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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_583/2012 
 
Arrêt du 31 janvier 2013 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Karlen et Chaix. 
Greffière: Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
toutes les trois représentées par Me Béatrice Stahel, avocate, 
recourantes, 
 
contre 
 
D.________, représentée par Me David Providoli, avocat, 
intimée, 
 
Ministère public central du canton du Valais, rue des Vergers 9, case postale, 1950 Sion 2. 
 
Objet 
Séquestre conservatoire, 
 
recours contre la décision de la Présidente de la IIe Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais du 3 septembre 2012. 
 
Faits: 
 
A. 
A la suite d'une plainte pénale déposée par D.________, le juge d'instruction du canton du Valais a ouvert une instruction à l'encontre de E.________, pour abus de confiance, voire gestion déloyale. Le 17 novembre 2010, le juge d'instruction a ordonné le séquestre de plusieurs comptes bancaires ouverts au nom de E.________, A.________, B.________, C.________ auprès de la banque X.________. 
 
B. 
Par jugement du 28 novembre 2011, le Tribunal du IIe Arrondissement pour le district de Sierre (ci-après: le Tribunal d'arrondissement ou les juges du fond) a condamné E.________ à une peine privative de liberté de 28 mois, assortie d'un sursis partiel, pour abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP). Il l'a en outre condamné à verser à D.________ la somme de 600'000 fr. avec intérêts au taux de 6% dès le 31 décembre 2008, sous déduction de l'acompte de 18'000 fr. versé le 6 septembre 2010. Selon le jugement, E.________ n'avait en effet pas restitué à la prénommée les valeurs patrimoniales qu'elle lui avait confiées. Celle-ci avait, entre 2008 et 2009, versé à titre de prêt, pour une durée d'une année et moyennant intérêts, un montant de 600'000 fr. sur des comptes bancaires ouverts au nom de la société C.________; cette société, domiciliée aux Iles Vierges britanniques, dont l'unique actionnaire est la société B.________, est dirigée par E.________, lequel détenait des actions de C.________ jusqu'au 4 mai 2009. A titre de garantie, la plaignante a reçu de la part de C.________ des obligations au porteur garanties par C.________ et B.________ dont E.________ est le président (cf. jugement consid. 1.2.1, 1.2.2 et 2.1). Le Tribunal d'arrondissement a également ordonné le séquestre conservatoire sur des comptes ouverts auprès de la banque X.________ au nom de E.________, A.________, B.________ et C.________ en garantie d'une créance compensatrice de 100'000 fr. 
E.________ a formé appel contre ce jugement auprès du Tribunal cantonal le 24 janvier 2012. 
 
C. 
Les mandataires de E.________, A.________, B.________ et C.________ ont déposé une requête tendant à la levée des séquestres opérés sur les comptes de la banque X.________ ouverts à leur nom. 
Le 3 septembre 2012, la Présidente de la Cour pénale du Tribunal cantonal a levé le séquestre ordonné sur les comptes xxx et yyy ouverts au nom de E.________ afin de préserver le minimum vital de celui-ci. L'instance précédente a en revanche refusé les requêtes de levée de séquestre formées par les autres requérantes. Elle a estimé qu'au vu des constatations de fait contenues dans l'acte d'accusation et le jugement, il n'est pas manifestement erroné de maintenir le blocage des comptes ouverts au nom des trois entités requérantes, soit les comptes aaa, bbb, ccc et ddd. 
 
D. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________, B.________ et C.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer la décision entreprise et d'ordonner la levée des séquestres frappant les comptes ouverts à leur nom (aaa; bbb; ccc; ddd). 
La Présidente de la Cour pénale se réfère aux considérants de sa décision. Le Ministère public ne s'est pas prononcé. L'intimée renonce à se déterminer. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
L'arrêt attaqué, qui confirme notamment le maintien du séquestre provisoire, est une décision rendue en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. En tant que titulaires des avoirs saisis, les recourantes peuvent se prévaloir d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de cette décision, de sorte qu'elles ont la qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF (ATF 133 IV 278 consid. 1.3 p. 282 s.; 128 IV 145 consid. 1a p. 148). La décision par laquelle le juge prononce, maintient ou refuse un séquestre pénal constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure. Cela étant, la jurisprudence admet que le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, dans la mesure où le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des valeurs saisies (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; voir également ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141; 128 I 129 consid. 1 p. 131). Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2. 
Les recourantes se plaignent d'une violation de l'art. 71 al. 1 et 3 CP. Elles soutiennent être des tiers au sens de l'art. 71 CP, de sorte que le séquestre frappant leurs avoirs doit être levé. Par ailleurs, elles contestent former une identité économique et décisionnelle avec E.________, soutenant à cet égard que le jugement pénal du 28 novembre 2011 n'a pas retenu cette identité. 
 
2.1 Le séquestre pénal ordonné par une autorité d'instruction est une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice. Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance. Tant que l'instruction n'est pas achevée, respectivement qu'une décision finale n'est pas exécutoire, une simple probabilité suffit car, à l'instar de toute mesure provisionnelle, la saisie se rapporte à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p. 99). Le séquestre pénal se justifie aussi longtemps que subsiste une probabilité de confiscation, respectivement de créance compensatrice (arrêt 1P.405/1993 du 8 novembre 1993 consid. 3 publié in SJ 1994 p. 97). 
Le séquestre en vue de l'exécution d'une créance compensatrice a pour but d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés (ATF 129 IV 107 consid. 3.2 p. 109; 123 IV 70 consid. 3 p. 74; 119 IV 17 consid. 2a p. 20). Lorsque l'avantage illicite doit être confisqué, mais que les valeurs patrimoniales qui sont le résultat de l'infraction ne sont plus disponibles - parce qu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées -, le juge ordonnera leur remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent (art. 71 CP; art. 59 ch. 2 al. 1 aCP). Le séquestre de ces valeurs patrimoniales aux fins d'exécution de la créance compensatrice ne peut être ordonné que jusqu'à concurrence du montant présumé du produit de l'infraction, d'une part, et ne peut viser que la personne concernée, d'autre part. Par "personne concernée" au sens de l'art. 71 al. 3 CP (art. 59 ch. 2 al. 3 aCP), on entend non seulement l'auteur de l'infraction, mais aussi tout tiers, favorisé d'une manière ou d'une autre, par l'infraction (cf. arrêt 1B_185/2007 du 30 novembre 2007 consid. 10.1; cf. également LEMBO/JULEN BERTHOD, Commentaire romand CPP, 2011, n. 28 ad. art. 263 CPP; MADELEINE HIRSIG-VOUILLOZ, Le nouveau droit suisse de la confiscation pénale et de la créance compensatrice [art. 69 à 72 CP] in PJA 2007 p. 1376 ss, spéc. 1390; NIKLAUS SCHMID, Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, 2ème éd., tome I, 2007, n. 173 ad art. 70-72 CP). 
Enfin, selon la théorie de la transparence ("Durchgriff"), on ne peut pas s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes lorsque l'une d'elles est une personne morale qui se révèle être un simple instrument dans la main de son auteur, lequel, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit dès lors admettre, à certains égards, que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également l'autre; ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus de droit ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts légitimes (art. 2 al. 2 CC; ATF 132 III 489 consid. 3.2, 737 consid. 2.3; 121 III 319 consid. 5 a/aa p. 321; cf. également arrêts 1B_ 274/2012 du 11 juillet 2012 consid. 2.2 et 4A_384/2008 du 9 décembre 2008 consid. 4.1 in SJ 2009 I 424) 
 
2.2 L'instance précédente a considéré, en se fondant sur les considérants du jugement pénal non exécutoire du 28 novembre 2011, qu'il n'était pas manifestement erroné de maintenir le blocage des comptes ouverts au nom des trois entités recourantes. Selon elle, la créance compensatrice pouvait porter sur les biens d'un tiers. Par ailleurs, la théorie de la transparence permettait, dans certaines circonstances, de faire abstraction de la personnalité juridique d'une entité afin d'attribuer les biens à la personne qui la dominait économiquement. 
Dans leurs écritures, les recourantes contestent former une identité économique avec E.________. Elles invoquent que ce dernier n'était pas seul actif en leur sein: A.________ comprenait un conseil de deux membres jusqu'au 21 décembre 2010; C.________ avait deux directeurs, l'autre directeur n'ayant démissionné que le 30 avril 2010; enfin, B.________ était administrée par un comité de trois membres au moment des faits pertinents. 
Cette motivation est cependant insuffisante à démontrer que l'instance précédente aurait violé le droit fédéral en considérant, à ce stade de la procédure et sous l'angle de la vraisemblance, qu'il y avait identité économique entre l'accusé et les entités recourantes. Les constatations du Tribunal d'arrondissement, reprises par l'instance précédentes, constituent en effet des indices suffisants de cette identité économique. En première instance, les juges du fond ont ainsi relevé, dans leur arrêt du 28 novembre 2011, que, nonobstant l'existence de ces tierces personnes dans la structure des entités recourantes (cf. consid. 1.2.1 et 1.2.2), E.________ se comportait avec le patrimoine de celles-ci comme avec le sien propre. E.________ vivait en opérant des prélèvements ou en faisant payer ses frais aux diverses sociétés au sein desquelles il était actif. Il ne tenait aucun décompte détaillé de ces opérations et se débrouillait pour assurer sa subsistance notamment en prélevant le nécessaire sur les fonds qui lui parvenaient. Il utilisait donc indifféremment ses comptes et ceux de ses sociétés. Il virait de l'argent sur les différents comptes, qualifiant les bonifications qui partaient de ses comptes privés de donations, et exécutait des paiements d'ordre privé à partir des comptes des sociétés (cf. jugement du 28 novembre 2011 consid. 1.3 et 2.4). Dans leurs écritures, les recourantes ne nient pas que E.________ disposait, à des fins privées, des valeurs patrimoniales déposées sur leurs comptes, lesquels étaient notamment alimentés par des versements effectués à titre personnel par le prénommé. 
Dans ces circonstances, le simple fait que d'autres acteurs (codirecteur, secrétaire, membre) composaient les entités recourantes n'est pas déterminant et ne suffit pas pour nier l'identité économique entre l'intéressé et celles-ci. Les déclarations de F.________, secrétaire avec signature individuelle de l'association B.________, sont à cet égard symptomatiques; il a en effet expliqué que B.________ n'avait, à sa connaissance, jamais eu d'activité et que les frais avaient été couverts par une donation de E.________ effectuée à titre personnel. Enfin, quoi qu'en disent les recourantes, les constatations du Tribunal d'arrondissement suggèrent une telle identité économique, même si les juges du fond n'utilisent pas expressément ce terme dans les considérants de leur jugement. Le grief des recourantes doit dès lors être rejeté. 
Si le Tribunal d'arrondissement ne mentionne certes pas expressément la structure de A.________ dans son arrêt du 28 novembre 2011, il a néanmoins considéré qu'il y avait également identité entre les patrimoines de A.________ et de E.________, comme cela ressort implicitement des considérants et du dispositif de l'arrêt qui ordonne le séquestre conservatoire sur les comptes ouverts au nom de A.________; l'arrêt cantonal a ainsi exposé l'existence de mouvements financiers entre les comptes de ladite fondation et ceux de B.________; l'argent viré par la fondation sur le compte de B.________ a, selon les extraits de compte, été utilisé pour des dépenses privées de E.________ (cf. consid. 2.4 du jugement du 28 novembre 2011). 
Dans ces circonstances, en tant qu'il maintient le séquestre sur les comptes litigieux, l'arrêt entrepris ne prête pas le flanc à la critique. Le résultat de cette procédure, de type conservatoire et provisoire fondée sur la vraisemblance, ne saurait cependant préjuger de la décision ultérieure de l'autorité de jugement en matière de confiscation ou de maintien du séquestre en vue de l'exécution de la créance compensatrice (arrêt 1S.5/2006 du 5 mai 2006 consid. 3 publié in SJ 2006 I 489; Hirsig-Vouilloz, Commentaire romand, CP, 2009, n. 24 ad art. 71 CP). 
 
3. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, aux frais des recourantes qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée qui a renoncé à se déterminer (art. 68 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge des recourantes. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public central et à la Présidente de la IIe Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
Lausanne, le 31 janvier 2013 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Fonjallaz 
 
La Greffière: Arn