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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.177/2003 /ech 
 
Arrêt du 21 octobre 2003 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. les Juges Corboz, président, Walter et Favre. 
Greffière: Mme Aubry Girardin. 
 
Parties 
X.________ AG, 
défenderesse et recourante, représentée par Me Gilles Crettol, avocat, case postale 3199, 1211 Genève 3, 
 
contre 
 
A.________, 
demandeur et intimé, représenté par Me Matteo Inaudi, avocat, avenue Léon-Gaud 5, 1206 Genève. 
 
Objet 
contrat de travail; congé abusif; tort moral 
 
(recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 5 mai 2003). 
 
Faits: 
A. 
X.________ AG est une entreprise spécialisée dans l'organisation de transports internationaux de marchandises. Elle a été fondée en 1955 par B.________, qui a présidé le conseil d'administration et dirigé la société jusqu'en été 2001. Elle a son siège à Bâle, mais dispose d'un réseau de succursales, dont une à Genève-Cointrin. 
 
Né en 1944, A.________ a été engagé par X.________ AG en qualité de directeur-adjoint de la succursale de Genève-Cointrin, chargé du fret aérien et terrestre. Le contrat de travail liant les parties prévoyait un délai de congé de six mois. 
 
Jusqu'à fin 1994, A.________ a fourni un travail donnant entière satisfaction à son employeur. Sous son impulsion, la succursale de Genève-Cointrin est passée de 4 employés en 1969 à 18 au début des années 1990. 
 
Dès 1995, la direction bâloise de X.________ AG n'a plus été satisfaite des prestations de A.________. 
 
En automne 1995, la direction a ordonné la fusion de la succursale de Genève-Cointrin chargée du fret aérien et terrestre, qui était passée en-dessous du seuil de rentabilité, avec une autre succursale genevoise. 
 
Estimant que A.________ ne s'investissait plus dans ses tâches et qu'il demeurait totalement inactif, B.________ a fait parvenir à celui-ci, de 1995 à 1997, des messages comportant des jugements de valeur, des appréciations quant à ses capacités, à son sérieux et à ses compétences sur un ton inacceptable et humiliant. Ces écrits ont été remis en copie non seulement aux supérieurs de l'intéressé, mais aussi à ses pairs et à ses subordonnés. 
 
Bien que très affecté à l'époque par le contenu et la diffusion de ces messages dépréciatifs, A.________ a gardé le silence par peur de perdre son emploi. 
 
A partir de la fin de l'année 1997, B.________ n'a plus inséré ce type de messages dans les instructions écrites remises à A.________. 
Dans le courant de l'année 1999, A.________ a été formellement nommé directeur de la succursale "fusionnée" de Genève, faute d'une autre personne à disposition, selon B.________. Un délai d'un an a été imparti à A.________ pour assainir la situation, sous peine d'être remplacé à la tête de la succursale. 
 
En octobre 2000, la situation à Genève ne s'étant pas améliorée, X.________ AG a engagé C.________ pour seconder A.________, notamment dans le domaine de la prospection de clients. 
 
La succursale de Genève a amélioré de façon significative son chiffre d'affaires à la fin de l'année 2000. Seul le secteur du fret aérien, réservé à A.________, a continué à baisser. 
 
Au début du mois de janvier 2001, B.________, persuadé que les difficultés persistantes de Genève étaient imputables principalement à l'inaction de A.________, a chargé D.________, le chef du réseau des succursales suisses de X.________ AG, d'examiner la situation avec celui-ci et de formuler une ultime mise au point. 
 
Le 5 janvier 2001, D.________ a eu un entretien avec A.________ et lui a fixé, sur ordre du "patron", un délai de trois mois pour améliorer les résultats d'ensemble de la succursale de Genève, à défaut de quoi il y aurait un changement à la tête de cette dernière. 
 
Au début du mois de février 2002 (recte 2001), B.________ et D.________ ont décidé de relever A.________ de ses fonctions de directeur de succursale et de le remplacer, dès le 1er mars 2001, par C.________. Compte tenu de l'âge et de l'ancienneté dans l'entreprise de A.________, il a été convenu de ne pas se séparer de lui, mais, à partir du 1er mars 2001, de modifier ses attributions en le chargeant du fret aérien, ainsi que de la prospection de clientèle, et de réduire son salaire, le faisant passer de 9'450 fr. brut par mois à 7'450 fr. 
 
Le 12 février 2002 (recte 2001), A.________ a été reçu à Bâle par B.________, accompagné de D.________. Très remonté, B.________ a d'entrée tancé vertement A.________. Il l'a traité de "nul", précisant que sa décision était prise et qu'il ne reviendrait plus en arrière, puis il a quitté la pièce. D.________, qui venait de proposer le poste de directeur de succursale à C.________, qui avait immédiatement accepté, a alors expliqué à A.________ les changements prévus dans son statut. 
Celui-ci, tétanisé et blême, n'a pas réagi, mais a demandé un délai de réflexion. D.________, sans formuler de délai, l'a encouragé à réfléchir. 
 
Le 14 février 2003 (recte 2001), D.________ a informé A.________ du fait que C.________ avait accepté de prendre la direction de la succursale. Les modifications de son contrat lui seraient envoyées par courrier du jour et il viendrait à Genève le 22 mars 2001 pour informer sur place les collaborateurs des modifications décidées. 
 
Par courrier du 14 février 2001, X.________ AG, se référant à l'entretien du 12 février, a confirmé à A.________ ses nouvelles conditions de travail à partir du 1er mars 2001. Il en ressort notamment que, dès cette date, la direction de Genève serait reprise par C.________, que A.________ lui serait désormais subordonné et aurait d'autres attributions. Quant à sa rémunération, elle s'élèverait, depuis le 1er mars 2001, à 7'450 fr. brut par mois versé 13 fois l'an. A.________ devait renvoyer une copie signée de cette lettre pour montrer son accord. 
 
Le 21 février 2001, A.________ a demandé conseil à un avocat, qui a adressé, le jour même, une lettre, transmise par fax à X.________ AG. Usant de termes courtois, l'avocat a attiré au nom de son client l'attention de l'entreprise sur le fait qu'il n'était pas possible d'imposer unilatéralement, avec effet au 1er mars 2001, les changements contractuels décidés et il a incité l'employeur à reconsidérer sa position. 
 
La direction de X.________ AG a été très irritée des démarches entreprises par A.________. Son opposition aux modifications décidées, présentées par l'entremise d'un avocat, a été reçue comme une véritable déclaration de guerre. 
 
A la suite de ce fax, X.________ AG a notifié, le jour-même, à A.________ son licenciement pour la fin du délai contractuel de congé de six mois, qui devait arriver à expiration le 31 août 2001. Il était fait référence au refus de cet employé d'accepter les modifications de son contrat. 
 
A.________ a été libéré immédiatement de son obligation de travailler. 
 
Le 16 mars 2001, A.________ s'est opposé à ce congé, indiquant qu'il s'agissait d'une résiliation abusive. 
Le 28 mars 2001, X.________ AG a répondu que le licenciement n'était pas abusif, mais qu'il était dû à des motifs purement commerciaux. 
B. 
Le 15 juin 2001, A.________ a saisi la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, demandant le paiement par X.________ AG de 47'250 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 31 mars 2001 à titre d'indemnité pour licenciement abusif. Le 15 août 2001, il a encore réclamé 30'000 fr. avec intérêt à titre de réparation pour tort moral. 
 
Par jugement du 4 décembre 2001, le Tribunal de prud'hommes a débouté A.________ de toutes ses conclusions. 
 
Par arrêt du 5 mai 2003, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève a admis l'appel formé par A.________, annulé le jugement du 4 décembre 2001 et, statuant à nouveau, elle a condamné X.________ AG à verser à A.________ 37'800 fr. net avec intérêt à 5 % l'an dès le 31 mars 2001, correspondant à quatre mois de salaire, à titre d'indemnité pour licenciement abusif. En outre, elle a prononcé une réprobation judiciaire en raison de l'atteinte grave portée par X.________ AG à la personnalité de A.________ entre 1995 et 1997 par le biais d'appréciations et de formulations inacceptables contenues dans différents écrits qui étaient envoyés à celui-ci, avec copies à des pairs et des subordonnés. 
C. 
Contre l'arrêt du 5 mai 2003, X.________ AG (la défenderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral rédigé en langue allemande. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la confirmation du jugement du tribunal de prud'hommes du 4 décembre 2001, dans la mesure où il déboute A.________ de l'ensemble de ses conclusions. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité inférieure, pour qu'elle complète son état de fait. 
 
A.________ (le demandeur) propose le rejet du recours et, si besoin est, la confirmation de l'arrêt du 5 mai 2003, avec suite de frais et dépens. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile (cf. ATF 129 III 301 consid. 1.2.2; 128 III 250 consid. 1a) dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
 
Sur ce dernier point, il convient de préciser que la défenderesse était en droit de déposer un recours au Tribunal fédéral en allemand (cf. art. 30 al. 1 OJ; art. 4 Cst.), langue que maîtrise du reste le demandeur. Il n'y a cependant aucune raison de déroger en l'espèce à l'art. 37 al. 3 1ère phrase OJ, à teneur duquel l'arrêt est rédigé, en règle générale, dans la langue de la décision attaquée. Du reste, la procédure cantonale s'étant déroulée en français, la défenderesse ne saurait faire valoir qu'elle serait incapable de comprendre cette langue (cf. ATF 124 III 205 consid. 2). 
2. 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit mener son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et l'arrêt cité). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme ne permet pas de remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 128 III 271 consid. 2b/bb p. 277; 127 III 519 consid. 2a p. 522 in fine). 
 
La défenderesse complète l'état de fait ressortant de l'arrêt attaqué par d'autres éléments en précisant qu'il s'agit de circonstances essentielles qu'elle a alléguées et dont il n'a pas été tenu compte. Il ressort toutefois de son argumentation qu'elle formule d'une part des critiques de nature appellatoire, présentant en réalité sa propre version des événements et remettant en cause l'appréciation des preuves à laquelle a procédé la cour cantonale, ce qui n'est pas admissible. D'autre part, elle demande des compléments sur des faits destinés à prouver que l'employeur était matériellement en droit de mettre fin au contrat de travail du demandeur. Or, comme il le sera démontré ci-après, cette question n'est pas pertinente (cf. infra consid. 3.3). 
 
C'est par conséquent exclusivement à la lumière des faits constatés par la cour cantonale que les griefs de la défenderesse seront examinés. 
3. 
Invoquant une violation de l'art. 336 al. 1 let. d CO, la défenderesse reproche en premier lieu à la cour cantonale d'avoir admis l'existence d'un congé-modification abusif. 
3.1 Le congé sous réserve de modification ou congé-modification (Änderungskündigung) vise une résiliation prononcée à la suite du refus du salarié d'accepter une modification de ses conditions de travail. Il y a congé-modification au sens étroit lorsque la partie résilie le contrat tout en accompagnant sa déclaration de l'offre de poursuivre les rapports de travail à des conditions modifiées (ATF 123 III 246 consid. 3). Le salarié est ainsi placé devant l'alternative consistant soit à accepter une péjoration de ses conditions de travail, soit à quitter l'entreprise. Sur le plan juridique, il s'agit d'une résiliation liée à une offre de poursuivre les rapports de travail à des conditions modifiées (arrêt du Tribunal fédéral non publié 4C.463/1995 du 17 décembre 1996, consid. 4b/aa in fine). Le congé-modification au sens large vise, pour sa part, une résiliation qui n'est pas directement couplée avec la proposition de modification (ATF 123 III 246 consid. 3 p. 249; confirmé in arrêt du Tribunal fédéral non publié 4C.385/1999 du 6 mars 2000, consid. 4a). 
 
En l'espèce, on est en présence d'un congé sous réserve de modification au sens étroit. Les événements démontrent en effet que le demandeur n'avait pas d'autre choix que d'accepter sa rétrogradation dans l'entreprise et une diminution de son salaire à partir du 1er mars 2001. Le 12 février 2001, au moment de lui présenter l'alternative, le directeur de la défenderesse lui a d'ailleurs indiqué que sa décision était prise et qu'il ne reviendrait plus en arrière. En outre, avant même de connaître la position du demandeur, la défenderesse a proposé le poste de directeur de succursale qu'il occupait à son adjoint à partir du 1er mars 2001, et ce dernier a immédiatement accepté. Enfin, lorsque, par le biais de son avocat, le demandeur a suggéré à la défenderesse, le 21 février 2001, de reconsidérer sa position, il a été immédiatement licencié. 
3.2 La jurisprudence, suivant l'avis de la doctrine dominante, admet le principe d'un congé-modification, car, comme tout contrat, le contrat de travail n'est pas immuable; il peut cependant y avoir abus dans certaines circonstances (cf. ATF 123 III 246 consid. 3a et b p. 249 s. et les références citées; arrêt du 17 décembre 1996 op. cit., consid. 4b/bb). Tel est notamment le cas lorsque l'employeur propose des modifications qui doivent entrer en vigueur immédiatement, soit avant l'expiration du délai de licenciement, et qu'il congédie le salarié qui n'a pas accepté. La pratique considère que le licenciement est abusif au sens de l'art. 336 al. 1 let. d CO, car, en refusant une modification du contrat avant l'échéance, l'employé fait valoir de bonne foi une prétention découlant de son contrat de travail et c'est ce refus qui est à l'origine du licenciement. Selon le Tribunal fédéral, un tel procédé constitue toujours un congé abusif, car l'employeur doit fournir les mêmes prestations jusqu'à l'expiration du délai de congé (ATF 123 III 246 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 4C.7/1999 du 13 juin 2000, in SJ 2000 I 49, consid. 2; arrêt du 17 décembre 1996 op. cit., consid. 4b/bb). La doctrine partage cet avis (cf. Zoss, La résiliation abusive du contrat de travail, thèse Lausanne 1996, p. 207 s.; Wyler, Droit du travail, Berne 2002 p. 405 s.; Geiser, Die Änderungskündigung im schweizerischen Arbeitsrecht, AJP/PJA 1/99 p. 60 ss, no 3.14, qui rattache toutefois ce cas d'abus à l'art. 336 al. 1 let. c CO; Aubert, Commentaire romand, art. 336 CO no 9, qui considère, pour sa part, que la problématique relève de l'art. 337 CO). 
 
En l'espèce, le demandeur bénéficiait d'un délai de congé contractuel de six mois et son employeur lui a proposé, le 12 février 2001, de le rétrograder de son poste de directeur et de réduire son salaire à partir du 1er mars suivant, soit dans un délai d'à peine trois semaines. Le licenciement donné alors que le demandeur avait osé proposer que cette décision soit reconsidérée apparaît ainsi comme abusif. 
3.3 Il vient d'être exposé que l'abus réside dans le fait que l'employeur met fin au contrat, parce que le salarié n'accepte pas une péjoration immédiate de ses conditions de travail, alors qu'en vertu des dispositions légales, il était en droit de s'y opposer. C'est donc le procédé utilisé par l'employeur qui rend ce congé abusif, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander si, au surplus, les modifications du contrat proposées étaient en elles-mêmes admissibles (cf. en ce sens Geiser, op. cit., no 3.14) ou si l'employeur avait par ailleurs des raisons de mettre fin au contrat dans le délai ordinaire de congé. La défenderesse ne peut donc reprocher à la cour cantonale de ne pas avoir examiné si le comportement du demandeur justifiait son licenciement ou à tout le moins les modifications contractuelles proposées. 
 
De même, les motifs qui ont poussé l'employeur à proposer au demandeur de rester dans l'entreprise, mais avec un statut et un salaire inférieurs ne sont pas pertinents, contrairement à ce que soutient la défenderesse. En effet, même si sa proposition était dictée par le souhait d'éviter au demandeur, compte tenu de son âge et de son ancienneté dans l'entreprise, les affres d'un licenciement, l'employeur n'était pas dispensé pour autant de respecter le délai légal de congé s'il entendait modifier le contrat au détriment de son salarié. Au demeurant, rien ne l'empêchait, lorsque le demandeur lui a courtoisement indiqué, par l'intermédiaire de son avocat, que sa proposition n'était pas conforme à la loi, de reporter les effets des modifications proposées au terme du délai contractuel de congé, plutôt que de licencier sur le champ son salarié. 
 
Enfin, ce n'est pas parce que, depuis plusieurs années, le demandeur avait été avisé que, si les résultats de la succursale qu'il dirigeait ne s'amélioraient pas, il serait licencié, que la défenderesse pouvait modifier le contrat à sa guise dans un délai de trois semaines. 
3.4 La défenderesse se méprend lorsqu'elle cherche à se prévaloir des considérations figurant dans l'ATF 123 III 246, selon lesquelles il n'y a abus que si l'employeur propose un congé-modification sans vouloir la cessation des rapports de travail, mais qu'il recourt à ce moyen seulement pour imposer une modification du contrat en sa faveur au détriment du salarié en-dehors de toute justification matérielle. En effet, l'examen du bien-fondé matériel du congé-modification n'a d'intérêt que si celui-ci n'est pas déjà abusif pour un autre motif, par exemple parce que le procédé utilisé par l'employeur n'est pas admissible (cf. Geiser, op. cit., no 3.14). Or, comme on l'a vu (cf. supra consid. 3.2), tel est toujours le cas lorsque la modification proposée doit intervenir immédiatement ou si les nouvelles conditions proposées violent la loi ou une convention collective (cf. arrêt du 13 juin 2000 précité, in SJ 2000 I 49, consid. 3). 
3.5 Le congé-modification étant abusif, le demandeur pouvait prétendre à une indemnité en vertu de l'art. 336a al. 1 CO (Geiser, op. cit., no 5.14). En fixant celle-ci à quatre mois de salaire, compte tenu de l'âge, de l'ancienneté du demandeur dans la société défenderesse, ainsi que des difficultés de réinsertion professionnelle rencontrées par celui-ci, la cour cantonale a pris en considération des circonstances pertinentes et n'a pas abusé du pouvoir d'appréciation dont jouit le juge en la matière (cf. art. 336a al. 2 CO; arrêt 4C.310/1998 du 8 janvier 1999, in SJ 1999 I 277, consid. 3c; ATF 123 III 391 consid. 3b et c). La défenderesse ne formule du reste aucune critique sur ce point. 
 
Les griefs dirigés contre la partie de l'arrêt attaqué concernant le congé abusif sont donc infondés. 
4. 
En second lieu, la défenderesse soutient que la cour cantonale ne pouvait, en sus de l'indemnisation du demandeur pour licenciement abusif, la sanctionner en application des art. 49 et 328 CO
4.1 Lorsque l'atteinte à la personnalité subie par le salarié congédié abusivement découle du licenciement, l'indemnité de l'art. 336a CO comprend en principe la réparation du tort moral subi par le travailleur licencié (arrêt du Tribunal fédéral du 8 janvier 1999 précité, in SJ 1999 I 277, consid. 4a; ATF 123 III 391 consid. 3). Cette indemnité ne laisse guère de place à une application cumulative de l'art. 49 CO. Le Tribunal fédéral ne l'exclut cependant pas dans des situations exceptionnelles, lorsque l'atteinte serait à ce point grave qu'un montant correspondant à six mois de salaire ne suffirait pas à la réparer (consid. 9c non publié de l'ATF 126 III 395; arrêt du 22 décembre 1999 précité, in SJ 1999 I 277, consid. 4a). 
 
En revanche, comme l'art. 336a al. 2 in fine CO réserve les dommages-intérêts qui pourraient être dus à un autre titre, le travailleur conserve le droit de réclamer la réparation du préjudice résultant d'une cause autre que le caractère abusif du congé (cf. ATF 123 III 391 consid. 3c p. 394; cf. Staehelin, Commentaire zurichois, art 336a no 8 p. 579; Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd. Zurich 1992, art. 336a no 8), par exemple le tort moral résultant d'un harcèlement antérieur au congé abusif (Aubert, op. cit., art. 336a no 3). 
 
En l'occurrence, l'atteinte à la personnalité du demandeur retenue par la cour cantonale était liée aux courriers rédigés sur un ton inacceptable et humiliant qui avaient été envoyés par le directeur général de la défenderesse entre 1995 et 1997. Cette cause est indépendante du congé-modification qui a justifié le versement d'une indemnité sur la base de l'art. 336a CO. Par conséquent, on ne peut considérer que l'indemnité pour licenciement abusif absorbe la réparation de l'éventuelle atteinte à la personnalité du demandeur liée à ces courriers. Rien n'empêchait donc la cour cantonale de faire application de l'art. 49 CO parallèlement à l'art. 336a CO et elle pouvait allouer une réparation morale, sans qu'il soit nécessaire que l'atteinte ait une gravité telle que sa réparation dépasse le versement de l'indemnité maximale de l'art 336a CO
4.2 Il reste à examiner s'il y a eu atteinte à la personnalité et si celle-ci pouvait être sanctionnée par une réprobation judiciaire. 
4.2.1 Selon l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur. La violation des obligations prévues à l'art. 328 CO entraîne l'obligation pour l'employeur de réparer le préjudice matériel et le tort moral causés par sa faute ou celle d'un autre employé (cf. ATF 125 III 70 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral non publié 2C.2/2000 du 4 avril 2003, consid. 2.3). N'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle d'une personne ne justifie pas une réparation (cf. ATF 125 III 70 consid. 3a in fine et les références citées). 
 
Il ressort des faits constatés que le fondateur et président du conseil d'administration de la défenderesse a, de 1995 à 1997, fait parvenir au demandeur des messages comportant des jugements de valeur, des appréciations quant à ses capacité, à son sérieux et à ses compétences en usant d'un ton inacceptable et humiliant. Des copies de ces écrits étaient adressées non seulement aux supérieurs du demandeur, mais également à ses pairs et à ses subordonnés. Il a été retenu qu'à l'époque, le demandeur avait été très affecté et avait souffert du contenu et de la diffusion de ces messages dépréciatifs, mais qu'il s'était tu, de peur de perdre sa place de travail. Ces circonstances démontrent que l'on se trouve manifestement en présence d'une atteinte à la personnalité du salarié, qui a non seulement reçu pendant environ trois ans des messages humiliants, mais qui a également dû supporter la diffusion de ces écrits parmi le personnel de l'entreprise. Le fait que, pour l'auteur des messages, le ton utilisé était habituel n'y change rien. La défenderesse a donc violé l'art. 328 CO et ce d'autant plus gravement que c'est elle-même, par l'intermédiaire de son fondateur et président du conseil d'administration, qui était à l'origine des messages attentatoires à l'honneur de son employé. On est bien loin d'une atteinte insignifiante à l'image professionnelle dont la défenderesse cherche à démontrer l'existence dans son recours. 
4.2.2 La réparation morale est régie par l'art. 49 CO. Cette disposition prévoit le versement d'une somme d'argent pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur n'ait pas donné satisfaction autrement à la victime (cf. al. 1). Le juge peut substituer ou ajouter à l'allocation de cette indemnité un autre mode de réparation (al. 2). S'agissant du mode de réparation, le juge n'est pas lié par les conclusions du demandeur (Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, Berne 1982, p. 208 no 14). Les conditions pour l'octroi d'un montant en espèces ou d'un autre mode de réparation sont les mêmes (Brehm, Commentaire bernois, art. 49 CO no 98). L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la victime (ATF 129 IV 22 consid. 7.2; 125 III 269 consid. 2a p. 273). Selon la jurisprudence, la fixation de l'indemnité et, a fortiori, le prononcé d'un autre mode de réparation par le juge, est une question d'équité et non une question d'appréciation au sens strict qui limiterait la cognition du Tribunal fédéral à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation. Celui-ci examine ainsi librement si la somme allouée ou la réparation envisagée tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à la victime (cf. ATF 129 III 22 consid. 7.2 p. 37; 125 III 269 consid. 2a p. 273 s.). 
 
Compte tenu de l'atteinte à la personnalité indéniablement subie par le demandeur en raison des courriers reçus à plusieurs reprises entre 1995 et 1997, on ne voit pas que l'on puisse reprocher à la cour cantonale d'avoir considéré qu'une réparation au sens de l'art. 49 CO s'imposait. En outre, en l'absence d'un recours joint (art. 59 al. 2 OJ), il n'est pas nécessaire de se demander si une réparation sous forme d'argent aurait été au surplus justifiée. 
4.2.3 Il reste à examiner si la désapprobation judiciaire prononcée en l'espèce peut constituer un mode de réparation au sens de l'art. 49 al. 2 CO. Dans une jurisprudence ancienne, le Tribunal fédéral l'a admis (cf. ATF 63 II 184 consid. 1c p. 187; 43 II 309 consid. 5 p. 325). La doctrine est divisée sur cette question. Invoquant le fait qu'une désapprobation judiciaire ne peut être l'objet d'une procédure et qu'elle ne constitue pas une véritable réparation, certains auteurs refusent cette possibilité (Rey, Äusservertragliches Haftpflichtrecht, 2e éd. Zurich 1998, no 513; Jäggi, Fragen des privatrechtlichen Schutzes der Persönlichkeit, ZSR 1960 II p. 10 ss, 189a/190a), alors que d'autres émettent seulement des doutes (Deschenaux/Tercier, op. cit., p. 261 no 7; von Tuhr/Peter, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, Zurich 1979, p. 129). Brehm soutient, pour sa part, que, par analogie avec les procédures en constatation de droit, le prononcé d'une telle mesure doit être admise dans le cadre de l'art. 49 al. 2 CO (Brehm, op. cit., art. 49 CO no 106 s.). 
 
Sans trancher définitivement cette controverse, il convient de considérer que, dans le cas particulier, le prononcé d'une réprobation judiciaire doit être admis. En effet, on ne se trouve pas dans la situation où le jugement se limiterait à cette seule réprobation, car la défenderesse a également été condamnée à verser au demandeur une somme d'argent en application de l'art. 336a CO. Certes, l'atteinte à la personnalité subie par le demandeur est indépendante de la résiliation abusive, toutefois la réprobation judiciaire a été prononcée dans le même contexte. En outre, il ne faut pas oublier que l'art. 49 al. 2 CO laisse au juge une grande liberté dans la détermination du mode de réparation et que le prononcé de cette réprobation n'apparaît en tous les cas pas inéquitable en l'espèce. 
 
Le recours doit par conséquent être rejeté. 
5. 
Comme la valeur litigieuse, selon les prétentions du demandeur à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b; 100 II 358 consid. a), dépasse 30'000 fr., la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO). 
 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse. 
3. 
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. 
Lausanne, le 21 octobre 2003 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: