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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5P.4/2003 /frs 
 
Arrêt du 11 juin 2003 
IIe Cour civile 
 
Composition 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, 
Nordmann et Hohl. 
Greffier: M. Braconi. 
 
Parties 
X.________, 
recourant, représenté par Me Vincent Solari, avocat, 
rue Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11, 
 
contre 
 
1. dame X.________, 
représentée par Me Dominique Warluzel, avocat, rue de Saint-Victor 12, case postale 473, 1211 Genève 12, 
2. A.________ SA, représentée par Me Bruno Mégevand, avocat, place Claparède 3, 1205 Genève, 
3. Banque B.________, représentée par Me Serge Fasel, avocat, la Tour Saugey, rue du 31-Décembre 47, 1207 Genève, 
4. C.________ Bank SA, représentée par Me Michèle Wassmer-Berthaudin, avocate, rue Jargonnant 2, case postale 6045, 1211 Genève 6, 
5. D.________ SA, 
6. E.________ SAL, 
intimées, 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
art. 9 et 29 Cst. (mesures protectrices; reddition de compte), 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre 
civile de la Cour de justice du canton de Genève du 
15 novembre 2002. 
 
Faits: 
A. 
X.________, né en 1957, et dame X.________, née en 1963, tous deux de nationalité suisse, se sont mariés le 18 septembre 1990 à Beyrouth (Liban), sans passer de contrat de mariage. Aucun enfant n'est issu de leur union. 
A.a Le 7 mars 2002, dame X.________, qui habitait alors à Beyrouth, a requis du Tribunal de première instance de Genève des mesures protectrices de l'union conjugale tendant au blocage de comptes bancaires ouverts à Genève au nom de son mari, respectivement de la société E.________ SA, ainsi que d'un compartiment de coffre-fort loué à la banque A.________; elle a, en outre, réclamé une contribution d'entretien mensuelle de 13'000 fr. dès le 7 mars 2001; enfin, elle a demandé que son époux ou les tiers auprès desquels il disposait d'avoirs, notamment les banques A.________, B.________ et C.________, soient astreints à lui communiquer tous renseignements utiles concernant ses revenus et sa fortune. X.________ a excipé de l'incompétence ratione loci des tribunaux genevois, faisant valoir qu'il était domicilié à Beyrouth. 
Par jugement du 11 juillet 2002, le Tribunal de première instance a déclaré la requête irrecevable parce que la partie intimée n'avait ni son domicile ni sa résidence habituelle dans le canton. La requérante a fait appel de cette décision. 
A.b Le 9 juillet 2002, dame X.________ a déposé au Tribunal de première instance de Genève une nouvelle requête de mesures provisionnelles en reddition de compte aux fins d'obtenir de son époux, des sociétés E.________ SA et D.________ SA, ainsi que des banques A.________, B.________ et C.________, des renseignements sur les avoirs matrimoniaux. 
Par ordonnance du 15 août 2002, le Tribunal de première instance a déclaré la requête irrecevable en considérant, d'une part, que le droit à une reddition de compte n'était ni évident ni reconnu et, d'autre part, que sa compétence territoriale ne pouvait se fonder sur les art. 46 et 47 LDIP. La requérante a également recouru contre cette décision. 
B. 
Statuant le 15 novembre 2002 sur les recours formés contre les deux décisions précitées, la Chambre civile de la Cour de justice, après avoir joint les causes, a rejeté l'exception d'incompétence ratione loci et retourné l'ensemble de la procédure à la 6ème Chambre du Tribunal de première instance pour nouvelle décision, y compris sur la requête en reddition de compte. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral, X.________ conclut à l'annulation de cet arrêt. 
Des réponses sur le fond n'ont pas été requises. 
D. 
Par ordonnance du 11 février 2003, le Président de la cour de céans a attribué l'effet suspensif au recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227; 128 II 311 consid. 1 p. 315 et les arrêts cités). 
1.1 En l'espèce, le recourant se plaint d'arbitraire dans l'application du droit de procédure cantonal, l'établissement des faits et l'appréciation des preuves, ainsi que d'un déni de justice formel et d'une violation du droit d'être entendu. En tant qu'elle porte sur la reddition de compte (cf. ATF 126 III 445), la décision attaquée ne peut donc faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ). 
1.2 L'arrêt attaqué constitue une décision incidente sur la compétence ratione loci, qui est susceptible d'un recours de droit public au regard de l'art. 87 al. 1 OJ (FF 1999 p. 7160/7161 ch. 231.22; v. déjà pour la jurisprudence relative à l'ancien texte légal: ATF 124 III 134 consid. 2a p. 136; 122 I 39 consid. 1a p. 41). 
1.3 Déposé en temps utile - compte tenu des féries judiciaires (art. 34 al. 1 let. c OJ) - à l'encontre d'une décision prise en dernière instance cantonale, le recours est aussi recevable au regard des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. 
1.4 Aux termes de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit - sous peine d'irrecevabilité (ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558) - contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. Le justiciable qui exerce un recours de droit public pour arbitraire ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel, où la juridiction de recours jouit d'un libre pouvoir d'examen; il ne peut se contenter d'opposer son argumentation à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer par une argumentation précise que cette décision repose sur une application du droit ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). 
1.5 Dans un recours de droit public pour arbitraire, les moyens de fait ou de droit nouveaux sont prohibés (ATF 124 I 208 consid. 4b p. 212; 118 III 37 consid. 2a p. 39 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral s'en tient dès lors aux faits constatés par l'autorité cantonale, à moins que le recourant ne démontre que ces constatations sont arbitrairement fausses ou lacunaires (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26). Il s'ensuit que les compléments et précisions que le recourant apporte à l'état de fait de l'arrêt attaqué sont irrecevables, sous réserve des griefs motivés en conformité avec les exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
2. 
Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Il reproche à la cour cantonale d'avoir refusé d'administrer des preuves portant sur des faits essentiels, alors qu'il avait formellement conclu à ce que des enquêtes par témoins fussent ordonnées - notamment l'audition du concierge de l'immeuble à Genève où les parties avaient conservé un appartement - dans le cas où la juridiction de recours n'entendrait pas confirmer le jugement d'incompétence rendu dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale. De plus, l'arrêt attaqué n'indique pas le motif pour lequel ces mesures probatoires ont été refusées. 
2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique, en particulier, le droit de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision à prendre (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 122 II 464 consid. 4a p. 469 et la jurisprudence citée). Cela n'empêche pas le tribunal de procéder à une appréciation anticipée des preuves offertes s'il acquiert la conviction qu'elles sont impropres à modifier le résultat des preuves déjà administrées (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211; 122 II 464 consid. 4a p. 469; 120 Ib 224 consid. 2b p. 229 et les arrêts cités); ce faisant, il ne viole pas le droit d'être entendu, mais peut s'exposer au reproche d'arbitraire dans l'appréciation des preuves (ATF 115 Ia 8 consid. 3a p. 11/12 et 97 consid. 5b p. 101). L'art. 29 al. 2 Cst. impose en outre à l'autorité de motiver au moins sommairement sa décision, afin que le justiciable puisse en comprendre la portée et recourir à bon escient (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102/103; 121 I 54 consid. 2c p. 57 et la jurisprudence citée). 
Le droit d'être entendu étant une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437 et la jurisprudence citée), ce moyen doit être examiné en premier (ATF 124 I 49 consid. 1 p. 50). 
2.2 Il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que le recourant aurait sollicité en dernière instance cantonale l'ouverture d'enquêtes; cette décision relève simplement qu'il a conclu à la confirmation des jugements de première instance. Par ailleurs, l'intéressé n'établit pas, en respectant les exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, avoir offert les preuves en cause conformément aux règles de la procédure cantonale. Il s'ensuit que le moyen est irrecevable. 
3. 
Le recourant dénonce une application arbitraire du droit de procédure cantonal. D'une part, il soutient que l'autorité précédente a retenu qu'il n'avait pas «véritablement vécu [au Liban]» sur la base de dépositions écrites, lesquelles sont pourtant dénuées de force probante au regard des art. 186 et 222 LPC/GE. D'autre part, il prétend que le récapitulatif de ses entrées et sorties du Liban dressé par les services de sûreté de ce pays, produit par l'intimée, constitue un document écrit sans valeur probante, dont ni l'origine ni le contenu n'ont été établis. 
3.1 Dans sa première branche, le grief apparaît d'emblée irrecevable, faute de satisfaire aux réquisits de l'art. 90 al. 1 let. b OJ: d'une part, le recourant omet de désigner avec précision les pièces auxquelles se rapporte sa critique, mais se contente de renvoyer à un passage de la décision attaquée qui se réfère à des pièces relatives à l'acquisition de logements au Liban (cf. Galli, Die rechtsgenügende Begründung einer staatsrechtlichen Beschwerde, in: RSJ 81/1985 p. 127 ch. 2.2); d'autre part, il ne démontre pas en quoi la prétendue application arbitraire des art. 186 et 222 LPC/GE aurait concrètement vicié l'arrêt déféré dans son résultat. 
3.2 Dans sa seconde branche, le grief est manifestement infondé. La prise en considération d'un acte établi par un service officiel d'un Etat étranger ne saurait être qualifiée d'arbitraire. Cela d'autant moins que la cour cantonale ne s'est nullement fondée sur ce seul document pour admettre que le recourant ne s'était pas constitué un nouveau domicile à l'étranger; au contraire, elle a tiré cette conclusion de divers indices, dûment énumérés dans sa décision (cf. p. 8/9 let. b). Or, pour réfuter le résultat d'une pareille appréciation globale, il ne suffit pas de s'en prendre à l'un des éléments retenus (cf. arrêt 5P.424/2002 du 22 avril 2003, consid. 2.3). 
4. 
Le recourant affirme encore que la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en ne tenant pas compte de la déclaration de l'intimée selon laquelle le couple n'avait connu aucune difficulté particulière jusqu'au début de l'année 2002, date à laquelle serait intervenue la rupture; or, il s'agit d'un «aveu extrajudiciaire» dont l'autorité inférieure ne pouvait faire abstraction, sous peine de violer les art. 187 et 188 LPC/GE. Une telle omission l'aurait privé d'un moyen de preuve tendant à établir que, d'après les propres dires de l'épouse, les conjoints ont bien vécu ensemble au Liban jusqu'en janvier 2002. 
Le grief tombe à faux, dans la mesure où la décision attaquée retient expressément que les «époux se sont séparés en janvier 2002» (p. 6 en haut let. c). Toutefois, cette constatation ne préjuge pas la question du domicile. A ce sujet, l'intimée a déclaré - précisément dans la pièce visée par le recourant - que les conjoints n'avaient pas de «domicile légal au Liban», car, «la plupart du temps, [ils habitaient] la Suisse», et que, durant les périodes passées au Liban, ils demeuraient dans des hôtels («Vendôme Intercontinental, Al Bustan et Riviera»). Le grief doit ainsi être rejeté. 
5. 
L'autorité cantonale a joint les procédures, dès lors qu'elles portaient sur le même complexe de fait et étaient instruites d'après des critères identiques, à savoir la simple vraisemblance; que des tiers, notamment des banques, aient été cités dans la seconde cause (en reddition de compte) n'y fait pas obstacle. 
Le recourant critique cette mesure. Il fait valoir qu'elle porte atteinte à sa «sphère privée», puisqu'elle a pour conséquence d'étendre à des tierces parties un litige purement matrimonial; elle contrevient en outre gravement à l'art. 131 LPC/GE, en vertu duquel, dans les causes entre époux, la plaidoirie a lieu à huis-clos si l'une des parties le requiert. 
5.1 Il n'y a pas lieu d'examiner si la jonction de causes constitue une décision (incidente) attaquable sous l'angle de l'art. 87 al. 2 OJ (sur ce point: Rapp, Le cumul objectif d'actions, thèse Lausanne 1982, n° 264 et 297), le moyen étant de toute manière voué à l'échec. 
5.2 Le recourant se contente d'énoncer des considérations générales, mais il ne démontre pas en quoi une jonction de causes touchant aux seuls rapports patrimoniaux entre époux serait, dans les circonstances de l'espèce, propre à léser sa sphère privée; insuffisamment motivé, le grief est donc irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ). Au surplus, il n'est pas établi que l'une des parties aurait requis le huis-clos, ou manifesté l'intention de le faire; partant, on ne voit pas où résiderait une violation arbitraire de l'art. 131 LPC/GE. 
6. 
Enfin, le recourant prétend que l'autorité cantonale a commis arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves; en bref, il soutient que, en retenant que la constitution d'un nouveau domicile au Liban n'avait pas été prouvée, les magistrats d'appel n'ont tenu aucun compte des nombreuses pièces qu'il a produites, lesquelles attestent qu'il a effectivement transféré son domicile dans ce pays au début de l'année 1999. 
Le recourant se limite à exposer sa propre interprétation des pièces en question, mais sans démontrer pour autant que les faits constatés par la cour cantonale seraient en contradiction flagrante avec le dossier ou souffriraient de graves lacunes (cf. ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités); le grief est ainsi irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ). 
7. 
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la (faible) mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ). L'intimée n° 1, seule partie à s'être déterminée sur la requête d'effet suspensif, a droit à des dépens à raison de cette écriture (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le recourant versera à l'intimée dame X.________ une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 11 juin 2003 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: