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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
9C_359/2014  
   
   
 
   
   
 
 
 
Arrêt du 5 septembre 2014  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kernen, Président, Pfiffner et Parrino. 
Greffière : Mme Moser-Szeless. 
 
Participants à la procédure 
Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, rue des Gares 12, 1201 Genève,  
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (rente d'invalidité; révision), 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 24 mars 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Après un premier refus de rente d'invalidité (décision de l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité [ci-après: office AI] du 13 janvier 2004), A.________ a présenté une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité, le 21 août 2008. L'office AI a recueilli différents avis médicaux, dont celui de la doctoresse B.________, médecin au Service médical de premier recours de la clinique C.________, du 3 décembre 2008. Il a également mis en place un stage d'observation professionnelle auprès des Établissements D.________, que A.________ n'a finalement pas suivi en raison d'une incapacité totale de travail attestée médicalement du 25 janvier au 30 avril 2011. 
Par la suite, l'office AI a confié une expertise au docteur E.________, spécialiste FMH en médecine interne, qui a rendu son rapport le 4 janvier 2013. Le médecin a diagnostiqué (avec répercussions sur la capacité de travail) une cirrhose hépatique secondaire à une consommation d'alcool prolongée, actuellement abstinent, compliquée d'une polyneuropathie aux membres inférieurs et de troubles cognitifs légers, des lombalgies chroniques d'origine indéterminée, probablement en partie liées à des troubles dégénératifs et une probable insuffisance artérielle des membres inférieurs. Faisant état des limitations fonctionnelles de l'assuré, il a conclu à une incapacité totale de travail à partir de l'année 2008 entraînée par la cirrhose hépatique décompensée; depuis lors, la capacité de travail avait évolué favorablement: dans une activité exigible, telle celle exercée en dernier de chauffeur de véhicules légers, A.________ disposait, depuis au moins novembre 2010, d'une capacité de travail avoisinant les 100 %, avec une diminution de rendement de 20 à 30 % en raison de la fatigabilité. L'expert préconisait une reprise du travail par paliers dans le cadre d'une aide au placement. 
Le 24 octobre 2013, l'office AI a rendu une décision par laquelle il a alloué à A.________ une rente entière de l'assurance-invalidité du 1 er juillet 2009 au 31 janvier 2011 et rejeté sa demande de reclassement. En bref, il a considéré que l'assuré avait été totalement incapable de travailler du 1er juillet 2008 au 1er novembre 2010, date à partir de laquelle sa capacité de travail était entièrement rétablie dans une activité adaptée, avec toutefois une diminution de rendement de 20 à 30 %, ce qui entraînait, avec un abattement de 10 % sur le revenu d'invalide, une perte de gain de 38,8 % insuffisante pour maintenir le droit à une rente.  
 
B.   
Statuant le 24 mars 2014 sur le recours formé par A.________ contre cette décision, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, l'a partiellement admis au sens des considérants (ch. 2 du dispositif). Elle a reconnu le droit de l'assuré à une rente entière d'invalidité du 1er février 2009 au 31 janvier 2011 et à un quart de rente dès le 1er février 2011 (ch. 3 du dispositif). Elle a par ailleurs renvoyé la cause à l'office AI pour qu'il procède à une sommation avant de rendre une nouvelle décision sur le droit aux mesures professionnelles (ch. 4 du dispositif). 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'office AI demande au Tribunal fédéral d'annuler le jugement cantonal et de confirmer sa décision du 24 octobre 2013. 
Le recourant conclut en substance au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Le recourant ne peut critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire arbitraire et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références). Il appartient au recourant de démontrer le caractère arbitraire par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.). 
 
2.  
 
2.1. Au regard des motifs et des conclusions du recours (cf. art. 107 al. 1 LTF), le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente entière de l'assurance-invalidité du 1er février au 30 juin 2009 et à un quart de rente dès le 1er février 2011. Le recourant ne conteste en revanche ni le droit de l'assuré à une rente entière du 1er juillet 2009 au 31 janvier 2011, ni le renvoi de la cause pour qu'il procède à une sommation avant de rendre une nouvelle décision sur le droit de l'intimé à des mesures professionnelles (ch. 4 du dispositif du jugement entrepris). Malgré la conclusion du recourant tendant à l'annulation du jugement entrepris dans son ensemble, le renvoi ordonné par la juridiction cantonale sur le point mentionné ne fait pas partie de l'objet du litige en instance fédérale.  
 
