Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_178/2022
Arrêt du 4 juillet 2023
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
von Werdt et Bovey.
Greffière : Mme Mairot.
Participants à la procédure
A.A.________,
représentée par Me Franck-Olivier Karlen, avocat,
recourante,
contre
1. B.A.________, c/o A.A.________,
représentée par son curateur, Me I.________, avocat,
2. C.A.________,
représenté par Me Alexis Lafranchi, avocat,
intimés.
Objet
désaveu de paternité (restitution du délai d'action),
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 janvier 2022 (TI18.021498-210028 50).
Faits :
A.
A.a. C.A.________, né en 1981, et A.A.________, née en 1980, se sont mariés en 2004. Deux enfants sont issus de cette union: D.________, né en 2004, et E.________, né en 2006. Le mari est également le père de l'enfant F.________, né en 2013 de sa relation avec son ancienne compagne, G.________.
Les conjoints vivent séparés depuis le 19 septembre 2009.
Le 30 mai 2013, l'épouse a ouvert action en divorce.
A.b. En 2017, elle a donné naissance à une fille, B.A.________, issue de sa relation avec H.________. Conformément à la présomption instituée par l'art. 255 CC, l'enfant a été inscrite à l'état civil comme étant la fille de C.A.________.
Le 16 mai 2018, celui-ci a ouvert action en désaveu de paternité contre l'enfant et la mère.
Par décision du 25 juillet 2018, la Justice de paix du district de Morges a institué une curatelle de représentation au sens l'art. 306 al. 2 CC en faveur de l'enfant et, par décision du 9 octobre 2018, a nommé en qualité de curateur I.________, avocat, avec pour tâches de représenter l'enfant dans le procès en désaveu ouvert par le mari puis, le cas échéant, pour établir sa filiation paternelle et pour faire valoir sa créance alimentaire.
B.
Par jugement du 6 novembre 2020, le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a admis la demande en désaveu de paternité. Il a constaté que le délai relatif d'un an prévu par l'art. 256c al. 1 CC était échu, mais qu'il devait être restitué au sens de l'art. 256c al. 3 CC.
Par arrêt du 27 janvier 2022, expédié le 4 février 2022, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel formé par la mère et confirmé le jugement attaqué.
C.
Par acte posté le 9 mars 2022, la mère exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elle conclut principalement à sa réforme en ce sens que la demande est rejetée. Subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle requiert par ailleurs l'octroi de l'assistance judiciaire.
L'intimé propose le rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. Il sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Le curateur s'en est remis à justice.
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par l'autorité cantonale de dernière instance statuant sur recours (art. 75 al. 1 LTF) dans une contestation civile (art. 72 al. 1 LTF) de nature non pécuniaire (ATF 138 III 537 consid. 1.1; 129 III 288 consid. 2.2), le recours est recevable au regard de ces dispositions. La recourante a en outre qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF; ATF 138 III 537 consid. 1.2).
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4, 402 consid. 2.6 et les références). La partie recourante doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi l'autorité précédente a méconnu le droit (art. 42 al. 2 LTF; ATF 146 IV 297 consid. 1.2; 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La partie recourante qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).
3.
Se plaignant de constatation manifestement inexacte des faits et de violation de l'art. 256c al. 3 CC, la recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir considéré que l'action en désaveu de paternité n'était pas périmée, eu égard aux justes motifs invoqués par l'intimé qui rendraient excusable le retard avec lequel il a déposé sa demande.
3.1. Si, comme en l'espèce, l'enfant est né pendant le mariage, le mari est réputé être le père de par la loi (art. 252 al. 2 en lien avec l'art. 255 al. 1 CC). Le lien de filiation est inscrit au registre de l'état civil sous les données personnelles du père juridique (ATF 144 III 1 consid. 4.1). La paternité fondée sur l'art. 255 CC peut cependant être attaquée devant le juge par le mari, voire par l'enfant à certaines conditions restrictives (cf. art. 256 al. 1 CC).
Selon l'art. 256c al. 1 CC, le mari doit intenter action en désaveu au plus tard un an après qu'il a connu la naissance et le fait qu'il n'est pas le père ou qu'un tiers a cohabité avec la mère à l'époque de la conception, mais en tout cas dans les cinq ans depuis la naissance. Il s'agit de délais de péremption (ATF 119 II 110 consid. 3a et les citations), qui ne peuvent être ni interrompus ni suspendus. La réglementation des délais tend à la protection des intérêts de l'enfant, qui ne doit plus être exposé à une remise en discussion du lien de filiation paternel après une certaine période (arrêt 5A_700/2013 du 20 janvier 2014 consid. 3.1). Comme pour l'action en paternité (art. 263 al. 3 CC) et en contestation de paternité (art. 260c al. 3 CC), la loi prévoit, néanmoins, que l'action peut être introduite après l'expiration du délai lorsque de justes motifs rendent le retard excusable (art. 256c al. 3 CC); tant le délai relatif - seul en cause dans le cas présent - que le délai absolu sont susceptibles de restitution, ce qui a pour conséquence qu'une restitution est en principe admissible d'une manière illimitée dans le temps (ATF 132 III 1 consid. 2). La notion de justes motifs, qui n'est pas précisée par la loi, doit être interprétée strictement (ATF 136 III 593 consid. 6.1.1 [pour l'art. 260c al. 3 CC]; 132 III 1 consid. 2.2 et la jurisprudence citée; arrêts 5A_222/2018 du 28 novembre 2019 consid. 5.1, non publié aux ATF 146 III 136, mais in FamPra.ch 2020 p. 431 et in Pra 2020 n° 118 p. 1167, avec les références; 5A_210/2016 du 3 juin 2016 consid. 2.1; 5A_700/2013 du 20 janvier 2014 consid. 3.1, in SJ 1024 I 268). Le juste motif pouvant excuser le dépôt tardif de l'action peut être de nature objective ou subjective (arrêts 5A_921/2017 du 16 juillet 2018 consid. 3.1; 5A_240/2011 du 6 juillet 2011 consid. 6.2.1, in FamPra.ch 2011 p. 1007; GUILLOD, in Commentaire romand, 2010, n° 8 ad art. 256c CC; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6e éd. 2019, n° 94 p. 60 spéc. note de bas de page 192; TUOR/SCHNYDER/JUNGO, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 14e éd. 2015, § 40 ch. marg. 19 p. 423; HEGNAUER, Commentaire bernois, nos 51 ss ad art. 256c CC). Les empêchements objectifs d'agir à temps peuvent résulter d'une maladie grave (arrêt 5A_47/2011 du 19 avril 2011 consid. 5.3), d'une privation de liberté ou d'une perte provisoire de la capacité de discernement. Les obstacles subjectifs sont notamment l'espoir que l'union conjugale se poursuive, l'absence de raison suffisante de douter de la paternité (ATF 132 III 1 consid. 3.1), les complications du droit international (FF 1974 II 1 ss, ch. 312.23 p. 3), l'information juridique erronée d'une autorité censée être compétente en la matière ou des obstacles psychologiques à la formation de la décision d'agir en justice (arrêt 5A_741/2021 du 22 avril 2022 consid. 5.2). L'art. 256c al. 3 CC n'accorde aucun délai supplémentaire, même de courte durée; il incombe au demandeur d'agir avec toute la célérité possible dès que la cause du retard a pris fin (ATF 136 III 593 consid. 6.1.1; 132 III 1 consid. 3.2; 129 II 409 consid. 3; arrêts 5A_921/2017 du 16 juillet 2018 consid. 3.1; 5A_492/2010 du 13 décembre 2010 consid. 6.1.1; MEIER/STETTLER, op. cit., n° 94 p. 61 et la note de bas de page 195).
Conformément à l'art. 4 CC, il appartient au juge déterminer s'il existe un juste motif au sens de l'art. 256c al. 3 CC en appréciant les circonstances pertinentes selon le droit et l'équité (arrêts 5A_741/2021 du 22 avril 2022 consid. 5.1; 5A_921/2017 du 16 juillet 2018 consid. 3.1; 5A_541/2017 du 10 janvier 2018 consid. 3.1 et la référence). Le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'excès ou d'abus de ce pouvoir, autrement dit si le juge s'est écarté sans motif des principes établis par la doctrine et la jurisprudence, s'il s'est fondé sur des faits qui ne devaient jouer aucun rôle pour la solution du cas d'espèce ou si, au contraire, il n'a pas tenu compte de circonstances qui auraient impérativement dû être prises en considération, ou encore si sa décision aboutit à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 145 III 49 consid. 3.3; 142 III 617 consid. 3.2.5 et la jurisprudence citée).
3.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que le délai relatif d'un an prévu par l'art. 256c al. 1 CC était échu lorsque l'intimé a introduit action. L'autorité cantonale a cependant considéré que les motifs retenus par les premiers juges - en particulier le fait que le demandeur ignorait la nécessité d'agir en désaveu et qu'il n'ouvrait plus son courrier en raison d'un blocage psychologique, de sorte qu'il n'avait pas pris connaissance des enjeux de la naissance de l'enfant exposés dans les lettres que lui avait adressées le conseil de la mère - constituaient de justes motifs de restitution au sens de l'art. 256c al. 3 CC. Ce n'était qu'à l'audience de conciliation du 24 avril 2018, lorsqu'un avocat d'office lui avait été désigné "pour qu'il puisse faire le point de la situation avec son conseil, notamment la question de la filiation de l'enfant [...]", qu'il avait pu compter sur l'aide dudit conseil, comprendre les enjeux de la naissance de l'enfant et agir. Ayant ouvert action le 16 mai 2018, soit dans les trois semaines suivant l'audience de conciliation, ou la fin de la cause du retard, il avait agi avec toute la diligence et la célérité requise. Enfin, les premiers juges avaient considéré à bon droit, compte tenu des circonstances de l'espèce, qu'il était dans l'intérêt de l'enfant que sa situation juridique corresponde à la réalité des faits.
La recourante prétend que l'autorité cantonale a retenu de façon manifestement inexacte que l'intimé avait connu, dès 2016, une situation de blocage psychologique qui l'avait empêché d'ouvrir son courrier et de s'occuper de toute démarche administrative, de sorte qu'il n'avait pas été en mesure de comprendre les enjeux de la naissance de l'enfant et, par conséquent, d'agir en désaveu de paternité. Elle soutient qu'à l'exception des déclarations de son ancienne compagne, aucun élément de preuve, en particulier aucun rapport médical ni aucune attestation d'un quelconque suivi thérapeutique, ne vient corroborer un tel blocage. Celui-ci serait-il établi qu'il ne pourrait de toute manière pas être considéré comme un juste motif au sens de l'art. 256c al. 3 CC. Quoi qu'il en soit, même en admettant que l'intimé n'ait eu connaissance de son lien de filiation juridique avec l'enfant et du délai d'un an pour ouvrir action en désaveu qu'en recevant copie - au plus tard le 21 mars 2018 - du courrier du 19 mars 2018 adressé par son avocat au tribunal de première instance, il n'aurait pas fait preuve de la célérité requise en agissant le 16 mai 2018, soit près de deux mois plus tard. Enfin, l'appréciation de l'intérêt de l'enfant serait erronée.
3.3.
3.3.1. La méconnaissance du droit, soit en l'occurrence de la nécessité d'intenter une action en désaveu pour rompre le lien de filiation et des limitations dans le temps pour agir, ne fait pas obstacle à l'écoulement des délais de péremption selon l'art. 256c al. 1 CC et ne constitue pas, en tant que telle, un motif de restitution au sens de l'art. 256c al. 3 CC: nul n'est en effet censé ignorer une loi publiée au recueil officiel. La prise en considération de cette ignorance irait d'ailleurs à l'encontre du but poursuivi par la réglementation des délais, qui est de servir la sécurité juridique, l'enfant ne devant plus être exposé à une remise en discussion du lien de filiation paternel après une certaine période (arrêt 5A_240/2011 du 6 juillet 2011 consid. 6.5, in FamPra.ch 2011 p. 1002; cf. aussi arrêt 5A_210/2016 du 3 juin 2016 consid. 2.2; SCHWENZER/COTTIER, in Commentaire bâlois, 7e éd. 2022, n° 6 ad art. 256c CC; TUOR/SCHNYDER/JUNGO, op. cit., loc. cit. p. 424). Il n'est ainsi pas décisif que le mari ait ou non connaissance de la présomption de paternité de l'art. 255 CC et du fait que cette présomption ne peut être écartée que par le moyen d'une action en désaveu (STETTLER, Le droit suisse de la filiation, TDPS, III/II/2, § 11 p. 191). En l'occurrence, il importe donc peu que le mari n'ait pas ouvert les courriers de l'avocat de l'épouse, qui mentionnaient l'existence et les conséquences de dite présomption, ni même que ce mandataire ait tenté de l'informer de sa paternité juridique. Si des raisons psychologiques peuvent faire obstacle, dans certaines circonstances, à la formation ou à l'exécution de la décision d'agir en justice, tel n'est pas le cas ici, le mari s'étant borné à invoquer, comme cause de son retard, son ignorance de la situation sur le plan juridique, ce qui ne constitue pas en soi un juste motif au sens de l'art. 256c al. 3 CC. L'arrêt entrepris apparaît donc critiquable sur ce point.
3.3.2. Selon la jurisprudence, l'intérêt de l'enfant au maintien du lien de filiation avec le père peut être pris en compte dans l'application de l'art. 256c al. 3 CC (arrêt 5A_745/2014 du 16 mars 2015 consid. 3.2 [concernant l'art. 260c al. 3 CC] et les références soit, pour l'art. 256c al. 3 CC: arrêts 5A_298/2009 du 31 août 2009 consid. 4.2, in FamPra.ch 2010 p. 196, et 5C.292/2005 du 16 mars 2006 consid. 3.4, in FamPra.ch 2006 p. 745). Il intervient comme un élément d'appréciation lorsque les circonstances ne suffisent pas à fonder un juste motif. Si, dans une telle hypothèse, il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant que la question du lien de filiation soit tout de même éclaircie, la restitution du délai doit être refusée (ATF 136 III 593 consid. 6.2 [pour l'art. 260c al. 3 CC]; S CHWENZER/COTTIER, op. cit., loc. cit., selon qui les intérêts de l'enfant n'ont une portée propre qu'en l'absence d'un juste motif). Inversement, l'intérêt de l'enfant à voir aboutir l'action peut conduire à admettre un juste motif dans des circonstances qui, sinon, ne seraient pas jugées suffisantes (MEIER/STETTLER, op. cit., n° 94 p. 62, spéc. note de bas de page 198). Selon un auteur, ce n'est que lorsque l'on est en présence d'une action tardive de l'enfant lui-même que son intérêt prépondérant pourrait être pris en compte, non pas lorsque c'est son père qui agit (MEIER, in RDT 2011 p. 475).
3.3.3. A cet égard, l'autorité précédente a confirmé l'appréciation des premiers juges selon laquelle il était dans l'intérêt de l'enfant que sa situation juridique corresponde à la réalité des faits. Elle a d'abord considéré qu'il n'existait pas de lien affectif entre cet enfant et le père juridique, qui ne s'était jamais intéressé à sa vie, ni n'avait pris de ses nouvelles de sa propre initiative. Avec le curateur de l'enfant, il fallait admettre qu'il avait démontré ne pas souhaiter avoir la qualité de père de l'enfant, que ce soit sous l'angle juridique ou affectif. S'il avait ouvert action tardivement, il avait requis la restitution du délai dans le but de ne plus être inscrit comme père à l'état civil. En outre, l'enfant savait qu'il n'était pas son géniteur et le désignait comme le papa de ses frères, ce dont elle ne souffrait pas. En accord avec le curateur, il fallait ainsi retenir qu'il n'était pas favorable au bon développement de cet enfant d'avoir un père légal inscrit qui ne soit pas son père biologique et qui ne tisse aucun lien affectif avec elle, contrairement au reste de la fratrie, parce qu'il ne voulait pas d'elle. Il n'était certes pas exclu que l'aboutissement de l'action en désaveu implique un changement de nom de famille pour l'enfant, en ce sens qu'elle prendrait le nom de célibataire de sa mère. Cet élément n'était toutefois pas décisif sous l'angle de l'intérêt de l'enfant, compte tenu des circonstances du cas d'espèce et, en particulier, de son jeune âge, un enfant de quatre ans n'attachant aucune importance à son nom de famille. Aussi, le seul fait qu'elle porte un patronyme différent de celui de ses frères, dont elle savait qu'ils n'avaient pas le même père, ne serait pas préjudiciable à son développement. Actuellement, il n'était pas rare qu'en cas de familles recomposées, les enfants d'une même fratrie ne portent pas le même nom.
La cour cantonale a de plus estimé que, comme le relevait le curateur, le versement d'une contribution d'entretien pour l'enfant concerné ne représenterait pas un intérêt financier important, la situation du mari étant précaire sur ce plan depuis 2014. Il ressortait en outre de la procédure matrimoniale qu'en raison de la conjoncture, il lui était particulièrement difficile de trouver un emploi dans ses domaines de compétence, soit la photographie ou le journalisme, et que s'il orientait ses recherches dans un autre secteur, comme le commerce de détail, le revenu mensuel net qu'il serait en mesure de réaliser pouvait être estimé à 3'650 fr. Compte tenu de ses charges, de 1'962 fr., son disponible serait tout au plus de 1'688 fr., ce qui, divisé entre quatre enfants, représenterait une contribution de 430 fr. par mois. Comme le relevait le curateur, le versement d'une telle contribution d'entretien en faveur de l'enfant viendrait du reste en déduction de celles dues pour les deux fils que le mari avait eus avec l'épouse. De plus, il n'était pas établi que celui-ci aurait des expectatives successorales. S'il avait déposé une demande AI en 2020, il ne bénéficiait par ailleurs pas, en l'état, de prestations de cette assurance. Une rente AI pour l'enfant restait donc parfaitement hypothétique et n'avait aucun poids dans la pesée des intérêts en présence.
Enfin, pour les motifs convaincants exposés par le tribunal de première instance, l'intérêt d'un père juridique protecteur face à un danger supposé qui émanerait du père biologique de l'enfant ne l'emportait pas.
3.3.4. La paternité ne doit pas pouvoir être contestée à la légère. Le lien génétique n'est pas la seule justification du lien de filiation. En limitant l'action dans le temps, en prévoyant des délais de péremption et en restreignant la qualité pour agir, le législateur a délibérément mis en balance la parentalité biologique et la parentalité psycho-sociale. Cette limitation ne contrevient pas aux art. 8 CEDH, 119 al. 2 let. g Cst. et 28 CC. Il convient de distinguer entre les actions relatives à la paternité juridique et le droit de connaître son ascendance. Comme la parentalité n'est pas seulement génétique, mais aussi socio-psychologique, il peut être justifié de maintenir un lien de filiation, même s'il est établi que le père légal n'est pas le père biologique (arrêt 5A_619/2014 du 5 janvier 2015 consid. 4.4). Tel peut être le cas lorsque l'enfant ne sera ultérieurement pas reconnu et restera sans père juridique (cf. arrêt 5C.292/2005 précité). Les conséquences d'ordre matériel peuvent aussi entrer en considération, par exemple la perte du droit à l'entretien et des expectatives successorales; il ne sera ainsi pas dans l'intérêt de l'enfant d'introduire une telle action lorsqu'il est incertain que le mineur puisse avoir un autre père légal, lorsque la contribution d'entretien serait notablement moindre, lorsque la relation étroite entre l'enfant et ses frères et soeurs serait sérieusement perturbée et lorsqu'il n'y a pas lieu d'admettre que l'enfant serait en mesure d'entretenir une relation positive sur le plan socio-psychique avec son géniteur (cf. arrêts 5A_939/2013 du 5 mars 2014 consid. 2.1; 5A_593/2011 du 10 février 2012 consid. 3.1.1 et les références [concernant la désignation d'un curateur pour intenter le procès à la place de l'enfant]).
En l'espèce, la situation financière de l'intimé apparaît certes précaire, du moins si l'on s'en tient au moment où l'arrêt entrepris a été rendu. L'autorité cantonale ne peut cependant être suivie en tant qu'elle nie tout intérêt financier de l'enfant au maintien du lien de filiation paternelle, en particulier dans la mesure où elle invoque le caractère selon elle parfaitement hypothétique d'une éventuelle rente AI, une telle prestation ne pouvant être exclue d'emblée. Il en va de même lorsqu'elle affirme que le versement d'une contribution d'entretien en faveur de l'enfant ne représenterait pas un intérêt financier important. Sur ce point, l'arrêt entrepris constate que, dans le procès en divorce l'opposant à la recourante, l'intimé a été provisoirement condamné à contribuer à l'entretien de l'enfant à hauteur de 300 fr. par mois, ce qui ne peut être considéré comme négligeable; ce d'autant qu'aucun entretien ne pourra probablement jamais être réclamé au père biologique. L'instauration par l'Etat d'un système d'avances et de recouvrement des pensions alimentaires ne saurait en outre être occultée.
Il résulte cependant de l'arrêt querellé qu'aucun lien affectif ou socio-psychologique n'existe entre le mari et l'enfant, qui n'en souffre pas, et qui paraît avoir compris que celui-ci n'est pas son père biologique. La naissance de cet enfant est de plus intervenue le 13 mars 2017, soit près de huit ans après la séparation des conjoints. Il apparaît certes a priori douteux que l'enfant puisse établir un lien de filiation avec son géniteur ni, en tous les cas, entretenir une relation satisfaisante avec lui ou compter sur son soutien matériel. La situation n'en demeure pas moins totalement différente des cas dans lesquels le mari et l'enfant ont partagé une vie de famille ou, du moins, entretenu une relation affective. Il est vrai que l'on ne saurait accorder, par principe, un poids plus grand à la vérité biologique qu'à l'intérêt de l'enfant à conserver une filiation juridique (cf. arrêts 5A_298/2009 et 5C.292/2005 précités; GUILLOD, in Commentaire romand, n° 9 ad art. 256c CC; cf. toutefois: arrêt 5C.113/2005 du 29 septembre 2005 consid. 4.2 [sur l'importance prise par la notion de vérité biologique ou génétique, tant en droit suisse qu'en droit international]). Compte tenu des circonstances particulières du cas d'espèce, l'autorité cantonale ne peut toutefois se voir reprocher d'avoir abusé du large pouvoir d'appréciation dont elle disposait (cf. supra consid. 3.1) en considérant, à l'instar du curateur, qu'il était contraire au bon développement psychologique de l'enfant d'avoir un père juridique qui ne soit pas son père biologique et qui ne tisse aucun lien affectif avec elle, alors qu'il entretient de tels liens avec le reste de la fratrie. On ne voit en outre pas en quoi les relations de l'enfant avec ses frères souffriraient, en l'occurrence, de son absence de lien de filiation avec l'intimé.
4.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et ne peut donc être que rejeté. La recourante supportera dès lors les frais et dépens de la procédure (art. 66 al. 1, 68 al. 1 et 2 LTF). Ses conclusions n'étaient cependant pas d'emblée vouées à l'échec et ses ressources sont faibles, de sorte que sa requête d'assistance judiciaire peut être agréée (art. 64 LTF). Comme il n'est pas certain que l'intimé puisse recouvrer les dépens auxquels il a droit, il y a également lieu d'admettre sa requête d'assistance judiciaire, autant qu'elle n'est pas sans objet. La Caisse du Tribunal fédéral versera en outre une indemnité au curateur de l'enfant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est admise et
Me Franck-Olivier Karlen, avocat, lui est désigné comme conseil d'office.
3.
La requête d'assistance judiciaire de l'intimé est admise, autant qu'elle n'est pas sans objet, et Me Alexis Lafranchi, avocat, lui est désigné comme conseil d'office.
4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., y compris les frais de représentation de l'enfant par 300 fr., sont mis à la charge de la recourante, mais ils sont provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral.
5.
Une indemnité de 2'000 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. Au cas où ces dépens ne pourraient être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Alexis Lafranchi une indemnité de 1'800 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.
6.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de la recourante une indemnité de 1'800 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.
7.
Une indemnité de 300 fr. est allouée à titre d'honoraires à Me I.________, curateur de l'enfant, qui lui sera versée par la Caisse du Tribunal fédéral.
8.
Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 4 juillet 2023
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Mairot