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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_561/2021  
 
 
Arrêt du 8 août 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, Présidente, Niquille et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Manuel Bolivar, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Michel Bosshard, avocat, 
 
intimée. 
 
Objet 
contrat de travail; domestique privée; discrimination, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par 
la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève (C/17609/2019-5 CAPH/185/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
B.________ (ci-après: l'employeuse), fonctionnaire mexicaine auprès de la Mission permanente du Mexique à Genève, a engagé A.________ (ci-après: l'employée), ressortissante mexicaine, en qualité de domestique privée au sens de l'ordonnance sur les domestiques privés du 6 juin 2011 (ODPr; RS 192.126), à partir du 1er août 2013. 
L'employée travaillait déjà pour l'employeuse lorsque celle-ci habitait à Paris, avant de venir résider à Genève. 
Le contrat de travail a été établi sur la base du formulaire modèle fourni par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). 
Le salaire mensuel convenu était de 1'200 fr. net, versé treize fois par an (art. 5) pour 45 heures de travail hebdomadaire au maximum (art. 10.1). 
L'employée devait s'occuper des tâches ménagères, de la cuisine, de la garde des enfants et du blanchissage (art. 2). 
L'employeuse fournissait une nourriture saine et suffisante représentant trois repas par jour (valeur AVS de 645 fr. par mois; art. 6) ainsi qu'une chambre privée à son domicile (valeur AVS de 345 fr. par mois; art. 7). Elle prenait en charge l'ensemble des primes et frais éventuels, ainsi que les frais de participation pour l'assurance-maladie de l'employée (art. 8.3). 
Suite à la signature de ce contrat, l'employée a été mise au bénéfice d'une carte de légitimation de type F, délivrée par la Confédération suisse. 
Par courrier du 15 juillet 2016, l'employée a démissionné de son poste avec effet au 30 septembre 2016. 
A compter du 4 août 2016, elle a été en incapacité de travail pour cause de maladie, d'abord jusqu'au 22 août 2016 et, ensuite de prolongations successives, jusqu'au 10 février 2017. 
L'employée a " retiré sa démission " par courrier du 10 août 2016, en faisant valoir qu'au moment où elle l'avait formulée, elle se trouvait dans un état de détresse et en incapacité de travail, ce qui ne lui avait pas permis de se rendre compte des conséquences de son acte. 
Le 25 août 2016, l'employeuse a résilié avec effet immédiat le contrat de travail de son employée dès lors que son certificat d'arrêt de travail arrivait à échéance le 22 août 2016, que l'employée n'avait présenté aucun nouveau certificat médical ni donné de nouvelles, alors qu'elle était attendue à son travail le 23 août 2016, et que rien ne justifiait plus son absence. 
 
B.  
 
B.a. Le 16 octobre 2019, à la suite de l'échec de la tentative de conciliation, l'employée a assigné l'employeuse en paiement de 172'304 fr. sous déduction de la somme nette de 69'584 fr. avec intérêts moratoires. Ladite somme se décompose comme suit :  
 
- 143'730 fr. brut à titre de salaire minimum, sous déduction de 69'584 fr. déjà reçus; 
- 27'911 fr. 70 brut à titre de salaire en nature; 
- 20'145 fr. brut à titre de salaire pour la période du 25 août 2016 au 31 janvier 2017; 
- 4'400 fr. brut à titre de paiement des heures supplémentaires; 
- 4'029 fr. net à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié. 
 
L'employée a notamment fait valoir que l'art. 43 ODPr, prévoyant un salaire minimum en espèces de 1'200 fr., était inapplicable car il violerait le principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.) dans la mesure où ce salaire serait largement inférieur au salaire prévu par le contrat-type de travail genevois pour l'économie domestique (CTT-Edom; RS/GE J 1 50.03). Les domestiques privés étrangers et non-européens étaient ainsi placés dans une situation financière différente de celle des domestiques privés suisses et européens alors qu'aucun motif ne justifiait cette différence de traitement. Elle estimait ainsi avoir droit à une rémunération mensuelle calculée sur la base du salaire brut prévu par le CTT-Edom, variant entre 3'900 fr. par mois en janvier 2013 et 4'029 fr. par mois dès le 1er janvier 2016. 
Par jugement du 18 novembre 2020, le Tribunal des prud'hommes de Genève a condamné l'employeuse à verser à l'employée la somme nette de 10'870 fr.10 avec intérêts moratoires, dont 2'628 fr. à titre de salaire pour la période du 25 août 2015 au 30 septembre 2016, 2'190 fr. à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié et 6'052 fr.10 à titre de participation aux primes et coûts d'assurance-maladie. 
 
B.b. Statuant le 22 septembre 2021 sur appel de l'employée, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de première instance. Elle a rejeté les griefs d'ordre constitutionnel soulevés par l'employée. Elle a relevé que les conditions de travail des domestiques privés engagés par les membres des représentations diplomatiques, tels que l'employée, étaient exhaustivement régies par le droit fédéral. En vertu du principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.), les dispositions du CTT-Edom qui divergeaient de l'ODPr n'étaient dès lors pas applicables à l'employée. Il n'y avait là aucune inégalité de traitement inadmissible au regard de l'art. 8 Cst. Dans le domaine du droit des étrangers, il pouvait parfaitement exister des différences de statut en fonction de la nationalité de la personne concernée, différences qui découlaient notamment de considérations d'intérêt public résultant des obligations internationales contractées par la Suisse et de ses objectifs de politique migratoire. Le fait que les ressortissants suisses et ceux de l'Union européenne ne soient pas soumis aux mêmes conditions de travail que l'employée, de citoyenneté mexicaine, ne constituait pas une discrimination inadmissible, car leur situation était différente: les ressortissants suisses n'avaient pas besoin d'autorisation pour séjourner et travailler en Suisse et ceux de l'Union européenne pouvaient invoquer l'ALCP qui leur conférait des droits particuliers. Les conditions de travail de l'employée ne contrevenaient pas non plus à l'interdiction de l'esclavage et du travail forcé au sens de l'art. 4 CEDH, comme elle le soutenait.  
 
C.  
L'employée forme un recours en matière civile. Elle conclut principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal, puis à la condamnation de l'employeuse à lui verser les sommes brutes de 143'730 fr., sous déduction de 69'584 fr. nets, et de 4'834 fr.80 à titre de salaires, de 4'029 fr. à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié et de 6'052 fr.10 à titre de remboursement de la quote-part et de la franchise de l'assurance-maladie, le tout avec intérêts. 
Elle a requis l'assistance judiciaire. 
Aucun échange d'écritures n'a été ordonné. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par le tribunal supérieur institué comme autorité cantonale de dernière instance, lequel a statué sur appel (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse de 15'000 fr. ouvrant le recours en matière civile dans les affaires pécuniaires relevant du droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF). La recourante, qui a partiellement succombé dans ses conclusions condamnatoires, a la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours est en principe recevable. 
La conclusion de la recourante relative au versement de la somme de 6'052 fr.10 à titre de remboursement de la quote-part et de la franchise d'assurance-maladie a déjà été satisfaite en première instance. Elle est dès lors privée d'objet. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 264 consid. 2.3). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, la partie doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
3.  
A ce stade, le litige ne porte plus que sur le différentiel allégué par l'employée entre le salaire qu'elle a touché et celui auquel elle prétend sur la base du CTT-Edom. Les diverses sommes réclamées dans les conclusions du recours (hormis celle évoquée sous consid. 1 ci-avant) sont toutes liées à cet écart de rémunération. 
La recourante ne conteste pas que son statut relève de l'ODPr et que le salaire convenu avec l'intimée est conforme aux conditions de rémunération prévues par cette ordonnance. En revanche, elle fait valoir que l'ODPr - en particulier l'art. 43 al. 1 fixant à 1'200 fr. par mois le salaire minimal net en espèces - serait contraire à l'art. 8 Cst. et aux art. 14 CEDH cum 4 CEDH, car elle créerait une inégalité de traitement entre les employés de l'économie domestique au service de membres de missions diplomatiques, selon leur nationalité: les ressortissants extra-européens seraient discriminés par rapport aux employés suisses et européens, qui ne sont pas soumis à l'ODPr mais au CTT-Edom, et bénéficieraient ainsi, pour le même travail exercé à Genève en faveur du même type d'employeur, d'un salaire minimal supérieur de plus de 20% en tout cas. Cette différence de traitement ne serait pas justifiée par un impératif de politique étrangère ni par une obligation internationale, dont la nature n'aurait même pas été esquissée par la cour cantonale. Il importerait de cerner précisément quelle justification objective la réglementation poursuivrait, afin d'examiner la proportionnalité et la nécessité du moyen utilisé pour l'atteindre. La recourante défie également la cour de céans de discerner une différence de statut susceptible de justifier une inégalité de traitement entre employés européens et extra-européens, puisque tous les domestiques au service d'un membre d'une mission diplomatique recevraient une carte de légitimation de type F.  
 
4.  
Le Tribunal fédéral peut examiner à titre préjudiciel la légalité et la constitutionnalité d'ordonnances du Conseil fédéral. Lorsqu'il se prononce sur une ordonnance fondée sur une délégation législative, il examine si elle reste dans les limites des pouvoirs conférés par la loi au Conseil fédéral, mais il ne peut pas contrôler si la délégation elle-même est admissible. Si l'ordonnance est conforme à la loi, il examine sa constitutionnalité, à moins que la loi permette au Conseil fédéral de déroger à la Constitution. Lorsque la délégation accorde au Conseil fédéral un très large pouvoir d'appréciation pour réglementer la matière par ordonnance, le Tribunal fédéral se limite à contrôler si l'ordonnance en cause sort manifestement du cadre de la délégation de compétence prévue par la loi ou si, pour d'autres raisons, cette réglementation est contraire à la loi ou à la Constitution; il n'est pas habilité à substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral (ATF 141 II 169 consid. 3.4; 140 V 485 consid. 2.3; 139 II 460 consid. 2.3; 137 V 321 consid. 3.3.2; 137 III 217 consid. 2.3; 136 II 337 consid. 5.1; 131 II 562 consid. 3.2; 130 I 26 consid. 2.2.1). 
S'agissant des garanties constitutionnelles invoquées par la recourante, celles-ci répondent aux définitions suivantes. 
Le principe de l'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. exige que ce qui est semblable soit traité de manière identique et que ce qui est dissemblable soit traité de manière différente (ATF 147 V 146 consid. 5.4 et les arrêts cités). Un acte normatif viole ainsi l'art. 8 Cst. lorsqu'il établit des distinctions qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard des faits à réglementer ou qu'il omet d'opérer des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances (ATF 142 V 316 consid. 6.1.1; 141 I 235 consid. 7.1; 134 I 23 consid. 9.1; 128 V 95 consid. 5a; 127 V 252 consid. 3b). 
Selon la définition jurisprudentielle, il y a discrimination, au sens de l'art. 8 al. 2 Cst., lorsqu'une personne est traitée juridiquement de manière différente uniquement en raison de son appartenance à un groupe particulier qui, historiquement ou dans la réalité sociale actuelle, souffre d'exclusion ou de dépréciation. Le principe de non-discrimination n'interdit pas pour autant toute distinction basée sur l'un des critères énumérés à l'art. 8 al. 2 Cst. de manière non exhaustive. Mais l'usage d'un tel critère fait naître une présomption de différenciation inadmissible qui ne peut être renversée que par une justification qualifiée (ATF 147 I 89 consid. 2.1; 145 I 73 consid. 5.1; 143 I 129; 142 V 316 consid. 6.1.1). 
L'art. 14 CEDH n'offre pas à la recourante une protection plus étendue que le principe de l'égalité proclamé à l'art. 8 Cst. (cf. ATF 148 I 160 consid. 8.1). 
 
5.  
Ceci étant exposé, il s'agit d'en venir à l'examen du cas d'espèce. 
 
5.1. Aux termes de l'art. 27 al. 2 de la loi sur l'État hôte (LEH; RS 192.12), le Conseil fédéral règle notamment, dans la mesure où le droit international le permet, les conditions de travail et de salaire des domestiques privés visés à l'art. 2 al. 2 let. c LEH, c'est-à-dire ceux qui sont autorisés à accompagner une personne bénéficiaire au sens de l'art. 2 al. 2 let. a et b LEH. En vertu de cette délégation, le Conseil fédéral a adopté l'ODPr qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2011. Les conditions de travail et de salaire sont réglées aux art. 28 à 53 ODPr. L'art. 43 al. 1 ODPr prescrit un salaire mensuel net en espèces de 1'200 fr. au minimum, le salaire en nature et les autres éléments à charge de l'employeur étant décrits à l'art. 44 ODPr. L'art. 1 al. 2 ODPr précise que les contrats-types de travail cantonaux ou fédéraux ne sont pas applicables aux personnes couvertes par l'ODPr.  
Le champ d'application personnel de l'ODPr est limité à son art. 1 al. 3 et 4. Il est notamment spécifié que cette ordonnance ne s'applique pas aux domestiques privés de nationalité suisse et aux étrangers titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement ou au bénéfice d'une admission provisoire (al. 3 let. b). Elle ne s'applique aux domestiques privés qui sont ressortissants d'un État membre de l'Union européenne (UE) ou de l'AELE et qui n'avaient pas leur résidence permanente en Suisse au moment de leur engagement que dans la mesure où l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) n'en dispose pas autrement ou lorsque l'ODPr prévoit des dispositions plus favorables (al. 4). Pour ces catégories de domestiques privés, les conditions de rémunération minimales résulteront d'autres normes que l'ODPr, soit un contrat-type de travail cantonal selon l'art. 360a CO, tel le CTT-Edom, ou, à défaut, le contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie domestique (art. 1 al. 2 ordonnance éponyme du Conseil fédéral du 20 octobre 2010, entrée en vigueur le 1er janvier 2011, dont la durée de validité a été régulièrement prolongée depuis lors [RS 221.215.329.4]). Il est à noter que l'art. 360a CO est l'une des mesures d'accompagnement adoptées afin d'atténuer les effets de l'ALCP sur le marché du travail (cf. ATF 143 II 102 consid. 2.1 et 2.2). 
 
5.2. L'art. 27 al. 2 LEH donne au Conseil fédéral la compétence (exclusive) d'édicter des contrats-types de travail ou de régler d'une autre manière les conditions de travail et de salaire des domestiques privés relevant du droit spécial des étrangers, dans la mesure où le droit international le permet (arrêt 4A_526/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.2; Message du 13 septembre 2006 sur la loi sur l'État hôte, FF 2006 ch. 2.7.2 p. 7659). Par conséquent, en excluant de son champ d'application tant les domestiques privés suisses que ceux bénéficiant déjà d'une autorisation selon le droit ordinaire des étrangers et en réservant l'ALCP pour les ressortissants de l'UE ou de l'AELE ne résidant pas en Suisse lors de leur engagement, l'ODPr est conforme à la délégation de compétence prévue par la LEH.  
Que les domestiques privés soient soumis, selon leur statut juridique en Suisse, à des normes différentes quant à leurs conditions de travail et de rémunération ne constitue pas en soi une inégalité de traitement. Selon la recourante, la discrimination liée à la nationalité prohibée par l'art. 8 Cst. réside dans la fixation à l'art. 43 al. 1 ODPr, applicable aux domestiques privés extra-européens, d'un salaire minimum net en tout cas inférieur de plus de 20% au salaire minimum arrêté par le CTT-EDom, applicable aux ressortissants suisses et à ceux d'un État de l'UE ou de l'AELE travaillant à Genève comme domestiques privés au service d'un membre d'une mission diplomatique. 
En vertu de l'art. 359 al. 2 CO, les cantons sont tenus d'édicter des contrats-types pour les travailleurs agricoles et le service de maison. Le canton de Genève, à l'instar d'autres cantons, a ainsi élaboré le CTT-EDom du 13 décembre 2011, entré en vigueur le 1er janvier 2012. Sauf accord contraire, il s'applique directement aux rapports de travail qu'il régit (art. 360 al. 1 CO), peu importe que les parties en aient ou non eu connaissance (arrêt 4P.277/2003 du 2 avril 2004 consid. 3.1). Le CTT-EDom prévoit des salaires minimaux bruts qui revêtent un caractère impératif (art. 360a et 360d al. 2 CO). 
Le principe de l'égalité dans la loi trouve une limite institutionnelle dans la structure fédérale des États (cf. MALINVERNI/HOTTELIER/HERTIG RANDALL/FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 4e éd. 2021, n. 1150, p. 569). Il ne peut se rapporter qu'au domaine de compétence d'une seule et même collectivité publique (ATF 138 I 321 consid. 5.3.6; 133 I 249 consid. 3.4; 125 I 173 consid. 6d). Ainsi, la réglementation, par le canton de Genève, du salaire minimum des employés domestiques ne contraignait aucunement le Conseil fédéral, lorsqu'il a adopté l'ODPr, à s'aligner sur l'usage que ce canton a fait de cette compétence. Partant, si le CTT-Edom conserve un champ d'application, sur le territoire genevois, s'agissant des employés de l'économie domestique qui ne tombent pas sous le coup de l'ODPr, ceci ne saurait fonder une inégalité de traitement par rapport à la recourante qui, elle, relève de la législation fédérale. 
 
5.3. Cela étant, il convient tout de même de relever que le traitement largement moins favorable et discriminatoire allégué par la recourante, qui résulterait en l'occurrence de l'application de l'ODPr plutôt que du CTT-Edom, est tout sauf manifeste.  
Dans sa version en vigueur en 2013, le CTT-Edom prévoyait un salaire mensuel brut minimal de 3'625 fr. pour un travailleur de l'économie domestique sans qualifications particulières, montant qui a été augmenté, pendant la période considérée ici, à 3'700 fr. en 2014/2015 et à 3'756 fr. en 2016 (art. 10 let. c CTT-EDom). Ce montant comprend le salaire en nature pour le logement et pour la nourriture. S'il est logé ou nourri par l'employeur, le travailleur reçoit en espèces la différence entre le montant du salaire mensuel brut minimal et la valeur du logement ou de la nourriture selon les normes AVS en vigueur, rappelées en annexe au contrat-type (art. 10 al. 3 CTT-EDom). En retranchant des salaires mensuels bruts susmentionnés la valeur du logement et de la nourriture (990 fr.) ainsi que les cotisations aux assurances sociales (6.291%) et les primes de l'assurance-maladie (240 fr. allégués par la recourante), on obtient des montants mensuels nets oscillant entre 2'167 fr.et 2'290 fr. de 2013 à 2016, sans déduction de l'impôt à la source ni d'éventuelles franchises et quote-part sur les frais de maladie. 
En application de l'ODPr, la prestation correspondante se compose du salaire minimal net en espèces selon l'art. 43 al. 1 (1'200 fr.) et des montants à charge de l'employeur selon l'art. 44, soit les cotisations aux assurances sociales (al. 1 let. a; 144 fr.), des primes d'assurance-maladie (al. 1 let. b; 240 fr.), des frais de logement et de nourriture (al. 2 let. a et b; 990 fr.), représentant un montant total de 2'574 fr. par mois, exonéré fiscalement (art. 45 ODPr), qui au surplus ne prend pas en compte les éventuelles franchise et participation aux frais de maladie également à charge de l'employeur (art. 44 al. 2 let. g). 
La comparaison est éloquente. Elle garde sa pertinence même en prenant en compte, comme le veut la recourante, les salaires mensuels bruts prévus en 2016 pour les employés de maison avec quatre ans d'expérience par le CTT-Edom (4'029 fr.) et le CTT fédéral pour les travailleurs de l'économie domestique (3'965 fr.20); on aboutirait alors à des montants correspondants de 2'546 fr., respectivement 2'490 fr. 
 
5.4. Sous l'angle constitutionnel, la recourante fait encore grief à la cour cantonale d'avoir méconnu que ses conditions de travail, telles que prévues par l'ODPr, contrevenaient à l'interdiction de l'esclavage et du travail forcé au sens de l'art. 4 CEDH. La cour cantonale a écarté d'un revers de main cet argument. A juste titre. Sachant que son logement, ses frais de nourriture, les assurances sociales, ses primes d'assurance-maladie ainsi que la franchise et les frais éventuels de maladie étaient pris en charge par son employeuse, et qu'elle était exonérée d'impôts, la recourante ne peut manifestement se plaindre du fait que le salaire en espèces qui lui était versé - de 1'200 fr. par mois, versé treize fois par an - équivalait à la réduire en esclavage.  
 
5.5. Il s'ensuit que, contrairement à ce que la recourante prétend, l'art. 43 al. 1 ODPr n'est ni inconstitutionnel, ni contraire à la CEDH. La cour cantonale n'a dès lors pas violé le droit au sens de l'art. 95 LTF en refusant d'allouer à l'employée ses prétentions calculées sur la base du CTT-Edom.  
Cette conclusion prive de tout fondement le grief tiré de la violation de l'art. 322 al. 1 ainsi que de l'art. 337c al. 1 et 3 CO. Il n'y a pas lieu non plus d'examiner les moyens fondés sur l'art. 29 al. 2 Cst. (violation de l'obligation de motiver) et sur l'art. 9 Cst. (arbitraire dans l'établissement des faits), qui portent sur des éléments dénués de pertinence pour la résolution du cas. 
 
6.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
Selon l'art. 64 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance judiciaire à une partie à condition que celle-ci ne dispose pas de ressources suffisantes et que ses conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec. L'assistance comporte notamment l'exonération des frais judiciaires. En l'occurrence, la procédure entreprise devant le Tribunal fédéral n'offrait manifestement aucune chance de succès, ce qui entraîne le rejet de la demande d'assistance judiciaire. La recourante prendra dès lors à sa charge les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu au versement de dépens à son adverse partie qui n'a pas été invitée à déposer de réponse. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 8 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Godat Zimmermann