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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_182/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 7 juin 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Fonjallaz, Eusebio, Chaix et Kneubühler. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par Maîtres Florian Baier et Giorgio Campá, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public du canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Détention pour des motifs de sûreté, 
 
recours contre l'ordonnance de la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève du 31 mars 2017. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 6 juin 2014, le Tribunal criminel du canton de Genève a reconnu A.________, ressortissant suisse et guatémaltèque, coupable de sept assassinats et l'a condamné à une peine privative de liberté à vie. 
Par arrêt du 12 juillet 2015, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel formé par le prénommé contre ce jugement et a admis l'appel joint du Ministère public du canton de Genève. Elle a reconnu A.________ coupable des chefs d'assassinat dont il avait été acquitté en première instance et a confirmé pour le surplus le jugement attaqué. Elle lui a reproché d'avoir exécuté ou fait exécuter dix personnes entre novembre 2005 et septembre 2006, alors qu'il était Directeur général de la Police nationale civile du Guatemala (PNC). Par décision séparée, elle a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté. 
 A.________ a interjeté un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt du 12 juillet 2015. La cause est actuellement pendante. 
 
B.   
Le 21 mars 2017, A.________ a requis sa mise en liberté immédiate, en invoquant une violation du principe de la célérité et une insuffisance des charges retenues à son encontre. Par ordonnance du 31 mars 2017, la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision a rejeté la demande de libération. Elle a considéré en substance que le caractère suffisant des charges n'avait pas à être discuté, qu'il existait un risque de fuite et que les principes de la proportionnalité et de la célérité étaient respectés. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance du 31 mars 2017 et d'ordonner sa mise en liberté immédiate. Il conclut subsidiairement à sa mise en liberté moyennant le dépôt de tous ses passeports et de toutes autres mesures de substitution jugées utiles par le Tribunal fédéral telles que celles présentées à l'appui de son recours. 
La Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision et le Ministère public concluent au rejet du recours. Le recourant a répliqué par courrier du 29 mai 2017. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le prévenu - actuellement détenu - a qualité pour agir. Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF
 
2.   
Le recourant soutient que le dossier ne recèle pas un seul exemple d'ordre ou d'intention criminelle qui lui serait imputable. Il nie l'existence de charges suffisantes à son encontre. 
 
2.1. Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH), c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction.  
Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73 s. et les références). En outre, il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 s.). 
 
2.2. En l'occurrence, le recourant a été reconnu coupable de dix assassinats et condamné à la peine privative de liberté à vie par la Cour de justice genevoise. Le recourant ne discute pas l'ensemble des charges retenues à son encontre et détaillées dans l'arrêt du 12 juillet 2015. Il se contente de reprocher à la Cour de justice d'avoir retenu l'existence d'une organisation criminelle dirigée par B.________ - Ministre de l'intérieur du Guatemala à l'époque des faits litigieux - et au sein de laquelle il aurait agi dans le but "d'assurer par la terreur l'autorité du gouvernement auquel il devait son poste". Le prévenu met aussi en évidence que l'acquittement de B.________, son supérieur direct, a été prononcé par l'  Audiencia nacional de Madrid le 15 mars 2017 et que C.________, son subordonné direct, a été acquitté par la justice autrichienne.  
Partant, le recourant perd de vue qu'il n'appartient pas au juge de la détention de faire une appréciation complète des éléments à charge et à décharge; il lui incombe uniquement de vérifier, sous l'angle de la vraisemblance, que le maintien en détention avant jugement repose sur des indices de culpabilité suffisants. Or, même si l'arrêt de la Cour de justice du 12 juillet 2015 n'est pas exécutoire puisqu'un recours a été déposé à son encontre auprès du Tribunal fédéral, l'existence de charges suffisantes ne peut être niée, dans la mesure où deux juridictions ont condamné le prévenu à une peine privative de liberté à vie. Le faisceau d'indices retenus dans l'arrêt du 12 juillet 2015 est ainsi suffisant pour justifier un maintien en détention du recourant, sous l'angle de la vraisemblance. Le fait que B.________ a été acquitté en première instance en Espagne n'est pas susceptible d'annihiler l'existence vraisemblable de forts soupçons à l'encontre du recourant, ce d'autant moins qu'on ignore si le jugement d'acquittement de B.________ a fait l'objet d'un recours. Il en va de même de l'acquittement de C.________, lequel ne constitue pas un fait nouveau et était déjà connu des juges de première instance. 
Au demeurant, il n'appartient pas au juge de la détention mais au juge du fond d'examiner si la juridiction d'appel a violé la présomption d'innocence en considérant que l'interdiction du principe  ne bis in idem ne l'empêchait pas de retenir incidemment la réalité de l'implication de C.________ dans le cadre de la procédure dirigée contre le recourant. Le recourant a d'ailleurs fait valoir ce grief dans son recours pendant devant la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral.  
 
3.   
Le recourant conteste enfin l'existence d'un risque de fuite. Si un tel risque devait toutefois être retenu, il requiert la mise en oeuvre de mesures de substitution au sens de l'art. 237 CPP, telles que le versement d'une caution de 100'000 francs, le dépôt de ses papiers d'identité, le port d'un bracelet électronique et l'obligation de se rendre au poste de police de manière régulière. 
 
3.1. Selon la jurisprudence, le risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 117 Ia 69 consid. 4a p. 70, 108 Ia 64 consid. 3 p. 67).  
 
3.2. En l'occurrence, le risque de fuite avait été examiné en détail dans l'arrêt 1B_197/2013 du 26 juin 2013 (consid. 4). Le recourant fait d'ailleurs valoir les mêmes arguments qu'en juin 2013. Par conséquent, il peut être renvoyé à l'arrêt précité dans la mesure où la situation n'a pas changé depuis, si ce n'est que le recourant a été condamné à une peine privative de liberté à vie par la dernière instance cantonale, ce qui est susceptible d'accroître encore le risque de fuite. Mal fondé, le grief doit donc être rejeté.  
 
3.3. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution la fourniture de sûreté (let. a), la saisie des documents d'identité (let. b), l'assignation à résidence ou l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c) et l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (let. d).  
En l'espèce, le Tribunal fédéral a déjà examiné en détail les mesures de substitution proposées par le recourant dans l'arrêt 1B_197/2013 du 26 juin 2013 (consid. 4.4). Le recourant ne présente pas d'arguments nouveaux, de sorte qu'il peut aussi être renvoyé à cet arrêt à cet égard. 
 
4.   
Le recourant se plaint encore sommairement d'une violation du droit d'être jugé dans un délai raisonnable et du principe de la célérité (art. 5 et 6 CEDH). Il se contente de relever que sa cause est pendante depuis presque deux ans au Tribunal fédéral, alors que l'instruction menée par le Ministère public n'avait duré que 17 mois depuis son arrestation, que la procédure de première instance s'était étendue sur une période de moins de 8 mois et qu'entre la déclaration d'appel et la notification de l'arrêt motivé de la juridiction d'appel moins de 10 mois s'étaient écoulés. Fût-il recevable au regard des exigences de motivation, ce grief serait rejeté sur le fond pour les motifs qui suivent. 
 
4.1. En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre. L'art. 212 al. 3 CPP prévoit ainsi que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Le juge peut dès lors maintenir la détention préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170; 132 I 21 consid. 4.1 p. 27; 107 Ia 256 consid. 2 et 3 p. 257 ss et les références).  
Concrétisant le principe de célérité, l'art. 5 CPP impose aux autorités pénales d'engager les procédures pénales sans délai et de les mener à terme sans retard injustifié (al. 1), la procédure devant être conduite en priorité lorsqu'un prévenu est placé en détention (al. 2). 
L'incarcération peut être disproportionnée en cas de retard injustifié dans le cours de la procédure pénale (ATF 128 I 149 consid. 2.2.1 p. 151; 123 I 268 consid. 3a p. 273). Il doit toutefois s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 128 I 149 consid. 2.2.1 p. 151 s.). Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure pénale s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard en particulier à la complexité de l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour l'intéressé (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281 et les arrêts cités). 
 
4.2. En l'espèce, depuis l'incarcération du recourant le 31 août 2012, les autorités de poursuite pénale ont régulièrement fait progresser le dossier (voir arrêt 1B_60/2013 du 12 mars 2013 consid. 4); les deux instances cantonales ont ensuite statué rapidement, compte tenu de la nature et de la complexité de l'affaire. Enfin, le Tribunal fédéral a été saisi de la cause le 17 septembre 2015; il a mené une instruction qui s'est achevée par les observations déposées par le recourant en mars 2016. L'arrêt attaqué comporte 222 pages; le recours déposé contient environ 200 pages de griefs, entremêlés qui se renvoient les uns aux autres et qui se réfèrent à de nombreuses pièces; la partie intimée a aussi déposé des observations d'environ 200 pages. Le dossier est beaucoup plus volumineux qu'en 2013 puisqu'il contient désormais 47 classeurs fédéraux ainsi que de nombreuses pièces - parfois en langue espagnole - dont la lecture est ardue. Il se conçoit donc que la préparation d'un arrêt répondant minutieusement à l'ensemble des griefs invoqués nécessite un temps certain pour l'étude du dossier, la prise de position et la rédaction de l'arrêt.  
Ainsi, contrairement à ce que soutient le recourant, l'instruction n'a pas connu de temps mort susceptible de contrevenir au principe de célérité, s'agissant d'une cause qui doit être qualifiée désormais de complexe, en raison de la gravité des infractions reprochées, de leur nombre, de leur dimension internationale et de l'impact sur la vie personnelle du prévenu qui a été condamné à vie par les instances cantonales. 
Au demeurant, le recourant ne prétend pas que la détention subie à ce jour serait disproportionnée par rapport à la peine encourue. Dans ces circonstances particulières, le délai pour être jugé de manière définitive n'est donc pas encore dépassé et c'est à tort que le recourant prétend que le principe de la célérité a été violé. 
 
5.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Ministère public et à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 7 juin 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Tornay Schaller