Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.192/2004 
 
Arrêt du 26 janvier 2005 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Nyffeler, Favre et Kiss. 
Greffière: Mme Godat Zimmermann. 
 
Parties 
A.________, 
recourante, représentée par Me Raphaël Treuillaud, 
 
contre 
 
B.________ SA (anciennement V.________ SA), 
intimée, représentée par Me Guy Stanislas 
 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
art. 9 Cst. (appréciation arbitraire des preuves en procédure civile), 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 11 juin 2004. 
 
Faits: 
A. 
X.________, citoyen américain domicilié en Belgique, est l'unique ayant droit économique de A.________, entreprise fiduciaire de droit liechtensteinois, spécialisée dans la gestion de patrimoine. 
 
A.________ a d'abord été cliente de la banque T.________, à Genève. Dès 1995, X.________ a convenu avec cette banque d'une stratégie d'investissement fondée sur la spéculation sur les taux de change entre le yen japonais (JPY) et d'autres monnaies. En substance, il s'agissait de s'endetter dans une monnaie à faible taux d'emprunt - le yen -, avant d'investir le produit du prêt dans un portefeuille d'obligations en monnaies à plus haut rendement, par exemple le dollar américain (USD). Cette stratégie est fondée sur la stabilité du taux de change JPY/USD; en cas d'appréciation du yen par rapport au dollar, la perte de change risque en effet d'annuler le bénéfice lié à la différence de taux d'intérêts, une forte hausse du yen pouvant même entraîner des pertes. Pour assurer une couverture adéquate des prêts et avances à terme fixe consentis par la banque, ce genre d'opération spéculative implique la fixation d'une marge de sécurité exprimée en pour-cent de la valeur totale du portefeuille; à titre d'exemple, une marge de 30% permet un emprunt à concurrence de 70% de la valeur du portefeuille. Lorsque l'endettement dépasse ce dernier taux, la banque demande au client de reconstituer la marge (appel de marge), par la réalisation de titres du portefeuille ou par l'apport d'actifs. Elle peut aussi, dans certaines conditions, liquider les positions. 
 
Même s'il ne disposait pas de connaissances bancaires approfondies, X.________ avait une compréhension partielle des marchés financiers. Il était en tout cas conscient du risque lié aux opérations spéculatives décrites ci-dessus; il savait ce que signifiait un appel de marge. En bref, il maîtrisait sa stratégie d'investissement. 
 
Auprès de la banque T.________, l'endettement de A.________ ne pouvait dépasser le 70% de la valeur du portefeuille. En 1997, X.________ a cherché à obtenir une marge permettant un endettement plus important. La banque était d'accord à condition que le client l'autorise d'emblée à réaliser certains biens en cas d'appréciation du yen et de non-respect de la marge. 
 
Comme il refusait cette exigence, X.________ s'est adressé à la banque W.________ SA, devenue par la suite V.________SA. 
 
Le 2 mai 1997, X.________ et Y.________, gestionnaire et membre de la direction de V.________, ont convenu de poursuivre dans cet établissement la stratégie d'investissement initiée auprès de la banque T.________. Le courrier de confirmation indiquait une marge de 30%, sans faire mention de la possibilité donnée à la banque de réaliser les actifs du compte en cas de dépassement de la limite. 
 
Le 12 juin 1997, A.________ a ouvert un compte auprès de V.________. Elle a conféré à X.________ un pouvoir de signature individuelle. Aucun mandat de gestion n'a été confié à V.________, qui devait se contenter d'exécuter les instructions de X.________. Parmi les documents signés, figurent notamment une décharge pour ordres téléphoniques, ainsi que les «conditions spéciales pour opération et contrat à terme, options et autres dérivés», qui comprennent le passage suivant: 
 
«Les marges de garantie relatives à ce genre d'opérations et, de manière générale, aux nantissements seront déterminées par la Banque de cas en cas. Le Client s'engage à veiller au maintien et à la reconstitution desdites marges dont le montant doit correspondre en tout temps à la marge indiquée lors de la confirmation de la ligne, sans que la Banque soit obligée de l'aviser, de manière formelle ou autre en cas d'insuffisance de marge. La Banque se réserve le droit de modifier les marges requises en tout temps et sans préavis. Les pertes, qu'elles soient réalisées ou non, doivent toujours être couvertes à 100%. 
(...) 
Lorsque le Client ne fournit pas de sûretés complémentaires, la Banque a le droit, mais non l'obligation de prendre immédiatement, ou à tout autre moment qui lui conviendra ultérieurement, les mesures nécessaires pour reconstituer la couverture intégrale. La Banque peut, à son choix, liquider en tout ou en partie les transactions ou contrats conclus ou réaliser les sûretés fournies.» 
Jusqu'en août 1999, X.________, qualifié de «client privilégié», se trouvait en contact téléphonique presque quotidien avec Y.________ ou son assistante. Les appels ont également été très fréquents entre le 1er et le 15 septembre 1999. Vu l'intensité de ces échanges, la banque avait cessé de consigner leur contenu par écrit. Les relevés bancaires étaient envoyés mensuellement au domicile privé de X.________, qui était aussi informé de la position des comptes sur demande téléphonique. 
D'accord entre les parties, la marge initiale de 30% a été réduite à 20%, autorisant ainsi un emprunt à concurrence de 80% de la valeur du portefeuille. En octobre 1998, cette dernière limite a été dépassée. A cette occasion, le comité de crédit de V.________ a approuvé une marge «exceptionnelle» fixée à 10%. A.________ affirme qu'elle n'en a pas été informée, alors que V.________ soutient que le comité de crédit ne serait pas intervenu sans la volonté de la cliente de disposer d'une marge plus favorable à ses investissements. 
 
Dès le début 1999, le yen s'est régulièrement renforcé par rapport au dollar, de sorte que le taux d'utilisation du crédit a passé à 81,16% du portefeuille le 2 juillet 1999, puis à 85,5% le 31 juillet 1999. X.________ a alors demandé à Y.________ s'il était indiqué de mettre en place une option permettant de limiter le risque. Selon le gestionnaire, le bénéficiaire de A.________ a renoncé à ce projet à cause du prix d'une telle option, oscillant entre 200 000 et 300 000 USD. Pour sa part, X.________ prétend avoir donné l'instruction d'acheter l'option, mais que la banque n'y a pas donné suite. 
 
Parmi les emprunts contractés en yens, trois venaient à échéance en août 1999. Ils ont été reconduits respectivement les 3 et 29 août 1999 à concurrence de 625 000 000 JPY, représentant le tiers des emprunts. X.________ soutient que ces renouvellements ont été exécutés par la banque à son insu, tandis que V.________ affirme le contraire. 
 
En septembre 1999, la différence de change entre le yen et le dollar américain a encore évolué en défaveur des investissements de A.________. La banque a alors demandé à sa cliente de vendre des actions du portefeuille pour reconstituer la marge; ces transactions, exécutées les 8 et 13 septembre 1999, ont produit 1 350 000 USD, montant insuffisant pour respecter la marge fixée. Toujours en septembre 1999, le département des crédits de V.________ a indiqué au gestionnaire que la pose d'un «stop loss» à 107 était nécessaire; ce chiffre représente un taux de change JPY/USD qui, s'il est atteint, entraîne la liquidation de toutes les positions du client. Y.________ affirme avoir avisé X.________ de cette mesure; celui-ci aurait alors refusé un «stop loss» à 107 et demandé au gestionnaire de solliciter la pose d'un tel mécanisme à un niveau plus bas, car il était persuadé que la progression du yen par rapport au dollar n'était qu'un accident de parcours. A la suite de plusieurs requêtes de Y.________, le comité des crédits a accepté la fixation d'un «stop loss» à 104 sur l'ensemble des investissements. Selon le gestionnaire, il a communiqué cette décision à X.________ le 10 septembre 1999 et ce dernier l'a acceptée. 
 
Le 15 septembre 1999, le seuil de 104 a été atteint et les positions de A.________ ont été liquidées. Le gestionnaire de V.________ affirme avoir téléphoné ce jour-là à X.________ pour lui annoncer cette liquidation et avoir obtenu son accord afin que le montant à rembourser soit réparti sur les diverses échéances des prêts en yens, sous forme d'opérations «swap». 
 
Le 16 septembre 1999, X.________ a rencontré Y.________ et deux autres membres de la direction de V.________. Il affirme avoir appris à cette occasion la reconduction des emprunts en août 1999. Il soutient également avoir ignoré qu'un «stop loss» avait été fixé à 104 et qu'il avait été exécuté la veille. Lors de cette réunion, X.________ a signé un ordre pour vendre toutes les obligations en dollars australiens et canadiens ainsi qu'en livres sterling. Comme les parties étaient liées par une forte relation de confiance, la banque n'a pas demandé au client de signer un bien-trouvé. 
 
