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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_470/2017  
 
 
Arrêt du 14 juin 2018  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Michel Ducrot, 
recourant, 
 
contre  
 
Z.________, 
représenté par Me Aba Neeman, 
intimé. 
 
Objet 
absence de libération du capital-actions, dommage, principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II, du 14 juillet 2017 
(C1 16 275). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société A.________ SA, fondée en 1999 (sous une raison sociale alors différente) par B.________, son épouse et un autre associé, avait pour but l'exploitation d'un café-restaurant.  
B.________ en a été l'administrateur unique jusqu'au jour de sa démission, le 19 juin 2000. 
Au 31 décembre 2000, le bilan de la société mentionnait, à l'actif, une créance envers l'actionnaire B.________ de 143'751 fr.10. Cette créance a ensuite été réduite à 107'428 fr.35, soit un montant équivalant, au passif, au capital-actions de 100'000 fr. et au bénéfice reporté de 7'428 fr.35. 
 
A.b. Z.________ a acquis le certificat d'actions de la société, alors que celle-ci n'avait plus aucune substance. Il résulte des constatations cantonales que Z.________ a également repris la dette de B.________ à l'endroit de la société. En contrepartie du manteau d'actions de la société (non encore dissoute juridiquement, mais économiquement liquidée), il a versé 2'000 fr. (ou 2'500 fr.) au vendeur. Il n'a procédé à aucune nouvelle libération du capital-actions.  
Ce procédé (illicite) lui a permis d'échapper aux frais de constitution d'une nouvelle société et aux exigences de la procédure de fondation qualifiée. 
Lors de l'assemblée générale de la société du 17 juillet 2002 - au cours de laquelle celle-ci a modifié sa raison sociale en C.________ SA (ci-après: C.________ SA ou la société) et désigné un but social différent, soit l'étude, la construction, l'achat et la vente de tous biens immobiliers -, Z.________ a présenté au notaire alors présent le certificat d'actions et il a été nommé administrateur unique de la société. 
 
A.c. A la fin de l'année 2002, C.________ SA a absorbé la société D.________ SA (dont Z.________ était associé gérant).  
L'administrateur a alors porté en déduction de sa dette envers C.________ SA (107'428 fr.35) le montant dû par la société absorbée à ses anciens associés (11'285 fr.). 
Le capital de la société absorbante ayant été augmenté (au passif du bilan), l'administrateur aurait dû procéder à sa libération par un apport en nature " des actifs et des exigibles " (soit les fonds propres, à l'actif du bilan) de la société absorbée. Il n'a toutefois pas procédé de la sorte, mais a porté en déduction de sa dette envers C.________ SA le montant des fonds propres (16'788 fr.20) de la société absorbée. 
Le 8 avril 2003, l'administrateur a versé 2'000 fr. à la société, à titre d'apport, et, le 11 avril 2003, il lui a remis 9'500 fr. 
Selon la comptabilité de C.________ SA, au 25 mai 2004, la créance de la société envers l'administrateur s'élevait à 67'855 fr.15 (107'428 fr.35 - 16'788 fr.20 - 11'285 fr. - 2'000 fr. - 9'500 fr.), soit, en réalité (en ne tenant pas compte de la déduction (illicite) opérée grâce aux fonds propres de la société absorbée), à 84'643 fr.35. 
L'administrateur a encore inscrit au crédit du compte " Créancier Z.________ ", la somme de 49'266 fr. 50 (correspondant à diverses factures acquittées par l'administrateur, comme des frais de représentation et des loyers, l'expert ne parvenant toutefois pas à présenter la justification de ce montant). La dette de l'administrateur à l'égard de la société, compensée avec cette créance, s'est alors montée à 18'588 fr.65, soit, en réalité (en ne tenant pas compte de la déduction opérée grâce aux fonds propres de la société absorbée), à 35'376 fr.85 fr. 
 
A.d. Selon les constatations cantonales, C.________ SA se trouvait, en tout cas depuis septembre 2003, dans une situation où ses actifs ne couvraient plus ses passifs. " Depuis la fin de l'année 2003 au plus tard ", l'administrateur avait des raisons sérieuses d'admettre que la société était surendettée. Il n'a toutefois pris aucune mesure d'assainissement. Selon l'autorité cantonale, le surendettement a augmenté de 147'196 fr.10 entre le 31 décembre 2003 et le 25 mai 2004, principalement en raison des charges d'exploitation engagées durant cette période.  
Le 6 février 2004, C.________ SA a déposé une demande de sursis concordataire de six mois auprès du Tribunal de district de Martigny, l'administrateur sollicitant un concordat par abandon d'actif, afin de permettre à la société de dégager des liquidités supplémentaires. La société, lors de l'audience du 26 mars 2004, a déclaré retirer sa requête et vouloir en présenter une nouvelle, avec un projet de concordat mieux élaboré, ce qu'elle n'a finalement pas fait. 
 
A.e. Sur requête de X.________, la juge suppléante I des districts de Martigny et St-Maurice a prononcé la faillite de la société, avec effet au 10 mai 2004.  
Le 30 juin 2004, X.________ a produit, dans la faillite, une créance de 105'500 fr.30, intérêts en sus, relative à des prestations effectuées en faveur de C.________ SA. Un montant de 108'865 fr.30 a été admis à l'état de collocation. 
La masse en faillite a renoncé à intenter une action en justice contre l'administrateur. Selon les actes de cession rédigés par l'office des faillites (en vertu de l'art. 260 LP), deux prétentions ont été cédées à X.________, ainsi qu'à diverses sociétés: la première est intitulée " créance à l'encontre de M. Z.________ de (...) 18'588 fr.65 " et elle se base sur les comptes présentés par l'administrateur; la seconde a trait à une " action en responsabilité " à l'encontre de l'administrateur (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). 
 
B.  
 
B.a. Le 28 novembre 2008, X.________ (ci-après: le demandeur), ainsi que diverses sociétés, ont ouvert action contre Z.________ (ci-après: le défendeur), concluant à ce que celui-ci soit condamné à verser aux demandeurs, créanciers solidaires, le montant de 250'000 fr., intérêts en sus.  
Une des sociétés demanderesses ayant été radiée (au terme d'une procédure de faillite) et d'autres ayant renoncé à leur qualité de cessionnaires de la masse, X.________ est resté seul demandeur. 
Pour fonder la responsabilité du défendeur, le demandeur évoque trois causes différentes. Il soutient, d'une part, que le défendeur a engagé sa responsabilité en décidant de poursuivre l'exploitation de la société malgré le surendettement, et il chiffre le dommage causé à la société de ce chef à 147'196 fr.10. D'autre part, il soutient que le défendeur aurait également occasionné un dommage en ne libérant pas (ou que très partiellement) le capital-actions de 100'000 fr. lors de l'acquisition du certificat d'actions de la société. Enfin, le demandeur a réclamé le paiement de 18'588 fr.65, qui correspondrait (partiellement) à une dette, inscrite dans les comptes de la société, du défendeur en faveur de celle-ci. 
Le défendeur a conclu au rejet de la demande. 
Une expertise judiciaire a été sollicitée. 
Au terme de l'instruction, le 5 mai 2014, le demandeur a conclu à ce que le défendeur soit condamné à lui verser 130'000 fr., intérêts en sus. Le défendeur a conclu au rejet de la demande. 
 
B.b. Par jugement du 12 mai 2014, le juge des districts de Martigny et St-Maurice a condamné le défendeur à payer au demandeur le montant de 130'000 fr., intérêts en sus.  
Par jugement du 18 mars 2016, la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan a rejeté l'appel formé par le défendeur, dans la mesure de sa recevabilité, et condamné celui-ci à verser au demandeur le montant de 130'000 fr., intérêts en sus. 
En substance, elle retient que la responsabilité de l'administrateur est engagée, celui-ci n'ayant pas procédé à l'avis au juge alors que la société était surendettée, et qu'il devait le savoir depuis la fin de l'année 2003. La cour cantonale, sur la base de l'expertise judiciaire, estime que le dommage causé à la société est de 147'196 fr.10 (soit l'augmentation du surendettement entre le 31 décembre 2003 et le 25 mai 2004). Elle rappelle également que la société était titulaire d'une créance de 35'376 fr.85 contre l'administrateur et, partant, que celui-ci devait payer au demandeur le montant de 18'588 fr.65 (soit le montant cédé au demandeur par la masse en faillite). L'autorité précédente a admis la demande, sans examiner la question de l'éventuel dommage causé à la société par l'absence (partielle) de libération du capital-actions de 100'000 fr. (lors de l'acquisition du certificat d'actions de la société). 
 
B.c. Le Tribunal fédéral, par arrêt du 7 octobre 2016, a partiellement admis le recours en matière civile exercé par le défendeur contre le jugement cantonal du 18 mars 2016. Réformant celui-ci, il a rejeté la demande en tant qu'elle portait sur le dommage causé par le défaut d'avis au juge et admis la conclusion de la demande visant à condamner l'administrateur à verser 18'588 fr.65 au demandeur. La partie de la demande portant sur le dommage prétendument causé à la société par l'absence de libération du capital-actions n'ayant pas été examinée par la cour cantonale, le Tribunal fédéral lui a renvoyé la cause pour qu'elle se prononce sur cette question.  
 
B.d. Par arrêt du 14 juillet 2017, la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan a retenu que le dommage causé par la dotation initiale insuffisante en capital portait sur le montant de 18'588 fr.65 et constaté - pour la première fois - que ce montant correspondait à celui de la créance de la société envers le défendeur (question tranchée par l'arrêt de renvoi). En définitive, il a condamné celui-ci à verser au demandeur le montant de 18'588 fr. 65, avec intérêts à 5% l'an dès le 6 décembre 2008.  
 
C.   
Le demandeur exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 14 juillet 2017. Il conclut à sa modification en ce sens que le défendeur est condamné à lui payer 98'000 fr., intérêts en sus, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau sur le sort des frais et dépens de la procédure cantonale. 
Le défendeur conclut au rejet du recours. 
Chacune des parties a encore déposé des observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Interjeté par le demandeur qui a succombé partiellement dans ses conclusions en paiement et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur du canton statuant sur arrêt de renvoi (cf. art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1, 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.  
 
1.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'écarter des faits ainsi retenus par l'autorité cantonale que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
1.3. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans le jugement cantonal. Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).  
 
2.  
 
2.1. S'agissant du dommage prétendument causé par l'absence (partielle) d'apports à la nouvelle société C.________ SA (seul poste encore litigieux), le raisonnement des juges précédents est ambigu, puisqu'ils dévoilent leur intention de rechercher, dans la perspective de l'art. 754 al. 1 CO, le dommage causé par l'administrateur, puis, après l'avoir chiffré à 18'588 fr.65 et constaté qu'il correspond au montant de la créance (qui résulte des comptes) de la société envers l'actionnaire, ils finissent par conclure que l'actionnaire ne saurait, sous peine de verser deux fois le même montant, être appelé à payer cette somme en application de l'art. 754 al. 1 CO (arrêt entrepris consid. 5.2 3e par. p. 10).  
On comprend néanmoins que le constat à l'origine de cette conclusion est que le montant du dommage correspond en réalité au solde de la dette de l'actionnaire vis-à-vis de la société, qui, selon les comptes tenus par celle-ci, se monte encore à 18'588 fr.65. 
 
2.2.  
 
2.3. Sur la base de ce (nouveau) constat, il s'impose de revenir sur la portée de la cession décidée par l'administration de la masse en faillite (cf. art. 240 et 260 LP) portant sur la créance de 18'588 fr.65 à l'encontre de M. Z.________ (ci-après: la première cession). Concrètement, il s'agit d'examiner si, dans l'intention de l'administration de la masse, la créance de 18'588 fr.65 et le dommage consécutif à l'absence de libération du capital (calculé en fonction de la dette initiale de l'actionnaire et des divers versements opérés au fil du temps) ne faisaient qu'un (auquel cas, la prétention du demandeur devra être d'emblée rejetée, le litige portant sur la créance objet de la première cession ayant été définitivement tranché dans l'arrêt de renvoi) ou si, au contraire, l'administration de la masse avait distingué les deux prétentions (auquel cas, la prétention découlant de l'absence de libération du capital pourrait être examinée dans le cadre de l'action en responsabilité, visée par la deuxième cession).  
 
2.3.1. Le sens (et donc la portée) d'une cession, qui est destinée à l'ensemble des créanciers, doit être déterminé sur la base d'une interprétation objective (arrêt 5C.148/2004 du 5 janvier 2005 consid. 2.1). Si cette question relève du droit, il faut toutefois, pour la trancher, se fonder sur le contenu des actes de cession et sur les circonstances concrètes retenues par les juges cantonaux (cf. arrêt 4A_290/2017 du 12 mars 2018 consid. 5.1).  
En l'occurrence, l'historique de la créance de 18'588 fr.65 de la société à l'encontre de l'actionnaire (objet de la première cession) peut être reconstitué puisque la cession a été précédée d'une circulaire, datée du 6 août 2008, envoyé aux créanciers cessionnaires. Dans ce document, l'office des faillites (pour la masse en faillite; cf. art. 240 LP) explique que le montant de la créance consiste en la différence entre deux postes au bilan de la société à l'ouverture de la faillite, soit le poste " Créancier Z.________ " sur lequel figure une somme de 49'266 fr.50 et celui intitulé " Compte-courant actionnaire " portant sur un montant de 67'855 fr.15, ce dernier chiffre totalisant l'ensemble des dettes de l'actionnaire vis-à-vis de la société, y compris sa dette d'apport (cf. supra let. A.a à A.c); à cet égard, le fait que certaines dettes pourraient ne pas être inscrites correctement (i.e dans les postes adéquats) au passif du bilan n'est, dans l'examen qu'il convient d'effectuer ici, pas déterminant. Il résulte également de la circulaire de l'office des faillites que l'actionnaire, qui a été interpellé à ce sujet, avait d'ores et déjà invoqué " la compensation en contestant devoir  un quelconque montant à la société [faillie] " (circulaire de l'office des faillites p. 2; complètement d'office au sens de l'art. 105 al. 2 LTF; soulignage ajouté).  
Le premier acte de cession notifié par l'office des faillites doit donc être compris (objectivement) en ce sens qu'il englobe toutes les dettes et les créances de l'actionnaire résultant des comptes de la société faillie, donc également la dette d'apport de l'actionnaire. Cela étant, la question du dommage résultant de l'absence de libération du capital, que la cour cantonale a tranché en examinant les créances évoquées de part et d'autre, était couverte par l'objet de la première cession, interprété objectivement. 
En vertu du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, la cour cantonale, après avoir constaté l'identité des prétentions (cf. supra consid. 2.1), ne pouvait dès lors revenir sur une question qui avait déjà été tranchée par le Tribunal fédéral. On peut donc confirmer le résultat auquel est parvenu l'autorité cantonale, par substitution de motifs. 
Les moyens soulevés par le recourant à cet égard sont dès lors infondés. 
S'agissant du surendettement (deuxième cession), la question a également été tranchée dans l'arrêt de renvoi, et il n'y a pas lieu d'y revenir. 
 
3.   
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile du demandeur doit être rejeté. 
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II. 
 
 
Lausanne, le 14 juin 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget