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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_679/2012 
 
Arrêt du 12 février 2013 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Denys. 
Greffière: Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par Me Pierre Bayenet, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Internement; arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 21 août 2012. 
 
Faits: 
 
A. 
Par ordonnance de non-lieu du 30 janvier 2007, la Chambre d'accusation du canton de Genève a constaté l'irresponsabilité de X.________, prononcé un non-lieu et ordonné son internement. 
 
B. 
Par arrêt du 21 août 2012, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a déclaré irrecevable le pourvoi formé le 3 mai 2012 par X.________ contre l'ordonnance de non-lieu précitée, en raison de sa tardiveté. 
 
En substance, elle a retenu les faits suivants: 
B.a Le 15 février 2005, dans les locaux de l'université de Genève, X.________ a menacé d'un couteau un individu qui lui était inconnu, croyant que celui-ci travaillait pour les services de renseignements suisses ou pour la police genevoise. Le 16 février 2005, il a été inculpé de menaces, subsidiairement de tentative de meurtre et placé en détention préventive. Le 21 juin 2005, la Chambre d'accusation genevoise a ordonné sa libération provisoire, à la condition qu'il ne prenne pas contact avec l'individu qu'il avait agressé le 15 février 2005. 
B.b Le 1er décembre 2005, X.________ a été inculpé, à titre complémentaire, de menaces alarmant la population (art. 258 CP) et de provocation publique au crime ou à la violence (art. 259 CP) pour avoir envoyé par internet, notamment sur des sites djiadistes et islamistes, des messages incitant à la violence, notamment un e-mail intitulé " la Suisse - L'ennemi le plus méprisable de l'Islam ". Il a été également inculpé d'injures et de menaces pour avoir traité, dans des e-mails envoyés à plusieurs destinataires, une conseillère d'Etat genevoise, de " fille de putain " et de " chrétienne et fille de putain ". Le juge d'instruction a décidé de placer X.________ en détention préventive. Le 28 avril 2006, la Chambre d'accusation l'a libéré, considérant que les cinq mois de détention préventive subis semblaient proches de la peine susceptible d'être prononcée pour les faits à l'origine de l'inculpation complémentaire du 1er décembre 2005. 
B.c Dans son rapport d'expertise du 13 juillet 2006, le Prof. A.________ a noté qu'il n'avait pas été en mesure de s'entretenir avec X.________ et s'était fondé sur ses déclarations à la police et sur les lettres qu'il avait envoyées à de nombreuses personnalités ou services. Selon lui, X.________ souffrait depuis l'été 2004 d'un trouble délirant persécutoire, devenu chronique, assimilable à une maladie mentale. Les bousculades dans la rue et l'attaque d'un inconnu à l'Université étaient directement liées au vécu délirant de l'expertisé, qui se croyait victime d'inconnus. Pour cet acte d'agression, il était irresponsable, car il avait pu agir en légitime défense et ignorer, pour des raisons psychiatriques, que son acte était illicite. Quant aux autres actes qui lui étaient reprochés, en relation avec ses écrits menaçants et incitatifs, la responsabilité était diminuée. L'expertisé présentait un risque élevé de comportements hétéro-agressifs, qui concernaient principalement des personnes inconnues qu'il pouvait croiser dans la rue et avait besoin d'un traitement psychiatrique à long terme, sous forme d'hospitalisation, de traitement médicamenteux et de psychothérapie. Toutefois, ce traitement n'était pas possible sans sa collaboration. 
B.d La Chambre d'accusation genevoise a tenu ses débats le 23 janvier 2007 en l'absence de X.________. Le 30 janvier 2007, elle a rendu une ordonnance de non-lieu, adressée le même jour à X.________ par acte judiciaire avec accusé de réception. Le courrier lui a été retourné avec la mention " non réclamé ". Une nouvelle tentative de notification est intervenue le 12 février 2007 par pli recommandé, également retourné par la poste avec la mention " non réclamé ". Le 12 mars 2007, X.________ a été arrêté et incarcéré à la prison de Champ-Dollon, en vue de son internement. 
B.e Par ordonnance du 6 août 2008, le Tribunal tutélaire a prononcé l'interdiction de X.________ et lui a désigné un tuteur. 
B.f La mesure prononcée à l'encontre de X.________ a fait l'objet de contrôles périodiques. Contre la dernière décision du Tribunal d'application des peines et mesures genevois (ci-après: TAPEM), datée du 10 janvier 2012, X.________ a formé un appel, dont l'instruction est actuellement en cours. 
 
C. 
Contre l'arrêt du 21 août 2012, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle entre en matière sur le fond. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
D. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
La décision attaquée a été rendue en matière pénale au sens de l'art. 78 LTF. S'agissant d'un non-lieu, elle a un caractère final (art. 90 LTF) et émane de l'autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF). 
 
2. 
Le recourant soutient que l'ordonnance de non-lieu du 30 janvier 2007 ne lui a pas été notifiée valablement. 
 
2.1 Cette ordonnance a été notifiée sous l'empire du code de procédure pénale genevois du 29 septembre 1977, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010, de sorte que celui-ci est applicable. 
 
2.2 Selon l'art. 91 al. 1 et 2 aCPP/GE, la date de notification des ordonnances, décisions ou jugements doit être constatée; pour les notifications effectuées par voie postale, elle s'apprécie en application des dispositions fédérales. Selon la jurisprudence, un envoi recommandé qui n'a pas pu être distribué est réputé notifié le dernier jour du délai de garde de sept jours suivant la remise de l'avis d'arrivée dans la boîte à lettres ou dans la case postale de son destinataire, pour autant que celui-ci ait dû s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une communication de l'autorité (ATF 134 V 49 consid. 4 p. 51; 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399; 123 III 492 consid. 1 p. 493; 119 V 89 consid. 4b/aa p. 94). Le devoir de s'attendre à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pour toute la durée de la procédure (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399). 
 
En l'espèce, l'ordonnance de non-lieu du 30 janvier 2007 a été notifiée au recourant à l'adresse de l'avenue B.________, à C.________, une première fois par acte judiciaire du même jour et une seconde fois par pli recommandé posté le 12 février 2007, les deux envois ayant été retournés à la Chambre d'accusation genevoise avec la mention " non-réclamé ". Le recourant ne saurait faire valoir qu'il a été expulsé de son domicile le 17 janvier 2007, dans la mesure où il lui appartenait de prendre toutes les mesures utiles pour que les communications des autorités lui parviennent. En effet, il était parfaitement au courant qu'une procédure pénale avait été ouverte contre lui, puisqu'il avait été inculpé le 16 février 2005 et le 1er décembre 2005 et placé en détention préventive à deux reprises. Le juge d'instruction avait certes été avisé le 16 mars 2006 par Caritas Genève de la résiliation du bail du recourant pour le 31 décembre 2005. A teneur du dossier, le recourant était toutefois toujours domicilié à C.________ après sa sortie de prison, comme en témoignait son courrier du mois de mai 2006, et les autorités pénales ignoraient qu'il avait été expulsé de son appartement le 17 janvier 2007. 
 
2.3 Le recourant soutient qu'il ne disposait pas d'une capacité de discernement suffisante pour assurer et organiser sa défense, et notamment pour informer les autorités judiciaires de son expulsion et que, partant, la notification serait irrégulière. 
2.3.1 Une procédure pénale peut en principe être engagée même si le prévenu n'a pas la capacité d'ester en justice (Prozessfähigkeit) au sens du droit de procédure civile (ATF 131 I 185 consid. 3.2.2 p. 191; HENRIETTE KÜFFER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 106 CPP; MARC ENGLER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 2 ad art. 114 CPP; NIKLAUS SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2009, n. 2 ad art. 114 CPP; VIKTOr LIEBER, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (stPO), 2010, n. 1 ad art. 114 CPP). Il suffit que le prévenu dispose de la capacité de prendre part aux débats (Verhandlungsfähigkeit), ce qui implique la capacité de jouer un rôle à la fois actif et passif dans la procédure (NIKLAUS SCHMID, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, 2009, n. 663 ad § 49, p. 267; ALAIN MACALUSO, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n. 2 ad art. 114). Le prévenu doit être en état physique et psychique de participer aux audiences et aux actes de la procédure, en faisant usage de tous les moyens de défense pertinents (Verteidigungsfähigkeit) et en étant apte à répondre normalement aux questions qui lui sont posées (Vernehmungsfähigkeit) (HAUSER/SCHWERI/ HARTMANN, Schweizerisches Strafprozessrecht, 2005, 6e éd., n. 27 ad § 39, p. 158; VIKTOR LIEBER, op. cit., n. 1 ad art. 114 CPP; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge Strafprozessrecht, 2012, n. 308 ad § 7). 
 
Les exigences pour admettre la capacité de prendre part aux débats ne sont pas très élevées, dans la mesure où le prévenu peut faire valoir ses moyens de défense par un défenseur (SCHMID, Handbuch, n. 663; le même, Praxiskommentar, n. 3 ad art. 114 CPP; MARC ENGLER, op. cit., n. 7 ad art. 114 CPP). Elles peuvent aussi être remplies si le prévenu n'a pas la capacité de discernement ni l'exercice des droits civils (arrêts 6B_29/2008 du 10 septembre 2008, consid. 1.3; 1P.304/1995 du 8 août 1995, consid. 2a; contra: ALAIN MACALUSO, op. cit., n. 2 ad art. 114 CPP). En principe, seul le jeune âge, une altération physique ou psychique sévère ou encore une grave maladie sont de nature à influencer cette capacité (HAUSER/SCHWERI/HARTMANN, op. cit., n. 29 ad § 39, p. 158). 
 
La capacité de prendre part aux débats s'examine au moment de l'acte de procédure considéré (ALAIN MACALUSO, op. cit., n. 5 ad art. 114; MARC ENGLER, op. cit., n. 6 ad art. 114 CPP; NIKLAUS OBERHOLZER, op. cit., n. 305 ad § 7). 
 
Savoir si le prévenu dispose de la capacité de prendre part aux débats ne relève pas de l'établissement des faits, mais est une question juridique qui doit être résolue par le juge, en règle générale sur la base d'une expertise (arrêt 6B_29/2008 du 10 septembre 2008, consid. 1.3; MARC ENGLER, op. cit., n. 6 ad art. 114 CPP). 
2.3.2 
2.3.2.1 La cour cantonale a admis la capacité du recourant d'assurer sa défense tout au long de la procédure, au motif qu'il avait toujours refusé d'être assisté d'un avocat et qu'il avait présenté seul des demandes de mise en liberté, dont les arguments avaient été accueillis favorablement par la Chambre d'accusation. En outre, elle a constaté que le recourant s'était défendu avec succès devant les autorités administratives. Enfin, elle a souligné que c'est la dégradation de l'état de santé psychique du recourant depuis son incarcération en mars 2007 qui avait conduit au prononcé de son interdiction en 2008. 
2.3.2.2 Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir retenu de manière manifestement inexacte que les arguments soulevés devant la Chambre d'accusation en vue de sa libération de la détention préventive avaient été accueillis favorablement. 
 
Selon l'art. 97 LTF, le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière sur une contestation d'un point de fait que si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. En l'espèce, le grief soulevé par le recourant n'est pas pertinent. En effet, la capacité de prendre part aux débats ne présuppose pas que le prévenu développe des arguments pertinents dans ses mémoires. 
2.3.2.3 Le recourant se plaint en outre du fait que la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire en retenant qu'il disposait d'une capacité de discernement suffisante pour assurer et organiser sa défense. 
Contrairement à ce que soutient le recourant, la capacité de prendre part aux débats est une question de droit et non de fait (cf. consid. 2.3.1). Au surplus, dans la mesure où le recourant s'en prend à la " capacité de discernement ", ses griefs ne sont pas pertinents, puisque, comme vu ci-dessus, la capacité de prendre part aux débats en matière pénale ne présuppose pas la capacité de discernement sur le plan civil. 
Il convient d'examiner si, au vu de l'état de fait cantonal, le recourant disposait de la capacité de prendre part aux débats. Selon les constatations cantonales, le recourant n'était pas interdit sur le plan civil au moment de la notification de l'ordonnance de non-lieu, en janvier et février 2007. Ce n'est qu'après son incarcération en 2007 que son état de santé s'est détérioré et que son interdiction a été prononcée (décision du 6 août 2008). En outre, le recourant a formé devant les autorités compétentes diverses requêtes. Celles-ci ne contenaient peut-être pas toujours des griefs pertinents, mais elles ont été couronnées de succès. Cela montre que le recourant savait utiliser à bon escient les différentes voies de droit. Comme vu ci-dessus, les exigences pour admettre la capacité de prendre part aux débats ne sont pas très élevées, et celle-ci ne sera exclue que pour les prévenus qui sont incapables de comprendre la signification de leur participation à la procédure. Au vu de l'ensemble des faits, tel n'est manifestement pas le cas du recourant. Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en admettant que le recourant disposait de la capacité nécessaire pour prendre part aux débats et, en particulier, pour indiquer son changement de domicile aux autorités pénales et recevoir l'ordonnance de non-lieu. 
 
3. 
Le recourant s'en prend à la seconde motivation de la cour cantonale relative à la restitution de délai. 
 
3.1 Dans une motivation subsidiaire, la cour cantonale a considéré que, même si le recourant n'avait pas été capable de se défendre valablement lorsque l'ordonnance de non-lieu avait été prononcée, le recours était tardif, dans la mesure où ni son avocat, ni son tuteur n'avaient demandé, lors du premier contrôle périodique de la mesure par le TAPEM, la restitution du délai pour recourir contre le bien-fondé de l'ordonnance de non-lieu. 
 
3.2 Dans la mesure où il a été admis que le recourant était capable de participer aux débats et que la notification était régulière, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur cette seconde motivation. 
 
4. 
Le recourant invoque encore les art. 6 et 13 CEDH
 
4.1 Le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF; principe d'allégation). L'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation (cf. ATF 138 I 97 consid. 3.1; 136 II 489 consid. 2.8 p. 494; 134 II 349 consid. 3 p. 351). 
 
4.2 En l'espèce, le recourant se contente de citer les dispositions qu'il considère comme violées, sans montrer, par une argumentation précise, en quoi cette violation serait réalisée. Ses griefs sont donc irrecevables. 
 
5. 
Dans la mesure de sa recevabilité, le recours doit être rejeté. 
 
Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
Lausanne, le 12 février 2013 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Mathys 
 
La Greffière: Kistler Vianin