arbitrage dirigée contre C.________ et D.________ Inc.en vue de faire constater la nullité de la procédure de notification d'ajustement du prix de base convenu pour la cession des actions G.________ et afin d'obtenir des dommages-intérêts. 
 
Les demanderesses ont proposé comme arbitre l'avocat Sergio Erede. Les défenderesses ont avancé, de leur côté, le nom du Professeur Hans Smit. Les coarbitres ont désigné le Professeur Pierre Tercier en qualité de président du Tribunal arbitral. La Cour d'arbitrage de la CCI a entériné ces choix. 
 
L'acte de mission a été signé le 24 septembre 2001. Il a été convenu, à cette occasion, que le Tribunal arbitral rendrait d'abord une sentence partielle sur la validité de la notification d'ajustement du prix du 5 janvier 2001. 
 
F.________ a changé de nom, pendente lite, pour devenir A.________. Quant à E.________, elle a été scindée en quatre sociétés distinctes. L'une d'entre elles se nomme B.________ SA; les défenderesses ont accepté que cette dernière société prenne la place de E.________ dans l'arbitrage. 
 
Après que les parties eurent échangé plusieurs écritures, le Tribunal arbitral a rendu, le 1er juillet 2002, une sentence partielle qui leur a été notifiée le 16 juillet 2002 et dont le dispositif est le suivant: 
"1. La notification du 5 janvier 2001 faite en application de l'art. 3.4 du Contrat est valable pour la Majorité du Tribunal arbitral 
- parce qu'elle a été faite par C.________ par les personnes qui avaient pouvoir pour le faire, 
- parce qu'elle répondait en la forme aux exigences prévues par le Contrat. 
2. Il appartient aux Défenderesses de demander à l'expert de poursuivre sa mission. 
3. La présente procédure arbitrale est suspendue; elle sera reprise à la requête de la Partie la plus diligente. 
4. La décision sur les frais et dépens liés à cette phase de la procédure est réservée et sera prise ultérieurement ou dans la sentence au fond." 
L'arbitre Sergio Erede ne s'est pas rangé à l'avis des deux autres arbitres; il a formulé une opinion dissidente dont le texte est annexé à celui de la sentence partielle. 
C. 
Le 16 septembre 2002, A.________ et B.________ SA ont formé un recours de droit public, au sens de l'art. 85 let. c OJ. Invoquant le motif de recours prévu par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, elles demandent, en substance, au Tribunal fédéral d'annuler le chiffre 2 du dispositif de la sentence partielle, de constater que le Tribunal arbitral est compétent pour trancher la question n° 2 de l'acte de mission, ainsi libellée: "La validité de la réclamation d'ajustement du prix au vu du respect des dispositions du Contrat du 12 juillet 2000 et des règles de la bonne foi durant les phases de vérification et de validation", et de l'inviter à instruire cette question. 
 
Les deux intimées concluent principalement à l'irrecevabilité du recours. Subsidiairement, elles en proposent le rejet dans la mesure où il est recevable. 
 
Au nom du Tribunal arbitral, son président a déposé une brève détermination, sans prendre de conclusion formelle au sujet du recours; il y a joint les remarques divergentes faites par l'arbitre minoritaire, lesquelles vont dans le sens de l'admission du recours. 
 
Par ordonnance du 30 octobre 2002, le président de la Ire Cour civile a rejeté la requête d'effet suspensif, respectivement de mesures provisionnelles, présentée par les recourantes. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Selon l'art. 85 let. c OJ, le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une sentence arbitrale aux conditions des art. 190 ss LDIP. Il convient donc d'examiner en premier lieu si les conditions prévues par ces dispositions sont réunies, ce que contestent les intimées pour diverses raisons qui seront indiquées ci-après dans la mesure utile. 
 
La clause compromissoire, insérée dans le contrat de cession du 12 juillet 2000, fixe le siège du Tribunal arbitral en Suisse (à Genève) et l'une des parties au moins (en l'occurrence les deux) n'avait, au moment de la conclusion de cette convention d'arbitrage, ni son domicile ni sa résidence habituelle en Suisse; les art. 190 ss LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP), étant observé que les parties n'en ont pas exclu l'application par écrit en choisissant d'appliquer exclusivement les règles de la procédure cantonale en matière d'arbitrage (art. 176 al. 2 LDIP). 
 
Le recours au Tribunal fédéral prévu par l'art. 191 al. 1 LDIP est ouvert, puisque les parties n'ont pas choisi, en lieu et place, le recours à l'autorité cantonale (art. 191 al. 2 LDIP) et qu'elles ne l'ont pas non plus exclu conventionnellement (cf. art. 192 al. 1 LDIP). 
 
Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 127 III 279 consid. 1a p.282; 119 II 380 consid. 3c p. 383). Comme les recourantes n'en articulent pas d'autres, il est également recevable de ce point de vue. 
 
La décision attaquée revêt une double nature. Il s'agit d'une sentence partielle proprement dite dans la mesure où le Tribunal arbitral y tranche définitivement l'une des questions litigieuses en constatant que la notification d'ajustement du prix du 5 janvier 2001 a été faite valablement. Mais cette constatation confère également un caractère préjudiciel à la sentence entreprise, en ce sens qu'elle est susceptible d'influer sur certaines des questions en suspens et, en particulier, sur les prétentions en dommages-intérêts élevées par chacune des parties. La sentence examinée peut donc être qualifiée de sentence partielle lato sensu (sur cette notion, cf. ATF 128 III 191 consid. 4a et les références). Pareille sentence ne peut être attaquée, selon la jurisprudence, que si elle cause à l'intéressé un dommage irréparable ou si le recourant fait valoir l'un des moyens prévus à l'art. 190 al. 2 let. a et b LDIP, pour autant, dans cette dernière hypothèse, que ce moyen ne soit pas manifestement irrecevable ou mal fondé, s'il est invoqué conjointement à l'un des autres motifs visés à l'art. 190 al. 2 LDIP, et qu'il n'ait pas pu être soulevé antérieurement (ATF 116 II 80 consid. 3b). En l'occurrence, les recourantes, se fondant sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, font valoir, comme unique moyen, que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour trancher telle question et incompétent pour régler telle autre. En conformité avec la jurisprudence en la matière, elles pouvaient donc - et même devaient (cf. ATF 121 III 495 consid. 6d p. 502 et les références) - attaquer directement la sentence partielle du 1er juillet 2002. Les intimées voudraient leur dénier ce droit au motif que le second grief (i.e. celui qui concerne la question n° 2 de l'acte de mission) n'entrerait pas dans les prévisions de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP et tomberait, en réalité, sous le coup de l'art. 190 al. 2 let. c LDIP (ultra ou infra petita). Cette opinion ne saurait être suivie. En effet, l'argument avancé par les intimées a trait à la pertinence du grief, qui n'est pas une condition de recevabilité du recours. Au regard de celle-ci et sous réserve de l'hypothèse - non réalisée ici - où le grief d'incompétence, à l'évidence irrecevable ou infondé, ne serait articulé que pour tenter d'obtenir, par ce biais, l'examen par l'autorité de recours des autres griefs dirigés contre une sentence partielle, il suffit que le grief relatif à la compétence du Tribunal arbitral satisfasse aux exigences formelles dont dépend la recevabilité d'un recours de droit public au sens de l'art. 85 let. c OJ. Peu importe, en revanche, sous l'angle de la recevabilité, que ce grief soit dénué de tout fondement. 
 
La voie du recours de droit public étant ouverte en l'espèce, il faut encore examiner si les règles de procédure ont été respectées. 
1.2 Pour le recours en matière d'arbitrage international, la procédure devant le Tribunal fédéral est régie par les dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) relatives au recours de droit public (art. 191 al. 1, 2ème phrase, LDIP). 
 
Invoquant l'une de ces dispositions - l'art. 86 al. 1 OJ, qui pose le principe de la subsidiarité relative du recours de droit public -, les intimées soutiennent que les recourantes auraient dû introduire la procédure de correction et d'interprétation de la sentence, prévue par l'art. 29 du Règlement d'arbitrage de la CCI, avant de pouvoir soulever leur second grief. L'applicabilité (par analogie) de l'art. 86 al. 1 OJ dans le domaine de l'arbitrage international ne va pas de soi, sous réserve peut-être de la question de l'épuisement des moyens de droit internes (nécessité du recours préalable à un Tribunal arbitral supérieur, si cette possibilité existe; cf., parmi d'autres, Berti/Schnyder, Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 190 LDIP), et il n'est pas certain que l'on puisse contraindre une partie à introduire d'abord la procédure de correction et d'interprétation de la sentence avant de déposer un recours de droit public (cf. Cesare Jermini, Die Anfechtung der Schiedssprüche im internationalen Privatrecht, thèse Zurich 1997, n. 723). Ces questions peuvent toutefois demeurer indécises en l'espèce. En effet, postérieurement au prononcé de la sentence attaquée, le Tribunal arbitral, par lettre de son président du 29 juillet 2002, a indiqué aux demanderesses que le dispositif de la sentence était clair à ses yeux, par quoi il fallait entendre que tous les griefs soulevés et maintenus à l'encontre de la validité de la notification du 5 janvier 2001 étaient rejetés, que rien ne s'opposait plus, du point de vue du Tribunal arbitral, à ce que l'expert-arbitre poursuive sa mission et que seules demeuraient en suspens les prétentions en dommages-intérêts. Il allait de soi, sur le vu de cette lettre, que l'introduction de la procédure de correction et d'interprétation prévue par l'art. 29 du Règlement d'arbitrage CCI - les parties disposaient pour ce faire d'un délai de 30 jours suivant la notification de la sentence partielle, intervenue en l'occurrence le 16 juillet 2002 - n'eût été qu'une vaine formalité. Or, dans une telle hypothèse, il est renoncé à l'exigence de l'épuisement des moyens de droit (cf. Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., p. 328 s. et les arrêts cités). 
 
Les recourantes sont personnellement touchées par la décision attaquée, qui les oblige à continuer la procédure d'expertise comptable alors que, selon elles, les intimées n'auraient pas respecté les conditions, fixées dans le contrat de cession, auxquelles était subordonnée la mise en oeuvre de l'expert-comptable chargé de déterminer le montant de la réduction du prix de base convenu pour la cession des actions G.________. Elles ont ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant de l'art. 190 al. 2 LDIP. A tout le moins, semblable intérêt ne saurait-il leur être dénié en ce qui concerne le second moyen qu'elles ont soulevé, ce qui leur confère la qualité pour recourir (art. 88 OJ). Quant à savoir si cet intérêt existe aussi relativement au premier grief, c'est une question qui sera traitée, au besoin, à l'occasion de l'examen de ce grief. 
 
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ en liaison avec l'art. 34 al. 1 let. b OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable. 
 
Hormis certaines exceptions, le recours de droit public n'a qu'un caractère cassatoire (ATF 127 II 1 consid. 2c, III 279 consid. 1b; 126 III 534 consid. 1c; 124 I 327 consid. 4). Lorsque le litige porte sur la compétence d'un tribunal arbitral, il a été admis, par exception, que le Tribunal fédéral pouvait lui-même constater la compétence ou l'incompétence (ATF 127 III 279 consid. 1b; 117 II 94 consid. 4). Partant, la conclusion des recourantes visant à ce que le Tribunal fédéral constate que le Tribunal arbitral est compétent pour trancher la question n° 2 de l'acte de mission est recevable. 
1.3 Dès lors que les règles de procédure sont celles du recours de droit public, la partie recourante doit invoquer ses griefs conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 III 279 consid. 1c; 117 II 604 consid. 3 p. 606). Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs admissibles qui ont été invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (cf. ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b). Les recourantes devaient donc indiquer de façon circonstanciée, en partant de la sentence attaquée, en quoi, selon elles, le Tribunal arbitral avait excédé sur un point les limites que les parties avaient assignées à sa compétence et n'avait pas exercé pleinement celle-ci sur un autre point. Elles s'y sont assurément employées. Savoir si elles l'ont fait à bon escient n'est pas un problème de recevabilité du recours. 
2. 
2.1 Dans un premier moyen, les recourantes s'en prennent au chiffre 2 du dispositif de la sentence attaquée, d'après lequel "il appartient aux défenderesses de demander à l'expert de poursuivre sa mission". Selon elles, le Tribunal arbitral serait clairement sorti du cadre de sa mission en invitant les défenderesses à reprendre la procédure d'arbitrage comptable. Il aurait oublié, ce faisant, que cette procédure a été soumise à un régime propre, exorbitant de la compétence des arbitres. Il aurait en outre décidé lui-même, en lieu et place des autorités judiciaires françaises compétentes, que les conditions permettant la reprise de la procédure d'arbitrage comptable suspendue par la Cour d'appel de Nîmes étaient remplies. 
 
Dans leur réponse au recours, les intimées contestent la recevabilité de ce premier grief pour diverses raisons. Elles font notamment valoir que le chiffre 2 du dispositif de la sentence partielle ne déploierait pas d'effets juridiques propres, de sorte que les recourantes ne pourraient pas justifier d'un intérêt suffisant à son annulation. Ce chef du dispositif ne constituerait d'ailleurs qu'une simple conséquence, sans véritable portée, de la constatation faite sous chiffre 1 du même dispositif qui, seule, serait susceptible de recours. Sur le fond, les intimées exposent les raisons pour lesquelles le Tribunal arbitral ne se serait arrogé aucune compétence par rapport à l'expertise comptable. 
Le Tribunal arbitral interprète, quant à lui, le point incriminé du dispositif de sa sentence en ce sens que, pour la majorité de ses membres, il n'y avait effectivement plus d'obstacle à la poursuite de la mission de l'expert-arbitre, sans que lui-même ne veuille ni ne puisse s'immiscer dans cette procédure. 
2.2 Il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant la question, assez délicate, de la recevabilité du grief, dès lors que celui-ci apparaît de toute façon manifestement mal fondé. 
 
Le sens du chiffre 2 du dispositif de la sentence partielle ressort clairement du n. 44 de la partie "En droit" de cette décision (p. 53), placé sous le titre "E. LA DECISION ET LA SUITE DE LA PROCEDURE". On peut y lire ce qui suit: " La décision intérimaire prise par le Tribunal arbitral lève les obstacles mis à l'achèvement de l'activité de l'expert-arbitre. Il appartient aux défenderesses de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour que cette procédure se poursuive". Considéré dans ce contexte, le point incriminé de la sentence attaquée ne revêt nullement la signification extensive que les recourantes voudraient lui attribuer en sollicitant son texte. De fait, en lisant celui-ci, on ne perçoit aucune volonté du Tribunal arbitral de s'immiscer dans la procédure d'arbitrage comptable ni de se substituer aux tribunaux français. Les arbitres majoritaires se bornent, en réalité, à constater que la sentence partielle autorise la poursuite de la procédure d'arbitrage comptable qui avait été suspendue par la Cour d'appel de Nîmes jusqu'à droit connu sur la validité de la notification du 5 janvier 2001. Ils n'adressent aucune injonction à l'expert-arbitre ou aux autorités judiciaires françaises. Loin de s'arroger une quelconque compétence, ils se contentent de constater que c'est désormais aux défenderesses, qui avaient engagé la procédure d'arbitrage comptable, de relancer l'expert-arbitre. Leur faire grief, dans ces circonstances, d'avoir dépassé les limites de leurs attributions confine à la témérité. Aussi bien, les recourantes ne démontrent pas que, par hypothèse, la reprise de la procédure d'ajustement du prix suspendue par la Cour d'appel de Nîmes eût nécessité, selon le droit français, une décision formelle de la part de cette juridiction et d'elle seule. Elles ne prétendent pas non plus que c'eût été à elles de demander à l'expert-arbitre de poursuivre sa mission. Aussi ne voit-on pas quel intérêt elles peuvent bien avoir à développer une argumentation des plus formalistes pour contester un point accessoire du dispositif de la sentence partielle, qui aurait tout aussi bien pu faire l'objet d'une ordonnance de procédure distincte, si ce n'est la volonté de temporiser. 
 
Quoi qu'il en soit, ce premier moyen ne peut qu'être rejeté, si tant est qu'il soit recevable. 
3. 
3.1 Les recourantes font valoir, dans un second moyen, qu'en décidant, sans raison valable, de ne pas trancher la question n° 2, précitée, de l'acte de mission et de ne statuer séparément que sur la seule question de la validité formelle de la notification du 5 janvier 2001, le Tribunal arbitral a méconnu l'acte de mission et s'est déclaré à tort incompétent pour connaître de cet objet du litige. 
 
De l'avis des intimées, ce grief n'entrerait pas dans les prévisions de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, étant donné que les recourantes reprochent en réalité au Tribunal arbitral d'avoir omis de se prononcer sur un des chefs de la demande; il s'inscrirait, selon elles, dans le cadre de l'art. 190 al. 2 let. c LDIP, disposition non invoquée par les recourantes. Sur le fond, les intimées s'emploient à démontrer que le Tribunal arbitral s'est abstenu à juste titre de trancher la question n° 2 de l'acte de mission, attendu que les recourantes avaient retiré la conclusion y relative. 
 
Dans ses observations, le Tribunal arbitral expose les raisons pour lesquelles il a conclu, à la majorité de ses membres, que les recourantes avaient renoncé à la troisième objection - matérialisée par la question n° 2 de l'acte de mission - faite par elles à l'encontre de la procédure de notification. Il souligne, en particulier, que l'on voit mal quel aurait été l'intérêt d'une sentence partielle qui n'eût tranché que deux objections sur trois. 
3.2 Selon l'art. 190 al. 2 let. c, seconde hypothèse, LDIP, la sentence peut être attaquée lorsque le tribunal arbitral a omis de se prononcer sur un des chefs de la demande. L'omission de se prononcer vise un déni de justice formel. La loi fédérale reprend ici le second motif de recours prévu par l'art. 36 let. c du Concordat suisse sur l'arbitrage. Par "chefs de la demande" ("Rechtsbegehren", "determinate conclusioni", "claims"), on entend les demandes ou conclusions des parties. Ce qui est visé ici, c'est la sentence incomplète, soit l'hypothèse dans laquelle le tribunal arbitral n'a pas statué sur l'une des conclusions que lui avaient soumises les parties (ATF 128 III 234 consid. 4a p. 242 et les références). Ce grief ne vaut en principe pas à l'égard d'une sentence partielle, par définition incomplète, à moins que les arbitres n'aient omis de statuer sur un point qu'ils devaient résoudre par cette sentence (Lalive/Poudret/Reymond, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, n. 5c ad art. 190 LDIP, p. 425). 
 
En l'occurrence, c'est précisément le reproche que les recourantes adressent au Tribunal arbitral lorsqu'elles lui font grief de ne pas s'être prononcé sur la question n° 2 de l'acte de mission. Qu'elles tentent de colorer ce grief de manière à lui donner l'apparence du motif de recours prévu par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, dans le but de se libérer des entraves jurisprudentielles à la recevabilité du recours de droit public contre une sentence partielle, ne saurait masquer leur véritable intention d'imputer au Tribunal arbitral le fait d'avoir statué infra petita. Dans sa lettre du 21 octobre 2002 au président du Tribunal arbitral, l'arbitre minoritaire confirme d'ailleurs indirectement que le problème soulevé par les recourantes relève de l'art. 190 al. 2 let. c LDIP. Il y souligne, en effet, que "la seule question qui reste est de savoir si la sentence partielle a statué ou non sur le 3ème grief". "Si la réponse est négative", ajoute-t-il, "nous avons omis de statuer sur une des demandes faisant partie de notre mandat («minus quam petitum»)". Au demeurant, la sentence attaquée permet déjà, à elle seule, d'exclure la possibilité que le Tribunal arbitral se soit déclaré incompétent pour trancher la question n° 2 de l'acte de mission. De fait, sous le n° 10a de la partie "En droit" (p. 27), le Tribunal arbitral a jugé important de relever, en citant le texte de la conclusion correspondant à cette question, que l'une des conclusions prises dans une écriture précédente avait été abandonnée. Il a donc admis implicitement, a contrario, que, si la conclusion topique avait été maintenue, il aurait dû statuer à son sujet. En d'autres termes, le Tribunal arbitral s'est estimé compétent pour se prononcer sur ce point, mais a considéré qu'il n'avait plus à le faire puisque ladite conclusion avait été retirée par les demanderesses. Le grief qui lui est fait de s'être déclaré à tort incompétent pour trancher la question n° 2 de l'acte de mission tombe, dès lors, manifestement à faux. 
 
Quant au motif prévu par l'art. 190 al. 2 let. c LDIP, les recourantes ne l'invoquent pas. Aussi le Tribunal fédéral ne peut-il examiner si et, dans l'affirmative, à quelles conditions les recourantes auraient pu le soulever dans un recours dirigé contre une sentence partielle, ni quel en eût été le mérite. 
4. 
Les recourantes, qui succombent, seront condamnées solidairement à payer les frais et dépens afférents à la procédure de recours fédérale (art. 156 al. 1 et 
7 OJ; art. 159 al. 1 et 5 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 15'000 fr. est mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
3. 
Les recourantes sont condamnées solidairement à verser aux intimées une indemnité globale de 17'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au président du Tribunal arbitral. 
Lausanne, le 25 novembre 2002 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: