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[AZA 0] 
1P.131/2000 
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
26 juin 2000 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, 
Nay, Aeschlimann, Féraud et Favre. Greffier: M. Jomini. 
 
___________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
X.________ et dame X.________, représentés par Me Alain Maunoir, avocat à Genève, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 1er février 2000 par le Tribunal administratif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recourants à la commune de Luins, représentée par Me Olivier Freymond, avocat à Lausanne, et au Département des infrastructures du canton de V a u d; 
 
(plan de route communale) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Les époux X.________ sont propriétaires de la parcelle n° 13 du registre foncier, au lieu-dit "En Combes", sur le territoire de la commune de Luins. Trois bâtiments se trouvent sur cette parcelle. 
 
Y.________ est propriétaire de la parcelle voisinen° 488, qui n'est pas bâtie. 
 
La parcelle n° 13 et une partie de la parcelle n° 488 sont comprises dans le périmètre du plan partiel d'affectation intitulé "Aménagement du village", adopté par le conseil général de Luins le 22 janvier 1990 et approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 10 juillet 1991. Ce plan partiel d'affectation (PPA) et son règlement (RPPA) définissent différents "secteurs d'urbanisation" (cf. art. 2.1 RPPA). Les parcelles nos 13 et 488 sont en partie dans le "secteur du village", constructible et destiné "aux usages et aux activités traditionnellement admis dans un village" (art. 2.2 RPPA). L'extrémité sud de la parcelle n° 13, qui jouxte une route communale publique - soit le chemin des Lognies, au débouché du chemin piétonnier du lieu-dit "Au Bachelet" -, est classée dans un "secteur de mouvement", régi par l'art. 2.5 RPPA. 
 
B.- Un projet de construction d'un bâtiment de six appartements sur la parcelle n° 488 a été mis à l'enquête publique en février 1997. Les époux X.________ ont formé opposition, en faisant valoir que la voie d'accès à ce bâtiment empiéterait sur leur parcelle n° 13. La demande d'autorisation de construire a alors été retirée. 
C.- La municipalité de la commune de Luins (ci-après: 
la municipalité) a ouvert en avril 1997 une procédure d'expropriation dans le but d'acquérir et de transférer au domaine public le terrain nécessaire à l'aménagement d'un accès carrossable au bas de la parcelle n° 488. Ce projet consistait à exproprier une surface totale de 33 m2, dont12 m2 à détacher de la parcelle n° 13. Les époux X.________ ont formé opposition dans le cadre prévu par la loi cantonale vaudoise sur l'expropriation (LE). Par décision du 1er décembre 1997, le Département cantonal des finances a néanmoins déclaré l'ouvrage d'intérêt public, autorisant la commune de Luins à exproprier les droits nécessaires à sa réalisation. 
 
Une nouvelle demande d'autorisation, toujours pour un bâtiment de six appartements, ayant été déposée par Y.________ et un promettant-acquéreur de sa parcelle n° 488, la municipalité a délivré le 2 décembre 1997 le permis de construire. 
 
Les époux X.________ ont recouru au Tribunal administratif du canton de Vaud à la fois contre la décision du Département des finances (déclaration d'intérêt public) et contre celle de la municipalité (permis de construire). Ces recours ont été rejetés par un arrêt rendu le 7 mai 1998. 
 
Les époux X.________ ont formé contre cet arrêt du Tribunal administratif un recours de droit public, que le Tribunal fédéral a admis par un arrêt du 1er septembre 1998 (1P. 317/1998). Il a donc annulé la décision attaquée, en substance pour le motif que, préalablement à l'ouverture de la procédure d'expropriation, aucun plan de route publique communale (projet de construction de route, au sens des art. 11 ss de la loi cantonale sur les routes, du 10 décembre 1991 [LR]) n'avait été adopté par les autorités compétentes. 
Dans ces conditions, l'équipement en voie d'accès de la parcelle n° 488 n'était pas assuré, de sorte que le permis de construire le bâtiment d'habitation ne pouvait être délivré. 
 
 
D.- A la suite de cet arrêt du Tribunal fédéral, la municipalité a élaboré un projet de construction de route communale, sous la forme d'un plan intitulé "Aménagement du chemin public des Lognies au lieu-dit Au Bachelet", qu'elle a mis à l'enquête publique du 9 octobre au 9 novembre 1998. 
Ce chemin, d'une largeur de 4 à 5 m et d'une longueur d'environ 10 m, dont le but est d'assurer la desserte des parcelles nos 13 et 488, correspond quant à son tracé à celui pour lequel la procédure d'expropriation avait été engagée; il empiète donc (à raison de 12 m2 environ) sur l'angle inférieur de la parcelle n° 13, classé dans le "secteur de mouvement" du plan d'affectation du village. 
 
Les époux X.________ se sont opposés à ce projet lors de l'enquête publique. La municipalité a proposé au conseil général de la commune d'adopter le projet et d'écarter l'opposition; cette autorité s'est prononcée dans ce sens le 10 décembre 1998. 
 
Les époux X.________ ont déféré la décision communale au Département cantonal des infrastructures (ci-après: le département), en faisant valoir en substance que le projet consistait à aménager une route privée d'accès à la parcelle n° 488, que la loi cantonale sur les routes ne pouvait donc pas s'appliquer et qu'il n'y avait pas d'intérêt public suffisant à la réalisation d'un chemin empiétant sur leur propriété. 
Après avoir procédé à une inspection locale, le département a rejeté le recours par une décision du 20 mai 1999. 
 
Les époux X.________ ont alors recouru auprès du Tribunal administratif en se plaignant d'une violation de la garantie de la propriété. 
Le juge administratif Z.________ a informé les parties, le 22 juillet 1999, qu'il instruirait le recours et qu'il présiderait la cour appelée à statuer sur le fond; il a par ailleurs indiqué le nom des deux assesseurs. Les époux X.________ ont alors demandé la récusation du juge et des assesseurs, en faisant valoir qu'ils avaient déjà statué sur leur premier recours (arrêt du Tribunal administratif du 7 mai 1998; cf. supra, let. C) et qu'en outre, le président avait rendu le 9 septembre 1998 une ordonnance au contenu inapproprié après l'annulation de l'arrêt cantonal par le Tribunal fédéral (il y évoquait une possibilité offerte à la commune par la loi cantonale pour l'acquisition, sans expropriation, du terrain nécessaire à la réalisation du chemin litigieux). Le président de la Cour plénière du Tribunal administratif a fixé aux époux X.________ un délai au 27 septembre 1999 pour effectuer une avance de frais de 1'000 fr., en relation avec leur demande de récusation. Par une décision du 19 novembre 1999, ce magistrat a constaté que l'avance de frais n'avait pas été effectuée et il a déclaré irrecevable la demande de récusation. 
 
Le Tribunal administratif, dans la composition précédemment annoncée, a statué sur le recours par un arrêt du 1er février 2000. Il l'a rejeté, en confirmant la décision prise le 20 mai 1999 par le département. 
 
E.- Agissant par la voie du recours de droit public - par un acte déposé le 3 mars 2000 -, les époux X.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Ils se plaignent en premier lieu d'une violation du droit à un juge indépendant et impartial (art. 30 Cst.), en critiquant principalement la participation du juge Z.________ à la décision cantonale après l'ordonnance qu'il avait rendue le 9 septembre 1998, et en prétendant que la loi cantonale sur la juridiction et la procédure administratives (LJPA) ne permettrait pas de soumettre la recevabilité d'une demande de récusation au dépôt préalable d'une avance de frais. Par ailleurs, les époux X.________ invoquent la garantie de la propriété à l'encontre du projet de route communale, en se plaignant d'une absence de base légale et d'intérêt public ainsi que d'une violation du principe de la proportionnalité. 
 
La commune et le département concluent au rejet du recours. 
 
Le Tribunal administratif, au terme de ses observations consacrées à la question de la récusation, conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Dans un premier moyen, les recourants invoquent les garanties de procédure judiciaire (art. 30 Cst.) pour se plaindre de la partialité du Tribunal administratif. 
 
a) En dernière instance cantonale, les recourants ont soulevé leurs griefs relatifs à la composition du tribunal dès que celle-ci leur a été communiquée. Aussi une procédure incidente a-t-elle été d'emblée ouverte, qui a pris fin par la décision du 19 novembre 1999 du président de la Cour plénière. 
Ce prononcé d'irrecevabilité de la demande de récusation, ne pouvant faire l'objet d'un recours auprès d'une autorité cantonale (cf. notamment art. 50 LJPA), n'a pas été directement attaqué devant le Tribunal fédéral par la voie du recours de droit public, dans les trente jours dès sa communication (art. 89 al. 1 OJ). Les recourants n'ont en effet présenté leurs critiques contre la décision incidente qu'à l'occasion de leur recours de droit public contre l'arrêt final, du 1er février 2000. 
b) Il convient d'examiner si les recourants n'auraient pas dû, pour critiquer l'absence de récusation des membres de la cour cantonale, recourir directement au Tribunal fédéral contre la décision du 19 novembre 1999. La nature incidente de cette décision du Tribunal administratif est manifeste. 
C'est pourquoi la question doit être traitée sous l'angle de l'art. 87 OJ
 
Dans le délai légal de recours dès la communication de cette décision incidente, cette question aurait été résolue sur la base de l'ancien art. 87 OJ, en vigueur jusqu'au 29 février 2000. Il avait la teneur suivante: 
 
"Le recours de droit public pour violation de l'article 
4 de la constitution fédérale [= aCst. ] n'est 
recevable que contre les décisions finales prises 
en dernière instance; il n'est recevable contre des 
décisions incidentes prises en dernière instance 
que s'il en résulte un dommage irréparable pour 
l'intéressé.. " 
 
Si les recourants avaient formé immédiatement un recours de droit public contre la décision du 19 novembre 1999, en développant les mêmes arguments que dans leur actuel recours au Tribunal fédéral, ils se seraient plaints principalement de la violation de l'art. 58 aCst. , encore en vigueur à ce moment-là (cf. ATF 125 I 119 consid. 3a p. 122, 209 consid. 8a p. 217 et les arrêts cités - depuis le 1er janvier 2000, la garantie d'un tribunal indépendant et impartial figure à l'art. 30 al. 1 Cst.), et accessoirement d'une application arbitraire, ou contraire à l'art. 4 aCst. , du droit cantonal de procédure. Vu le grief principal, l'art. 87 OJ n'aurait donc pas été applicable et le recours, dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale (cf. art. 86 al. 1 OJ), aurait été jugé recevable de ce point de vue. En d'autres termes, aucune règle de procédure n'empêchait les recourants de saisir le Tribunal fédéral, au sujet de leur demande de récusation, avant la décision finale du Tribunal administratif. 
 
On ne voit du reste pas pourquoi les recourants ont renoncé, à ce stade-là, à recourir directement auprès du Tribunal fédéral. Il importe que les contestations relatives à la composition du tribunal soient définitivement tranchées aussitôt que possible, pour permettre la poursuite de la procédure sur des bases sûres (cf. ATF 124 I 255 consid. 1b/bb p. 259 et les arrêts cités). Il découle du principe de la bonne foi que la partie qui entend faire valoir une cause de récusation doit, en règle générale, utiliser sans délai les voies de droit disponibles (cf. Jean-François Egli, La protection de la bonne foi dans le procès, in: Juridiction constitutionnelle et juridiction administrative, Zurich 1992 p. 240); à défaut, elle est forclose (cf. notamment ATF 121 I 225 consid. 3 p. 229 et les arrêts cités). C'est pourquoi celui qui a obtenu une décision incidente, en dernière instance cantonale, sur sa demande de récusation, ne saurait attendre la décision finale pour recourir au Tribunal fédéral contre le rejet de cette demande. Il ne doit pas davantage être admis à contester, dans son recours de droit public contre la décision finale, la composition de la cour qui a statué sur le fond, puisque cette contestation a fait l'objet d'une procédure incidente close par une décision attaquable. 
En conséquence, sur la base de l'ancien art. 87 OJ et des principes que l'on vient de rappeler, il n'y aurait en l'état pas lieu d'entrer en matière sur les griefs du recours de droit public concernant la demande de récusation. 
 
 
Cela étant, le recours de droit public a été déposé après l'entrée en vigueur, le 1er mars 2000, de la novelle du 8 octobre 1999 modifiant l'art. 87 OJ (RO 2000 p. 416). 
L'art. 87 al. 1 OJ a désormais la teneur suivante: 
 
"Le recours de droit public est recevable contre les 
décisions préjudicielles et incidentes sur la 
compétence et sur les demandes de récusation, prises 
séparément. Ces décisions ne peuvent être attaquées 
ultérieurement.. " 
 
Il découle clairement de cette disposition que le recours de droit public est irrecevable en tant que, dirigé contre la décision finale, il met en cause la composition de l'autorité qui a statué, alors qu'une décision incidente sur une demande de récusation avait été prise séparément au préalable. En l'absence de disposition transitoire dans la novelle du 8 octobre 1999, il n'est a priori pas exclu d'appliquer le nouvel art. 87 al. 1 OJ aux actes de procédure - le dépôt du recours de droit public en l'occurrence - accomplis après son entrée en vigueur (cf. arrêt non publié du 28 mai 1997 reproduit in RDAF 1998 I 312 consid. 4); il en résulterait l'irrecevabilité des moyens du présent recours relatifs à la demande de récusation. Dans son résultat, cette solution est identique à celle à laquelle on parviendrait par l'application de l'ancien art. 87 OJ - encore en vigueur lorsque l'arrêt attaqué a été rendu - et des règles précitées sur la péremption du droit de demander la récusation. 
Aussi n'y a-t-il pas lieu d'examiner plus en détail ces questions de droit transitoire, les griefs des recourants sur ce point étant de toute manière irrecevables. 
 
2.- Le recours de droit public est également formé pour violation de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Il est, à ce propos, dirigé contre la décision finale du Tribunal administratif au sujet du projet routier communal (cf. art. 86 al. 1 OJ) et il a été formé dans le délai de l'art. 89 al. 1 OJ. Les propriétaires d'un terrain dont une partie est incluse dans le périmètre du plan litigieux ont manifestement qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ. Le recours est donc recevable dans cette mesure. 
 
3.- Selon les recourants, l'arrêt attaqué violerait la garantie de la propriété parce que les restrictions découlant pour eux du plan routier ne seraient pas fondées sur une base légale, ne seraient pas justifiées par un intérêt public et seraient disproportionnées. 
 
a) Une mesure d'aménagement du territoire - telle qu'une interdiction de construire sur un terrain, ou la délimitation d'un périmètre destiné à la réalisation d'un ouvrage pour lequel la collectivité publique dispose du droit d'expropriation - n'est compatible avec la garantie constitutionnelle de la propriété qu'aux trois conditions précitées (base légale, intérêt public, proportionnalité - cf. 
art. 26 Cst. en relation avec l'art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; cf. 
ATF 125 II 129 consid. 8 p. 141; 124 II 538 consid. 2ap. 540). 
 
b) Les recourants soutiennent que la route litigieuse est une voie privée d'accès à la parcelle voisine de la leur (n° 488), non régie par la loi cantonale sur les routes; la base légale ferait donc défaut pour l'adoption d'un plan routier communal (ou projet de construction de route, selon la terminologie de la loi cantonale). 
 
Cet argument est à l'évidence mal fondé. Comme le Tribunal administratif l'a retenu à juste titre, les autorités communales ont, en établissant le projet de construction de route, voulu assurer la réalisation d'un nouveau tronçon de voie publique dans le village, et non pas construire une route privée en se substituant à un particulier. La loi cantonale sur les routes (LR) donne aux communes la possibilité de planifier et construire leurs propres routes (notamment des routes et chemins vicinaux, des rues et des ruelles - art. 6 let. b LR; pour la procédure, cf. art. 11 et 13 LR) et, sur la base des projets adoptés, d'acquérir les terrains de tiers nécessaires à l'ouvrage (art. 14 LR; cf. arrêt du Tribunal fédéral du 1er septembre 1998 dans la cause 1P.317/1998, consid. 3). L'adoption du plan routier est donc fondée sur une base légale claire. 
 
c) Les recourants contestent l'existence d'un intérêt public à la réalisation de ce tronçon de route. L'arrêt attaqué retient que cette voie est destinée à assurer l'équipement de la zone à bâtir, la commune accomplissant ainsi une tâche qui lui est assignée par l'art. 19 al. 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700). 
L'équipement des zones à bâtir est en soi une tâche d'intérêt public. Dans le cas particulier, la majeure partie de la zone concernée - un noyau de maisons villageoises et quelques terrains non bâtis alentour - est déjà équipée en voie d'accès et le projet litigieux étend le réseau des routes communales en vue de desservir en définitive une seule parcelle (n° 488). Il n'en demeure pas moins que cette parcelle est classée (en partie) dans une zone à bâtir; pour pouvoir être utilisée pour la construction, conformément à sa destination selon le plan d'affectation entré en vigueur en 1991, elle doit, en vertu du droit fédéral, bénéficier d'une voie d'accès adaptée (art. 19 al. 1 et 22 al. 2 let. b LAT). 
L'adoption d'un plan de route publique, permettant ensuite l'acquisition du terrain par la collectivité, est une procédure adéquate à cet effet (cf. ATF 121 I 65 consid. 3 et 4a p. 68), même si ce plan n'a pour objet qu'un tronçon limité visant à compléter un réseau existant. On ne peut au demeurant comparer la situation litigieuse à celle d'une nouvelle zone à bâtir, où la collectivité doit accomplir son obligation d'équiper de manière rationnelle, selon un programme et des plans (cf. art. 19 al. 2 et 3 LAT), et ne saurait donc se contenter d'assurer la desserte d'un ou deux terrains sans appréciation globale des problèmes d'équipement du secteur (cf. ATF 114 Ia 341). Dans le cas particulier, il apparaît donc que le projet communal est justifié par un intérêt public évident. 
d) L'empiétement de la route sur la parcelle des recourants représente pour eux une restriction relativement grave à leur droit de propriété, dès lors que l'emprise pourrait être expropriée ou acquise d'une autre manière, contre leur gré, par la collectivité publique. Ils prétendent que cette restriction serait disproportionnée. 
 
Saisi d'un recours de droit public pour violation de la garantie de la propriété, le Tribunal fédéral examine librement si les restrictions respectent le principe de la proportionnalité. 
Mais il fait preuve de retenue dans l'examen de questions qui relèvent de la pure appréciation ou des circonstances locales, que les autorités cantonales sont censées mieux connaître que lui. Le Tribunal fédéral n'est pas l'autorité supérieure de planification et il n'a pas à substituer son appréciation à celle de ces autorités (ATF 121 I 117 consid. 3c p. 121; 119 Ia 88 consid. 5c/bb p. 96; 118 Ia 394 consid. 2b p. 397 et les arrêts cités). 
 
En l'occurrence, les recourants prétendent qu'il aurait été plus adéquat de faire passer la voie d'accès sur une parcelle voisine (n° 11); la pente serait moins aiguë, les problèmes de sécurité routière (visibilité) seraient moins sérieux et l'empiétement serait moins grave pour le propriétaire concerné, en raison de la nature du terrain. 
 
Il convient de remarquer d'emblée que, selon le projet litigieux, la surface de l'empiétement sur la parcelle des recourants est très limitée (12 m2 environ), que cette partie du bien-fonds est classée dans un "secteur de mouvement" où des bâtiments ne sont en principe pas admissibles (art. 2.5 RPPA - cf. consid. 3b/dd de l'arrêt déjà cité du 1er septembre 1998, 1P.317/1998) et que si, comme les recourants l'allèguent, elle peut être utilisée pour le stationnement de véhicules, elle n'est pas indispensable de ce point de vue, d'autres places ayant été aménagées à cet effet ailleurs sur la parcelle (selon la décision du département, à laquelle renvoie l'arrêt attaqué). Les recourants prétendent par ailleurs que la route projetée serait trop large, mais ils ne cherchent pas à démontrer que les autorités communales ne s'en seraient pas tenues, à ce propos, aux normes ou recommandations techniques applicables aux voies publiques. 
Il reste donc à se prononcer sur la comparaison entre le tracé retenu et la variante proposée par les recourants, empiétant sur une parcelle voisine. 
 
 
Le Tribunal administratif s'est exprimé sur cette variante, qu'il a jugée moins adaptée que le projet adopté compte tenu de la configuration du carrefour et du chemin ainsi que des emplacements possibles pour l'accès à la partie constructible de la parcelle n° 488. Il s'est référé à ce propos à la décision du département, qui était parvenu à la même solution après une inspection locale et un examen détaillé des lieux (tenant compte de la déclivité, des chemins existants, etc.). En outre, dans l'un et l'autre cas, la réalisation de la route implique une atteinte aux droits d'un propriétaire foncier; selon l'arrêt attaqué, la variante ne serait pas moins dommageable de ce point de vue, ce que les recourants ne contestent pas sérieusement. Dans ces conditions, déterminer le tracé exact d'une route communale dans le milieu bâti - ni sa nécessité ni son emplacement approximatif n'étant discutés - est dans une large mesure une question d'appréciation et d'évaluation des circonstances locales; les différences entre les diverses solutions envisageables (quant à la pente, la sécurité, etc.) sont souvent peu significatives. Cela étant, les autorités cantonales ont en l'espèce pris en considération les éléments décisifs et il n'y a pas de motif de remettre en cause le résultat de la pesée des intérêts effectuée dans l'arrêt attaqué. Aussi faut-il considérer que le principe de la proportionnalité a été respecté. 
e) Il résulte de ce qui précède que les recourants ne sont pas fondés à se plaindre d'une violation de la garantie de la propriété. 
 
4.- Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
Les recourants, qui succombent, doivent payer l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Conformément à la pratique du Tribunal fédéral dans le cadre du recours de droit public, la commune de Luins, assistée d'un avocat et ne disposant pas d'une administration suffisamment développée pour procéder sans le concours d'un mandataire, a droit à des dépens, à la charge des recourants; les autorités cantonales n'y ont en revanche pas droit (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours de droit public, dans la mesure où il est recevable. 
 
2. Met à la charge des recourants, solidairement entre eux: 
a) un émolument judiciaire de 3'000 fr.; 
b) une indemnité de 1'500 fr. à payer à la commune de Luins, à titre de dépens. 
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties, au Département des infrastructures et au Tribunal administratif du canton de Vaud. 
 
____________ 
Lausanne, le 26 juin 2000JIA/mnv 
 
Au nom de la Ie Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,