Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_135/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 17 septembre 2015  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Eusebio et Chaix. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
Commune de Mathod, 
représentée par Me Jean-Michel Henny, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, représentée par Me Yves Nicole, 
intimée, 
 
Commission de classification du Syndicat d'améliorations foncières du Mujon, 
représentée par Mosini et Caviezel SA, Ingénieurs EPFL et Géomètres officiels, 
Commission de classification du Syndicat d'améliorations foncières du Mujon, représentée par 
la Commission de direction du Syndicat d'améliorations foncières du Mujon, 
Comité de direction du Syndicat d'améliorations foncières du Mujon, 
 
Service du développement territorial du canton de Vaud. 
 
Objet 
remaniement parcellaire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 2 février 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le syndicat d'améliorations foncières du Mujon a été constitué le 19 juin 2007 par des propriétaires de terrains sis sur les territoires des communes de Mathod, Suscévaz, Champvent, Rances, Valeyres-sous-Rances et Treycovagnes. Il a pour buts le remaniement parcellaire, l'amélioration du réseau de dessertes, la revalorisation écologique et la gestion des eaux de surface. 
 
A.________, exploitante agricole propriétaire d'une trentaine de parcelles sur le territoire de la Commune de Mathod (dont 27 à l'ancien état comprises dans le périmètre du syndicat), a fait opposition au projet d'améliorations foncières soumis à l'enquête publique. Au nouvel état, il était procédé à un regroupement et elle était attributaire de 6 parcelles, dont la parcelle n° 1104 située en bordure de forêt. La surface agricole totale de l'ancien état représentait 287'336 m² pour une valeur de 734'328 francs. Au nouvel état, cette surface agricole était de 285'118 m² pour une valeur de 738'332 fr., soit une soulte positive de 4'004 francs. A.________ demandait notamment que la parcelle nouvel état n° 1080 - nouvellement attribuée à la Commune de Mathod -, d'une surface de 15'057 m², plus proche du village et qu'elle exploitait déjà comme locataire, lui soit attribuée en lieu et place de la parcelle nouvel état n° 1104, d'une surface de 15'011 m², jouxtant des parcelles (en nature de forêt) récemment acquises par la Commune de Mathod. 
 
B.   
Le 11 avril 2014, la Commission de classification du syndicat a écarté l'opposition de A.________ et décidé de maintenir le nouvel état tel que soumis à l'enquête publique. Statuant sur recours de l'intéressée, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois a réformé cette décision en ce sens que l'opposition est admise, la parcelle n° 1080 du nouvel état du syndicat d'améliorations foncières du Mujon étant attribuée à A.________ en lieu et place de la parcelle n° 1104, attribuée à la Commune de Mathod. Les premiers juges ont tenu compte du fait que la parcelle n° 1080 était plus proche du centre d'exploitation de l'opposante et que la parcelle voisine n° 1081 lui avait été adjugée. Lui attribuer la parcelle n° 1080 répondait ainsi aux principes posés aux art. 1 et 55 al. 1 let. b de la loi vaudoise du 29 novembre 1961 sur les améliorations foncières (LAF; RSV 913.11). Ils ont par ailleurs considéré que la soulte résultant de cet échange n'était pas d'un montant propre à porter atteinte au principe de la compensation réelle. L'un des membres de la section du Tribunal cantonal a exposé dans un avis minoritaire les motifs pour lesquels il ne pouvait se rallier à l'admission du recours. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Commune de Mathod demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal. Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. La Commission de classification du Syndicat d'améliorations foncières du Mujon ne procède pas. Le Service du développement territorial renonce à se déterminer. L'intimée conclut au rejet du recours. La recourante réplique et persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale dans une cause de droit public, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante, qui a pris part à la procédure devant le Tribunal cantonal, est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui modifie la répartition des terrains qui lui sont attribués dans le cadre du remaniement parcellaire. Elle est atteinte de la même manière qu'un particulier dans sa situation matérielle, notamment dans la situation de son patrimoine, et a donc qualité pour recourir conformément à l'art. 89 al. 1 LTF
 
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.   
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue au motif que sa situation avant et après remaniement, au contraire de celle de l'intimée, n'a pas été examinée dans le détail par les premiers juges. Elle requiert à cet égard que l'état de fait soit complété quant à la valeur et à la surface totale des terrains qu'elle reçoit. 
 
Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le devoir, pour l'autorité, de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183; 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités). 
 
Comme le relève l'intimée, l'arrêt cantonal décrit certains éléments afférents à la nouvelle situation de la recourante. Il ne détaille en revanche effectivement pas les surfaces et natures de l'ancien et du nouvel état de la recourante. Celle-ci ne démontre toutefois pas en quoi cette information serait pertinente dans l'examen du bien-fondé de l'échange de parcelles. Au demeurant, les griefs matériels dirigés contre l'arrêt cantonal ne se réfèrent eux-mêmes pas aux états parcellaires de la recourante avant et après répartition. La motivation de l'arrêt attaqué n'est par conséquent pas incomplète. 
 
3.   
La recourante se plaint d'arbitraire dans l'application du droit cantonal. Les premiers juges auraient selon elle statué en opportunité, ce en violation du droit cantonal. En ne limitant pas leur examen à la légalité, ils se seraient indûment substitués à la Commission de classification. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal et communal que sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 140 III 167 consid. 2.1 p. 168; 138 I 305 consid. 4.3 p. 319; 138 III 378 consid. 6.1 p. 379). Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.  
 
3.2. La cour cantonale a fondé son raisonnement sur l'art. 55 LAF et la jurisprudence qui s'y rapporte. Selon cette disposition, les règles suivantes sont applicables pour la répartition des immeubles (al. 1) :  
a.       Chaque propriétaire doit recevoir, autant que possible, en échange des immeubles qu'il doit abandonner, des immeubles de même nature et de même valeur. Si un propriétaire ne reçoit pas l'équivalent de l'immeuble cédé, la différence en plus ou en moins est compensée par une soulte en argent. 
b.       Les immeubles doivent être regroupés d'une manière intensive. 
c.       Les nouveaux biens-fonds doivent, autant que possible, être de forme régulière et avoir accès à un chemin au moins. 
d.       Si, exceptionnellement, après remaniement parcellaire, un domaine subit une moins-value, la commission de classification offre à son propriétaire une compensation en terrain ou alloue à celui-ci une indemnité équitable en argent. 
 
Selon la jurisprudence cantonale à laquelle se sont référés les premiers juges, le principe de regroupement des terres de l'art. 55 al. 1 let. b LAF est l'objectif principal du remaniement parcellaire. Par ailleurs, le fait pour des exploitants de devoir cultiver, après le nouvel état, des fonds présentant une qualité différente de leurs anciennes parcelles est un élément inhérent au remaniement parcellaire; ce n'est que si la nature des terres entre l'ancien et le nouvel état présente des différences importantes, impliquant des changements dans le mode d'exploitation de l'entreprise, que la règle de l'attribution des terres de même nature se trouve violée. Enfin, la jurisprudence cantonale considère que la localisation des terres dans l'ancien état n'est pas déterminante pour l'attribution dans le nouvel état. 
 
Fondée sur ces dispositions et ces principes, la cour cantonale a inversé la répartition des biens-fonds entre la recourante et l'intimée, en ce sens que la seconde devait recevoir la parcelle n° 1080, plus proche de son centre d'exploitation que la parcelle n° 1104. Il s'agissait ainsi de contribuer à atteindre l'objectif principal mentionné aux art. 1 et 55 al. 1 let. b LAF, à savoir le regroupement intensif des immeubles. A l'inverse, le souhait de la commune de Mathod d'obtenir une parcelle proche du village en vue d'une extension éventuelle de la zone à bâtir ne répondait à aucun objectif de la LAF et ne pouvait par conséquent pas être cautionné. 
 
3.3. Dans ces conditions, c'est bel et bien sur la base d'un examen en légalité - et non en opportunité comme le soutient de manière appellatoire la recourante - que la cour cantonale a statué. En d'autres termes, à une répartition des deux parcelles litigieuses ne répondant pas aux objectifs fixés par la loi, le Tribunal cantonal a substitué une solution contribuant auxdits objectifs. Ce faisant, il a pris soin de s'assurer que les autres principes prévus par le droit cantonal, en particulier celui de l'équivalence, demeuraient respectés. La recourante ne soutient au reste pas que la jurisprudence accordant la priorité au principe de regroupement serait non conforme à la LAF. Elle se borne à exposer que le fragile équilibre de la péréquation foncière a été brisé et que la situation des deux parcelles litigieuses ne peut être réglée en marge de l'appréciation d'ensemble du remaniement. Elle ne précise toutefois pas en quoi cet équilibre serait perturbé ni quels autres éléments devaient être pris en considération. Elle ne démontre par conséquent aucun arbitraire dans l'appréciation des premiers juges selon laquelle la solution initiale sortait du cadre légal en tant qu'elle ne garantissait pas au mieux les objectifs fixés par la loi.  
 
4.   
La recourante se plaint ensuite d'une inégalité de traitement. 
 
4.1. Le droit à l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), alors qu'il n'a en général qu'une portée restreinte en matière d'aménagement du territoire, a une importance plus grande dans le domaine des améliorations foncières, où les investissements des collectivités publiques créent des plus-values substantielles. Le droit à l'égalité est toutefois relativisé en tant que, selon le cours ordinaire des choses, il est rarement possible d'assurer à chacun des propriétaires touchés une participation proportionnellement égale à l'enrichissement collectif. Il suffit que les disparités relevées à l'issue de la confection du nouvel état ne soient pas manifestes ou choquantes (ATF 119 la 21 consid. 1b p. 25 s.; 105 la 324 consid. 2c p. 326 s.; arrêt 1C_42/2011 du 27 juin 2011 consid. 3.2). S'il apparaît que la situation d'un propriétaire dans le nouvel état n'est pas totalement insoutenable, mais qu'elle est pourtant clairement insatisfaisante, parce que l'autorité a omis des éléments essentiels dans la confection du nouvel état (par exemple, les particularités de l'exploitation) ou parce qu'elle a négligé d'utiliser tous les moyens techniques à disposition pour améliorer cette situation, la décision cantonale doit être annulée pour arbitraire. Le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans l'examen de questions qui relèvent des circonstances locales, voire d'aspects techniques, que les autorités cantonales sont censées mieux connaître que lui (ATF 119 la 21 consid. 1c p. 26; 105 la 324 consid. 2b et 2e p. 326 s. et les arrêts cités; arrêt 1C_42/2011 du 27 juin 2011 consid. 3.2).  
 
4.2. En l'espèce, la commune fait valoir qu'il n'y a pas lieu d'opérer une distinction du fait de sa qualité de collectivité publique, les propriétaires, qu'ils soient bailleurs ou eux-mêmes exploitants, devant tous être traités de la même façon. Or, dans la mesure où l'arrêt attaqué se fonde sur la primauté du principe de regroupement des terres, destiné à améliorer les conditions d'exploitation agricole, il est inévitable de tenir compte de la différence de qualité des parties - à savoir agricultrice pour l'une, et propriétaire foncière sans vocation d'exploitante pour l'autre. A cet égard, il est paradoxal de la part de la recourante de se prévaloir d'une égalité de traitement en tant que bailleresse, alors même qu'elle ne dispose d'aucun terrain à proximité de la parcelle n° 1080 qui justifierait que celle-ci lui soit attribuée à titre de regroupement. Dans de telles circonstances, sa qualité de bailleresse de terres affermées est sans pertinence pour l'attribution de cette parcelle. Elle est en revanche propriétaire d'un terrain voisin de la parcelle n° 1104 que lui a accordé, en échange, la cour cantonale.  
 
Quant aux allégations selon lesquelles l'intimée serait injustement favorisée dans une opération de spéculation en vue d'un éventuel classement de la parcelle n° 1080 en zone constructible, elles sont purement appellatoires. D'une part, la recourante fait elle-même valoir pour seul argument justifiant de lui attribuer la parcelle n° 1080 sa proximité avec le centre villageois en vue d'une éventuelle extension de la zone à bâtir. D'autre part, la recourante ne démontre ni la vraisemblance d'une extension à court, moyen ou même long terme, de la zone à bâtir, ni que cette parcelle présenterait effectivement les caractéristiques requises pour une telle affectation. 
 
Enfin, la recourante n'allègue pas d'inégalité de traitement du point de vue du principe de la compensation réelle. Elle expose les autres objectifs de la procédure d'améliorations foncières litigieuse, à savoir l'amélioration du réseau de desserte, la revalorisation écologique et la gestion des eaux de surface, mais n'en tire aucune conséquence en lien avec sa situation ou celle qu'elle souhaiterait voir adoptée. En définitive, pour peu que les situations des parties puissent être comparables, le résultat de l'attribution des parcelles ne consacre pas d'inégalité de traitement. 
 
5.   
La commune se plaint enfin d'une violation de la garantie de la propriété. Elle se contente à cet égard d'exposer qu'avec la répartition modifiée par la cour cantonale, l'intimée s'enrichit au détriment exclusif de la commune. Elle n'expose pas en quoi consiste la violation de son droit de propriété. Insuffisamment motivé au sens de l'art. 106 al. 2 LTF, le grief est irrecevable. 
 
6.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de justice, dès lors qu'elle a agi pour défendre son intérêt patrimonial (art. 68 al. 1 et 4 LTF). Elle versera par ailleurs des dépens à l'intimée, celle-ci obtenant gain de cause avec l'aide d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée la somme de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commission de classification du Syndicat d'améliorations foncières du Mujon, au Comité de direction du Syndicat d'améliorations foncières du Mujon, au Service du développement territorial du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lausanne, le 17 septembre 2015 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Sidi-Ali