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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_734/2011 
 
Arrêt du 16 février 2012 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente, 
Escher et Herrmann. 
Greffier: M. Braconi. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA en récupération judiciaire, 
représentée par Me Marc Joory, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Y.________, 
représentée par Me Matteo Pedrazzini, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
mainlevée d'opposition, exequatur d'un jugement étranger, 
 
recours contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève du 15 septembre 2011. 
 
Considérant en fait et en droit: 
 
1. 
1.1 Un litige, dont le Tribunal fédéral a déjà connu à plusieurs reprises, oppose X.________ SA, société de droit brésilien, à Y.________, société de droit américain. 
 
1.2 Le 13 mars 2009, le Tribunal de justice de Sao Paulo a ordonné le redressement judiciaire de X.________, assorti de plusieurs mesures. Bien que les créanciers n'aient pas approuvé le plan de redressement qui leur était soumis, ledit tribunal a imposé à la débitrice, par jugement du 5 octobre 2009, un redressement judiciaire ("cram down"); le recours que Y.________ a déposé contre cette décision a été rejeté le 1er juin 2010 par la Cour d'appel de l'État de Sao Paulo (cf. arrêt 5A_86/2011). 
 
Le 6 juillet 2009, X.________ a requis la reconnaissance ainsi que l'exequatur du jugement brésilien du 13 mars 2009. Statuant le 27 octobre 2009, le Tribunal de première instance de Genève a admis la requête. Saisie d'un recours de Y.________, la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 4 février 2010, réformé partiellement ce jugement, en ce sens qu'elle n'a reconnu et déclaré exécutoire la décision brésilienne que pour la période du 13 mars au 11 septembre 2009. Le 7 juillet 2010, le Tribunal fédéral a annulé cet arrêt pour violation de l'art. 16 al. 1 LDIP et renvoyé la cause à l'autorité précédente aux fins d'établir le contenu du droit brésilien (arrêt 5A_193/2010; infra, consid. 2.2). 
 
1.3 Par jugement du 9 juin 2010, la Cour suprême de l'Etat de New York a condamné X.________ à verser à Y.________ la somme de 1'993'534.92 USD, correspondant à des honoraires d'avocat jusqu'à fin décembre 2008 (1'118'956.07 USD) et à des intérêts échus jusqu'au 22 janvier 2009 (874'578.85 USD); cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours. Dans le cadre d'une poursuite en validation de séquestre (n° xxxx), Y.________ a requis le 18 août 2010 la "constatation" que "le jugement de la Cour d'appel de l'État de New York du 9 juin 2010 a été reconnu et déclaré exécutoire par le Tribunal de première instance", ainsi que la mainlevée définitive à concurrence de 1'213'993 fr.43 (contrevaleur de 1'118'956.07 USD au cours du 28 juin 2010) 
 
Statuant le 13 avril 2011, le Tribunal de première instance de Genève a admis intégralement la requête. Par arrêt du 15 septembre suivant, la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours de la poursuivie. 
 
1.4 Par acte du 20 octobre 2011, X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt; sur le fond, elle conclut à ce qu'il soit ordonné à la Cour de justice de surseoir à statuer sur la requête de mainlevée "jusqu'à publication du jugement de reconnaissance et exécution en Suisse de la décision finale et exécutoire brésilienne en homologation du plan de récupération judiciaire" et à ce qu'il soit fait interdiction à l'Office des poursuites de Genève de distribuer les avoirs saisis dans le cadre de la poursuite en validation de séquestre. 
 
Par ordonnance du 7 décembre 2011, la Présidente de la IIe Cour de droit civil a attribué l'effet suspensif au recours. 
 
1.5 Par ordonnance du 6 février 2012, le Juge instructeur de la Cour de céans a invité les parties à se prononcer sur la prise en considération de la décision sur rectification rendue le 21 novembre 2011 par la Cour de justice (infra, consid. 2.2). La recourante s'en remet à justice, alors que l'intimée n'a pas répondu. Pour le surplus, des observations sur le fond n'ont pas été sollicitées. 
 
2. 
2.1 Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) qui confirme, en dernière instance cantonale et sur recours (art. 75 LTF), le prononcé de l'exequatur et de la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer (art. 72 al. 2 let. a et let. b ch. 1 LTF; cf. arrêt 5A_441/2011 du 16 décembre 2011 consid. 1.1); la valeur litigieuse atteint largement le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF); la poursuivie a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
2.2 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
Le 8 novembre 2011, l'intimée a demandé une "rectification" de l'arrêt attaqué. Bien qu'ayant déclaré la requête irrecevable le 21 novembre 2011, la Cour de justice n'a pas moins reconnu que l'état de fait de la décision présentement entreprise était erroné en tant qu'il mentionnait que la question de la durée du sursis concordataire accordé à la recourante n'avait pas encore été tranchée (p. 3, let. F). Or, au contraire, ce point avait été résolu définitivement par un arrêt du 9 décembre 2010, qui avait retenu que ce sursis était d'une durée de 180 jours, à savoir du 13 mars au 8 septembre 2009. Cette "rectification" de l'état de fait pertinent - sur laquelle les parties ont été invitées à s'exprimer (supra, consid. 1.4) - peut être prise en considération aux fins de la présente procédure (art. 105 al. 2 LTF). 
 
3. 
En l'espèce, l'autorité précédente a d'abord constaté que le jugement américain du 9 juin 2010 était exécutoire d'après le droit de l'Etat dans lequel il avait été rendu, de sorte qu'il était susceptible de mainlevée définitive de l'opposition; il n'y a pas lieu à exequatur préalable, car la procédure de mainlevée tient lieu d'exequatur (cf. art. 81 al. 3 LP). En outre, l'exception de litispendance est infondée parce qu'une procédure en recouvrement d'honoraires et de frais ne se confond pas avec une procédure concordataire, "puisque leurs buts sont antinomiques, que les parties au litige ne sont pas les mêmes et qu'elles ne s'articulent pas autour des mêmes fondements juridiques". 
 
3.1 La recourante dénonce tout d'abord une violation des art. 9 et 27 al. 2 let. c in principio LDIP; elle reproche à l'autorité cantonale d'avoir nié la connexité entre, d'une part, la procédure ouverte le 6 juillet 2010 en reconnaissance du "jugement brésilien qui lui octroie la récupération judiciaire" et, d'autre part, la procédure en exequatur et en mainlevée définitive de l'opposition. 
 
Si l'on peut admettre (dans une acception large) qu'une procédure qui tend à l'exequatur et à la mainlevée définitive présente des analogies avec un procès civil opposant deux parties (ATF 118 Ia 118 consid. 1b p. 122), tel n'est manifestement pas le cas d'une procédure d'exécution forcée collective (i.c. un concordat), laquelle concerne l'ensemble des créanciers et ne saurait ainsi être comparée à une "Zweiparteiverfahren" (cf. pour la procédure de faillite: Marius Schraner, Neue Tatsachen im Berufungsverfahren gegen das Konkurserkenntnis, in: RSJ 1980 p. 279 ch. IV). L'objet des deux procédures (i.e. mainlevée et exequatur d'un jugement civil condamnatoire, d'une part, et reconnaissance d'une procédure concordataire étrangère, d'autre part) n'est au surplus pas le même. Enfin, il n'y a plus aucune litispendance entre la procédure de mainlevée ouverte le 18 août 2010 et la procédure en reconnaissance du sursis concordataire, lequel a cessé de produire ses effets depuis le 8 septembre 2009 déjà; quant à la procédure en reconnaissance du jugement d'homologation ("cram down") - certes pendante devant les tribunaux genevois (cf. arrêt 5A_86/2011 consid. 2.2.2) -, il ne ressort pas de l'arrêt entrepris (art. 105 al. 1 LTF) qu'elle aurait débouché sur un jugement définitif (cf. infra, consid. 4.2). 
 
3.2 Invoquant l'art. 27 al. 2 let. c in fine LDIP, la recourante soutient qu'il est choquant de reconnaître le jugement américain rendu le 9 juin 2010 et, partant, de priver de l'essentiel de leurs effets des jugements précédents rendus dans le contexte de la procédure concordataire, à savoir "le jugement brésilien du 13 mars 2009, la décision de «cram down» du 5 octobre 2009, ainsi que la décision 03059391 qu'a rendue à sa suite la Chambre réservée à la faillite et à la récupération de Sao Paulo le 1er juin 2010". 
 
Il ne ressort pas de l'arrêt entrepris (art. 105 al. 1 LTF, applicable aux faits de la procédure cantonale: arrêt 5A_440/2011 du 25 octobre 2011 consid. 2.5 et la jurisprudence citée) que le moyen pris de l'"exception de chose jugée" aurait été soumis à l'autorité précédente; dans cette mesure, le grief s'avère irrecevable, faute d'épuisement des instances cantonales (art. 75 al. 1 LTF; ATF 133 III 585 consid. 3.1; 135 III 424 consid. 3.2, avec les références). Quoi qu'il en soit, le grief est de toute manière mal fondé. Le jugement accordant le sursis concordataire ne saurait faire obstacle à la mainlevée, dès lors qu'il ne sortit plus d'effets depuis le 8 septembre 2009 (cf. supra, consid. 2.2); quant au jugement d'homologation ("cram down"), il n'a pas encore été reconnu en Suisse, de sorte que rien ne s'oppose, de ce point de vue, au prononcé de la mainlevée (arrêt 5A_86/2011 précité ibidem; cf. infra, consid. 4.2). 
 
4. 
Enfin, la recourante se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) et d'une violation des art. 166 ss LDIP; elle fait valoir, en bref, que le refus de suspendre la procédure de mainlevée procède d'une "pondération arbitraire des intérêts en présence", car le droit suisse "privilégie clairement les intérêts convergents du débiteur en voie d'assainissement ainsi que ceux de ses créanciers placés sur un pied d'égalité, à l'intérêt strictement privé du créancier poursuivant d'une manière indépendante sa créance". Au surplus, l'intérêt à une issue rapide de la procédure de mainlevée (dans la poursuite en validation de séquestre) ne saurait justifier à lui seul la poursuite du procès en Suisse sans attendre le sort de la procédure concordataire étrangère antérieure. 
 
4.1 Contrairement au régime antérieur (arrêt 5P.189/1996 du 19 septembre 1996 consid. 1b, non reproduit in: SJ 1997 p. 101), le Tribunal fédéral revoit désormais librement l'application des art. 166 ss LDIP, et non plus sous l'angle restreint de l'arbitraire (art. 106 al. 1 LTF). 
 
4.2 Comme l'a rappelé la Cour de céans dans les précédents arrêts opposant les parties, une procédure concordataire étrangère ne produit aucun effet en Suisse avant sa reconnaissance (cf. en dernier lieu: arrêt 5A_86/2011 précité ibidem); même l'octroi de mesures provisionnelles fondées sur l'art. 168 LDIP ne saurait avoir pour effet de suspendre la procédure de mainlevée (arrêt précité ibidem, avec les références). Or, en l'occurrence, il est constant que le sursis concordataire a cessé de produire ses effets depuis le 8 septembre 2009 (cf. supra, consid. 2.2); de surcroît, il ne ressort pas de l'arrêt déféré (art. 105 al. 1 LTF) que le jugement d'homologation ("cram down") aurait été reconnu en Suisse (art. 166 al. 1 et 170 al. 1 LDIP, par renvoi de l'art. 175 LDIP). À suivre la recourante - pour autant que son argumentation soit intelligible -, la suspension des poursuites individuelles en Suisse devrait être ordonnée en raison de la simple ouverture d'une procédure collective à l'étranger; une pareille solution ne trouve toutefois aucun appui dans la loi, étant rappelé que le législateur a expressément refusé de prévoir la caducité des "procédures de séquestre pendantes ou celles qui sont introduites pendant la procédure de reconnaissance" (cf. Braconi, in: Commentaire romand, LDIP - CL, 2011, n° 7 ad art. 168 LDIP, avec référence aux débats parlementaires). Il s'ensuit que le prononcé de la mainlevée ne prête pas le flanc à la critique. 
 
5. 
Manifestement mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre sur le fond et s'en est rapportée à justice quant au sort de la requête d'effet suspensif; elle n'a pas davantage donné suite à l'ordonnance du 6 février 2012 (cf. supra, consid. 1.5). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens à l'intimée. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 16 février 2012 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Hohl 
 
Le Greffier: Braconi