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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
9C_637/2014  
   
   
 
   
   
 
 
 
Arrêt du 6 mai 2015  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Glanzmann, Présidente, Parrino et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Monique Stoller Füllemann, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 27 juin 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ a travaillé en qualité de chef de cuisine d'août 1989 à août 2009. Souffrant de cervico-lombalgies, il a été mis en arrêt de travail à partir du 3 octobre 2008, puis licencié le 31 août 2009. Le 19 août 2009, par l'intermédiaire de SWICA, il a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité. 
Dans un rapport du 15 octobre 2010, le docteur B.________, spécialiste en médecine physique et rééducation et médecin auprès du SMR, a posé les diagnostics, avec effet sur la capacité de travail, de cervicalgies chroniques, lombosciatalgies irritatives et gonalgies bilatérales chroniques sur gonarthrose. A son avis, l'assuré était entièrement incapable d'exercer son activité habituelle; en revanche, toute activité de type semi-sédentaire n'impliquant pas le port de charges excessives et permettant de varier les positions était envisageable, à 50 %, à compter de septembre 2010. 
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (l'office AI) a fixé à 77'521 fr. le revenu (sans invalidité) que l'assuré aurait été en mesure de réaliser en 2010 (revenu annuel 2007 réactualisé) sans l'atteinte à la santé. Quant au revenu d'invalide de 31'341 fr., l'administration l'a établi sur la base des statistiques salariales de l'ESS pour l'année 2010, table TA1, niveau 3, compte tenu d'une capacité de travail de 50 %, en appliquant un abattement de 15 % sur le salaire statistique. La perte de gain s'élevant à 60 % (31'341 / 77'521), l'office AI a alloué à l'assuré un trois-quarts de rente d'invalidité à partir du 1 er février 2010, par décision du 22 mai 2013 (cf. feuille de calcul du 14 janvier 2013).  
 
B.   
A.________ a déféré cette décision à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, en concluant notamment au versement d'une rente entière. 
Le tribunal cantonal a porté le facteur d'abattement sur le revenu d'invalide de 15 % à 25 %, ce qui a eu pour effet de réduire le revenu d'invalide à 22'936 fr. et d'accroître le degré d'invalidité de 60 % à 70 % (22'936 / 77'521). Par jugement du 27 juin 2014, le tribunal a admis le recours et mis l'assuré au bénéfice d'une rente entière d'invalidité à compter du 1 er février 2010.  
 
C.   
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 22 mai 2013. 
L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le litige porte sur le taux d'invalidité de l'intimé et l'étendue de la rente d'invalidité à compter du 1 er février 2010.  
Dans ce contexte, parmi tous les éléments pertinents pour le calcul du degré de l'invalidité, seul est contesté le facteur d'abattement qui entre dans le calcul du revenu d'invalide, lequel a été fixé selon les données statistiques de l'Enquête sur la structure des salaires (cf. ATF 129 V 472 consid. 4.2.3 p. 481). 
 
2.   
Les premiers juges ont considéré qu' "on ne voit pas que le nombre important de limitations fonctionnelles a été pris en compte dans l'évaluation de la capacité de travail puisque celle de 50 % retenue correspond à celle fixée par les médecins, étant précisé qu'un nombre de limitations pour le moins important s'y ajoute selon le médecin du SMR (éviter le port de charges de plus de 5kg, les activités en hauteur, les mouvements d'antépulsion ou d'abduction, les positions statiques prolongées en flexion-extension du rachis cervical, les mouvements brusques de rotation du rachis cervical, la position statique assise au-delà de 45mn, les montées et descentes d'escaliers, les génuflexions, la marche sur terrain instable, les positions statiques de type piétinement, alterner les positions au moins une fois par heure, limiter le périmètre de marche à environ 15-20 minutes) ". 
Les juges ont ajouté "qu'il faut en outre tenir compte en l'occurrence de l'âge [de l'assuré] recourant - 55 ans en 2010 -, du fait qu'il a toujours exercé comme chef de cuisine auparavant - et qu'il lui faudra donc fournir un effort conséquent pour pouvoir se réinsérer dans une autre activité, effort souligné par les Établissements pour l'intégration - et que seule une activité à taux réduit est désormais envisageable. Le taux de 15 % retenu par l'intimé ne correspond donc pas à un examen complet des circonstances pertinentes. Au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, le taux de 25 % sollicité par [l'assuré] recourant ne paraît pas exagéré". 
 
3.  
 
3.1. L'office recourant rappelle qu'il a procédé à un abattement de 15 % sur le salaire statistique afin de tenir compte de l'âge de l'intimé (57 ans), des années de service et du taux d'occupation. Il précise que la capacité résiduelle de travail de 50 % a été fixée en tenant compte des limitations fonctionnelles et du fait que seul l'exercice d'une activité légère reste possible. A son avis, c'est à tort que la juridiction de recours a admis que les limitations fonctionnelles pouvaient être prises une seconde fois en considération et motiver un abattement, à titre de critère de réduction supplémentaire du salaire statistique.  
A cet égard, le recourant observe que les limitations fonctionnelles retenues par les experts rejoignent celles que les médecins du SMR ont aussi attestées, contrairement à l'opinion des premiers juges. Il relève aussi que l'autorité cantonale n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles les limitations fonctionnelles pourraient jouer concrètement sur les perspectives salariales dans le cadre d'une activité simple, légère et ne nécessitant pas de formation particulière. Pour ce genre d'activités, le salaire statistique est suffisamment représentatif de celui qu'un assuré invalide pourrait réaliser, dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activité variées et non qualifiées, n'impliquant pas de formation particulière et compatibles avec les limitations fonctionnelles présentées. 
Quant aux autres critères que les premiers juges ont pris en compte pour fixer l'abattement sur le salaire statistique, le recourant relève qu'ils correspondent à ceux dont il a lui-même tenu compte. Comme il s'était déjà prononcé de manière circonstanciée sur la question, le recourant estime qu'il appartenait aux juges cantonaux d'expliquer les raisons pour lesquelles son appréciation n'était pas satisfaisante. En d'autres termes, ils ont écarté sans motif pertinent l'abattement de 15 % en y substituant de manière arbitraire leur propre appréciation, exerçant leur pouvoir d'appréciation de manière non-conforme au droit. Le taux de 25 %, soutient-il, est excessif, car il n'est justifié que lorsque tous les critères sont remplis ou que les limitations fonctionnelles sont maximales, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. 
 
3.2. L'intimé soutient que l'office recourant n'a pas pris en considération toutes les circonstances pertinentes dans l'évaluation de l'incapacité de travail, singulièrement les limitations fonctionnelles et l'exercice d'une activité légère. Il estime que la juridiction cantonale a usé de son pouvoir d'appréciation dans le respect des principes généraux du droit après un examen circonstancié de la situation et que l'abattement de 25 % sur le salaire statistique, soit le maximum autorisé par la jurisprudence, est justifié.  
 
4.  
 
4.1. Alors que le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral, l'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci.  
Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité. Commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation, l'autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l'exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d'appréciation dans le cas où l'excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l'autorité considère qu'elle est liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 et les références). 
 
4.2. Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative ("Angemessenheitskontrolle"). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée.  
Lorsque la juridiction cantonale examine l'usage qu'a fait l'administration de son pouvoir d'appréciation pour fixer l'étendue de l'abattement sur le revenu d'invalide, elle doit porter son attention sur les différentes solutions qui s'offraient à l'organe de l'exécution de l'assurance-invalidité et voir si un abattement plus ou moins élevé (mais limité à 25 % [ATF 126 V 75]) serait mieux approprié et s'imposerait pour un motif pertinent, sans toutefois substituer sa propre appréciation à celle de l'administration (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73). 
 
5.   
Dans un premier temps, les juges cantonaux ont pris en compte une incapacité de travail de 50 % dans une activité adaptée en se fondant sur le rapport d'examen du SMR (consid. 9 in fine, p. 10 du jugement). Ensuite, pour fixer l'abattement, les juges ont admis que la même incapacité de travail était en réalité supérieure à 50 % compte tenu des diverses restrictions qu'ils ont énoncées (p. 13, 1 er paragraphe), sans toutefois en chiffrer l'étendue (consid. 10b, p. 12 in fine du jugement); cela justifiait de porter l'abattement sur le salaire statistique de 15 % à 25 %.  
Ce raisonnement ne saurait être suivi, car le revenu d'invalide est ainsi déterminé sur la base d'un même critère (les limitations fonctionnelles) qui non seulement est pris deux fois en compte, mais auquel il est donné une importance différente suivant la phase du calcul dans laquelle on se trouve (50 % au moment de fixer initialement l'incapacité de travail, mais plus de 50 % lorsqu'il s'agit de déterminer l'abattement sur le salaire statistique), ce qui paraît singulier. 
Par ailleurs, les spécificités de l'activité exigible à 50 % (tout travail de type semi-sédentaire n'impliquant pas le port de charges excessives et permettant de varier les positions) ne sauraient jouer un rôle significatif sur les perspectives salariales dans le cadre de l'exercice d'une activité adaptée, pas plus que l'âge de l'intimé (âgé de 55 ans en 2010). A cet égard, une réduction globale de 25 %, qui correspond au maximum autorisé par la jurisprudence en présence de circonstances personnelles et professionnelles particulièrement défavorables, ne tient pas raisonnablement compte de la réalité de la situation. Pour retenir l'abattement de 25 %, la juridiction cantonale a substitué sa propre appréciation à celle du recourant par le biais d'une argumentation sinon contradictoire du moins fort discutable, exerçant son pouvoir d'appréciation de manière non-conforme au droit. Cela n'est certainement pas propre à faire apparaître son appréciation comme étant mieux appropriée que celle de l'administration, de sorte qu'à défaut d'un motif pertinent exigé par la jurisprudence (cf. consid. 4.2 supra), le résultat obtenu (un taux d'invalidité de 70 %, au lieu du taux de 60 % retenu par le recourant) ne saurait être protégé. Le recours est bien fondé. 
 
6.   
L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 69 al. 1 bis LAI, 66 al. 1 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. Le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances, du 27 juin 2014, est annulé et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, du 22 mai 2013, est confirmée. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.   
Le dossier est renvoyé à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais de la procédure cantonale. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 6 mai 2015 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Glanzmann 
 
Le Greffier : Berthoud