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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_564/2011 
1B_565/2011 
 
Arrêt du 27 octobre 2011 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Eusebio. 
Greffière: Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Jean-Pierre Garbade, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
Détention pour des motifs de sûreté, 
 
recours contre la décision de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 29 septembre 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________, ressortissant marocain, s'est trouvé en détention préventive du 3 mars 2010 au 3 mars 2011, sous l'inculpation de tentative de meurtre (art. 111 et 22 al. 1 CP), subsidiairement de lésions corporelles graves (art. 122 CP), de menaces (art. 180 CP) et de possession de stupéfiants (art. 19a LStup). Il est notamment reproché au prénommé d'avoir, dans la nuit du 26 au 27 février 2010, vers 1h05, participé à l'agression de B.________, avec un groupe de sept ou huit personnes armées de couteaux et de pierres. La victime, qui tentait de fuir, aurait reçu au minimum six coups de couteau, dont au moins un à la hauteur des omoplates et dont un aurait tranché son nerf sciatique provoquant une paralysie de sa jambe gauche. 
Par jugement du 3 mars 2011, le Tribunal correctionnel du canton de Genève a déclaré A.________ coupable de menaces et d'infraction à l'art. 116 al. 1 let. a de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr; RS 142.20). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 360 jours-amende, sous déduction de 367 jours-amende, correspondant à 367 jours de détention avant jugement. En revanche, le Tribunal correctionnel a considéré qu'il "n'a pas pu être démontré au-delà de tout doute raisonnable que [le prénommé] ait agi en qualité de coauteur pour les faits survenus [le 27 février 2010], dans la mesure où il ne peut être établi qu'il était au courant de ce qui se passerait ni qu'il était présent": il l'a acquitté du chef d'accusation de lésions corporelles graves (art. 122 CP) et a ordonné sa libération immédiate en vertu de l'art. 231 al. 1 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0). Quant aux co-prévenus du prénommé, ils furent reconnus coupables de lésions corporelles graves et condamnés à des peines allant de 30 mois à 4 quatre ans et 6 mois de privation de liberté. 
A.________ et ses co-condamnés, ainsi que B.________ ont chacun formé appel de ce jugement auprès de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Lors de l'audience qui s'est tenue le 29 septembre 2011 en présence des parties, le Président de la Cour de justice a ordonné la délivrance d'un mandat d'amener contre A.________ en application de l'art. 232 al. 1 CPP. Il ressort du procès-verbal de ladite audience qu'un motif de détention nouveau est apparu en lien avec les charges qui se sont alourdies durant l'instruction du jugement d'appel, le risque de fuite étant accru par la peine risquant d'être prononcée (cause 1B_564/ 2011). 
Par arrêt du 30 septembre 2011, la Cour de justice a notamment reconnu A.________ coupable de lésions corporelles graves, de menaces et d'infraction à l'art. 116 al. 1 let. a LEtr. Elle l'a condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de la détention subie avant jugement et a ordonné la mise en détention de A.________ pour motifs de sûreté (cause 1B_565/2011). La motivation de ce jugement n'est pas encore parvenue aux parties. 
 
B. 
A.________ a déposé un seul recours en matière pénale contre "la décision du Président de la Chambre pénale d'appel et de révision du 29 septembre 2011 ordonnant la délivrance d'un mandat d'amener" (cause 1B_564/2011) et contre la décision de la Cour de justice du 30 septembre 2011 ordonnant sa mise en détention pour des motifs de sûreté (cause 1B_565/2011). Il demande au Tribunal fédéral d'annuler ces deux décisions, d'ordonner sa mise en liberté immédiate et de constater la violation de son droit à recevoir à brève échéance une motivation écrite de la décision ordonnant sa mise en détention. Il conclut subsidiairement au renvoi du dossier à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants, en particulier s'agissant des mesures de substitution susceptibles de parer au risque de fuite invoqué. Il requiert en outre l'assistance judiciaire. 
Invitée à se déterminer, la Cour de justice informe, le 17 octobre 2011, que l'arrêt motivé est en cours de rédaction. Le Ministère public s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et conclut à son rejet. Le recourant a répliqué. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recourant a déposé un seul recours contre deux actes qui concernent sa mise en détention pour des motifs de sûreté. Ces actes opposent les mêmes parties, ont trait à la même affaire et soulèvent des questions juridiques identiques. En outre, une partie des griefs formulés et des conclusions prises se rapporte indifféremment aux deux actes attaqués. Dans ces conditions, l'économie de la procédure justifie que les causes 1B_564/2011 et 1B_565/2011 soient jointes pour être traitées dans un seul et même arrêt (cf. art. 24 PCF, applicable par renvoi de l'art. 71 LTF). 
 
2. 
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre la décision de la Cour de justice du 30 septembre 2011 portant sur la mise en détention pour des motifs de sûreté au sens de l'art. 232 CPP. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 al. 2 LTF en relation avec l'art. 232 al. 2 CPP) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours contre cette décision est donc recevable. 
Vu l'issue du recours contre la décision du 30 septembre 2011 (cf. infra consid. 3), le recours contre le procès-verbal de l'audience du 29 septembre 2011, fût-il recevable, devient sans objet. 
 
3. 
Le recourant se plaint du fait que la Cour de justice n'a toujours pas communiqué la motivation écrite de sa mise en détention pour des motifs de sûreté durant la procédure d'appel. 
 
3.1 Conformément à l'art. 31 al. 3 Cst., toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable. 
A teneur de l'art. 232 al. 1 CPP, si des motifs de détention n'apparaissent que pendant la procédure devant la juridiction d'appel, la direction de la procédure fait amener immédiatement le prévenu par la police et l'interroge. L'alinéa 2 de cette disposition prévoit que la direction de la procédure de la juridiction d'appel statue dans les 48 heures à compter du moment où le prévenu lui a été amené; sa décision n'est pas sujette à recours. 
L'art. 226 al. 2 CPP s'applique par analogie à la décision de mise en détention pour des motifs de sûreté prise au sens de l'art. 232 CPP (Marc Forster, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n° 4 ad art. 232; Daniel Logos, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 22 ad art. 232 CPP). Or, l'art. 226 al. 2 CPP exige que la décision du Tribunal des mesures de contrainte portant sur la détention provisoire soit communiquée immédiatement et verbalement au ministère public, au prévenu et à son défenseur. La décision leur est en outre notifiée par écrit et brièvement motivée en principe dans un délai maximal de trois à quatre jours (Niklaus Schmid, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2009, n° 5 ad art. 226 CPP; Daniel Logos, op. cit., n° 14 ad art. 226 CPP), de deux jours ouvrables (Markus Hug, in Donatsch/Hansjakob/Lieber, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 2010, n° 6 ad art. 226 CPP), voire dans un délai de quelques heures dans des cas simples (Marc Forster, op. cit., n° 5 et 8 ad art. 226). 
 
3.2 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) l'obligation pour le juge de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités). 
 
3.3 En l'espèce, la décision attaquée, datée du 30 septembre 2011, ordonne la mise en détention du recourant pour des motifs de sûreté, sans la motiver. Dans ses déterminations devant le Tribunal de céans, datées du 17 octobre 2011, la Cour de justice indique que l'arrêt est en cours de rédaction. A ce jour, le recourant se trouve en détention pour des motifs de sûreté depuis près d'un mois et aucune motivation de la mise en détention ne lui est parvenue. Il y a donc violation crasse de l'art. 31 al. 3 Cst. et de l'art. 232 CPP en lien avec l'art. 226 al. 2 CPP, lesquels exigent qu'une décision de mise en détention prise durant la procédure d'appel soit brièvement et rapidement motivée. 
Il ressort certes du procès-verbal de l'audience du 29 septembre 2011 qu'un "motif de détention nouveau [est apparu] en lien avec les charges qui se sont alourdies durant l'instruction du jugement d'appel, le risque de fuite étant accru par la peine risquant d'être prononcée". Ce paragraphe, puisse-t-il être considéré comme une motivation de la décision du 30 septembre 2011, ne satisfait de toute façon pas aux exigences de motivation de l'art. 29 al. 2 Cst. 
 
3.4 En l'absence d'un état de fait auquel il est possible de rattacher la détermination juridique, faute de renseignements qui permettraient de justifier la mesure litigieuse et surtout de motivation topique, le Tribunal fédéral se trouve dans l'impossibilité de vérifier si les conditions de la mise en détention pour des motifs de sûreté sont réalisées. Cette absence de motivation ne satisfait dès lors pas aux exigences de l'art. 112 al. 1 let. b LTF
 
3.5 Lorsque le Tribunal fédéral constate que la procédure de mise en la détention n'a pas satisfait aux garanties constitutionnelles ou conventionnelles en cause, il n'en résulte pas obligatoirement que le prévenu doive être remis en liberté (ATF 116 Ia 60 consid. 3b p. 64; 115 Ia 293 consid. 5g p. 308; 114 Ia 88 consid. 5d p. 93). Tel est le cas en particulier lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée est partiellement annulée pour des raisons formelles liées à l'absence de motivation et que l'existence de motifs fondés de mise en détention pour des motifs de sûreté ne peut pas d'emblée être exclue. La conclusion prise en ce sens par le recourant doit donc être rejetée. Pour rétablir une situation conforme au droit, il appartiendra à la Cour de justice de motiver sa décision de mise en détention pour des motifs de sûreté, à réception de cet arrêt et dans le respect des garanties découlant des art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 LTF. 
 
4. 
Il s'ensuit que le recours doit être admis partiellement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant. La demande de mise en liberté immédiate est rejetée. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de l'Etat de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Dans ces conditions, sa demande d'assistance judiciaire est sans objet. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Les causes 1B_564/2011 et 1B_565/2011 sont jointes. 
 
2. 
Le recours est admis partiellement et l'affaire est renvoyée à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève pour motivation de sa décision de mise en détention pour des motifs de sûreté, à réception de cet arrêt. 
 
3. 
La demande de mise en liberté immédiate est rejetée. 
 
4. 
L'Etat de Genève versera au recourant une indemnité de 2'000 francs, à titre de dépens. 
 
5. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
6. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 27 octobre 2011 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Fonjallaz 
 
La Greffière: Tornay Schaller