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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.217/2002 /dxc 
 
Arrêt du 18 novembre 2002 
Ire Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, 
Reeb, Féraud, 
greffier Kurz. 
 
X.________, en détention à titre extraditionnel, 
prison de Champ-Dollon, 1226 Thônex, 
recourant, représenté par MMes Alexander Troller et Marc Henzelin, avocats, Etude Lalive & Associés, rue de l'Athénée 6, case postale 393, 1211 Genève 12, 
 
contre 
 
Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section extraditions, 
Bundesrain 20, 3003 Berne. 
 
extradition à l'Argentine - B 65910 ALF/JEN/TAN 
 
(recours de droit administratif contre la décision de 
l'Office fédéral de la justice du 12 septembre 2002) 
 
Faits: 
A. 
X.________, ressortissant français et américain né en 1942, a été arrêté à Genève le 25 mai 2002 sur la base d'une demande d'Interpol Buenos Aires, en vertu d'un mandat d'arrêt délivré le 9 mai 1997 par un Tribunal de Buenos Aires, pour trafic d'armes. Un mandat d'arrêt en vue d'extradition lui a été notifié lors d'une audition du 3 juin 2002 devant le Juge d'instruction genevois, au cours de laquelle il s'est opposé à son extradition. 
 
Le 2 juillet 2002, l'Ambassade de la République d'Argentine à Berne a fait parvenir à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'OFJ) une demande formelle d'extradition émanant du juge Julio Carlos Speroni, du Tribunal pénal économique de Buenos Aires. Les délits reprochés à X.________ sont la contrebande de matériel de guerre (art. 863, 864 et 867 du code douanier argentin) et la participation à une organisation criminelle (art. 210 du code pénal). Le traité d'extradition de 1906 entre l'Argentine et la Suisse ne mentionnant pas ces infractions, l'autorité requérante estime que les faits décrits seraient aussi constitutifs d'escroquerie au préjudice de l'Etat. Au mois de février 1995, une cargaison d'armes de guerre avait été exportée, par bateau et avion, à destination du Venezuela, au bénéfice d'un décret n° 103/95. En réalité, grâce à de faux documents (permis d'embarquement, lettres de transport aérien), le matériel, différent de celui autorisé, avait été acheminé en Equateur et en Croatie. X.________, déjà condamné, notamment en 1979 pour trafic d'armes, aurait supervisé l'embarquement de la marchandise en Argentine. Quelques jours avant les faits, il avait visité une usine d'armement et s'était intéressé au même type d'armes que celles qui avaient été exportées illicitement. En tant que représentant de la société H.________, il connaissait la destination réelle des armes. 
 
L'OFJ a requis plusieurs précisions, ainsi que des assurances formelles de l'Etat requérant quant au respect des garanties figurant dans le Pacte ONU II, ainsi libellées: 
"a. (Réciprocité) 
b. L'Argentine s'engage à accorder à la personne extradée les garanties de procédure reconnues par le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II), spécialement en ses art. 2 ch. 3, 9, 14, 15 et 26. 
c. Aucun tribunal d'exception ne pourra être saisi des actes délictueux imputés à la per- sonne réclamée. 
d. La peine de mort ne sera ni requise, ni prononcée, ni appliquée à l'égard de la per- sonne réclamée. L'obligation de droit international contractée par l'Argentine à cet égard rend inopposable à la personne réclamée l'art. 6 ch. 2 du Pacte ONU II. 
e. La personne réclamée ne sera en outre soumise à aucun traitement portant atteinte à son intégrité physique et psychique (art. 7, 10 et 17 Pacte ONU II). La situation de la personne extradée ne pourra pas être aggravée lors de sa détention en vue du jugement ou de l'exécution de la peine, en raison de considérations fondées sur ses opinions ou ses activités politiques, son appartenance à un groupe social déterminé, sa race, sa religion ou sa nationalité (art. 2 let. b EIMP). 
f. (Spécialité) 
g. Toute personne représentant la Suisse en Argentine pourra rendre visite à la personne réclamée, sans que les rencontres ne fassent l'objet de mesures de contrôle. La personne extradée pourra en tout temps s'adresser à ce représentant. En outre, ledit représentant pourra s'enquérir de l'état de la procédure et assister aux débats judiciaires. Un exemplaire de la décision mettant fin à la procédure pénale lui sera remis." 
Le principe de la spécialité a lui aussi fait l'objet d'assurances particulières. 
 
Dans ses observations du 19 août 2002, X.________ contestait tout rôle dans le détournement d'armes. Cette infraction, ainsi que l'association criminelle, ne figuraient pas dans l'énumération du traité; celle-ci étant exhaustive, l'octroi de l'extradition sur la base de l'EIMP était exclue. Il était douteux que l'assurance de réciprocité, donnée par un juge, puisse engager l'Etat requérant. Les faits décrits n'étaient pas constitutifs d'escroquerie, ni d'organisation criminelle en droit suisse. Le détournement des armes ne s'était pas produit sur sol argentin. Les actes reprochés à X.________ ne constituaient qu'un délit, frappé de prescription. En dépit des garanties données par l'Etat requérant, la durée des procédures pénales était excessive et une libération provisoire était impossible, ce qui constituait une violation de l'art. 5 par. 3 CEDH. X.________ relevait enfin que l'ancien président Argentin ainsi que d'anciens ministres et de hauts responsables militaires étaient impliqués dans le trafic d'armes; d'autres personnes impliquées étaient déjà décédées dans des circonstances étranges, et X.________ redoutait que le même sort ne lui soit réservé, soit pour prévenir ses déclarations compromettantes, soit pour lui faire endosser l'entière responsabilité du trafic. 
B. 
Par décision du 12 septembre 2002, l'OFJ a accordé l'extradition de X.________. Les actes décrits dans la demande d'extradition pouvaient tomber, en droit suisse, sous le coup de l'art. 33 al. 2 de la loi fédérale sur le matériel de guerre (cas grave passible de dix ans de réclusion) compte tenu de la quantité et du type d'armes, du mode opératoire et du fait que les pays destinataires étaient alors en guerre. Il n'y aurait donc pas prescription. Selon les avis du Département fédéral des affaires étrangères, Direction du droit international public (ci-après: DDIP) et de l'Ambassade de Suisse à Buenos Aires, les garanties fournies par l'Etat requérant étaient crédibles. Selon les nouvelles dispositions du droit argentin, la détention préventive ne pourrait durer plus de deux ans; elle était soumise aux autorités fédérales et exécutée dans des établissements spéciaux. Le droit de visite accordé à la représentation suisse constituait une garantie importante. S'agissant de la sécurité de l'intéressé, les autorités argentines avaient précisé que la détention serait effectuée dans une dépendance spéciale à la charge de la gendarmerie nationale. 
C. 
X.________ forme un recours de droit administratif contre cette décision, dont il demande l'annulation. 
 
L'OFJ conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision par laquelle l'OFJ accorde l'extradition (art. 55 al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1) peut faire l'objet d'un recours de droit administratif (art. 25 al. 1 EIMP). La personne extradée a qualité pour recourir (art. 21 al. 3 EIMP et 103 let. a OJ). 
2. 
L'extradition entre la République d'Argentine et la Suisse est régie par la Convention d'extradition des criminels conclue le 21 novembre 1906 (ci-après: la Convention, RS 0.353.915.4). Selon la jurisprudence, le droit interne, soit l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP, RS 351.11), s'applique aux questions qui ne sont pas réglées par le droit conventionnel, et lorsqu'il permet la collaboration internationale à des conditions plus favorables (ATF 122 II 373 consid. 1a p. 375). 
2.1 Le recourant critique la portée de cette dernière précision. L'énumération des crimes et délits donnant lieu à extradition, selon l'art. II de la Convention, serait exhaustive. Elle ne pourrait être complétée par application du droit suisse, l'art. 1 al. 1 EIMP réservant les traités internationaux. La jurisprudence citée par l'OFJ concernerait des conventions renvoyant expressément au droit interne, et serait limitée au domaine de la petite entraide. Le principe de la primauté du droit international empêcherait également l'application supplétive du droit suisse, et on ne saurait reconnaître dans ce domaine un "principe de faveur" découlant du droit coutumier. 
2.2 La jurisprudence a rappelé à de nombreuses reprises que l'existence d'un traité d'entraide judiciaire (ou d'extradition) ne prive pas la Suisse de la faculté d'accorder sa coopération en vertu des règles éventuellement plus larges de son droit interne (consid. 1b - non publié - de l'ATF 126 II 212; consid. 10a - résumé - de l'ATF 125 II 569, p. 582; 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 485 consid. 3b p. 487, 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 189 consid. 2b p. 191-192). On peut y voir la consécration du principe dit "de faveur" (Günstigkeitsprinzip), tiré directement de la norme internationale lorsque le traité contient une telle réserve expresse (cf. par exemple l'art. 23 du Traité d'extradition avec les Etats-Unis d'Amérique, TExUS, RS 0.353.933.6) ou dans la mesure où le traité tend à l'obtention d'une coopération "la plus large possible" (ATF 122 II 140 consid. 2 p. 142; cas de l'échange de lettres avec l'Inde). Dans les autres cas, l'application du droit interne plus favorable découle de la considération générale que les traités ont pour but de favoriser la coopération internationale, et non de la limiter, et ne s'opposent donc pas à un octroi plus large de l'extradition. Il serait non seulement paradoxal, mais manifestement contraire à l'esprit des traités conclus dans ce domaine, que la Suisse refuse l'extradition à des Etats auxquels elle est liée par une convention, dans des situations où elle l'accorderait à d'autres Etats sur la seule base de son droit national (ATF 120 Ib 189 consid. 2b p. 191-192 et les arrêts cités). 
 
Il n'y a pas à revenir sur cette jurisprudence constante, APPLICABLE TANT À LA PETITE ENTRAIDE QU'À L'EXTRADITION (cf. notamment le dernier arrêt cité, ainsi que l'ATF 109 Ib 165 consid. 5 p. 168 s.). S'agissant en particulier de la condition de la double incrimination, dans la mesure où les Etats parties à la Convention n'ont pas entendu conférer à la liste des infractions un caractère limitatif, en s'interdisant expressément de demander et d'accorder l'extradition pour un délit qui n'y figure pas (Une telle limitation du champ d'application du traité ne peut se présumer: ATF 109 Ib 165 consid. 5 p. 168 s.), rien n'empêche la Suisse d'accorder l'extradition aux conditions habituelles fixées à l'art. 35 EIMP
3. 
Invoquant l'art. 8 EIMP, le recourant estime que le magistrat requérant ne serait pas compétent pour assurer la réciprocité à la Suisse. 
3.1 Lorsque la Suisse a conclu un traité d'extradition avec l'Etat requérant, c'est précisément dans le but de garantir des rapports réciproques dans ce domaine. Tel est le sens de l'art. I de la Convention, de sorte qu'une assurance spécifique n'est en principe pas nécessaire. Toutefois, pour que l'Etat requérant puisse être mis au bénéfice des conditions plus favorables posées, par le droit interne, en matière de double incrimination, une déclaration complémentaire de réciprocité pourrait s'avérer nécessaire (ATF 109 Ib précité, art. 8 EIMP; cf. aussi l'art. 2 al. 7 CEExtr.), même si la relation de base entre les deux Etats reste fondée sur la Convention, qu'il s'agit en quelque sorte de compléter. Cela étant, la déclaration faite sur ce point par le magistrat requérant doit être considérée comme suffisante. 
3.2 Comme le relève l'OFJ, la question de savoir quelle autorité est compétente pour accorder la réciprocité doit être résolue selon le droit interne de l'Etat requérant et échappe, par conséquent, à la cognition de l'autorité suisse d'extradition (ATF 110 Ib 173 consid. 3a p. 177). En l'espèce, la demande d'extradition a fait l'objet d'un acheminement officiel, par la voie diplomatique prévue à l'art. XIII de la Convention, notamment avec le concours du Ministère argentin des affaires extérieures. On ne saurait, dans ces circonstances, douter de la validité de la déclaration de réciprocité. 
4. 
Sous l'angle de la double incrimination, le recourant conteste que les faits décrits dans la demande soient constitutifs, en droit suisse, d'escroquerie. Il relève que s'il y a eu astuce pour déjouer les contrôles à l'exportation, il n'y a en revanche ni enrichissement illégitime, ni surtout atteinte aux intérêts pécuniaires de la victime, en l'occurrence l'Etat argentin. Ce grief tombe à faux. En effet, l'extradition du recourant n'est pas demandée pour un délit d'escroquerie, mais uniquement pour trafic d'armes et "association illicite". Le magistrat requérant a cru utile de préciser que les actes décrits seraient aussi constitutifs d'escroquerie, délit mentionné dans le traité, pour le cas où l'extradition ne pourrait être accordée pour les deux délits précités. Tel n'est toutefois pas le cas puisque, comme cela est relevé ci-dessus, l'absence de ces infractions dans la liste du Traité n'empêche pas d'examiner si la condition de la double incrimination est réalisée sous l'angle de l'EIMP. 
4.1 Comme le relève l'OFJ dans sa décision, non contestée sur ce point par le recourant, le délit de trafic d'armes reproché au recourant tomberait, en droit suisse, sous le coup de l'art. 33 de la loi fédérale sur le matériel de guerre (LFMG, RS 514.51), qui réprime les infractions au régime de l'autorisation et aux déclarations obligatoires. Selon l'art. 33 al. 2 LFMG, la peine est de dix ans de réclusion et de 5 millions de francs d'amende pour les cas graves. La demande d'extradition mentionne que l'exportation d'une quantité importante d'armes (des fusils ou pistolets d'un volume équivalent à une maison de deux étages) avait été autorisée à destination du Venezuela, par décret officiel. En réalité, la marchandise (différente de celle autorisée) avait été acheminée en Equateur et en Croatie, alors que ces deux pays étaient en guerre. L'art. 33 al. 1 lettres c et d LFMG (annonce inexacte du matériel exporté et remise à un destinataire autre que celui qui figure dans l'autorisation) serait manifestement applicable. Le recourant ne conteste plus la gravité de l'infraction, ce qui permet d'exclure la prescription. 
4.2 Selon le recourant, l'association illicite qui lui est reprochée (art. 210 du code pénal argentin) ne correspondrait pas à la participation à une organisation criminelle réprimée à l'art. 260ter CP, laquelle suppose une structure permanente, organisée et secrète. L'art. 210 du code pénal argentin correspondrait plutôt aux art. 275ter, 139 ch. 3 ou 140 ch. 3 al. 1 CP. 
4.2.1 Pour que la condition de la double incrimination soit remplie, il faut que l'état de fait exposé dans la demande corresponde aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. L'examen de la punissabilité selon le droit suisse comprend les éléments constitutifs objectifs de l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières en matière de culpabilité et de répression (art. 35 al. 2 EIMP). Il n'est ainsi pas nécessaire que les faits incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même qualification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou passibles de peines équivalentes; il suffit qu'ils soient réprimés dans les deux Etats comme des délits donnant lieu ordinairement à la coopération internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188; 117 Ib 337 consid. 4a p. 342; 112 Ib 225 consid. 3c p. 230 et les arrêts cités). Cette dernière ne doit pas être entravée par les différences existant entre les systèmes juridiques des deux Etats. Ainsi, il est sans importance que le droit étranger réprime plusieurs infractions distinctes pour des faits qui, selon le droit suisse, n'en forment qu'une seule. La coopération doit par exemple être accordée tant pour des actes préparatoires punissables que pour l'infraction accomplie, et cela même pour le cas où, en droit suisse, les premiers sont considérés comme absorbés. 
4.2.2 Sur le vu de ces principes, l'argumentation du recourant tombe, elle aussi, totalement à faux. Le recourant se livre à une comparaison des normes pénales des Etats requérant et requis, ce que l'autorité d'extradition n'a pas à faire. IL EST VRAI QUE LA DEMANDE D'Extradition NE CONTIENT PAS SUFFISAMMENT D'inDICATIONs pour déterminer si l'activité du recourant avait pour cadre une organisation correspondant aux critères de l'art. 260ter CP. Le recourant lui-même indique que de hauts responsables de l'Etat requérant (ancien président, plusieurs ministres, responsables de l'armée) seraient impliqués dans le trafic d'armes, ce qui semble supposer un certain degré d'organisation. La question peut toutefois demeurer indécise. 
4.2.3 La jurisprudence, antérieure notamment à l'adoption de l'art. 260ter CP, considère qu'en l'absence d'une infraction réprimant spécifiquement l'"association de malfaiteurs" ou le "complot", la participation à une entreprise criminelle est pénalement appréhendée par le droit suisse lorsque celui-ci érige en circonstance aggravante le métier (par exemple, l'art. 146 al. 2 CP) ou l'affiliation à une bande (par exemple, l'art. 139 ch. 3 CP), voire encore lorsque la loi réprime la prise de dispositions concrètes en vue de la commission de certaines infractions au titre des actes préparatoires délictueux (art. 260bis CP, art. 19 ch. 1 al. 6 Lstup). Enfin, certaines circonstances peuvent apparaître déterminantes pour l'appréciation de la culpabilité et, partant, pour la fixation de la peine (art. 63 CP; cf. arrêts non publiés B. du 29 septembre 1994 consid. 3c, A. du 28 octobre 1993). 
 
En l'occurrence, il apparaît suffisamment clairement que le recourant a mis ses compétences professionnelles (il ne conteste pas sa qualité de marchand d'armes) au profit d'un groupe disposant de complicités importantes. Ces circonstances, de même que la quantité considérable d'armes détournées, à destination de deux pays alors en guerre, seraient, au même titre que la circonstance du métier ou de la bande, propres à justifier l'application de l'art. 33 al. 2 LFMG (cas grave), comme l'a retenu l'OFJ dans sa décision. Le recourant ne saurait dès lors prétendre que sa participation à une "association illicite" ne serait pas appréhendée du point de vue pénal en Suisse. 
5. 
Le recourant reprend ensuite ses griefs à propos de la procédure pénale en Argentine. Il évoque la durée probable de cette procédure (ouverte depuis plus de sept ans et confrontée à des problèmes structurels, politiques et financiers importants), mise en relation avec le fait qu'une libération provisoire n'est pas envisageable lorsque la peine susceptible d'être prononcée est, comme en l'espèce, de plus de huit ans d'emprisonnement. 
5.1 Selon l'art. 2 EIMP (disposition commune aux diverses formes d'entraide judiciaire), la demande d'extradition est irrecevable s'il y a lieu d'admettre que la procédure à l'étranger (a) n'est pas conforme aux principes de procédure fixés par la CEDH ou par le Pacte ONU II, ou (d) présente d'autres défauts graves. Cette disposition a pour but d'éviter que la Suisse ne prête son concours, par le biais de l'entraide judiciaire ou de l'extradition, à des procédures qui ne garantiraient pas à la personne poursuivie un standard de protection minimal correspondant à celui offert par le droit des Etats démocratiques, défini en particulier par les deux instruments précités, ou qui se heurteraient à des normes reconnues comme appartenant à l'ordre public international. La Suisse elle-même contreviendrait à ses engagements en accordant délibérément l'entraide ou l'extradition d'une personne à un Etat dans lequel il existe des motifs sérieux de penser qu'un risque de traitement contraire à la CEDH ou au Pacte ONU II menace l'intéressé (ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364 et la jurisprudence citée). L'art. 37 EIMP, spécifique à l'extradition, permet de rejeter une demande lorsque l'Etat requérant ne donne pas la garantie que la personne poursuivie ne sera pas condamnée à mort, ou qu'elle ne sera pas soumise à un traitement portant atteinte à son intégrité corporelle (al. 3). 
 
L'examen des conditions posées par l'art. 2 EIMP implique un jugement de valeur sur les affaires internes de l'Etat requérant, en particulier sur son régime politique, sur ses institutions - notamment son pouvoir judiciaire -, sur sa conception des droits fondamentaux et leur respect effectif (ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364 et les arrêts cités). Le juge de la coopération doit faire preuve à cet égard d'une prudence particulière. Il ne suffit pas que la personne accusée dans le procès pénal ouvert dans l'Etat requérant se prétende menacée du fait d'une situation politico-juridique spéciale; il lui appartient de rendre vraisemblable l'existence d'un risque sérieux et objectif d'une grave violation des droits de l'homme dans l'Etat requérant, susceptible de la toucher de manière concrète (même arrêt). 
5.2 L'OFJ s'est renseigné auprès de la DDIP, qui a elle-même interpellé l'Ambassade de Suisse à Buenos Aires. Le 24 juin 2002, cette dernière a pris position, en rappelant les règles de procédure en vigueur dans l'Etat requérant. Après un premier interrogatoire, le juge d'instruction décide de l'inculpation dans les dix jours. L'extradé a droit à un défenseur de son choix et, le cas échéant, à l'assistance judiciaire. Il peut demander en tout temps sa mise en liberté provisoire, sauf dans le cas de délits graves, comme le trafic d'armes. Une libération sous caution dépend de la gravité des charges. La cause étant relativement complexe, l'instruction pourrait durer entre huit mois et une année avant le renvoi en jugement public. Selon le nouveau droit, la détention préventive ne devrait pas durer plus de deux ans, le point de départ de ce délai n'étant toutefois pas défini avec précision. 
5.3 Selon le recourant, cet avis ne saurait être pris au sérieux, dès lors qu'il serait de notoriété publique qu'une affaire de ce genre dure généralement des années. Le recourant ne prend toutefois pas la peine de démontrer que les indications juridiques fournies par l'Ambassade seraient erronées, ou mal interprétées. Dans la perspective du respect du délai raisonnable exigé notamment à l'art. 6 par. 1 CEDH, le délai maximum de deux ans apparaît comme une garantie importante, même si son point de départ n'est pas fixé avec précision. La procédure pénale est certes ouverte depuis plusieurs années, mais le recourant n'en a pas souffert puisqu'il était alors en fuite. La remise du recourant, qui apparaît avoir joué un rôle central dans les agissements décrits, pourrait constituer une étape importante dans le cours de la procédure, propre à en accélérer le déroulement. La détention préventive ne devrait pas dépasser le délai maximum précité, ce qui, compte tenu de la nature du délit, n'apparaît pas comme une durée disproportionnée au regard de l'art. 5 par. 3 CEDH. La possibilité d'une libération sous caution n'est pas totalement exclue, selon les explications de l'Ambassade. Cela étant, il n'appartient certainement pas à l'autorité suisse d'extradition, qui ne connaît pas les détails de la procédure ouverte à l'étranger, de s'immiscer dans celle-ci en fixant d'emblée un délai au-delà duquel la détention préventive du recourant ne serait plus raisonnable. 
6. 
Le recourant relève enfin que d'importantes personnalités politiques et de hauts responsables de l'armée seraient mêlés au trafic d'armes: l'ancien président de l'Etat requérant, plusieurs ministres dont celui de la défense, ainsi que les plus hautes autorités militaires. Ni l'armée, ni le parti péroniste, dans la perspective des prochaines élections présidentielles, n'auraient intérêt à l'extradition du recourant. Celui-ci pourrait être éliminé pour éviter des révélations compromettantes, pour lui faire endosser l'entière responsabilité du trafic, ou encore en représailles de son éventuel témoignage. Plusieurs personnes impliquées dans ce trafic seraient décédées dans des circonstances étranges (assassinat déguisé en suicide, accidents divers). Le recourant invoque l'art. 2 CEDH, ainsi que l'article 5 de la résolution 1989/65 du 24 mai 1989 (Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions), qui s'opposent au renvoi d'une personne vers un pays où il y a des raisons de craindre une exécution extrajudiciaire, arbitraire ou sommaire. La détention dans une dépendance spéciale de la gendarmerie nationale ne serait pas pour rassurer le recourant, puisque la gendarmerie dépend de l'armée. L'élimination d'un détenu est en général le fait d'un autre détenu, de sorte que le contrôle par le représentant consulaire suisse ne représenterait aucune garantie. 
6.1 L'EXTRADITION PEUT êTRE REFUSÉE, OU SOUMISE À DES CONDITIONS PARTICULIÈRES, Lorsqu'il est à craindre que la personne extradée soit exposée, dans l'Etat requérant, à un traitement contraire aux art. 2 et 3 CEDH, respectivement 6 et 7 du Pacte ONU II. Cela vaut en particulier pour la peine de mort ou pour les traitements inhumains ou dégradants susceptibles d'être infligés, sous diverses formes, par les représentants de l'autorité. En l'occurrence, les craintes du recourant ne sont pas dirigées contre l'Etat lui-même ou ses représentants, mais contre les personnes mêlées au trafic d'armes qui lui est reproché. L'Etat requérant n'en est pas moins garant de la sécurité des personnes qui lui sont remises, et doit en principe offrir toutes garanties à ce sujet. 
6.2 L'OFJ n'a pas méconnu les risques évoqués par le recourant. Parmi les garanties exigées de la part de l'Etat requérant figure celle de l'interdiction des traitements portant atteinte à l'intégrité physique et psychique de l'extradé. Le magistrat requérant y a consenti le 26 juin 2002, précisant que "pour préserver et garantir parfaitement l'individu X.________, si il y a extradition, ce dernier sera logé dans une dépendance "spéciale" à la charge de la gendarmerie nationale. Ceci pour garantir l'intégrité de la personne, comme cela se passe pour la grande partie des détenus et inculpés dans ces mêmes circonstances". Le magistrat requérant relève encore que plus d'une dizaine de personnes ont été arrêtées dans le cadre de son enquête, parmi lesquelles de hauts dignitaires argentins, sans qu'aucun cas de mauvais traitement n'ait été rapporté. Cette communication démontre, si besoin est, le souci particulier de l'autorité requérante quant à la protection des personnes impliquées. Si l'autorité de poursuite, dont l'indépendance et l'impartialité n'est pas contestée, a pris la peine d'entamer une procédure d'extradition, elle n'a manifestement aucun intérêt à la disparition d'un prévenu qui constitue en outre un témoin important pour la progression de son enquête. On peut donc présumer que les mesures de protection, dont la Suisse, Etat requis, n'a pas les moyens d'apprécier l'efficacité, sont propres à prévenir les risques évoqués par le recourant. Dans ses déterminations, la DDIP va dans le même sens en relevant que les personnes extradées vers l'Argentine sont détenues dans des établissements spéciaux à la charge des autorités fédérales, généralement mieux organisées et contrôlées que les forces de police des provinces. En outre, le contrôle qui pourra être effectué en tout temps par la représentation suisse constitue une garantie supplémentaire. 
 
En définitive, rien ne permet de penser que l'autorité requérante n'a pas la volonté réelle d'assurer au recourant une protection efficace, dans l'intérêt de son enquête. A l'occasion d'une décision d'extradition précédente accordée à l'Argentine (arrêt du 8 décembre 2000 dans la cause D.), aucun manquement aux garanties offertes n'a pu être constaté. Il n'y a pas lieu, par conséquent, de renverser la présomption de fidélité dont bénéficie, habituellement, un Etat lié à la Suisse par une convention de collaboration. 
Pour le surplus, le recourant ne prétend pas que des garanties supplémentaires devraient être exigées de la part de l'Etat requérant, afin de lui assurer une protection accrue. Ce dernier grief doit par conséquent être écarté. 
7. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être rejeté, et l'extradition accordée aux conditions fixées par l'OFJ. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge du recourant, qui succombe. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires du recourant et à l'Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section extraditions. 
Lausanne, le 18 novembre 2002 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: