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«AZA» 
U 290/99 Bn 
 
IIIe Chambre 
composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Berset, Greffière 
 
 
Arrêt du 2 mai 2000 
 
dans la cause 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, Lucerne, recourante, 
 
contre 
Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du bâtiment et branches annexes (CMBB), rue du Nord 5, Martigny, intimée, 
 
et 
Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy 
 
 
 
A.- J.________ a travaillé en qualité de machiniste au service de la société Z.________ et Cie. A ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels et contre les maladies professionnelles auprès de la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA). Il était par ailleurs au bénéfice d'une assurance d'indemnités journalières de la Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du bâtiment et branches annexes (CMBB). 
Le 31 octobre 1995, J.________ a ressenti des douleurs au bras droit en raison de mouvements répétés exécutés dans le cadre de son travail. Le 18 novembre 1995, le docteur G.________, médecin traitant, a diagnostiqué une tendinite crépitante des tendons extenseurs due uniquement à l'accident. Le cas a été pris en charge par la CNA. 
Le 5 janvier 1996, le docteur F.________, spécialiste en chirurgie de la main, médecin-chef de la Policlinique de chirurgie de l'Hôpital X.________, a procédé à une arthroscopie du poignet droit de J.________. Il a diagnostiqué une lésion traumatique du disque triangulaire. Les radiographies révélaient une pseudarthrose de la styloïde cubitale ainsi qu'une anomalie de la partie radiale du semi-lunaire. 
Le 11 janvier 1996, le docteur P.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a confirmé l'existence d'une tendinite crépitante de l'avant-bras droit d'origine professionnelle. 
Le 30 janvier 1996, le docteur F.________ a procédé à 
un évidement du semi-lunaire, une greffe osseuse, une résection d'une pseudarthrose de la styloïde cubitale et une synovectomie du poignet. 
Le 23 mai 1996, le professeur T.________, spécialiste 
en chirurgie de la main à l'Hôpital X.________, a diagnostiqué une importante sclérose du semi-lunaire. Il a proposé une nouvelle intervention chirurgicale. 
Dans un rapport du 4 juillet 1996, la doctoresse B.________, spécialiste en chirurgie de la main à la Clinique chirurgicale et permanence de W.________ a constaté que J.________ souffrait d'une maladie de Kienböck avancée, avec sclérose complète du semi-lunaire qui est fracturé. Elle a proposé une arthrodèse du poignet. 
 
Le docteur S.________, spécialiste en chirurgie du service médical de la CNA, a considéré que les troubles ressentis par l'assuré n'avaient plus rien à voir avec les premiers diagnostics de tendinite crépitante; les nouveaux faits justifiaient un réexamen du dossier (rapport du 22 juillet 1996). 
Par décision du 31 juillet 1996, la CNA a signifié à son assuré qu'elle ne prendrait plus son cas en charge, au motif qu'il ne présentait pas une tendinite crépitante - comme l'indiquaient les premiers diagnostics - mais une maladie de Kienböck, non assimilable à une maladie professionnelle. La CNA renonçait toutefois à lui réclamer les prestations versées à tort, mais s'adresserait directement à la CMBB à cette fin. 
Par lettre du 20 août 1996, J.________ a formé opposition contre cette décision. 
Par courrier du 4 octobre 1996, la CMBB s'est elle aussi opposée à la décision et a invité la CNA à revoir sa position. 
Le 23 septembre 1996, le docteur B.________ a procédé à une arthrodèse du poignet droit de l'assuré. Le protocole opératoire faisait état d'une maladie de Kienböck avec une nécrose complète du semi-lunaire et d'un début d'arthrose entre le semi-lunaire et le grand os. 
Par décision sur opposition du 24 avril 1997, la CNA a rejeté l'opposition de la CMBB, au motif que les (nouveaux) troubles ressentis par J.________ n'avaient pas d'origine traumatique et que les affections dont il souffrait ne pouvaient pas être considérées comme résultant d'une maladie professionnelle. 
 
B.- La CMBB a recouru contre cette décision devant le Tribunal cantonal de la République et du canton du Jura, Chambre des assurances, en concluant, notamment, à ce que celle-ci soit annulée et à ce que la CNA soit tenue à prendre en charge le cas. 
 
 
Dans le cadre d'une instruction médicale complémentaire, la CMBB a produit un rapport d'expertise du 1er septembre 1997 du docteur Y.________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie. Ce praticien met l'accent sur l'étiologie multifactorielle de la maladie de Kienböck. Selon lui, l'assuré n'a pas subi de choc au travail et la fracture du semi-lunaire ne signifie pas que celle-ci soit d'origine post-traumatique, «car dans tout os nécrosé les fractures pathologiques non-traumatiques sont fréquentes». Quant à l'existence d'une maladie professionnelle, il estime qu'elle a été écartée sans argument valable par le docteur S.________. Selon lui, on doit au contraire retenir, dans le cas particulier, la présence d'une telle maladie. 
Par jugement du 3 août 1999, la Cour cantonale a admis le recours, considérant que l'affection dont souffre l'assuré était une maladie professionnelle au sens de la loi. 
 
C.- La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation. Elle conclut au rétablissement de sa décision sur opposition du 24 avril 1997. Elle a produit, en dehors du délai légal de recours, un rapport du docteur S.________ du 15 septembre 1999, dont il ressort qu'il est tout au plus possible que la maladie de Kienböck soit due à l'activité professionnelle de l'assuré. Est joint à cet avis médical un article relatif à l'étiologie de la maladie de Kienböck. 
La CMBB conclut au rejet du recours. J.________ en fait de même, en invoquant la valeur probante du rapport du docteur Y.________. L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé sur le recours. 
 
 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Le litige porte sur le caractère de maladie professionnelle de la maladie de Kienböck dont est atteint l'assuré selon un diagnostic aujourd'hui incontesté. 
 
2.- a) Selon l'art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l'exercice de l'activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu'ils provoquent. Se fondant sur cette délégation de compétence, ainsi que sur l'art. 14 OLAA, le Conseil fédéral a dressé à l'annexe I de l'OLAA la liste des substances nocives, d'une part, et la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent, d'autre part. Selon la jurisprudence, la définition du risque assuré est des plus restrictives et la liste figurant en annexe I à l'OLAA est exhaustive (RAMA 1999 no U 326 p. 108 consid. 2 et la référence). 
 
b) L'exigence d'une relation prépondérante est réalisée lorsque la maladie est due pour plus de 50 % à l'action d'une substance nocive mentionnée dans la première liste, ou que, dans la mesure où elle figure parmi les affections énumérées dans la seconde liste, elle a été causée à raison de plus de 50 % par les travaux indiqués en regard. En revanche, l'exigence d'une relation exclusive signifie que la maladie professionnelle est due pratiquement à 100 % à l'action de la substance nocive ou du travail indiqué (ATF 119 V 200 sv. consid. 2a et la référence). 
 
c) En l'espèce, les «maladies dues aux vibrations» figurent sur la liste des affections dues au travail - au sens de l'art. 9 al. 1 LAA - établie selon l'art. 14 OLAA
 
 
à l'annexe I de l'OLAA. Les premiers juges ont cependant considéré qu'il n'y avait pas lieu d'analyser le cas sous l'angle de cette disposition, dans la mesure où les conditions de l'art. 9 al. 2 LAA étaient réunies. 
 
3.- Aux termes de l'art. 9 al. 2 LAA, sont aussi réputées maladies professionnelles (selon la clause dite générale) les autres maladies dont il est prouvé qu'elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l'exercice de l'activité professionnelle. Cette clause générale répond au besoin de combler d'éventuelles lacunes qui subsisteraient dans la liste que le Conseil fédéral est chargé d'établir en vertu de l'art. 9 al. 1 LAA (ATF 116 V 141 consid. 5a et les références). Selon la jurisprudence, l'exigence d'une relation exclusive ou nettement prépondérante est réalisée lorsque la maladie professionnelle résulte à 75 % au moins de l'activité professionnelle (ATF 119 V 201 consid. 2b). En d'autres termes, il faut que les cas d'atteintes pour un groupe professionnel déterminé soient quatre fois plus nombreux que ceux enregistrés dans la population en général (cf. ATF 116 V 143 consid. 5c; RAMA 1999 no U 326 p. 108 sv. consid. 2). 
 
4.- a) La Cour cantonale a retenu l'existence d'une maladie professionnelle au sens de l'art. 9 al. 2 LAA en se fondant sur le rapport d'expertise du docteur Y.________ et sur le fait que celui-ci n'était pas contredit par le rapport du docteur S.________. Or, l'expertise du docteur Y.________ - qui est un spécialiste en rhumatologie et non pas en chirurgie de la main - ne répond pas aux exigences de la jurisprudence relative à la valeur probante d'un tel document (ATF 125 V 352 consid. 3a) sur le point, ici déterminant, du caractère de maladie professionnelle de l'affection dont souffre l'assuré. 
 
 
 
b) Contrairement à ce que retient l'expert, on ne saurait affirmer que «la pathologie due aux vibrations comprend souvent des atteintes ostéo-articulaires, notamment la maladie de Kienböck». En effet, il ressort de la brochure N° 16 de la CNA («Troubles de la santé dus aux vibrations», lettres E et G) que les affections dues aux vibrations peuvent être classées en deux groupes : lésions ostéo-articulaires (dont la fréquence varie entre 0,1 à 0,2 % pour les auteurs les plus restrictifs et 20 à 40 % pour les autres) et les atteintes vasomotrices périphériques (atteignant, selon la littérature, 1 % à 94 % des personnes exposées). La maladie du semi-lunaire ou maladie de Kienböck fait partie des lésions ostéo-articulaires que les spécialistes ont pu observer, mais dont certains auteurs ont contesté qu'elle puisse résulter de l'action des vibrations (ad. E 2.1.3.). Il en découle que les conclusions du docteur Y.________ à cet égard relèvent d'une hypothèse peu, voire pas du tout documentée. 
Par ailleurs, le docteur Y.________ a retenu que l'assuré travaillait parfois huit heures d'affilée au marteau-piqueur, et en tout cas deux à trois fois par jour à la plaque vibrante pour refermer les fouilles, ce qui était apte à favoriser les lésions constatées, au regard de la brochure N° 16 de la CNA (E. 2.1.1). Or cette affirmation est contredite par les déclarations de l'assuré du 14 mars 1996, dont il ressort que, depuis 1977, son activité principale consistait à conduire, pendant huit heures environ, des machines de chantier (notamment une pellemécanique), une neuvième heure étant consacrée à des travaux nécessitant l'utilisation de la pioche, de la pelle et du marteau-piqueur. Au demeurant, il avait abandonné le travail au marteau-piqueur depuis environ deux ans, soit en tout cas une année avant l'apparition des troubles. 
De surcroît, le docteur Y.________ s'est contenté d'affirmer, sans preuves ou statistiques à l'appui, que la maladie de Kienböck résulte à 75 % au moins de l'activité 
 
 
professionnelle exercée par l'assuré. L'examen aurait pourtant dû porter sur la fréquence des cas de cette affection dans le groupe professionnel auquel appartient J.________ et sur le point de savoir si les atteintes de ce type sont quatre fois plus nombreuses que celles enregistrées dans la population en général (cf. consid. 3 ci-dessus). 
Dans ces circonstances, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que cette affection revêtait le caractère de maladie professionnelle au sens de l'art. 9 al. 2 LAA, sur la base du dossier dont ils disposaient. 
 
5.- Cela étant et, contrairement à ce que soutient la CNA, les rapports du docteur S.________ des 22 juillet 1996 et 15 septembre 1999 ne sauraient non plus avoir pleine valeur probante, dans la mesure où, partant de la constatation que la maladie de Kienböck a une étiologie multifactorielle, ce médecin en tire la conclusion générale qu'il est tout au plus possible que cette dernière soit due à l'activité professionnelle de J.________. En particulier, le docteur S.________ n'a pas examiné personnellement le prénommé, n'a donc pas entendu ses plaintes et n'a pas établi d'anamnèse proprement dite. Au surplus, ce praticien ne cite qu'un seul article de spécialistes sur cette affection, alors que ces derniers se réfèrent à plus d'une vingtaine de publications en la matière. 
 
6.- Si, en l'état du dossier, l'existence d'une maladie professionnelle ne peut être établie au degré de la vraisemblance prépondérante, on ne saurait pourtant nier d'emblée tout caractère professionnel à l'affection dont souffre l'assuré. Il est dès lors nécessaire de recourir à une expertise judiciaire - qui sera confiée à un spécialiste de la maladie de Kienböck - pour déterminer si et dans quelle mesure cette affection a été contractée par l'assuré dans l'exercice de son travail. A cette fin, la 
 
 
cause doit être renvoyée à la Cour cantonale pour complément d'instruction et nouveau jugement. 
 
7.- Les frais de la cause seront supportés par l'intimée qui succombe, sans qu'il soit nécessaire de se demander s'il s'agit d'un procès en matière d'octroi ou de refus de prestations d'assurance, ce qui est douteux au regard du dispositif du jugement attaqué (ATF 120 V 494 consid. 3). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
p r o n o n c e : 
 
I. Le recours est admis et le jugement du 3 août 1999 du 
Tribunal cantonal de la République et du canton du 
Jura, Chambre des assurances, est annulé. 
 
II. La cause est renvoyée à ce tribunal pour complément 
d'instruction au sens des considérants et nouveau 
jugement. 
III. Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont 
mis à la charge de la CMBB. 
 
IV. L'avance de frais versée par la recourante, d'un mon- 
tant de 500 fr., lui est restituée. 
 
V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au 
Tribunal cantonal de la République et du canton du 
Jura, Chambre des assurances, à J.________ par son 
mandataire Maître A.________, et à l'Office fédéral 
des assurances sociales. 
Lucerne, le 2 mai 2000 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIIe Chambre : 
 
 
 
 
La Greffière :