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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_595/2007 /rod 
 
Arrêt du 11 mars 2008 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Ferrari et Mathys. 
Greffier: Kistler Vianin. 
 
Parties 
A.X.________, 
B.X.________, 
recourants, 
tous les deux représentés par Me Gilles Monnier, avocat, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Vaud, 
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne, 
intimé. 
 
Objet 
Indemnités à titre de tort moral, 
 
recours contre l'arrêt du 13 juillet 2007 du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Faits: 
A. 
Le 25 février 2002, le Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois a ouvert une enquête pénale contre A.X.________ et B.X.________ pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, enquête étendue par la suite aux contraventions d'insoumission à une décision de l'autorité et d'inobservation par le débiteur des règles de la procédure de poursuite pour dettes ou de faillite. Dans le cadre de cette procédure, A.X.________ a été détenu préventivement du 5 avril au 1er mai 2002, puis du 16 au 18 septembre 2003, à savoir durant trente jours. 
 
Au cours de l'enquête, les autorités ont retrouvé au domicile de A.X.________ et de B.X.________ un grand nombre de photos sur lesquelles leur fille, née le 13 mai 1994, apparaissait nue dans différentes poses; sur d'autres photos, on voyait la jeune fille en arrière plan, le sujet étant une femme nue posant de telle façon que son sexe était visible. Constatant que ces faits ne semblaient pas tomber sous le coup de la loi pénale, le Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois s'est adressé, par lettre du 17 septembre 2002, au Juge de Paix de la région, l'invitant à examiner dans quelle mesure cet environnement apparemment malsain pourrait représenter un danger pour le développement des enfants de A.X.________ et de B.X.________, et s'il serait dès lors justifié de confier un mandat de surveillance au Service de la protection de la jeunesse. 
 
Le 13 février 2003, le Juge d'instruction a ordonné que A.X.________ soit soumis à une expertise psychiatrique. En effet, différents indices le faisaient douter de ses pleines facultés et, en outre, une arme avait été saisie chez lui, ce qui pouvait donner à penser qu'il était dangereux. Par arrêt du 4 mars 2003, le Tribunal d'accusation a toutefois admis le recours de A.X.________ et annulé l'ordonnance du Juge d'instruction. 
 
Par ordonnance du 27 mars 2006, le Juge d'instruction a rendu un non-lieu en faveur des prévenus et ordonné la confiscation et la destruction des plants, respectivement de leur produit, séquestrés le 30 mai 2002, du chanvre séquestré le 16 septembre 2003, ainsi que de huit cartons contenant des têtes de chanvre et d'un sachet minigrip contenant des graines de chanvre. 
B. 
Le 18 avril 2006, A.X.________ et B.X.________ ont déposé une demande d'indemnisation fondée sur les art. 67 et 163a du Code de procédure pénale vaudois (CPP/VD). Ils réclamaient à l'Etat de Vaud des indemnités de 20'000 fr., respectivement de 15'000 fr., pour le tort moral subi, une somme de 13'500 fr. en remboursement des honoraires de leurs avocats et un montant de 1'243'811.30 fr. pour le solde du préjudice résultant de l'instruction. 
Dans un premier arrêt, daté du 15 décembre 2006, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal d'accusation) a écarté la demande d'indemnité et renvoyé les requérants à agir devant le juge civil. Il fondait sa décision sur l'absence d'urgence, sur la complexité du cas et sur l'impossibilité de statuer sans une instruction approfondie. Statuant le 15 juin 2007 sur le recours de droit public des époux X.________, le Tribunal fédéral a partiellement annulé cet arrêt et renvoyé la cause à l'autorité précédente afin qu'elle statue sur l'indemnisation des frais de défense et du tort moral. En effet, il a considéré qu'elle pouvait se prononcer sur ces points sans procéder à des mesures d'instruction autres que l'étude du dossier (arrêt 1P.115/2007). 
 
Suivant l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, le Tribunal d'accusation s'est prononcé, par décision du 13 juillet 2007, sur la requête d'indemnisation en tant qu'elle portait sur le tort moral et les frais de défense. Il a alloué à A.X.________ la somme de 7'500 francs pour trente jours de détention préventive, tort moral compris, et à A.X.________ et B.X.________ la somme de 11'000 francs pour leurs frais de défense, solidairement entre eux. 
C. 
Contre cet arrêt, A.X.________ et B.X.________ déposent un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Ils concluent, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en se sens que l'indemnité pour tort moral de l'époux soit fixée à 20'000 francs et celle de l'épouse à 15'000 francs, les recourants étant renvoyés à agir devant le juge civil pour le surplus. Subsidiairement, ils demandent l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Ils sollicitent l'assistance judiciaire. 
 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
Considérant en droit: 
1. 
1.1 La décision entreprise statue sur une demande d'indemnité fondée sur le droit cantonal de procédure pénale. Il s'agit donc d'un arrêt rendu en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. Message du 28 février 2001 du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 p. 4111). Dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 et 130 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
1.2 Le recours en matière pénale peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente. Il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 133 II 254 consid. 1.4.1). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui. 
1.3 Lorsque le recourant se plaint de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal ou intercantonal, il doit, comme sous l'empire de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, satisfaire au principe d'allégation (Rügeprinzip): il doit indiquer précisément quelle disposition constitutionnelle ou légale a été violée et démontrer par une argumentation précise en quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral n'examine en effet de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (cf. ATF 133 III 639 consid. 2). Ainsi, si, comme en l'espèce, le recourant se plaint d'une application arbitraire de la loi cantonale (art. 9 Cst.), il ne peut se contenter de critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où la juridiction supérieure jouit d'une libre cognition; en particulier, il ne saurait se limiter à opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale, mais il doit démontrer par une argumentation précise que cette décision se fonde sur une application de la loi manifestement insoutenable (cf. ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). 
2. 
Les recourants dénoncent une application arbitraire des art. 67 et 163a CPP/VD qui prévoient une indemnisation des personnes acquittées. 
2.1 De jurisprudence constante, ni le droit constitutionnel fédéral, ni le droit conventionnel n'exigent de l'État qu'il indemnise les particuliers victimes d'une incarcération en soi licite, mais qui se révèle par la suite injustifiée (cf. Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2006, n. 363 p. 171; Gérard Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, Zurich 2006, n. 1556-1557 p. 921 s.). Il en va a fortiori de même s'agissant des autres préjudices subis en relation avec la procédure pénale close par un non-lieu ou un acquittement. Il est en revanche loisible aux cantons d'instituer une telle garantie, dont le Tribunal fédéral examine alors la portée sous l'angle de l'arbitraire lorsqu'elle est contenue dans une norme de rang inférieur à la Constitution (cf. arrêt 1P.457/1996 du 26 novembre 1996, publié in Zbl 99/1998 p. 34 et RDAF 1999 I 679, consid. 2). 
2.2 En droit vaudois, la question des indemnités en cas d'acquittement ou de non-lieu est réglementée par les art. 67 et 163a CPP/VD. L'art. 67 CPP/VD concerne l'indemnité à raison du préjudice causé par l'incarcération, alors que l'art. 163a CPP/VD traite de l'indemnisation des autres préjudices résultant de l'instruction. Selon cette dernière disposition, l'inculpé et l'accusé libérés des fins de la poursuite pénale, qui ne l'ont ni provoquée ni compliquée fautivement, peuvent obtenir de l'Etat, du plaignant ou de la partie civile une indemnité équitable pour le préjudice résultant de l'instruction et pour leurs frais de défense. 
L'indemnité équitable prévue à l'art. 163a CPP/VD n'entre toutefois en considération que lorsque le requérant a subi un préjudice d'une certaine importance. En effet, même dans un Etat de droit, le citoyen doit en principe assumer, dans l'intérêt d'une lutte efficace contre le crime, le risque d'une enquête pénale injustifiée, du moins jusqu'à un certain stade. L'indemnité équitable est destinée à empêcher que l'intéressé ne doive supporter un préjudice considérable lié à la poursuite pénale, au point que cela apparaîtrait comme une conséquence choquante de cette poursuite (Bovay/Dupuis/Moreillon,-Piguet, Procédure pénale vaudoise, 2004, n. 1.1 et 2.1 ad art. 163a, p. 177 et 179; ATF 113 Ia 177 consid. 3 p. 182). 
 
Seule la personne « inculpée » poursuivie « à tort » et qui a été ensuite libérée des fins de l'action pénale peut prétendre à une indemnité équitable (Bovay/Dupuis/Moreillon,Piguet, op. cit., n. 1.2 ad art. 163a, p. 177). 
 
La preuve de l'existence du dommage, son ampleur et sa relation de causalité avec l'inculpation incombent à l'accusé (cf. ATF 113 IV 93 consid. 3e p. 100; 107 IV 155). 
3. 
La cour cantonale a alloué aux recourants, pour leurs frais de défense, une indemnité de 11'000 francs, et a accordé au recourant une indemnité de 7'500 fr. pour les trente jours de détention préventive, tort moral compris. Les recourants ne remettent pas en cause l'indemnité pour les frais de défense. Ils s'en prennent uniquement à l'indemnité pour tort moral qu'ils estiment insuffisante. Ils font grief à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte de tous les éléments pertinents et de ne pas avoir accordé une indemnité également à la recourante. 
3.1 
3.1.1 Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte, dans son calcul de l'indemnité pour tort moral, de l'enquête sur sa situation mentale. 
La cour cantonale explique que le recourant n'a subi aucun dommage de ce chef, vu que l'expertise psychiatrique, ordonnée d'abord par le magistrat instructeur, n'a pas été effectuée à la suite de la décision du Tribunal d'accusation. Avec la cour cantonale, il faut admettre que la seule volonté d'enquêter sur la situation mentale du recourant, en l'absence de toute expertise psychiatrique, ne saurait entraîner un préjudice d'une intensité telle qu'une indemnité se justifie de ce chef. Mal fondé, le grief soulevé doit être rejeté. 
3.1.2 Le recourant évoque encore la perte totale de six ans de travail, la fermeture de son entreprise, la durée de la procédure, son caractère infamant, ainsi qu'une médiatisation ruinant sa réputation dans toute la région. 
 
 
Dans la mesure où le recourant fait valoir la perte totale de travail et la fermeture de son entreprise, sa réclamation vise la réparation de son dommage matériel. Or, dans son arrêt du 15 juin 2007, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la cour cantonale pour qu'elle se prononce sur l'indemnité au titre de tort moral et sur le remboursement des frais de défense, admettant, suivant l'autorité cantonale, que les recourants devaient agir devant le juge civil pour obtenir la réparation de leur dommage matériel. La cour cantonale à laquelle l'affaire était renvoyée était tenue de fonder sa décision sur les considérants de droit de cet arrêt fédéral. Cette règle vaut aussi pour le Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours contre la nouvelle décision (cf. par ex. ATF 111 II 94 consid. 2 p. 95). En conséquence, la cour de céans ne saurait se prononcer sur la question du dommage matériel. Mal fondé, le grief soulevé doit être rejeté. 
 
Le principe de la célérité impose aux autorités, dès le moment où l'accusé est informé des soupçons qui pèsent sur lui, de mener la procédure pénale sans désemparer, afin de ne pas maintenir inutilement l'accusé dans les angoisses qu'elle suscite. La violation de ce principe peut conduire à une réparation en argent (ATF 123 I 329 consid. 2a p. 333). En l'occurrence, l'enquête a débuté en février 2002 et s'est terminée par un non-lieu en 2006. Une durée de quatre ans n'apparaît pas excessive, compte tenu de l'extension de l'enquête à d'autres infractions, du changement de défenseurs, des mesures d'instruction ordonnées et des recours interjetés par le recourant au Tribunal d'accusation. Par ailleurs, aucune période d'inactivité n'a été constatée. Il s'ensuit que le principe de la célérité n'a pas été violé et que le recourant ne saurait prétendre à une indemnité de ce chef. Mal fondé, son grief doit être rejeté. 
 
Toute procédure pénale a un effet stigmatisant. Il n'apparaît cependant pas que l'enquête dont le recourant a fait l'objet aurait eu un caractère spécialement infamant et, partant, on ne voit pas quel préjudice particulier il aurait subi. A défaut d'atteinte et de dommage d'une certaine intensité, le recourant n'a droit à aucune indemnisation. Infondé, son grief doit être rejeté. 
 
Enfin, le recourant n'apporte pas la preuve de la médiatisation particulièrement importante de l'affaire et, partant, de l'intensité du préjudice qu'il aurait pu subir. Le grief soulevé doit être rejeté. 
3.2 
3.2.1 La recourante fait valoir que l'enquête a touché à ses aspects les plus intimes, notamment à la manière dont elle prenait soin de ses enfants. Elle aurait vu ses compétences de mère sérieusement remises en question. 
 
Si les photos litigieuses ont été découvertes lors d'une perquisition intervenue dans l'enquête pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, l'atteinte dont se plaint la recourante concerne des faits qui sont sans rapport avec l'enquête pénale. La recourante n'a pas été « inculpée » et poursuivie à tort en raison de ces faits, de sorte qu'elle ne saurait prétendre à une indemnisation en application de l'art. 163a CPP/VD. La cour cantonale n'a donc pas violé cette disposition en lui refusant toute indemnité de ce chef. Mal fondé, le grief soulevé doit être rejeté. 
3.2.2 Pour le surplus, si l'enquête pénale a sans aucun doute causé un préjudice à la recourante, celui-ci n'est pas d'une intensité telle qu'il justifie une indemnité. Les arguments développés ci-dessus à propos des griefs soulevés par le recourant sont également applicables à la recourante. 
3.3 Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas appliqué arbitrairement les art. 67 et 163a CPP/VD en refusant d'accorder au recourant, en plus d'une indemnité en raison de son incarcération et pour ses frais de défense, une indemnité pour tort moral liée à l'enquête elle-même. Elle n'a pas non plus violé le droit cantonal en n'accordant aucune réparation pour tort moral à la recourante. Le recours doit donc être rejeté. 
4. 
Comme leurs conclusions étaient d'emblée vouées à l'échec, les recourants doivent être déboutés de leur demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 et 2 LTF) et supporter les frais de justice (art. 65 et 66 al. 1 LTF), réduits à 800 fr. compte tenu de leur situation financière actuelle. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge des recourants, qui les supporteront à parts égales entre eux et solidairement. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 11 mars 2008 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière 
 
Schneider Kistler Vianin