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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_530/2020  
 
 
Arrêt du 15 juin 2021  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, juge présidant, Rüedi et May Canellas. 
Greffière: Monti. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. Société B.________, 
représentés par Me Antonio Rigozzi et 
Me Silja Schaffstein, 
défendeurs et recourants, 
 
contre  
 
Z.________ L td, 
représentée par Me Alexandra Johnson et Me Nadia Smahi, 
demanderesse et intimée. 
 
Objet 
arbitrage international; droit d'être entendu; 
autorité de chose jugée, 
 
recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 15 septembre 2020 par un Tribunal arbitral siégeant à Genève sous l'égide de la London Court of International Arbitration (LCIA, Case No.163535). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le groupe G.________, issu d'une affaire fondée par le grand-père de A.________, est un important producteur et distributeur actif principalement en Inde, au Moyen-Orient et en Afrique. 
Le groupe est chapeauté par une holding dénommée... Holdings. A.________ et sa famille possèdent 59,83% de son capital-actions via la société mauricienne B.________. 
La société de droit mauricien Z.________ Ltd a investi dans ce groupe. Elle détient désormais 40,17% des actions de la holding, plus une créance importante envers le groupe. 
La gouvernance du groupe a fait l'objet d'une convention d'actionnaires ( Subscription and Shareholders' Deed) soumise au droit anglais, amendée à plusieurs reprises. Cet accord contenant une clause compromissoire lie notamment la holding du groupe, A.________, Société B.________ et Z.________ Ltd.  
Il énonce une liste d'actes relevant du domaine réservé. Les "parties A.________" (dont A.________ et Société B.________) s'engagent à ce qu'aucune société du groupe n'entreprenne de tels actes sans avoir recueilli l'accord écrit de Z.________ Ltd. 
La convention contient des clauses permettant à Z.________ Ltd de réaliser son investissement et de sortir du groupe. En dernier recours, Z.________ Ltd peut demander la vente de 100% des participations dans les sociétés concernées en exigeant des autres actionnaires qu'ils vendent au même prix qu'elle ( Drag Sale).  
Enfin, une clause 16.4 confère à Z.________ Ltd un droit d'action directe contre les "parties A.________", pour son propre compte ou celui d'une société du groupe. Les "parties A.________" s'engagent solidairement à l'indemniser pour toute perte résultant de la violation d'obligations contractuelles. 
Le 1er avril 2011, A.________ est devenu directeur exécutif de la holding, au bénéfice d'un "contrat de travail" conclu avec cette dernière ( Employment Contract ou Service Contract, selon l'expression utilisée dans la sentence objet du présent recours).  
En août 2014, un certain P.________ a été nommé président-directeur général du groupe ( Chief Executive Officer; ci-après: le PDG).  
Le groupe a enregistré de mauvais résultats financiers, générant des tensions entre actionnaires qui se sont cristallisées notamment sur la personne du PDG. Le 18 décembre 2016, A.________ a décidé de suspendre le PDG et d'assumer lui-même cette fonction ad interim, sans avoir recueilli le consentement de Z.________ Ltd. Le 20 décembre 2016, la holding du groupe, représentée par les directeurs de Z.________ Ltd, a obtenu de la Haute Cour de justice anglaise et galloise ( High Court of Justice of England and Wales) qu'elle enjoigne à A.________ de cesser ses agissements. Cette autorité a encore étendu les injonctions ultérieurement, notamment par décision du 26 mars 2018 ( "Final Relief Judgment", cf. consid. 6.4 infra).  
 
B.  
 
B.a. Le 22 décembre 2016, Z.________ Ltd a saisi la London Court of International Arbitration (LCIA) d'une requête d'arbitrage dirigée contre A.________ et Société B.________. Elle s'appuyait sur la clause compromissoire insérée dans la convention d'actionnaires.  
La demande contenait trois types de conclusions: 
 
- des conclusions en constatation de droit relatives à la suspension du PDG P.________ et à la prise de cette fonction ad interim par A.________. Ces actes devaient être déclarés invalides au motif qu'ils relevaient du domaine réservé, avaient été accomplis sans l'accord de Z.________ Ltd et violaient de ce fait la convention d'actionnaires;  
- des conclusions enjoignant respectivement à A.________ de cesser ses comportements et aux deux défendeurs de veiller à ce qu'aucune société du groupe n'agisse dans le domaine réservé, 
- enfin, des conclusions en paiement de dommages-intérêts. 
Les défendeurs ont déposé une réponse le 17 janvier 2017. 
Sous l'égide de la LCIA s'est constitué un Tribunal composé de trois arbitres. Conformément à la clause compromissoire, son siège a été fixé à Genève en Suisse tandis que l'anglais était désigné comme langue de la procédure. Les Règles d'arbitrage LCIA ( LCIA Arbitration Rules, dans leur teneur au 1er octobre 2014) ont été déclarées applicables.  
 
B.b. Le 16 mars 2017, la demanderesse a proposé aux défendeurs de suspendre l'arbitrage en raison de la procédure initiée par la holding du groupe auprès de la Haute Cour de justice anglaise, instance devant laquelle elle était attraite, tout comme A.________. Elle leur suggérait en outre de consentir à être liés par toute décision que cette autorité serait amenée à rendre, notamment quant à l'interprétation de la convention d'actionnaires.  
Le 17 mars 2017, les défendeurs ont déclaré consentir à la proposition de suspendre l'arbitrage, sans préjudice des prétentions qu'ils pourraient émettre contre Z.________ Ltd dans la procédure anglaise. 
Le Tribunal arbitral a suspendu la procédure par ordonnance du 19 avril 2017. 
La Haute Cour de justice, en la personne du Juge J.________, a rendu un jugement le 13 décembre 2017 ( "Liability Judgment", selon l'expression utilisée par les arbitres; cf. au surplus consid. 6.4 infra). La demanderesse l'a produit dans l'arbitrage le 29 décembre 2017, assorti d'un projet de "décision par consentement" ( Consent Award). Celui-ci reflétait certains pans du jugement rendu par la Haute Cour ainsi que les injonctions délivrées par cette autorité.  
Le 3 janvier 2018, les défendeurs ont confirmé aux arbitres qu'ils approuvaient cette lettre du 29 décembre 2017 et ses annexes, contenant le projet de décision précité. 
 
B.c. Le 27 février 2018, la demanderesse a requis l'autorisation de modifier sa demande au motif que deux nouveaux litiges avaient surgi en lien avec la convention d'actionnaires: le premier concernait son droit à la mise en oeuvre d'une vente forcée des actions ( Drag Sale); le second résidait dans l'introduction d'une action en liquidation à Dubaï ( Winding Up Claim). Considérant que la Haute Cour anglaise avait tranché bon nombre des questions soulevées dans sa demande initiale, elle sollicitait une "sentence finale partielle" reflétant les termes du jugement anglais et maintenait au surplus ses conclusions en dommages-intérêts.  
L'intéressée a déposé une demande modifiée le 9 avril 2018. 
 
B.d. Le 9 mai 2018, le Tribunal arbitral a rendu une sentence contenant des constatations de droit et des injonctions par laquelle elle réglait le sort d'une partie des conclusions de la demanderesse.  
Dans ses considérants, le Tribunal a expliqué en substance que l'accord exprès des parties sur les constatations effectuées dans le projet de "décision par consentement" le dispensait d'examiner le bien-fondé des prétentions concernées. Il convenait d'enregistrer cet arrangement à l'amiable conformément à l'art. 26.9 des Règles d'arbitrage LCIA. 
Cette décision a été confirmée le 6 septembre 2018, après que le Tribunal arbitral eut changé de président. La nationalité du précédent président avait suscité un incident ayant conduit l'intéressé à démissionner. Cela étant, la nouvelle formation ne voyait aucun motif d'annuler la sentence du 9 mai 2018, sachant que les défendeurs avaient donné leur consentement et que les arbitres avaient effectué des modifications sur des points mineurs uniquement. 
 
B.e. Le 15 novembre 2018, le Tribunal arbitral a rendu une sentence partielle constatant que la demanderesse était habilitée à mettre en oeuvre une vente forcée des actions ( Drag Sale) dès le 1er janvier 2018. A.________ et Société B.________ ont saisi le Tribunal fédéral suisse d'un recours qu'ils ont ensuite retiré; la cause a été rayée du rôle (4A_3/2019, ordonnance du 11 avril 2019).  
 
B.f. Les 28 février et 23 avril 2020, Z.________ Ltd a déposé une demande et des conclusions réactualisées. Les défendeurs n'ont pas produit de réponse.  
 
B.g. Le 21 mai 2020, les arbitres ont tenu une audience par vidéo-conférence après avoir rejeté la requête de report présentée par les défendeurs (cf. consid. 5.3 infra).  
 
B.h. Le Tribunal arbitral a rendu sa sentence finale le 15 septembre 2020.  
Dans son dispositif, il a effectué les quatre constatations suivantes (n. 135) : 
 
1) A.________ a violé son contrat de travail et la convention d'actionnaires 
i) en suspendant P.________, en s'installant lui-même comme PDG du groupe le 18 décembre 2016, puis en licenciant quatre cadres supérieurs ( senior employees),  
ii) en menant une campagne soutenue d'abus agressifs ( aggressive abuse) et d'obstruction contre la direction du groupe,  
iii) en incitant ou en encourageant le syndicat à exclure la direction des locaux de l'usine de U.________ (en Inde), et 
iv) en mettant sur pied une structure de direction parallèle. 
Le prénommé a poursuivi ses agissements après la résiliation de son contrat de travail, comme l'a constaté le Final Relief Judgment [rendu le 26 mars 2018 par la Haute Cour de justice anglaise, réd.].  
2) A.________ a encore contrevenu à la convention d'actionnaires en introduisant le 20 janvier 2018 à Dubaï une action ( Winding Up Claim) visant à mettre sous curatelle une société du groupe (Q.________ Ltd) sans avoir obtenu le consentement préalable de Z.________ Ltd.  
3) Ce faisant, il a aussi violé son obligation de coopérer et de ne pas entraver la vente forcée d'actions ( Drag Sale), découlant de la même convention d'actionnaires.  
4) Les deux défendeurs A.________ et Société B.________ sont solidairement tenus d'indemniser la demanderesse pour toute perte subie par une société du groupe résultant de contraventions du prénommé à la convention d'actionnaires et au contrat de travail. 
Le Tribunal arbitral a par ailleurs alloué à la demanderesse des dommages-intérêts de USD 8'167'399, portant intérêt à 5% l'an à compter de la sentence (dispositif, n. 136-137 de la sentence). 
Dans les considérants précédant ce dispositif, le Tribunal a expliqué qu'une grande partie des violations contractuelles alléguées avaient été établies par les jugements rendus par la Haute Cour anglaise, dont il convenait de reprendre telle quelle l'analyse (cf. consid. 6.5 infra).  
Le Tribunal a ensuite traité en détail les différents postes du dommage occasionné par le comportement de A.________, comprenant en substance: 
 
- un manque à gagner sur les ventes de détail en Inde, 
- le report ou l'annulation de projets destinés à réduire les coûts, 
- le retard ou l'annulation d'innovations concernant le design et la mise à jour de produits, destinés à augmenter les ventes, 
- des coûts salariaux dus au refus de licencier des employés peu performants, 
- des pertes de temps pour la direction contrainte de gérer les perturbations causées par le prénommé, 
- des augmentations de salaires pour retenir les employés échaudés par le conflit, 
- des coûts consécutifs au blocus de l'usine de U.________, 
- des frais inhérents à diverses procédures civiles et pénales introduites par A.________ et ses hommes, et enfin 
- les frais occasionnés par l'introduction de l'action à Dubaï. 
Le 2 octobre 2020, à l'initiative de la demanderesse, le Tribunal arbitral a rectifié sa sentence en s'appuyant sur l'art. 27 des Règles d'arbitrage LCIA. Il a porté le montant de la condamnation à USD 9'366'603. En définitive, il a entièrement admis les conclusions de la demande amendée le 23 avril 2020. 
 
C.  
Le 14 octobre 2020, A.________ et Société B.________ ont saisi le Tribunal fédéral suisse d'un recours en matière civile visant à faire annuler la sentence finale. 
A la requête de l'intimée Z.________ Ltd, les recourants ont été astreints à fournir 35'000 fr. de sûretés en garantie de ses éventuels dépens (ordonnance du 10 décembre 2020). Ils se sont exécutés en temps utile. 
L'intimée a déposé une réponse concluant à l'irrecevabilité du recours, respectivement à son rejet sur le fond. 
Les recourants ont répliqué, suscitant une duplique de leur adverse partie. 
Le Président du Tribunal arbitral s'est référé aux motifs de la sentence. Alors qu'il avait été invité à produire le dossier de la cause, il a indiqué avoir demandé aux parties de se concerter et de produire les documents topiques. 
De fait, les parties ont joint diverses pièces à l'appui du recours, de la demande de sûretés en garantie des dépens, de la réponse et de la duplique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral doit rédiger son arrêt dans une des quatre langues officielles, en règle générale celle de la décision attaquée. Lorsque celle-ci est rendue dans une autre langue (ici l'anglais), la pratique veut qu'on adopte la langue officielle utilisée dans le recours, qui est en l'occurrence le français (ATF 142 III 521 consid. 1; arrêt 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 1). 
 
2.  
 
2.1. Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable aux conditions des art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 let. a LTF). La sentence arbitrale ne peut être attaquée que pour les motifs énoncés exhaustivement à l'art. 190 al. 2 LDIP.  
L'admission du recours conduit à annuler la sentence et non à la réformer, sous réserve de cas ayant trait à la compétence du tribunal arbitral (cf. art. 77 al. 2 LTF restreignant la portée de l'art. 107 al. 2 LTF; ATF 136 III 605 consid. 3.3.4; arrêt 4A_476/2020 du 5 janvier 2021 consid. 2.2). 
In casu, la nature internationale de l'arbitrage et l'applicabilité du chapitre 12 de la LDIP (cf. art. 176 al. 1 LDIP) ne sont pas litigieuses.  
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, des motifs invoqués, des conclusions prises par les recourants ou encore du délai de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne prête à discussion. A ce stade, on réservera la recevabilité des divers moyens soulevés, à l'aune des exigences rappelées ci-dessous. 
 
2.2. L'autorité de céans examine les seuls griefs qui ont été invoqués et motivés par le recourant (art. 77 al. 3 LTF). Celui-ci doit satisfaire aux règles strictes prévalant pour le grief de violation des droits constitutionnels (cf. art. 106 al. 2 LTF; arrêt précité 4A_476/2020 consid. 2.3; arrêt 4A_600/2020 du 27 janvier 2021 consid. 5.1).  
 
2.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits retenus dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il est également lié par les constatations sur le déroulement de la procédure, qu'elles portent sur les faits allégués, les conclusions des parties, les explications juridiques données par ces dernières ou les déclarations faites en cours de procès (arrêt 4A_346/2020 du 6 janvier 2021 consid. 5.2; arrêt précité 4A_476/2020 consid. 2.4).  
 
3.  
Les recourants invoquent deux motifs d'annulation prévus par l'art. 190 al. 2 LDIP soit, d'une part, la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire et du principe d'égalité des parties (let. d) et, d'autre part, l'incompatibilité avec l'ordre public (let. e). Ils ciblent deux problématiques distinctes: 
 
- le refus de reporter l'audience du 21 mai 2020; 
- le fait d'avoir conféré l'autorité de la chose jugée aux jugements anglais et, plus généralement, d'avoir retenu sans discussion factuelle ni juridique le principe d'une responsabilité contractuelle des défendeurs. 
Ces deux branches de griefs seront examinées successivement. Au préalable, une remarque doit être faite concernant la technique rédactionnelle adoptée par la formation arbitrale. 
 
4.  
Le présent litige introduit en décembre 2016 a connu moult rebondissements procéduraux. Il ne représente qu'un aspect des graves dissensions qui divisent des actionnaires désormais à couteaux tirés. Le Tribunal arbitral a renoncé à présenter la situation globale et à retracer le déroulement complet de la procédure, renvoyant à de précédentes décisions rendues les 15 novembre 2018 et 6 septembre 2018 (cette dernière redirigeant le lecteur vers une sentence antérieure du 9 mai 2018), ou encore à son ordonnance rendue sur le siège le 21 mai 2020. Qui plus est, les arbitres ont attribué un effet contraignant aux jugements de la Haute Cour anglaise, qu'ils ont "incorporés" à leur sentence. Cette technique de poupées russes ne facilite pas l'appréhension du litige, pour employer un euphémisme. Cela étant, si les recourants fustigent le "minimalisme" de la sentence attaquée, ils ne soutiennent pas qu'elle contreviendrait aux règles de forme adoptées par les parties ou aux exigences minimales applicables à titre subsidiaire (sur cette question, cf. art. 189 LDIP; WIRTH/MAGLIANA, in Basler Kommentar, 4e éd. 2020, n° 36 ad art. 189 LDIP; CHRISTIAN OETIKER, in Zürcher Kommentar, vol. II, 3e éd. 2018, nos 54-56 ad art. 189 LDIP; ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, 2011, nos 7-9 ad art. 189 LDIP). 
La cour de céans se contentera de préciser que la lecture des différentes sentences arbitrales et des jugements anglais permet finalement de reconstituer le puzzle et d'y trouver les éléments nécessaires pour répondre aux griefs. Le résumé des faits présenté ci-dessus intègre des éléments recueillis dans les décisions auxquelles renvoie la sentence finale. 
 
I. Refus de reporter l'audience du 21 mai 2020  
 
5.  
 
5.1. Les recourants reprochent au Tribunal arbitral d'avoir rejeté leur demande de reporter l'audience de quelques semaines, les privant ainsi de la possibilité de présenter une défense, de contre-interroger les témoins et de faire valoir leurs arguments. Leur requête, répétée à plusieurs reprises, reposait pourtant sur des circonstances exceptionnelles, soit la crise liée au coronavirus COVID-19. Les arbitres auraient de surcroît traité inégalement les parties en accordant un report à l'intimée.  
 
5.2. Tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, le droit d'être entendu confère aux parties la faculté d'exposer tous leurs arguments de fait et de droit sur l'objet du litige, de proposer leurs moyens de preuve sur les faits pertinents, de participer aux audiences et de se faire représenter ou assister devant les arbitres. Quant au principe de contradiction, il garantit à chaque partie le droit de se déterminer sur les moyens de son adversaire, d'examiner et de discuter les preuves rapportées par celui-ci et de les réfuter par ses propres preuves. Enfin, en vertu du principe d'égalité, le tribunal arbitral doit traiter les parties de manière semblable à toutes les étapes de la procédure. Celle-ci doit être réglée et conduite de manière à ce que chaque partie ait les mêmes possibilités de faire valoir ses moyens (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1; 133 III 139 consid. 6.1 p. 143).  
 
5.3. Il sied au préalable de relater les faits relatifs à l'organisation de l'audience litigieuse, sous une forme quelque peu résumée.  
Après que les défendeurs/recourants eurent retiré leur recours contre la sentence partielle du 15 novembre 2018 (let. B.e supra), le Tribunal arbitral a interpellé les parties sur les suites de la procédure. La demanderesse/intimée a suggéré la tenue d'une audience en mars 2020 et proposé un calendrier procédural. Les défendeurs, par l'entremise d'une étude d'avocats (M.________), ont invoqué des difficultés logistiques à traiter de concert le présent arbitrage et un arbitrage parallèle impliquant huit parties (dont celles au présent litige, réd.); il n'y avait selon eux aucune urgence à régler les questions encore litigieuses, qui étaient restreintes. Ils ont suggéré d'attendre le prononcé d'une sentence dans l'arbitrage parallèle, ce qui aurait fait débuter le calendrier procédural en avril 2020 au plus tôt.  
Dans une conférence téléphonique du 6 décembre 2019, A.________ a renouvelé son opposition au calendrier proposé par la partie adverse en évoquant la possibilité d'ajouter des preuves sur le droit des Emirats arabes unis. 
Le 11 décembre 2019, une nouvelle étude d'avocats (N.________) a informé le tribunal qu'elle représentait désormais les défendeurs avec l'assistance de Me O.________, avocat indien qui avait déjà collaboré avec la précédente étude. Le 16 décembre 2019, la nouvelle représentante a invoqué des difficultés logistiques dans d'autres affaires non liées et a suggéré une audience en septembre 2020. Jugeant cette date trop reculée, le Tribunal a proposé une audience en juin 2020. 
Le 4 février 2020, la représentante des défendeurs a requis la clôture de l'arbitrage au motif que les prétentions émises par la demanderesse avaient été pour l'essentiel tranchées par les décisions partielles du Tribunal arbitral et par la High Court of Justice; dans la mesure où certaines questions restaient en suspens, elles devraient être traitées soit dans un nouvel arbitrage, soit dans l'arbitrage à huit parties. Le Tribunal a rejeté cette requête par ordonnance du 2 mars 2020.  
Dans l'intervalle, l'étude N.________ a annoncé qu'elle ne représentait plus les défendeurs et que Me O.________ se retirait aussi. 
Le 28 février 2020, la demanderesse a déposé une demande réactualisée et des déclarations de trois témoins. Les défendeurs n'ont pas produit de réponse. 
Le 25 mars 2020, le Tribunal a invité les parties à indiquer si l'audience agendée en juin 2020 pourrait se tenir par vidéo-conférence, vu la crise du virus COVID-19. 
La demanderesse a répondu par l'affirmative. Le 9 avril 2020, A.________ a renouvelé la demande de clôturer l'arbitrage, prétendant qu'ils n'étaient pas en mesure d'engager une étude d'avocats à cause de la pandémie et s'opposant à tout calendrier suggéré par la partie adverse ou le tribunal. 
Le Tribunal a refusé de reconsidérer sa décision, reprochant aux défendeurs de ne pas démontrer l'impossibilité d'engager un nouveau conseil. Il a proposé une audience par vidéo-conférence le 7 mai 2020, tout en invitant les parties à indiquer rapidement si elles souhaitaient un ajustement de cette date en raison de la pandémie. La demanderesse ayant invoqué des difficultés logistiques, le Tribunal a repoussé l'audience au 21 mai 2020, non sans recommander aux parties d'annoncer promptement si cette date posait problème. Les défendeurs n'ont pas réagi. 
Le Tribunal et les avocats de la demanderesse ont alors échangé des courriels concernant notamment un test de l'installation de vidéo-conférence. Les défendeurs n'y ont pas participé, pas plus qu'à l'essai effectué. 
Constatant que les défendeurs n'avaient fourni aucune réponse ni déclarations de témoins dans les délais prévus, le Tribunal a demandé par trois fois à A.________ d'indiquer si les défendeurs entendaient participer à l'audience du 21 mai 2020. L'intéressé n'a pas donné suite. 
Le 20 mai 2020, A.________ a fait savoir peu après 17 heures qu'il serait pour lui deux heures du matin lorsque débuterait l'audience agendée le lendemain à 10 heures du matin, heure anglaise. Plus tard dans la soirée, Me O.________ a annoncé qu'il représentait à nouveau les défendeurs, a sollicité la tenue d'une audience en présentiel plutôt que par vidéo-conférence et a demandé un report pour la fin août 2020, vu les difficultés inhérentes à la crise du coronavirus COVID-19. 
L'audience s'est tenue par vidéo-conférence le 21 mai 2020. Comparaissant pour les défendeurs, l'avocat O.________ a requis un report au mois de juillet, au motif qu'il n'était pas prêt à traiter des thématiques soulevées par la demanderesse. Il expliquait avoir été mandaté la veille au soir et n'avoir reçu aucune instruction. 
Le Tribunal a refusé le report d'audience. Dans sa décision rendue sur le siège, il a souligné en substance que l'art. 14 des Règles d'arbitrage LCIA lui enjoignait de conduire la procédure avec célérité. Les questions restant à trancher après la sentence partielle perduraient depuis fort longtemps, et le Tribunal s'était efforcé de faire avancer la procédure pour les résoudre rapidement, volonté qui était patente pour les défendeurs. Leurs changements réitérés d'avocats avaient provoqué des retards; si tel était leur droit, les défendeurs devaient cependant coopérer avec le Tribunal. Après son refus de clôturer la procédure, les défendeurs auraient pu indiquer s'ils avaient des difficultés avec le calendrier procédural, ce qu'ils n'avaient pas fait. Ils n'avaient pas non plus réagi lorsque le Tribunal avait accepté de repousser la date d'audience sur requête de la demanderesse. Par ailleurs, les défendeurs ne contestaient pas avoir été assistés par des avocats devant la High Court of Justiceentre février et avril 2020, parfois même par Me O.________; ils n'expliquaient pas pour quelle raison ils n'avaient pu faire de même dans la présente procédure. En bref, les défendeurs avaient eu toute latitude de participer à la procédure en fournissant des preuves, en faisant des requêtes écrites et orales, mais aussi en annonçant bien avant l'audience s'ils étaient empêchés d'y participer. Or, un tel empêchement n'avait été invoqué qu'à 23 heures la veille de l'audience.  
Confronté au refus du report d'audience, l'avocat O.________ a décliné l'offre de participer à celle-ci ou d'y assister et s'est retiré après avoir réservé les droits de ses clients. 
Le Tribunal a auditionné trois témoins (dont P.________) qui avaient également été entendus par le juge anglais. A l'issue de l'audience, il a imparti aux parties un délai de 14 jours pour faire des réquisitions écrites en lien avec les frais et a déclaré l'arbitrage clos, sauf sur cette question et sur le prononcé de la sentence finale. 
 
5.4. Les recourants ont attendu la notification de la sentence finale pour contester le refus du report d'audience. Peut-on leur reprocher de ne pas s'être opposés catégoriquement au prononcé de la sentence et de ne pas avoir insisté pour obtenir la tenue d'une nouvelle audience?  
Le principe de la bonne foi impose au justiciable de signaler à temps les éventuels vices de procédure pour tenter d'obtenir leur réparation pendente lite, plutôt que de garder un tel moyen en réserve et ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure arbitrale. L'inobservation de cette obligation est habituellement sanctionnée par la péremption (arrêts 4A_40/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3.3.1 et 3.3.3; 4A_70/2015 du 29 avril 2015 consid. 3.2.1; ATF 119 II 386 consid. 1a p. 388; cf. la réserve émise pour les vices graves devant être redressés d'office: arrêt 4P.282/2001 du 3 avril 2002 consid. 8).  
En l'occurrence, la contravention aux règles de la bonne foi n'est pas évidente, sachant que le Tribunal avait prononcé la clôture de la procédure sauf pour la question des frais. Les recourants se heurtent de toute façon à un autre écueil que l'éventuelle forclusion de leur droit. 
 
5.5. Les recourants ne contestent ni l'ancienneté du litige, ni l'exigence de célérité. Pas davantage ne disputent-ils les retards dus à leurs changements d'avocats et leur devoir de coopérer avec le Tribunal.  
Selon leur thèse, la pandémie les aurait placés dans une situation exceptionnelle qui aurait justifié un report de quelques semaines. Il appert toutefois qu'avant même la crise du virus COVID-19, les recourants cherchaient déjà à repousser la prise de décision finale, reconnaissant même expressément l'absence d'urgence à régler les questions encore litigieuses. Ils ont invoqué par deux fois des difficultés logistiques, utilisant tout d'abord l'argument d'un arbitrage parallèle sans que sa pertinence soit démontrée, puis celui d'une mandataire prétendument occupée par d'autres affaires alors qu'elle venait d'être désignée. Ils ont en outre évoqué la possibilité d'ajouter des preuves sur un droit étranger sans qu'on sache s'ils se sont exécutés. Ils ont sollicité une première fois la clôture de la procédure au motif que les points litigieux devraient être traités dans une autre procédure. Après que leur nouvelle mandataire eut annoncé la fin de sa mission le 28 février 2020, ils n'ont plus réagi jusqu'au 9 avril 2020, date à laquelle ils ont derechef requis la clôture de la procédure, en arguant cette fois-ci de leur incapacité à trouver une étude d'avocats dans le contexte de la pandémie. lls n'ont pas réagi lorsque le Tribunal leur a reproché de ne pas démontrer un tel empêchement et n'ont pas donné suite à ses interpellations, s'abstenant de participer aux préparatifs techniques de la vidéo-conférence. Ils se sont manifestés la veille de l'audience seulement, représentés par l'avocat indien qui avait déjà participé à leur défense.  
Les recourants ont versé dans le paradoxe en exigeant une audience en présentiel plutôt qu'une vidéo-conférence en plein coeur du virus COVID. Par ailleurs, ils minimisent à tort le fait qu'à la même époque, ils sont parvenus à se faire représenter dans les procédures anglaises, notamment par Me O.________. Placé sous un tel éclairage, l'argument selon lequel il n'aurait pas été possible de trouver un défenseur à cause de la crise du COVID apparaît spécieux. Quant au moyen pris de la difficulté à réunir des contre-témoins et experts en pleine pandémie, il aurait éventuellement pu faire mouche s'il n'avait été formulé de façon aussi vague et imprécise, et s'il avait été exprimé avant le présent recours, ce que la sentence ne constate pas. Les recourants se sont bien gardés d'indiquer ne serait-ce que brièvement quels témoins et experts ils se proposaient de faire intervenir, et sur quelles questions. La crédibilité de ce moyen s'en trouve irrémédiablement compromise. 
Les recourants n'établissent pas avoir été réellement empêchés de déposer une réponse et des déclarations de témoins. Ils n'expliquent pas davantage ce qui les a retenus de se manifester et d'exposer leurs prétendues difficultés lorsque le Tribunal les interpellait. Par ailleurs, dans leur recours, ils ne cherchent en aucune façon, même sommaire, à démontrer quels éléments de preuve, quels arguments de fait ou de droit pertinents ils auraient pu présenter s'ils avaient bénéficié du report demandé pour soi-disant préparer utilement leur défense (cf. arrêt précité 4A_70/2015 consid. 3.2.2 i.f.). Or, si le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle d'ordre formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond, on attend du justiciable qu'il explique quelle influence le vice dénoncé a pu avoir sur la procédure lorsqu'elle n'est pas d'emblée perceptible (arrêt 4A_198/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4.2 et les réf. citées; ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1). Le silence des recourants sur ce point ne fait que renforcer la conviction que les prétendues difficultés à trouver un avocat et à rassembler des preuves en plein COVID n'étaient qu'un prétexte.  
Dans cette configuration, les arbitres pouvaient refuser le report d'audience sans enfreindre le droit d'être entendus des recourants. 
 
5.6. Les recourants dénoncent également une violation du principe de l'égalité de traitement. Ils reprochent au Tribunal arbitral d'avoir fait droit à la requête de la partie adverse en acceptant de repousser la date d'audience du 7 au 21 mai 2020 sous couvert de problèmes logistiques.  
La sentence ne précise pas quelles étaient ces questions logistiques ( certain logistical issues for the hearing). Il appert toutefois que la demanderesse/intimée a collaboré avec les arbitres pour faire avancer la procédure et trouver un calendrier, tentant d'obtenir une audience en mars 2020 déjà. Dans le contexte du COVID, le Tribunal arbitral a proposé une vidéo-conférence en lieu et place de l'audience agendée en juin 2020, dont il a fixé la date au 7 mai 2020. Conscient des difficultés dues à la pandémie, il a invité les parties à indiquer si elles voulaient proposer un ajustement de cette date, précisant qu'il s'efforcerait de donner suite aux requêtes raisonnables. C'est dans ce contexte que la demanderesse a invoqué des problèmes logistiques. Le Tribunal a alors repoussé la date au 21 mai 2020, sans avoir consulté les défendeurs/recourants il est vrai, mais en recommandant aux parties de signaler dès que possible les éventuelles difficultés inhérentes à cette date. Or, les intéressés n'ont pas réagi (si ce n'est à la veille de l'audience).  
On ne saurait reprocher au Tribunal arbitral d'avoir traité de façon disparate deux situations semblables, puisqu'à l'évidence celles-ci ne l'étaient pas. 
 
5.7. En bref, les moyens tirés de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP se révèlent inconsistants en tant qu'ils ciblent le refus de reporter l'audience.  
II. Autorité de la chose jugée des jugements rendus par la High Court of Justiceet droit d'être entendu  
 
6.  
 
6.1. Dans un second grief bicéphale, les recourants se plaignent d'une violation simultanée de l'ordre public procédural et de leur droit d'être entendus. Le Tribunal arbitral aurait attribué indûment l'autorité de la chose jugée aux décisions rendues par la High Court of Justice, au mépris de la conception suisse s'imposant en la matière. Il aurait méconnu que seul le dispositif d'une décision peut être revêtu d'une telle autorité, à l'exclusion des considérants. Qui plus est, les procédures anglaise et arbitrale n'avaient pas le même objet, et Société B.________ n'était pas partie à la première. Enfin, le Tribunal aurait enfreint son devoir minimal d'examiner les problèmes pertinents en retenant sans autre leur responsabilité contractuelle.  
 
6.2. Le moyen tiré de l'ordre public procédural sera traité en premier. Son examen nécessite de rappeler les contours de la notion d'autorité de la chose jugée (consid. 6.3). L'on résumera ensuite la teneur des jugements anglais (consid. 6.4), avant de présenter la motivation des arbitres (consid. 6.5) et de statuer sur cette première branche de grief (consid. 6.6). Il sera ensuite temps de traiter l'argument tiré du droit d'être entendu (consid. 6.7).  
 
6.3. L'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP comporte une facette procédurale (ATF 141 III 229 consid. 3.2.1).  
Selon la jurisprudence, un tribunal arbitral viole l'ordre public procédural s'il statue sans tenir compte de l'autorité de la chose jugée d'une décision antérieure ou s'il s'écarte, dans sa sentence finale, de l'opinion qu'il avait émise dans une sentence préjudicielle tranchant une question préalable de fond (ATF 140 III 278 consid. 3.1 p. 279; 136 III 345 consid. 2.1 p. 348). Dans un obiter dictum, la cour de céans a précisé qu'une telle atteinte peut aussi résulter du fait qu'un Tribunal arbitral attribue à tort l'autorité de chose jugée à une précédente sentence arbitrale et renonce à examiner une question alors que la prétention litigieuse n'est pas identique à celle déjà jugée (ATF 141 III 229 consid. 3.2.6 p. 239 i.f.). Cette analyse est approuvée par BERNHARD BERGER. Cet auteur fait observer que dans cette constellation, il n'y a aucun risque de voir coexister deux décisions contradictoires simultanément exécutoires; or, c'est précisément cet élément qui est jugé contraire à l'ordre public (cf. ATF 127 III 279 consid. 2b). Cela étant, un tribunal qui s'estimerait à tort lié par un jugement antérieur commettrait un déni de justice et enfreindrait le droit à un procès équitable, lequel ressortit aussi à l'ordre public procédural (BERNHARD BERGER, No Force of Res Judicata for an Award's Underlying Reasoning, in Bulletin ASA 2015 p. 656 s.).  
Dans la conception suisse, seul le dispositif de la décision est revêtu de l'autorité de la chose jugée, à l'exclusion de ses considérants, ce quand bien même l'analyse de ceux-ci est parfois nécessaire à la compréhension de celui-là (ATF 141 III 229 consid. 3.2.6 p. 238; 128 III 191 consid. 4a p. 195). 
Certains pays (de common lawen particulier) ont une définition plus large de l'autorité de la chose jugée et connaissent l' issue estoppel ou issue preclusion : les questions de fait et/ou de droit constituant le fondement nécessaire et essentiel d'une décision finale prise par une autorité compétente ne peuvent être à nouveau jugées dans une procédure subséquente entre les mêmes parties ou leurs ayants droit, même si l'action repose sur une autre cause (cf. EDITH CHARBONNEAU, Préclusion, Res Judicataet Préclusion découlant d'une question déjà tranchée: Des éclaircissements s'imposent!, in Revue du Barreau canadien 2015, vol. 93 n° 2, p. 373-375 et 386 ss [accessible sur le site Internet www. canlii.org]; SILJA SCHAFFSTEIN, The Doctrine of Res Judicata Before International Commercial Arbitral Tribunals, 2016, n. 1.24-1.25 et 6.75).  
Selon la jurisprudence suisse, l'autorité de la chose jugée vaut également sur le plan international, pour autant que la décision étrangère (émanant d'un tribunal étatique ou arbitral) puisse être reconnue en Suisse (ATF 141 III 229 consid. 3.2.2; 127 III 279 consid. 2b p. 283). Cependant, un jugement étranger reconnu ne peut avoir en Suisse que l'autorité qui serait la sienne s'il émanait d'un tribunal étatique suisse ou d'un tribunal arbitral sis en Suisse. Ainsi, quand bien même, selon la loi de l'Etat d'origine ( lex loci decisionis), l'autorité s'étendrait aux motifs sous-tendant ledit jugement, elle ne sera admise en Suisse que pour les chefs de son dispositif (ATF 141 III 229 consid. 3.2.3; 140 III 278 consid. 3.2).  
Un tribunal arbitral sis en Suisse doit donc déterminer l'autorité d'une décision antérieure à l'aune de la lex fori, i.e des principes développés par le Tribunal fédéral en matière d'autorité de la chose jugée, sauf disposition contraire d'un traité international (BERGER, op. cit., Bulletin ASA 2015 p. 645).  
Une partie de la doctrine, à l'instar de l'Association de droit international, souhaiterait imposer une notion plus large de l'autorité de la chose jugée dans les affaires d'arbitrage commercial international, en distinguant parfois selon la juridiction (étatique ou arbitrale) dont émane la première décision et selon la nature de la question déjà tranchée (principale ou préjudicielle) (SCHAFFSTEIN, op. cit., n. 6.73 ss; cf. Recommandation n° 4 de l'ILA [ International Law Association], reproduite dans l'ouvrage précité en n. 6.195, laquelle ne règle toutefois pas les rapports entre tribunaux étatiques et arbitraux).  
Le Tribunal fédéral s'y est refusé (ATF 141 III 229 consid. 3.2.5). D'aucuns le regrettent, tout en concédant que les Recommandations de l'ILA et la doctrine de l' issue preclusion ne se sont pas véritablement imposées dans la pratique internationale (cf. VOSER/RANEDA, Recent Developments on the Doctrine of Res Judicata in International Arbitration [...], in Bulletin ASA 2015 p. 764-766, 774 et 776-778, qui plaident pour une plus grande autonomie des arbitres; XAVIER FAVRE-BULLE, in SRIEL 2016 682; SCHAFFSTEIN, op. cit., n. 6.75 s.). D'autres jugent cette position cohérente avec la définition de l'ordre public (BERGER, op. cit., Bulletin ASA 2015 p. 653 s.; le même auteur, in RSJB 2017 p. 291 i.f. -292; cf. aussi LUCA BEFFA, in New Developments in International Commercial Arbitration 2015, p. 277-278).  
 
6.4. Dans son jugement du 13 décembre 2017, la Haute Cour de justice anglaise (sous l'égide du Juge J.________) a notamment fait les considérations suivantes:  
 
- L'enjeu principal de la procédure était de déterminer si le contrat de travail de A.________ avait été résilié valablement. 
A.________ avait contrevenu de plusieurs façons à ce contrat et à la convention d'actionnaires:  
i) il avait fomenté un "coup" en destituant le PDG P.________ et en occupant lui-même cette fonction, pour ensuite licencier quatre cadres supérieurs et placer un homme de sa garde rapprochée à un poste élevé; 
ii) il avait entrepris une campagne soutenue d'abus agressifs et d'intimidation envers P.________ et la direction; 
iii) il avait incité ou encouragé le syndicat à exclure la direction des locaux de l'usine de U.________ en Inde, afin d'asseoir son propre pouvoir et d'imposer sa stratégie dans les affaires; 
iv) même après la réintégration du PDG et des quatre cadres licenciés, il s'était attelé à maintenir une structure de direction parallèle; 
- La gravité de ces violations justifiaient la résiliation du contrat de travail survenue le 10 février 2017, laquelle était donc valable. Il convenait encore d'entendre les parties sur la forme de réparation appropriée. L'action reconventionnelle de A.________ devait être rejetée. 
La Haute Cour a encore rendu une décision le 26 mars 2018 ( "Final Relief Judgment"), étendant la portée des injonctions qui avaient été délivrées préalablement. Cette décision très concise retient notamment que les agissements constatés dans le jugement du 13 décembre 2017 se sont poursuivis; A.________ restait déterminé à faire passer le groupe sous son propre contrôle ou, à défaut, à détruire l'entreprise et à la concurrencer.  
 
6.5. Le Tribunal arbitral a examiné si, comme le soutenait la partie demanderesse, il était lié par l'analyse du juge anglais concernant diverses violations contractuelles commises par A.________.  
 
Référence doctrinale à l'appui, il a précisé que le défaut des défendeurs à certains stades de la procédure, en particulier à l'audience du 21 mai 2020, ne dispensait pas la demanderesse de prouver les faits sous-tendant ses prétentions, dont il devait examiner le bien-fondé (GUNTER/MARINKOVICH, Default Proceedings, in Arbitration in Switzerland: The Practitioner's Guide, vol. II, 2e éd. 2018, p. 2667 n. 10 et p. 2668 s. n. 17 s.; cf. aussi BERGER/KELLERHALS, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 3e éd. 2015, p. 410 n. 1177). 
Le Tribunal a ensuite fait observer que la vaste majorité des violations contractuelles alléguées par la demanderesse avaient été établies par la Haute Cour de justice anglaise à l'issue d'une administration des preuves très complète, après l'audition de onze témoins (dont le PDG P.________ et A.________). 
Il s'est finalement jugé lié par les constatations de fait et l'analyse juridique effectuées dans les jugements anglais des 13 décembre 2017 et 26 mars 2018 pour les raisons suivantes: 
 
- Vis-à-vis de Z.________ Ltd et de A.________, qui étaient tous deux parties à la procédure anglaise, ces jugements avaient l'autorité de la chose jugée. Il était question des mêmes violations contractuelles dans les deux procédures. 
- Pour exprimer les choses de façon légèrement différente, bien qu'avec le même effet, on pouvait évoquer une forme d' issue estoppel. Du moment qu'une question avait été tranchée définitivement dans une procédure judiciaire, les parties ne pouvaient conduire un autre tribunal à émettre une autre analyse.  
- Une troisième voie consistait à traiter les jugements anglais comme des moyens de preuves. A défaut de preuves contraires, ceux-ci étaient hautement convaincants. 
- Quand bien même Société B.________ n'avait pas participé à la procédure anglaise, il était inconcevable que le Tribunal arbitral reprenne telle quelle l'analyse du juge anglais dans les relations entre la demanderesse et A.________, puis retienne une autre solution dans les relations entre la demanderesse et la société précitée. Cette réflexion valait même dans l'hypothèse, non réalisée en l'espèce, où le Tribunal disposerait de preuves justifiant de statuer différemment. 
- En 2017, les parties avaient accepté de suspendre l'arbitrage pour permettre à la Haute Cour anglaise de se prononcer sur les questions dont elle était saisie. L'échange de courriers des 16 et 17 mars 2017 [cf. let. B.b supra, réd.] n'attestait peut-être pas clairement d'une volonté d'être liées par les considérants de cette instance, mais il s'agissait certainement d'une des lectures possibles. Quoi qu'il en fût, les défendeurs avaient requis la clôture de l'arbitrage par missive du 4 février 2020, au motif que la High Court avait déjà tranché le 13 décembre 2017 la majorité des prétentions émises dans la requête d'arbitrage modifiée. Aussi les arbitres pouvaient-ils s'appuyer sur l'analyse du juge anglais sans commettre d'injustice envers les défendeurs, vu le crédit qu'ils avaient eux-mêmes accordé à ses jugements.  
 
6.6. Le résumé qui précède révèle que les arbitres ont fourni plusieurs raisons d'"incorporer" les décisions du Juge J.________ à leur sentence. Lorsqu'il est confronté à plusieurs motivations indépendantes dont chacune suffit à sceller le sort de la cause, le recourant doit s'attaquer à chacune d'elles, sous peine d'irrecevabilité (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). Le grief pourrait se heurter à ce premier écueil, dans la mesure où il se focalise sur la question de l'autorité de la chose jugée et de l' issue estoppel. Il se révèle de toute façon infondé.  
Les recourants soulignent à juste titre que selon la jurisprudence suisse, le Tribunal arbitral aurait dû examiner si les conditions de reconnaissance étaient réalisées et, dans l'affirmative, appliquer la notion suisse de l'autorité de la chose jugée, qui exclut l' issue estoppel. En l'occurrence, on ignore les contours précis de l'action intentée devant la juridiction étatique anglaise, si ce n'est qu'elle avait pour question centrale la validité de la résiliation du contrat de travail de A.________ (consid. 6.4 supra). La partie demanderesse (holding du groupe) avait semble-t-il émis des prétentions en dommages-intérêts qui ne sont pas traitées dans le jugement du 13 décembre 2017. Le simple fait qu'il soit question des mêmes violations contractuelles dans les procédures anglaise et arbitrale ne suffit pas à inférer qu'il y aurait identité d'objet litigieux, condition nécessaire à l'octroi de l'autorité de chose jugée (cf. par ex. ATF 140 III 278 consid. 3.3 p. 281). Les recourants insistent également à raison sur le fait que Société B.________ n'était pas partie à la procédure anglaise. Cela étant, constater, comme le suggèrent les recourants, que les arbitres ne pouvaient invoquer ni l'autorité de la chose jugée, ni l'effet préclusif des considérants des jugements anglais n'épuise pas la discussion.  
Dans un courrier du 4 février 2020, les recourants ont affirmé que la Haute Cour de justice anglaise avait déjà tranché la majorité des prétentions émises par l'intimée. Sans doute ne peut-on faire abstraction du mobile qui les animait alors, soit la clôture de l'arbitrage. Ils ont néanmoins montré le crédit qu'ils accordaient aux jugements anglais ( "the reliance which they themselves have placed on those judgments"). Or, cette "allégeance" intervenait après qu'ils eurent déjà reconnu une autorité au jugement du 13 décembre 2017.  
Le 3 janvier 2018, ils avaient en effet consenti au projet de décision élaboré par la partie adverse (let. B.b supra), reproduit dans la sentence du 9 mai 2018. En substance, celui-ci invitait le Tribunal arbitral à allouer les conclusions en constatations de droit et les injonctions formulées dans la demande, en raison du jugement rendu le 13 décembre 2017, dont les § 58-64 étaient consacrés à la suspension du PDG P.________ et la prise de cette fonction ad interim par A.________. Le Tribunal était invité à constater que ces actes afférents au domaine réservé contrevenaient à la convention d'actionnaires faute d'avoir été approuvés par Z.________ Ltd, respectivement que le prénommé n'avait aucune autorité pour exercer les pouvoirs du PDG.  
Le 9 mai 2018, la formation arbitrale a donné suite à cette requête, enregistrant ce qu'elle considérait comme un arrangement à l'amiable ( settlement) des parties, tout en précisant que leur accord exprès l'habilitait à reprendre telles quelles les conclusions formulées dans la demande sans devoir en examiner le bien-fondé. Cette décision a été confirmée par la nouvelle formation arbitrale le 6 septembre 2018.  
Les recourants ont donc eux-mêmes attribué une autorité au jugement anglais du 13 décembre 2017, admettant que l'appropriation ad interim de la fonction de PDG par A.________ constituait une violation de la convention d'actionnaires. La sentence finale n'a certes pas tiré argument de cet accord. Toutefois, elle renvoie à la sentence du 6 septembre 2018 qui confirme elle-même la décision antérieure du 9 mai 2018. Dans sa réponse, l'intimée s'est du reste prévalue de ces éléments sans susciter la moindre critique de leur part.  
Il faut concéder que l'intimée a ensuite déposé d'autres conclusions les 28 février et 23 avril 2020, lesquelles reprenaient des éléments retenus aux § 65 ss du jugement anglais rendu le 13 décembre 2017. Ces conclusions font l'objet de la constatation 1) ii-iv dans le dispositif de la sentence finale (let. B.h supra). Les recourants n'ont certes pas expressément consenti à ces constatations. Toutefois, ils ont montré le crédit qu'ils accordaient aux jugements anglais, sans disputer l'analyse selon laquelle ils constituent des preuves convaincantes; on rappellera à cet égard qu'une appréciation même arbitraire des preuves n'attente pas en soi à l'ordre public (cf. par ex. ATF 144 III 120 consid. 5.1 p. 130). Les arbitres ont du reste entendu trois des onze témoins auditionnés par le juge anglais, et leur discussion sur les différents postes du dommage montre que ces témoins ont confirmé plusieurs faits sous-tendant ces constatations, en particulier le blocus de l'usine de U.________ par le syndicat. Au niveau juridique, à compter du moment où l'on accepte d'imputer à A.________ une violation de la convention d'actionnaires pour s'être approprié la fonction de PDG, on ne voit guère comment nier de semblables violations s'agissant des actes énoncés sous la constatation 1) ii-iv du dispositif. De surcroît, les arbitres ont traité en détail les pertes occasionnées par le comportement de A.________ sans véritablement s'appuyer sur ces constatations, si ce n'est celle afférente au blocus de l'usine de U.________.  
Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher aux arbitres d'avoir enfreint l'ordre public en reprenant sans discussion les constatations effectuées dans le jugement anglais du 13 décembre 2017. 
Il sied à ce stade de traiter le grief relatif au droit d'être entendu. 
 
6.7.  
 
6.7.1. Le droit d'être entendu, au sens visé par l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, n'exige pas qu'une sentence arbitrale internationale soit motivée (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2; 116 II 373 consid. 7b). La jurisprudence en a toutefois déduit pour le tribunal arbitral un devoir minimal d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Les arbitres enfreignent cette obligation lorsque, par inadvertance ou malentendu, ils omettent de prendre en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. La partie concernée est alors atteinte dans son droit de faire valoir son point de vue auprès des arbitres: elle se retrouve dans la même situation que si elle n'avait pas eu la possibilité de leur présenter ses arguments (ATF 133 III 235 consid. 5.2; 121 IIII 331 consid. 3b).  
La partie soi-disant lésée doit démontrer en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. Elle doit établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3; 133 III 235 consid. 5.2). 
 
6.7.2. Les recourants dénoncent une violation de ce devoir minimal à divers égards.  
Tout d'abord, le tribunal arbitral aurait indûment accordé aux décisions anglaises l'autorité de la chose jugée sans discuter les conditions posées par la jurisprudence suisse, sans mentionner non plus le dispositif de ces décisions, les questions qu'elles traitaient et les prétentions qui étaient soulevées. 
Il est vrai que la formation arbitrale a omis d'examiner si les conditions posées par la jurisprudence suisse - notamment celle relative à la reconnaissance des décisions étrangères - étaient réalisées. Tout au plus lit-on dans ses précédentes sentences l'information selon laquelle les parties défenderesses à la procédure étatique anglaise avaient renoncé à soulever la clause d'arbitrage (sentence du 6 septembre 2018, n. 17 et sentence du 9 mai 2018, n. 12; cf. à cet égard ATF 140 III 278 consid. 3.1 p. 279 i.f. -280).  
Il faut cependant garder à l'esprit que le droit d'être entendu, tel qu'appréhendé par l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, ne confère pas le droit à une sentence motivée, pas plus qu'il ne garantit l'exactitude matérielle de la sentence arbitrale. Il est violé lorsque le justiciable s'est vu privé de la possibilité de participer effectivement au procès, d'influer sur celui-ci et de faire valoir son point de vue (ATF 127 III 576 consid. 2d p. 579). Or, il n'apparaît pas qu'un tel cas de figure soit réalisé. Les recourants n'indiquent pas quel moyen pertinent aurait été soulevé à ce propos, et négligé ou méconnu par les arbitres. Ce pan de grief se révèle infondé. 
 
6.7.3. Les recourants reprochent également aux arbitres d'avoir retenu sans discussion leur responsabilité contractuelle de principe sans avoir procédé à aucune constatation de fait, ni développé la moindre analyse juridique.  
La majeure partie des violations contractuelles alléguées avaient déjà été établies par le jugement anglais du 13 décembre 2017. Pour les motifs qui viennent d'être exposés, un tel procédé ne prête pas à critique sous l'angle de l'ordre public. On ne discerne pas davantage une violation du droit d'être entendu au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP. Sur ce point non plus, les recourants n'expliquent pas quels arguments auraient été articulés par eux, et négligés ou méconnus par les arbitres. 
Il est vrai que les jugements anglais ne traitaient pas certaines des violations alléguées. Il en est ainsi de l'introduction d'une action à Dubaï en janvier 2018 ( Winding Up Claim). La sentence finale évoque ce cas aux paragraphes 97 ss. Elle retient une contravention aux clauses 22.6.4 (c), 23.1.2 et 41.13 de la convention d'actionnaires et conclut que les défendeurs/recourants doivent répondre des frais de défense qu'une telle démarche a occasionnés.  
Les arbitres ont ensuite traité en détail les différents postes du dommage occasionnés par les agissements de A.________ (cf. let. B.h supra), en s'appuyant sur les trois témoignages recueillis et les documents fournis par les témoins. Discutant également de la clause 16.4 de la convention d'actionnaires (let. A supra), ils en ont déduit que Z.________ Ltd était habilitée à agir contre les deux défendeurs/recourants, lesquels devaient répondre solidairement du dommage.  
Les recourants n'expliquent toujours pas quels moyens auraient été présentés en lien avec toutes ces questions, et ignorés par les arbitres. Tout au plus plaident-ils que le devoir minimal d'examiner les questions pertinentes prévaudrait a fortiorien cas de défaut d'une des parties. Le reproche qui se dessine en filigrane semble être d'un autre ordre: après avoir rappelé les préceptes applicables en cas de défaut d'une partie, la formation arbitrale les aurait méconnus en pratique, retenant sans discussion les allégations de la partie demanderesse et son analyse juridique. Or, la lecture de la sentence montre qu'un tel grief est injustifié, indépendamment de la question de son rattachement à l'un ou l'autre des motifs prévus par l'art. 190 al. 2 LDIP.  
En bref, le pan de grief relatif au droit d'être entendu doit également être rejeté. 
 
III. Conclusion  
 
7.  
Au vu des considérants qui précèdent, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Ses auteurs, qui succombent, supporteront solidairement les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 et 5 LTF) et verseront des dépens à l'intimée pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF). L'indemnité allouée à cette partie sera prélevée sur les sûretés fournies par les recourants. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 30'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimée une indemnité de 35'000 fr. à titre de dépens. Cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal arbitral sis à Genève. 
 
 
Lausanne, le 15 juin 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant: Kiss 
 
La Greffière: Monti