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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_737/2012 
 
Arrêt du 20 décembre 2012 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Eusebio et Chaix. 
Greffière: Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Antoine Hamdan, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 7 novembre 2012. 
 
Faits: 
 
A. 
Deux hommes cagoulés ont commis une attaque à main armée, le 25 janvier 2012 dans les bureaux de l'entreprise horlogère X.________ à Genève: ils ont frappé et entravé deux employés, dont A.________, afin de se faire ouvrir les coffres qui n'ont en définitive pas pu être ouverts. Le 25 mai 2012, B.________ et C.________ ont été placés en détention provisoire sous la prévention de brigandage aggravé en tant qu'auteurs de cette agression, faits qu'ils ont contestés. Une nouvelle agression a eu lieu dans la même entreprise, le 30 mai 2012; les autorités de poursuite n'écartent pas l'hypothèse que ces deux brigandages soient liés l'un à l'autre. 
Le 1er juin 2012, A.________ a été prévenu de brigandage aggravé pour avoir participé en qualité de coauteur, d'instigateur ou de complice au brigandage du 25 janvier 2012 et de recel pour avoir aidé et/ou participé à l'acquisition de métaux et/ou pierres précieuses provenant d'infractions contre le patrimoine. Il a contesté toute participation à ces infractions. Il a été détenu en raison de ces faits jusqu'au 12 juillet 2012, puis mis en liberté moyennant - entre autres conditions - le paiement d'une caution de l'ordre de 5'000 fr. 
 
B. 
Le 8 août 2012, C.________ a été entendu en "audience non contradictoire", à savoir en présence de son avocat et du Procureur en charge du dossier mais en l'absence des autres prévenus et de leurs conseils. A cette occasion, il a reconnu sa participation au brigandage du 25 janvier 2012 et mis hors de cause B.________; en revanche, il a affirmé que l'opération avait été suggérée et organisée par A.________ qui avait décrit les lieux, la sécurité existante, les horaires des employés et la manière d'agir. Il ressort en outre d'un rapport de police du 20 août 2012 que A.________ était en contact avec C.________ à plusieurs reprises peu après le brigandage du 25 janvier 2012, par le biais de son téléphone portable dans lequel il avait inséré de nouvelles cartes, acquises au nom de tiers inexistants. 
Le 24 octobre 2012, une audience de confrontation a réuni les trois prévenus et leurs conseils. A cette occasion, le Procureur a lu la déclaration de C.________ du 8 août 2012, que celui-ci a confirmée et qui a été entièrement retranscrite au procès-verbal. En fin d'audience, en raison de l'aggravation des charges, du risque de fuite et, éventuellement, de collusion, le Procureur a ordonné l'arrestation de A.________ et a sollicité sa mise en détention provisoire auprès du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève (ci-après: le Tmc). 
Le 26 octobre 2012, le Tmc a placé A.________ en détention provisoire pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 25 janvier 2013. Le recours formé par l'intéressé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après: la cour cantonale) du 7 novembre 2012. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision cantonale du 7 novembre 2012 et d'ordonner sa libération immédiate, subsidiairement de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert également l'assistance judiciaire. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant persiste dans les termes des conclusions de son recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est en principe ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est par conséquent recevable. 
 
2. 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168). 
 
3. 
Le recourant se prévaut d'abord de deux griefs d'ordre formel: le Tmc a tenu son audience de mise en détention provisoire sans être en possession du dossier pénal, ce qui serait contraire à l'art. 31 al. 1 Cst. ainsi qu'aux art. 224 et 225 CPP; le recourant n'a pas pu consulter le dossier et n'a, en particulier, pas eu accès au procès-verbal de l'audience du 8 août 2012, avant l'audience du Tmc, ce qui violerait son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) ainsi que l'art. 225 al. 2 CPP
 
3.1 Il ressort du dossier cantonal que l'audience de mise en détention provisoire devant le Tmc s'est tenue le 25 octobre 2012 de 14h36 à 15h00 en présence du recourant et de son conseil. A teneur de l'arrêt attaqué, le dossier de la procédure n'est cependant parvenu au Tmc qu'à 16h00 ce jour-là. Quant à la demande de mise en détention du Procureur, datée du 25 octobre 2012 à 11h30, elle porte le tampon humide "Tribunal pénal - 25 oct. 2012 - 16h14". Il en résulte, d'une part, que le juge de la détention n'était pas en possession du dossier lorsqu'il a tenu son audience et, d'autre part, que le recourant n'a pas eu accès au dossier avant ladite audience. En revanche, il est patent que le Tmc avait à sa disposition le dossier dans son ensemble lorsqu'il a rendu sa décision, le 26 octobre 2012 à 15h38. 
La cour cantonale soutient que l'intéressé connaissait suffisamment les - nouveaux - éléments à sa charge qui ressortaient du procès-verbal du 8 août 2012 puisque celui-ci lui avait été lu lors de l'audience du 24 octobre 2012. Par ailleurs, l'absence physique du dossier lors de l'audience de mise en détention provisoire était sans conséquence préjudiciable pour l'intéressé puisque le juge de la détention, qui connaissait déjà le dossier, pouvait mesurer la portée des arguments développés oralement devant lui en prenant connaissance ultérieurement du dossier écrit. Enfin, le recourant ne prétendait pas que le Tmc n'aurait pas répondu à ses arguments, ce qui aurait alors pu constituer une violation de son droit d'être entendu. 
 
3.2 Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier et de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494; 127 I 54 consid. 2b p. 56). L'accusé doit pouvoir consulter le dossier pour connaître préalablement les éléments dont dispose l'autorité et jouir ainsi d'une réelle possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure. Pour que cette consultation soit utile, le dossier doit être complet (ATF 129 I 85 consid. 4.1 p. 88 s.). Le droit d'être entendu est également garanti par l'art. 3 al. 2 let. c CPP, qui a la même portée que l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. Michel Hottelier, in Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2011, n. 22 ad art. 3 CPP). 
En ce qui concerne plus spécifiquement la procédure de mise en détention, l'art. 225 al. 2 CPP accorde au prévenu et à son défenseur le droit de consulter le dossier "avant l'audience"; la loi précise cependant que la consultation ne porte que sur le dossier en "possession" du Tmc. On en déduit que cette consultation peut être limitée à la demande de mise en détention du Procureur et aux pièces essentielles du dossier qu'il a jointes à cette demande (cf. art. 224 al. 2 in fine CPP). L'accès aux pièces essentielles doit toujours être possible même si la décision intervient à brève échéance; d'éventuelles nouvelles pièces ou déterminations doivent être communiquées, au plus tard, au cours de l'audience elle-même (Daniel Logos, in Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2011, n. 13 s. ad art. 225 CPP). 
 
3.3 L'application des dispositions qui précèdent aurait dû conduire le Tmc à reporter son audience, fixée au 25 octobre 2012 à 14h36, à un moment où il serait en possession de la demande écrite du Procureur de mise en détention et des pièces essentielles du dossier. Un tel report était en l'occurrence possible puisque la demande datait du 25 octobre à 11h30, ce qui aménageait un délai - de 48 heures (art. 226 al. 1 CPP) - jusqu'au 27 octobre à 11h30. 
Le recourant ne démontre cependant pas en quoi la violation de ces droits de procédure l'a empêché de contester valablement les conditions de sa détention. Il ne conteste en particulier pas l'appréciation de la cour cantonale à teneur de laquelle il connaissait suffisamment le contenu de l'audition du 8 août 2012. Cette audition se trouvait d'ailleurs entièrement retranscrite dans le procès-verbal de l'audience du 24 octobre 2012 à laquelle il a participé. En ce qui concerne l'accès au dossier par le juge de la détention, il n'est pas contesté que celui-ci avait à sa disposition toutes les pièces de la procédure lorsqu'il a rendu sa décision, le 26 octobre 2012. En outre, comme l'a relevé la cour cantonale, le recourant ne se plaint pas du fait que - en raison de l'absence physique du dossier lors de l'audience du 25 octobre 2012 - ses arguments auraient été ignorés par le juge de la détention. Enfin, force est de constater que le recourant a disposé d'un accès complet à la procédure devant l'instance cantonale de recours, laquelle disposait d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 393 al. 2 CPP) pour entendre ses arguments (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1 p. 285 et les arrêts cités). 
En conséquence, le procédé adopté par le Tmc pour traiter la demande de mise en détention du recourant contrevient certes aux droits procéduraux de l'intéressé, mais il ne lui a en définitive pas porté de préjudice matériel. Cela étant, à l'instar de la violation de certains droits procéduraux, la violation de l'art. 225 al. 2 CPP en relation avec l'art. 29 al. 2 Cst. peut en principe être réparée - tout au moins partiellement - par une constatation de celle-ci, une admission partielle du recours sur ce point et l'octroi de pleins dépens au recourant (ATF 138 IV 81 consid. 2.4 p. 85). En l'occurrence, le recourant n'a pas pris de conclusion en constatation de la violation de ses droits procéduraux, de sorte que l'admission partielle du recours sera limitée à l'octroi de pleins dépens. 
 
4. 
Le recourant conteste enfin l'existence du risque de fuite que la cour cantonale lui impute. Il voit ainsi une violation de l'art. 221 al. 1 let. a CPP dans l'arrêt entrepris. 
 
4.1 Selon la jurisprudence, le risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). 
La cour cantonale a retenu en l'espèce que le recourant, ressortissant français et turc, vivait dans le canton de Genève à l'époque des faits puis, dès sa libération le 12 juillet 2012, en France auprès d'un proche; sa situation financière est inconnue. La cour cantonale a estimé que l'alourdissement des charges pesant sur le recourant avait pour conséquence qu'il était autrement plus impliqué que ce qu'il avait reconnu jusqu'alors. En raison de la peine menace pesant dorénavant sur lui, il serait tenté de quitter la Suisse et la France, rendant ainsi difficile voire impossible toute nouvelle convocation. 
 
4.2 Le recourant soutient que sa participation à la procédure, en particulier sa venue de France à Genève pour assister à l'audience du 24 octobre 2012, démontrerait sa volonté de continuer à déférer aux convocations de la justice genevoise. Il ajoute que, dans l'hypothèse où il serait véritablement l'instigateur des brigandages, il ne serait jamais revenu en Suisse sachant qu'il pouvait à tout moment être mis en cause par le prévenu C.________. 
Il est exact que le recourant, déjà prévenu de participation au brigandage du 25 janvier 2012, s'est présenté à une audience devant la justice genevoise alors que, en raison de sa nationalité et de son séjour en France, il ne pouvait être contraint à venir à Genève. Cette démarche ne saurait cependant garantir à l'avenir une représentation de l'intéressé aux actes de la procédure. La situation juridique s'est en effet modifiée depuis la mise en liberté du recourant en juillet 2012. Les charges pesant contre lui se sont aggravées en raison des déclarations du prévenu C.________ - confirmées en audience contradictoire le 24 octobre 2012 - et de l'analyse des contacts de son téléphone portable peu avant et peu après le brigandage du 25 janvier 2012, le faisant désormais apparaître comme un instigateur et non plus comme un participant accessoire. Au vu de la gravité de l'infraction, susceptible de conduire au prononcé d'une importante peine privative de liberté, la cour cantonale pouvait retenir l'existence d'un risque de fuite à l'encontre du recourant. Cette probabilité est encore renforcée par les déclarations de l'intéressé auprès du Procureur, le 1er juin 2012, à teneur desquelles il avait l'intention de retourner en Turquie et de "démarrer quelque chose là-bas en étant près de (s)es parents". Sur ce point, les constatations cantonales doivent être complétées (art. 105 al. 2 LTF). 
 
5. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté en tant qu'il conclut à la mise en liberté immédiate du recourant (consid. 4). En revanche, il est partiellement admis s'agissant de la violation de l'art. 225 CPP (consid. 3) et le dispositif de l'arrêt attaqué est modifié en ce sens que l'Etat de Genève supporte les frais judiciaires ainsi qu'une indemnité allouée au recourant à titre de dépens pour la procédure cantonale. 
Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de l'Etat de Genève, pour la présente procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Dans ces conditions, la requête d'assistance judiciaire devient sans objet. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires pour la présente procédure (art. 66 al. 4 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est partiellement admis et le dispositif de l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que les frais de la procédure cantonale de recours sont laissés à la charge de l'Etat de Genève, qui versera au recourant une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens. 
 
2. 
Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4. 
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée au recourant à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, à la charge de l'Etat de Genève. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
Lausanne, le 20 décembre 2012 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Fonjallaz 
 
La Greffière: Arn