Dans un courrier du 20 septembre 1999, X.________ a reproché à la banque la fixation d'un «stop loss» à 104 et la liquidation de la totalité de ses positions. V.________ a nié que sa responsabilité soit engagée pour les pertes subies par A.________. 
B. 
Par demande déposée le 17 octobre 2001, A.________ a assigné V.________ en paiement de 5 916 497 USD avec intérêts à 7,5% dès le 3 août 2001. Fondant son action sur la violation fautive des obligations contractuelles de la banque, A.________ réclamait réparation d'un dommage qu'elle décomposait ainsi (sic): 
 
- 4 584 895 USD représentant la différence en dollars américains des yens mis à disposition de A.________ le 17 septembre 1999 et leur valeur au 3 août 2001, date d'échéance des opérations à terme; 
- 1 585 099 USD correspondant au manque à gagner jusqu'au 3 août 2001 résultant du défaut de revenu des obligations vendues le 17 septembre 1999. 
Par jugement du 22 septembre 2003, le Tribunal de première instance du canton de Genève a rejeté toutes les conclusions de A.________. 
 
Statuant le 11 juin 2004 sur appel de la demanderesse, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé le jugement entrepris. 
C. 
A.________ dépose un recours de droit public. Elle demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue dans le sens des considérants et condamne l'intimée à payer à la recourante la somme de 5 916 497 USD plus intérêts à 7,5% dès le 3 août 2001. 
 
La banque conclut au rejet du recours. 
 
Après le prononcé de l'arrêt cantonal, la raison sociale de l'intimée a été modifiée en B.________ SA. 
 
A.________ a également interjeté un recours en réforme contre l'arrêt du 11 juin 2004. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient de traiter le recours de droit public avant le recours en réforme. 
2. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (entre autres, ATF 130 II 321 consid. 1 p. 324). 
2.1 Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), le recours de droit public est fondé sur la violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ) et dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 et 87 OJ). L'arrêt attaqué n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral dans la mesure où la recourante se plaint d'une violation directe d'un droit de rang constitutionnel; la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 OJ). 
La recourante est personnellement touchée par la décision entreprise, puisque ses conclusions condamnatoires ont été écartées. Elle a ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptée en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, la qualité pour recourir doit lui être reconnue (art. 88 OJ). 
2.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1c p. 53/54 et les arrêts cités). Il n'entre pas en matière sur les griefs insuffisamment motivés ou sur les critiques purement appellatoires. Le recourant ne peut se contenter de critiquer la décision attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit (ATF 128 I 295 consid. 7a). L'art. 90 al. 1 let. b OJ n'autorise pas non plus l'auteur d'un recours de droit public à présenter sa propre version des événements (ATF 129 III 727 consid. 5.2.2). Par ailleurs, le Tribunal fédéral se fonde sur l'état de fait tel qu'il a été retenu dans l'arrêt attaqué, à moins que le recourant n'établisse que l'autorité cantonale a constaté les faits de manière inexacte ou incomplète en violation de la Constitution fédérale (ATF 118 Ia 20 consid. 5a). 
2.3 Le recours de droit public a, sauf exceptions non réalisées en l'espèce, une fonction purement cassatoire (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132 et les arrêts cités). Par conséquent, la conclusion tendant au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision et condamnation de l'intimée à payer à la recourante la somme de 5 916 497 USD avec intérêts, est irrecevable (cf. ATF 129 I 173 consid. 1.5 p. 176). 
3. 
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante reproche à la Cour de justice de s'être livrée à une appréciation arbitraire des preuves sur quatre points, qui seront examinés ci-après. 
3.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités). 
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a). Il appartient au recourant de démontrer, par une argumentation précise, en quoi la décision incriminée est arbitraire (ATF 130 I 258 consid. 1.3; 129 I 113 consid. 2.1; 125 I 71 consid. 1c p. 76). 
3.2 Selon la recourante, les juges genevois ont retenu de manière insoutenable que les prêts venant à échéance en août 1999 avaient été reconduits avec son accord. La cour cantonale se serait fondée sur des «supputations hasardeuses tout à fait arbitraires et invraisemblables». 
A titre liminaire, la Cour de justice a exposé qu'elle n'entendait pas donner plus de poids aux déclarations du bénéficiaire de la recourante, entendu comme partie et immédiatement intéressé à l'issue du procès, qu'à celles du gestionnaire, pris comme un témoin assermenté mais employé de l'intimée. Sur la question du renouvellement des prêts, d'autres éléments du dossier ont conduit la cour cantonale à retenir la version présentée par le gestionnaire, qui avait déclaré avoir, lors de chaque échéance de prêt, y compris en août 1999, pris contact avec X.________ pour enregistrer ses instructions au sujet du montant, de la durée et du taux de l'emprunt. 
Contrairement à ce que la recourante prétend, ces éléments ne peuvent être qualifiés de supputations entachées d'arbitraire. Ainsi, par ses rapports fréquents et privilégiés avec le gestionnaire, X.________ était informé quasiment chaque jour de la situation des comptes de la recourante; dans ces conditions, il n'était pas insoutenable d'admettre qu'il connaissait l'échéance des deux prêts représentant le tiers des emprunts et qu'il devait se déterminer sur leur sort avec les représentants de la banque administrant les comptes. 
Il n'était pas arbitraire non plus selon de voir dans la politique d'investissement de la recourante un élément corroborant le témoignage du gestionnaire. En effet, la recourante avait adopté la position de reconduire les emprunts, ce qui ressortait d'un premier renouvellement de crédit et s'inscrivait dans la suite de la stratégie d'investissement déjà appliquée avec la banque T.________ depuis 1995. 
Contrairement à l'avis de la recourante, il n'était par ailleurs pas insoutenable d'admettre que X.________ avait donné suite aux deux appels de marge du début septembre 1999 en connaissance de cause, c'est-à-dire en sachant que certains prêts avaient été renouvelés le mois précédent. La recourante n'explique du reste pas en quoi le fait d'avoir accepté de vendre des actions du portefeuille constituerait précisément la preuve de l'ignorance de X.________ au sujet du renouvellement des prêts. Au demeurant, l'argumentation avancée dans le recours quant à la prétendue intention de X.________ de ne pas renouveler les prêts ne trouve aucun appui dans les faits. Enfin, la recourante ne démontre pas en quoi il était arbitraire de relever que la recourante n'a contesté le renouvellement des prêts que le 20 septembre 1999, soit après l'exécution du «stop loss». 
Sur le vu de ces considérations, le premier moyen fondé sur la violation de l'art. 9 Cst. doit être écarté. 
3.3 La recourante fait ensuite grief à la Cour de justice d'avoir retenu arbitrairement que les parties avaient convenu une modification de la marge à un taux inférieur à 20%. Elle soutient que la banque ne l'a pas avisée, en octobre 1998, du dépassement de la marge de 20% et qu'elle a modifié ce taux unilatéralement à son détriment, alors que la seule consultation des relevés de comptes ne permettait pas de savoir si l'endettement excédait la marge fixée. 
La nouvelle fixation de la marge a fait l'objet, à fin 1998, d'une approbation formelle du comité de crédit de la banque. Pour forger sa conviction que le nouveau taux avait été convenu entre les parties, la cour cantonale s'est fondée sur plusieurs éléments. Elle a ainsi retenu que le bénéficiaire de la recourante s'était nécessairement rendu compte du dépassement de la marge lors de l'épisode de fin 1998 et depuis juillet 1999, car il entretenait des rapports téléphoniques quasi quotidiens avec le gestionnaire de l'intimée, demandait souvent par téléphone la position du compte et ne s'est jamais plaint de cette situation dont il tirait objectivement parti; de plus, X.________ avait une connaissance suffisante des marchés financiers, en tout cas dans le domaine de la spéculation sur le différentiel du taux entre le yen et le dollar américain, type de gestion qu'il pratiquait régulièrement depuis 1995. Même si la seule lecture d'un relevé de compte ne permet peut-être pas de connaître l'état du ratio entre l'endettement et la marge, les contacts téléphoniques très fréquents entre les représentants des parties étaient de nature à élucider une telle question. De surcroît, l'autorité cantonale pouvait retenir sans arbitraire que le bénéficiaire de la recourante était spécialement conscient de l'importance des marges convenues, puisque ce problème particulier avait motivé le changement d'établissement bancaire en 1997. 
Il en résulte que la cour cantonale a forgé sa conviction de manière soutenable. En conséquence, le grief d'arbitraire quant à la modification et au dépassement de la marge tombe à faux. 
3.4 En troisième lieu, la recourante tient pour arbitraire la constatation cantonale selon laquelle un «stop loss» a été mis en place avec son accord. Elle reproche à la Cour de justice d'avoir repris la thèse de l'intimée sur la seule base de «supputations hypothétiques». 
En l'absence de preuve documentaire et face aux versions divergentes des deux parties, la juridiction cantonale a retenu le fait incriminé en se fondant essentiellement sur les témoignages des employés de l'intimée. Sur le vu de l'ensemble du dossier et du contexte, ce mode d'appréciation des preuves n'est pas critiquable au point de tomber sous le coup de l'interdiction de l'arbitraire, dans la mesure où les dépositions des employés de la banque explicitent un comportement cohérent par rapport aux intérêts des parties. 
Il est incontesté que X.________ et Y.________ ont échangé de très nombreux appels téléphoniques dans les quinze premiers jours de septembre 1999. Certes, la fréquence de ces entretiens ne constitue pas en soi une preuve de leur contenu. Il n'en demeure pas moins qu'ils sont intervenus à une période où l'évolution du cours du yen par rapport au dollar américain était défavorable aux investissements de la recourante au point que la marge n'était plus respectée. D'après ses documents internes, l'intimée a envisagé, dès la mi-août 1999, la pose d'un «stop loss» destiné à protéger les avoirs de la cliente et ceux de la banque. Parallèlement, au début septembre 1999, la recourante a, sur demande de la banque, donné l'ordre de vendre des actions de son portefeuille pour reconstituer la marge. Or, cette mesure s'est révélée insuffisante. Dans ces conditions, il n'était pas arbitraire de retenir que les fréquents entretiens téléphoniques de la première quinzaine de septembre 1999 avaient porté notamment sur la pose d'un «stop loss». 
Il ressort par ailleurs des dépositions des employés de la banque que le département des crédits entendait obtenir un «stop loss» à 107. Or, la limite a finalement été fixée à 104, soit à un niveau qui ménageait les intérêts de la cliente. Il n'est pas insoutenable d'en déduire que le «stop loss» a ainsi été fixé à 104 avec l'accord de X.________, désireux de pouvoir poursuivre la politique d'investissement menée jusqu'alors. On ne comprendrait en effet pas pourquoi la banque aurait unilatéralement fixé le «stop loss» à un niveau plus bas et augmenté ainsi son propre risque si la cliente, avertie de la mesure envisagée, n'avait pas exigé une telle réduction. Sur ce point, le moyen tiré d'une appréciation arbitraire des preuves doit également être rejeté. 
3.5 La recourante s'en prend enfin à la constatation selon laquelle la mise en place d'opérations «swap» lors de la liquidation répondait à l'intérêt de la cliente. Elle invoque à cet égard le rapport d'expertise de S.________ SA qu'elle a produit dans la procédure; selon ce document, la banque n'a pas suivi les instructions de son client et a même augmenté son risque et les pertes correspondantes en mettant en place des opérations de change à terme. Pour écarter cette opinion, la cour cantonale aurait dû, à tout le moins, ordonner une expertise judiciaire. 
Par deux fois, la cour cantonale a souligné que la mise en place des opérations «swap» avait été acceptée par X.________. Contre cette constatation déterminante pour l'issue du litige, la recourante ne formule aucune critique conforme aux exigences de motivation posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Il est au surplus manifeste que ni un expert privé, ni un expert judiciaire n'était en mesure d'apporter a posteriori un élément probant sur la question du consentement ou du refus des opérations «swap» par la cliente. Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas méconnu l'art. 9 Cst. en ne tenant pas compte de l'expertise commandée par la recourante. 
Au demeurant, la Cour de justice a retenu, sur la base de deux témoignages émanant d'employés de l'intimée, que la mise en place des opérations «swap» était la suite logique de l'institution du «stop loss» et que la mesure adoptée était propre à garantir les intérêts de la cliente. Même s'il eût été plus judicieux de dire en quoi ces opérations étaient susceptibles de protéger les intérêts de l'investisseur, il n'était pas arbitraire pour autant de préférer la déposition de deux témoins, même employés d'une des parties, à une expertise privée, qui est assimilable à une déclaration de l'autre partie. 
3.6 En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
4. 
Vu l'issue de la procédure, la recourante prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 25 000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 27 000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 26 janvier 2005 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: