Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
[AZA 3] 
 
4C.198/2000 
 
Ie COUR CIVILE 
************************ 
 
28 septembre 2000 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz, 
juges. Greffière: Mme Aubry Girardin. 
 
___________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
I ntermandat S.A., à Lausanne, défenderesse et recourante, représentée par Me José Coret, avocat à Lausanne, 
 
et 
T ubinvest Holding S.A., à Fribourg, demanderesse et intimée, représentée par Me Pierre Jomini, avocat à Lausanne; 
 
(société anonyme; responsabilité de l'organe de contrôle) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- La société Calmex S.A. a été créée en 1977. 
Depuis 1984, son conseil d'administration se composait de Maurice Schneider, président, décrit comme "l'âme dirigeante de la société", de Claude Lozano, secrétaire, et de Suzanne Maylan, l'amie de Maurice Schneider, qui n'a jamais eu de pouvoir propre. 
 
A partir de 1985 en tout cas et jusqu'en 1989, Intermandat S.A. Société fiduciaire (ci-après: Intermandat) a été l'organe de contrôle de Calmex S.A. L'un des directeurs de la fiduciaire, Jean-Claude Gaudin, était une connaissance de longue date de Maurice Schneider. 
 
En automne 1988, Jean-Paul Calmes, qui s'intéressait à un investissement dans le cadre d'une industrie, est entré en relation avec Maurice Schneider. Celui-ci lui a remis divers documents concernant Calmex S.A. Pour examiner la situation de cette société, Jean-Paul Calmes s'est entouré des conseils de Robert Miller. Tous deux étaient convaincus que les comptes de l'exercice 1987, établis par les administrateurs de Calmex S.A. et contrôlés par une grande fiduciaire, à la compétence de laquelle ils pouvaient légitimement se fier, correspondaient à la situation réelle. Intermandat avait de plus attesté que l'état de la fortune et des résultats répondait aux règles établies par la loi pour les évaluations en matière de bilan. Calmex S.A. leur est apparue comme une entité économiquement saine, bien que connaissant des difficultés de trésorerie dues au développement trop rapide de ses activités. 
 
Dans ces circonstances, Jean-Paul Calmes s'est décidé à investir 300'000 fr. dans Calmex S.A. par le biais de sa société Tubinvest Holding S.A. (ci-après: Tubinvest). 
 
Le 28 novembre 1988, Maurice Schneider, Jean-Paul Calmes et Robert Miller ont passé une convention portant sur l'achat de nouvelles actions émises par augmentation du capital pour une valeur nominale de 125'000 fr. au total et sur le versement d'un agio de 175'000 fr. Intermandat n'a pas pris part à l'élaboration de cet acte. 
 
Lors d'une assemblée générale extraordinaire de Calmex S.A. du 23 décembre 1988, il a notamment été décidé d'émettre 1'250 actions au porteur de 100 fr. chacune, qui ont été souscrites par Robert Miller et libérées par un versement en espèces de 300'000 fr. Les trois administrateurs en fonction, à savoir Maurice Schneider, Claude Lozano et Suzanne Maylan, ont démissionné et ont été remplacés par Robert Miller, président du conseil d'administration, Jacques Marchandise, secrétaire, et Maurice Schneider, administrateur délégué. 
 
Robert Miller a souscrit les 1'250 actions à titre fiduciaire pour Tubinvest. Il lui en a restitué 1'200 le 23 décembre 1988 et les 50 restantes le 8 novembre 1989. 
 
Au début de l'année 1989, Maurice Schneider a continué à gérer Calmex S.A. comme par le passé. Les représentants de Tubinvest n'ont pas pu obtenir les informations qu'ils souhaitaient de Maurice Schneider, qui se dérobait. 
 
Le 12 avril 1989, Jean-Paul Calmes a écrit au conseil d'administration de Calmex S.A. pour lui rappeler que plusieurs documents comptables consolidés manquaient, en lui indiquant notamment qu'il était préoccupé par la situation financière et gestionnelle confuse et non transparente de la société. 
 
Intermandat a été priée de dresser son rapport d'organe de contrôle et les comptes pour l'exercice 1988. 
 
Le 22 mai 1989, lors d'une assemblée générale extraordinaire de Calmex S.A., Maurice Schneider a été invité à démissionner de ses fonctions d'administrateur avec effet immédiat. 
 
Dans son rapport d'organe de contrôle pour l'exercice 1988, Intermandat a proposé à l'assemblée générale d'approuver les comptes. 
 
Dès la fin du mois de mai 1989, les administrateurs ont eu un accès plus libre aux documents et informations concernant Calmex S.A. La société Adinter a été chargée de contrôler le stock marchandises figurant au bilan. Ces vérifications ont abouti à la découverte, dans la deuxième quinzaine de juin 1989, de différences importantes entre la valeur d'inventaire et la valeur comptable du stock de marchandises pour 1986, 1987 et 1988. Il est notamment apparu que Maurice Schneider avait surévalué le stock de plus de 325'000 fr. au bilan 1987. 
 
Lors de l'assemblée générale de Calmex S.A. du 30 juin 1989, le retrait proposé par Intermandat de sa fonction d'organe de contrôle a été accepté. Le conseil d'administration a alors convenu de déposer le bilan. 
 
Ayant obtenu du juge qu'il décide de surseoir à la faillite, le conseil d'administration a demandé un nouveau contrôle des comptes à KPMG Fides Peat (ci-après: KPMG). Il résulte en substance du rapport de cette société du 7 septembre 1989 que diverses écritures n'étaient pas justifiées, en particulier le solde du compte marchandises en stock, la valeur du stock étant surévaluée. KPMG a conclu que la société était surendettée. 
 
Le 13 décembre 1989, Calmex S.A. a été déclarée en faillite. Celle-ci s'est clôturée le 31 janvier 1992, avec un découvert final de 1'676'186, 50 fr. Tubinvest n'a pas produit dans cette faillite et ne s'est pas fait céder les éventuels droits de la masse contre les anciens administrateurs de Calmex S.A. 
 
Maurice Schneider a été condamné pénalement pour faux dans les titres et escroquerie. La procédure pénale a permis d'établir que Jean-Claude Gaudin avait fait confiance à Maurice Schneider, qui avait admis avoir surévalué les actifs des comptes 1986, 1987 et 1988, et n'avait pas songé à contrôler notamment l'état des stocks de marchandises en révisant les comptes. Ainsi, pour le bilan au 31 décembre 1986 dressé sur le papier à en-tête d'Intermandat, Jean-Claude Gaudin s'était contenté de reprendre telle quelle la valeur d'inventaire indiquée par Maurice Schneider. Quant à l'exercice 1987, Jean-Claude Gaudin a lui-même déclaré qu'il ne détenait que l'inventaire remis par Maurice Schneider, Intermandat n'ayant pas participé à l'inventaire physique des valeurs portées ensuite au bilan. Pour leur part, les investisseurs avaient fait confiance aux comptes approuvés par le réviseur et avaient été trompés. 
 
B.- Par demande du 19 décembre 1989 déposée auprès de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, Tubinvest a conclu à ce que Maurice Schneider, Claude Lozano et Suzanne Maylan, ainsi qu'Intermandat, soient reconnus ses débiteurs solidaires de la somme de 300'000 fr. avec intérêt. 
 
Il résulte notamment de l'expertise effectuée en cours d'instance que, compte tenu de sa valeur comptable considérable par rapport au total du bilan, le stock de marchandises de Calmex S.A. et la fiabilité de l'inventaire auraient dû au moins être vérifiés par sondage. L'organe de contrôle n'avait pas procédé à ces vérifications, alors que celles-ci étaient possibles et nécessaires selon les usages de la profession. 
Or, Calmex S.A. était à tout le moins lourdement obérée à fin 1987 et manifestement insolvable au 31 décembre 1988. 
 
Par jugement incident du 15 août 1990, Tubinvest a été éconduite de son action contre Claude Lozano. 
 
Maurice Schneider est décédé le 31 octobre 1997 et sa succession répudiée a été liquidée faute d'actif. 
 
Par jugement du 12 mai 1999, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a condamné Intermandat à payer à Tubinvest la somme de 300'000 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 23 décembre 1988. Elle a rejeté les conclusions de Tubinvest à l'encontre de Suzanne Maylan. 
 
C.- Contre ce jugement, Intermandat (la défenderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. 
Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à ce que le recours soit déclaré bien-fondé et à ce que le jugement attaqué soit réformé, dans le sens de l'admission de ses conclusions libératoires à l'égard de Tubinvest. 
 
Tubinvest (la demanderesse) propose, pour sa part, le rejet du recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Dès lors que les conditions d'application de l'art. 451a al. 1 LPC vaud. ne sont pas réalisées en l'espèce, le jugement rendu par la Cour civile du Tribunal cantonal revêt le caractère d'une décision finale qui ne peut faire l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal, soit d'un recours ayant effet suspensif et dévolutif (ATF 120 II 93 consid. 1b p. 94 s.), de sorte que la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral est ouverte (art. 48 al. 1 OJ). 
 
2.- La cour cantonale a rejeté l'action dirigée à l'encontre de Suzanne Maylan, en tant qu'administratrice de Calmex S.A., par la société demanderesse. Cette dernière n'ayant pas recouru, le jugement attaqué est devenu définitif sur ce point (cf. art. 55 al. 1 let. b et c OJ). Par conséquent, Suzanne Maylan n'est pas partie à la présente procédure (cf. Poudret, COJ II, Berne 1990, art. 59 et 61 p. 475 no 2.2.1). 
 
3.- La défenderesse soutient en premier lieu que la demanderesse n'a pas qualité pour intenter une action en responsabilité envers l'organe de contrôle, dès lors que celle-ci n'était pas actionnaire de Calmex S.A. au moment de la souscription. Seul Robert Miller, qui avait acquis les actions à titre fiduciaire, aurait pu agir. 
 
Il est vrai que le fiduciaire est seul lié par le contrat conclu pour le compte du fiduciant (cf. ATF 115 II 468 consid. 2a p. 471; 100 II 200 consid. 8a p. 211 s.). Toutefois, il importe peu que la demanderesse n'ait juridiquement pas été titulaire des actions au moment de leur émission. 
En effet, selon la jurisprudence, un investisseur qui achète, en se fiant à un rapport de révision, un paquet d'actions dont il s'avère par la suite que la valeur réelle ne correspond pas à son prix de vente ne peut pas être considéré comme un tiers en relation avec la qualité pour agir. En effet, son dommage ne survient pas avant, mais lors de l'acquisition des actions. Le préjudice coïncide ainsi avec le moment où l'investisseur est devenu actionnaire (arrêt du Tribunal fédéral du 19 décembre 1997 dans la cause X. AG contre Y. AG, publié notamment in PRA 1998 no 121 p. 680, consid. 3). 
 
Il ressort du jugement attaqué que Robert Miller a certes souscrit les 1'250 actions à titre fiduciaire pour la demanderesse, mais qu'il lui en a restitué 1'200 le 23 décembre 1988, soit le jour même de leur émission, et les 50 actions restantes le 8 novembre 1989. Il en découle que la demanderesse est bien devenue l'actionnaire qui a subi le préjudice résultant de l'acquisition des actions. 
 
4.- La défenderesse fait ensuite grief à la cour cantonale d'avoir méconnu la jurisprudence récente sur le dommage direct et indirect, en admettant que la société actionnaire était légitimée à fonder son action sur l'art. 754 aCO et à se prévaloir des art. 725, 728 et 729 aCO. 
 
a) Les manquements reprochés à la défenderesse sont antérieurs à l'entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme, le 1er juillet 1992. C'est donc bien l'ancien droit qui est applicable à la présente cause (Böckli, Schweizer Aktienrecht, 2e éd. Zurich 1996, p. 1119 no 2049 et p. 1122 no 2054). 
 
b) Calmex S.A. n'a pas subi de dommage du fait des manquements reprochés à l'organe de contrôle. Au contraire, elle a bénéficié d'un apport de liquidités. Seul l'investisseur ayant souscrit les actions et versé l'agio pour un montant total de 300'000 fr. est donc lésé (cf. Chambre fiduciaire, Manuel suisse de révision 1992, tome I, p. 383). Dans ces circonstances, les distinctions posées par la jurisprudence dans le but de déterminer qui de la société ou des créanciers ainsi que des actionnaires peut obtenir réparation du dommage subi (cf. ATF 125 III 86 et 122 III 176 consid. 7) n'est pas pertinente, puisque la société n'a en l'occurrence subi aucun préjudice (cf. Alain Hirsch, La responsabilité des organes en cas d'insolvabilité de la SA: dommage direct et dommage indirect des créanciers, RSDA 2/2000 p. 94 ss, 100). 
La demanderesse, qui a acquis la qualité d'actionnaire (cf. 
supra consid. 3), est donc fondée à s'en prendre individuellement à l'organe de contrôle sur la base de l'art. 754 aCO (Bürgi/Nordmann-Zimmermann, Commentaire zurichois, art. 753/754 CO nos 15 et 105; cf. en ce sens arrêt du Tribunal fédéral du 19 décembre 1997, op. cit. , PRA 1998 no 121 p. 680, consid. 3 in fine) 
 
c) Selon l'art. 754 al. 1 aCO, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elles leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. 
 
La responsabilité de la défenderesse en tant qu'organe de contrôle suppose la réunion des quatre conditions générales suivantes: l'existence d'un dommage, d'un manquement aux devoirs de l'organe, d'une faute (intentionnelle ou par négligence) et d'un lien de causalité adéquate entre le manquement et le dommage (Peter Forstmoser, La responsabilité du réviseur en droit des sociétés anonymes, Chambre fiduciaire, Zurich 1997, nos 13 ss; Manuel suisse de révision 1992, op. 
cit. , p. 386). 
 
La diligence requise des différents membres des organes de la société anonyme s'apprécie selon des critères objectifs et correspond à ce qu'un homme consciencieux et raisonnable, appartenant au même cercle que le responsable, tiendrait pour exigible dans des circonstances identiques (Peter Forstmoser, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit, 2e éd. Zurich 1987, p. 106 no 292). S'agissant de l'organe de contrôle, la prudence et la diligence attendues sont proportionnelles au haut degré de qualification exigé de celui-ci (ATF 93 II 22 consid. 6; Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel; Schweizerisches Aktienrecht, Berne 1996, § 36 no 86). Ses devoirs ressortent des art. 728 et 729 aCO (Forstmoser, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit, op. cit. , p. 254 s. nos 867 ss). L'organe de contrôle viole en particulier ses obligations s'il ne s'assure pas que les actifs du bilan existent réellement (ATF 116 II 533 consid. 5b), qu'il ne vérifie pas si le stock de marchandises porté au bilan respecte le principe de la valeur minimale exprimée à l'art. 666 aCO (ATF 112 II 461 consid. 3c; 93 II 22 consid. 3a et c) ou qu'il ne signale pas la réalisation de l'une des hypothèses visées à l'art. 725 aCO (ATF 116 II 533 consid. 5b; 112 II 461 consid. 3c; cf. Manuel suisse de révision 1992, op. cit. , p. 388 ss). 
 
 
Il ressort du jugement attaqué que, pour investir 300'000 fr. dans le capital-actions de Calmex S.A., la demanderesse s'est fiée au bilan de l'exercice 1987 fourni par Maurice Schneider et contrôlé par une fiduciaire réputée pour son sérieux, qui avait de plus attesté que l'état de la fortune et des résultats répondait aux règles établies par la loi pour les évaluations en matière de bilan. Or, le stock de marchandises porté au bilan 1987 était surévalué de plus de 325'000 fr. Le représentant de l'organe de contrôle n'avait toutefois procédé à aucune vérification, se contentant de retranscrire la valeur d'inventaire fournie par le président du conseil d'administration. Selon l'expert judiciaire, de telles vérifications étaient possibles et nécessaires, au moins par sondage, d'après les usages de la profession; elles auraient permis à la fiduciaire de rectifier le bilan. Dans ce contexte, on ne peut reprocher à la cour cantonale d'avoir considéré que les conditions de l'art. 754 aCO étaient réalisées en l'espèce, ce que la défenderesse ne remet du reste pas directement en cause. En reconnaissant la responsabilité de l'organe de contrôle, la cour cantonale n'a par conséquent pas violé le droit fédéral. 
 
d) Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'examiner, à titre subsidiaire, si la responsabilité de la défenderesse aurait également pu être retenue sur la base de l'art. 41 CO ou d'une culpa in contrahendo (cf. Bürgi/Nordmann-Zimmermann, op. cit. , art. 753-754 CO no 41; en ce sens également Alain Hirsch, La responsabilité des réviseurs envers les investisseurs, RSDA 1/99 p. 48 ss, 50). 
 
5.- La défenderesse soutient qu'en tout état de cause, elle aurait dû être mise au bénéfice des facteurs de réduction légaux prévus aux art. 43 et 44 CO
 
a) Entre autres conditions, la réduction des dommages-intérêts en vertu de l'art. 43 al. 1 CO suppose que la faute du responsable ne soit que légère (ATF 96 II 172 consid. 3a; 92 II 234 consid. 3b; Böckli, op. cit. , p. 1103 no 2023; Forstmoser, La responsabilité du réviseur, op. cit. , nos 60 et 220 ss). L'appréciation de la faute est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 115 II 283 consid. 1 in fine). 
 
 
La description du comportement de la défenderesse, telle qu'elle ressort du jugement attaqué, permet de confirmer l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle cette société a commis une grossière négligence. En effet, en tant qu'organe de contrôle, elle avait pour obligation de vérifier la réalité des actifs portés au bilan. Or, elle s'est contentée de reprendre, sans procéder aux contrôles ordinaires correspondant aux usages de la profession, les indications données par Maurice Schneider. Si elle avait vérifié, ne serait-ce que par sondage, la fiabilité de l'inventaire, elle se serait aperçue que le stock de marchandises était nettement surévalué. Elle a en outre attesté que l'état de la fortune et des résultats répondait aux règles établies par la loi pour les évaluations en matière de bilan, alors qu'elle s'était bornée à retranscrire les chiffres fournis par le président du conseil d'administration. Dans un tel contexte, on ne voit pas que la défenderesse puisse prétendre à bénéficier de l'art. 43 CO
 
b) Quant à l'art. 44 al. 1 CO, il permet de réduire les dommages-intérêts ou même de n'en point allouer si la partie lésée est responsable de son dommage ou de l'aggravation de celui-ci. Cette disposition laisse au juge un large pouvoir d'appréciation (ATF 117 II 156 consid. 3a p. 159). 
 
La cour cantonale a analysé de manière détaillée le comportement de la demanderesse. Elle a relevé à juste titre que l'on ne pouvait lui reprocher d'avoir approuvé les comptes de l'année 1988, puisque cet exercice n'avait joué aucun rôle dans sa décision d'investir et qu'il ne pouvait lui être fait grief d'avoir adressé l'avis au juge conformément à l'art. 725 CO après avoir constaté le surendettement de Calmex S.A. 
 
Les juges ont également examiné si la demanderesse n'aurait pas dû procéder elle-même à des vérifications plus poussées au moment de son investissement. Ils ont évoqué l'avis de Hirsch, selon lequel une faute justifiant l'application de l'art. 44 al. 1 CO peut être retenue à la charge de l'acquéreur qui envisage un achat important d'actions, en se contentant de recevoir un bilan révisé, sans demander des garanties supplémentaires du vendeur ou un rapport de révision spécial (Hirsch, La responsabilité des réviseurs, op. cit. , p. 52); ils ont toutefois considéré qu'une telle faute ne pouvait être reprochée à la demanderesse, dès lors que celle-ci avait analysé la situation de Calmex S.A. avec son conseiller financier, sur la base de documents contrôlés par une grande fiduciaire à la compétence de laquelle elle pouvait légitimement se fier. Compte tenu de l'investissement relativement modeste consenti, il aurait été disproportionné qu'elle exige un rapport de révision spécial, alors qu'elle n'avait pas de raison de douter de la véracité des données fournies. 
 
Dans son argumentation, la défenderesse remet en cause les faits retenus pour tenter de démontrer un comportement fautif de la part de la demanderesse, ce qui n'est pas admissible dans le cadre d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ; ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 368 consid. 3 in fine). Confondant l'appréciation des preuves avec l'inadvertance manifeste (cf. sur cette question ATF 121 IV 104 consid. 2b; 118 IV 88 consid. 2b), elle va jusqu'à reprocher à la cour cantonale de l'avoir décrite comme une grande fiduciaire à la compétence de laquelle on pouvait légitimement se fier. 
 
 
 
Quoi qu'il en soit, la défenderesse semble perdre de vue qu'il lui appartenait en premier lieu de procéder aux vérifications nécessaires s'agissant de la valeur du stock de marchandises portée au bilan, de sorte qu'à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles non réalisées en l'espèce, on ne peut reprocher à l'investisseur de n'avoir pas suppléer aux carences de l'organe de contrôle. Sur la base des faits constatés, on ne voit pas que la cour cantonale ait abusé de son large pouvoir d'appréciation en considérant que la demanderesse n'avait pas commis de faute qui soit de nature à réduire les dommages-intérêts auxquels elle a droit. 
Le recours doit par conséquent être rejeté et le jugement attaqué confirmé. 
 
6.- La défenderesse, qui succombe, sera condamnée aux frais (art. 156 al. 1 OJ) et versera à la demanderesse une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours et confirme le jugement attaqué. 
 
2. Met un émolument judiciaire de 6'500 fr. à la charge de la défenderesse. 
 
3. Dit que la défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens. 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. 
 
__________ 
Lausanne, le 28 septembre 2000 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE: 
Le Président, 
 
La Greffière,