2.2. Le jugement entrepris expose de manière complète les règles légales et la jurisprudence sur l'évaluation de l'invalidité, la méthode de la comparaison des revenus et l'abattement sur le revenu d'invalide. Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.   
Se fondant sur les conclusions de l'expert E.________, les premiers juges ont constaté que la capacité de travail de l'intimé était nulle dès le début de l'année 2008, alors qu'elle se situait entre 70 et 80 % à partir de novembre 2010, compte tenu de la diminution de rendement attestée par le médecin. Ils ont retenu en conséquence que l'assuré avait droit à une rente entière d'invalidité à partir du mois de février 2009 (compte tenu de l'expiration du délai de carence en janvier 2009 et la date de la demande de prestations de l'intimé [août 2008]) jusqu'au 31 janvier 2011. 
Pour la période postérieure, la juridiction cantonale a évalué le taux d'invalidité en fonction d'une capacité de travail de 75 % (voire de 70 %) et procédé à un abattement de 15 % sur le revenu d'invalide, au lieu de 10 % appliqué par le recourant, afin de prendre en considération les limitations fonctionnelles présentées par l'assuré, dont l'administration avait insuffisamment tenu compte, ainsi que l'ensemble des facteurs influant sur le revenu. Elle a ainsi fixé à 42,83 % (voire 46,64 %) le degré d'invalidité, ce qui ouvrait le droit de l'intimé à un quart de rente d'invalidité à partir du 1er février 2011. 
 
4.  
 
4.1. Dans un premier moyen tiré de l'appréciation arbitraire des faits et des preuves, le recourant reproche aux premiers juges d'avoir fixé au 1er janvier 2008 le début de l'incapacité totale de travail de l'assuré. Selon lui, il ressortait du rapport de la doctoresse B.________ de la clinique C.________ que l'intimé présentait différentes affections à partir de l'été 2008 seulement, de sorte que l'incapacité de travail était survenue dès le mois de juillet 2008, au moment où l'assuré avait été hospitalisé à la suite d'une décompensation de son état de santé.  
 
4.2. En se référant exclusivement à la date de l'été 2008 dont a fait état la doctoresse B.________ pour situer dans le temps le début des différentes atteintes à la santé qu'elle a diagnostiquées, le recourant passe sous silence le fait mis en évidence par le docteur E.________ (et également mentionné par sa consoeur B.________), que l'assuré a été hospitalisé d'urgence à la clinique C.________ le 14 mai 2008 déjà, à cause d'une décompensation hépatique (cf. aussi l'avis du Service de gastro-entérologie et d'hépatologie de la clinique C.________ du 29 mai 2008). Or l'expert a précisément attaché une importance décisive à cette pathologie, puisqu'il a indiqué que l'assuré avait souffert "dès 2008" d'une atteinte grave à la santé (cirrhose hépatique compensée) expliquant à cette époque une IT [incapacité de travail] totale". La référence au mois de juillet 2008 est dès lors insuffisante, la date de la première hospitalisation auprès de la clinique C.________, le 14 mai 2008, apparaissant davantage décisive.  
 
Cela étant, contrairement à ce qu'allègue le recourant, la juridiction cantonal ne s'est pas "livrée à des conjectures qui relèvent exclusivement de la science médicale" en constatant que l'incapacité de travail totale de l'assuré remontait au mois de janvier 2008. Les premiers juges se sont effet fondés sur l'évaluation du docteur E.________, à la lumière de laquelle leur appréciation du début de l'incapacité entière de travail n'apparaît pas insoutenable, ni la date retenue manifestement inexacte. L'expert a en effet expliqué les difficultés à évaluer la capacité de travail avant 2008, parce que l'évolution vers une cirrhose se faisait généralement sur une longue période (années), le plus souvent sans symptomatologie précise. Il a cependant précisé que "plus on s'approchait de la décompensation hépatique, moins importante était la CT (capacité de travail), en partie aussi en raison de la consommation marquée d'alcool". Compte tenu de ces précisions, la juridiction cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en considérant que l'atteinte hépatique avait atteint son paroxysme à la date de l'hospitalisation du 14 mai 2008, mais que la capacité de travail était déjà réduite à néant dans les quelques mois précédant le séjour hospitalier, soit dès le début de l'année 2008. Le grief du recourant est dès lors mal fondé. 
 
5.   
Le recourant s'en prend, dans un second motif, à l'abattement de 15 % auquel a procédé l'autorité judiciaire de première instance, en se plaignant de ce qu'elle a substitué sans raison sa propre appréciation à la sienne. 
 
5.1. En ce qui concerne le taux d'abattement, on rappellera que la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation). Une déduction globale maximale de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.).  
 
5.2. Le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral; en revanche, l'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunter-schreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (cf. ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).  
Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative ("Angemessenheitskontrolle"). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. À cet égard, le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73; 126 V 75 consid. 6 p. 81). 
 
5.3. En l'espèce, la juridiction cantonale a considéré qu'en n'admettant qu'une réduction de 10 % en raison de l'âge de l'assuré, le recourant n'avait pas suffisamment tenu compte des autres limitations fonctionnelles et avait commis sur ce point un excès négatif de son pouvoir d'appréciation. Aussi, les premiers juges ont-ils corrigé l'abattement en l'augmentant à 15 %, afin de tenir compte de l'ensemble des facteurs influant sur le revenu.  
 
5.4. En ce qui concerne le taux d'abattement sur le salaire statistique, la jurisprudence considère que lorsqu'un assuré est capable de travailler à plein temps mais avec une diminution de rendement, celle-ci est prise en considération dans la fixation de la capacité de travail et il n'y a pas lieu, en sus, d'effectuer un abattement à ce titre (arrêts 9C_677/2012 du 3 juillet 2013 consid. 2.2; 8C_93/2013 du 16 avril 2013 consid. 5.4 et les références).  
En l'occurrence, la juridiction cantonale a retenu que l'assuré était apte à travailler à plein temps, mais avec une diminution de rendement de 25 % (voire de 30 %), dans une activité légère adaptée à son handicap et elle a réduit le salaire déterminant de 25 % (en précisant qu'une diminution de 30 % ne modifiait pas le résultat du taux d'invalidité déterminant pour l'ouverture du droit à un quart de rente). En sus, elle s'est référée aux autres limitations fonctionnelles pour s'écarter du taux d'abattement de 10 % fixé par le recourant compte tenu de l'âge de l'intéressé. Ce faisant, l'autorité cantonale de recours a fixé l'abattement en se fondant en partie sur une considération étrangère au but visé par les règles de droit applicables, ce qui constitue un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 137 V 71 consid. 5.1). Il convient dès lors de s'en tenir au taux d'abattement de 10 % fixé par le recourant. 
 
5.5. Pour déterminer le taux d'invalidité qui en résulte, il y a lieu de se référer aux salaires déterminants pour la comparaison des revenus au sens de l'art. 16 LPGA, tels que fixés par la juridiction cantonale (revenu sans invalidité de 69'052 fr., revenu avec invalidité de 61'924 fr. [pour une activité exercée avec une pleine capacité de travail et de rendement]). Compte tenu d'une capacité de travail de 75 % (soit la valeur moyenne de la fourchette indiquée par le docteur E.________ pour la baisse de rendement [20 à 30 %]; cf. consid. 4.2 de l'arrêt 9C_280/2010 du 12 avril 2011 non publié in ATF 137 V 71) et d'un abattement de 10 %, le revenu d'invalide est de 41'798 fr. Comparé au revenu sans invalidité, il en résulte un degré d'invalidité de 39,47 %, qui doit être arrondi au chiffre en pour cent inférieur (cf. ATF 130 V 121), ce qui donne 39 %. Ce taux n'est pas suffisant pour le maintien du quart de rente d'invalidité à partir du 1er février 2011 (date à partir de laquelle la modification du degré d'invalidité prend effet, telle que fixée par la juridiction cantonale à la suite du recourant).  
 
6.   
En conséquence de ce qui précède, le jugement entrepris doit être partiellement réformé. Le ch. 3 de son dispositif doit être modifié en ce sens que l'intimé a droit à une rente entière du 1er février 2009 au 31 janvier 2011. Dans cette mesure, le recours est partiellement bien fondé. 
 
7.   
Compte tenu de l'issue du litige, les frais de justice seront répartis par moitié entre le recourant et l'intimé. Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé, qui n'a pas fait appel à un avocat pour répondre au recours. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis. Le ch. 3 de la décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 24 mars 2014 est réformé en ce sens qu'il est dit que l'assuré a droit à une rente entière de l'assurance-invalidité du 1er février 2009 au 31 janvier 2011. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 400 fr. à la charge du recourant et pour 400 fr. à la charge de l'intimé. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 5 septembre 2014 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président :       La Greffière : 
 
Kernen       Moser-Szeless