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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.205/2001/svc 
 
Arrêt du 21 mars 2002 
Ire Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, 
Féraud, Fonjallaz, 
greffier Zimmermann. 
 
T.________, recourante, représentée par Me Marc Bonnant, avocat, rue de Saint-Victor 12, case postale 473, 1211 Genève 12, 
 
contre 
 
Juge d'instruction du canton de Genève, Daniel Devaud, case postale 3344, 1211 Genève 3, 
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France - B 122240 DAP 
 
(recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 31 octobre 2001) 
 
Faits: 
A. 
Le 28 décembre 2000, le Procureur général de la Cour d'appel de Paris a adressé au Procureur général du canton de Genève une demande d'entraide judiciaire fondée sur la Convention européenne d'entraide judiciaire conclue à Strasbourg le 20 avril 1959 (CEEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 21 août 1967 pour la France, ainsi que sur l'accord bilatéral complétant cette Convention (ci-après: l'Accord complémentaire; RS 0.351.934.92), conclu le 28 octobre 1996, entré en vigueur le 1er mai 2000. La demande, datée du 22 décembre 2000, était présentée pour les besoins de la procédure conduite par les Juges d'instruction Philippe Courroye et Isabelle Prevost-Desprez à l'encontre des ressortissants français G.________, A.________, S.________, M.________, E.________, F.________, O.________, Z.________, U.________ et R.________. Ces personnes sont poursuivies notamment pour blanchiment, fraude fiscale, recel, trafic d'influence et commerce illicite d'armes et complicité dans la commission de ces délits. Selon l'exposé des faits joint à la demande, A.________ contrôlerait avec F.________ les sociétés X.________ et B.________, actives dans le commerce d'armes provenant d'Europe de l'Est et destinées à l'Afrique, notamment l'Angola, le Cameroun et le Congo. Il est reproché à A.________ et à F.________ d'avoir, par l'entremise de X.________ et de B.________, vendu du matériel militaire (soit des blindés, des armes d'infanterie, des pièces d'artillerie et des munitions), pour un montant total de 463'000'000 USD, à l'Angola, sans disposer de l'autorisation ministérielle nécessaire pour cette activité, ni procédé à la tenue des registres prévus à cet effet. Ces agissements tomberaient sous le coup de l'art. 24 du décret-loi du 18 avril 1939 et de l'art. 16 du décret du 6 mai 1995. En outre, A.________ et F.________ sont soupçonnés d'avoir détourné, à des fins personnelles, des montants de 78'400'000 USD et 68'700'000 USD au détriment de X.________ et de B.________. Ces faits constitueraient des abus de biens sociaux et des abus de confiance. Une partie des sommes détournées aurait servi au financement de campagnes électorales, constituant des abus de biens sociaux, des abus de confiance, du trafic d'influence et du recel. X.________ et B.________ n'auraient pas produit de déclaration fiscale depuis 1995, alors qu'elles avaient exercé une activité lucrative importante. Enfin, A.________ et F.________ auraient, sous le couvert de X.________ et de B.________, blanchi le produit des délits commis. Quant à R.________, il est poursuivi pour recel d'abus de biens sociaux, abus de confiance, trafic d'influence et complicité de trafic d'armes illicites, notamment pour avoir reçu, sur un compte bancaire ouvert auprès de la banque N.________ à Genève, des fonds provenant de A.________ et de F.________. La demande tendait à l'identification des comptes détenus ou contrôlés par R.________ ou les sociétés W.________ et K.________ à Genève, à la remise de la documentation relative à ces comptes, ainsi qu'à un compte ouvert auprès de N.________. La demande tendait aussi 
à l'audition des personnes gérant ces comptes. A la demande était joint le texte des dispositions applicables du droit pénal français et du Code général des impôts. 
 
Le 26 décembre 2000, le Juge d'instruction du canton de Genève a ouvert la procédure d'entraide, désignée sous la rubrique CP/414/2000, en rendant une décision d'entrée en matière au sens de l'art. 80e de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1), valant également comme ordonnance de perquisition et de saisie au sens des art. 178 ss CPP gen. Le Juge d'instruction a considéré qu'à première vue, les faits relatés dans la demande pourraient être assimilés, en droit suisse, à des faux dans les titres, abus de confiance et infraction à la loi fédérale sur le matériel de guerre, du 13 décembre 1996 (LFMG; RS 514.51) et ne constitueraient pas un délit fiscal. 
B. 
En décembre 2000 et en janvier 2001, l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) a communiqué au Procureur général du canton de Genève des communications au sens de l'art. 10 LBA, concernant F.________ et B.________. Parmi ces communications, la banque Y.________ à Zurich a informé les autorités fédérales qu'un compte avait été ouvert auprès d'elle au nom d'une société T.________, dont U.________ était l'ayant droit. Ce compte avait été approvisionné par des fonds virés par F.________. 
 
Sur la base de ces informations, le Procureur général a ouvert une information pénale confiée au Juge d'instruction chargé de la procédure CP/414/2000. Dans le cadre de cette procédure, désignée sous la rubrique P/16972/2000, le Juge d'instruction a ordonné la saisie du compte n° YYY.________ ouvert auprès de la banque Y.________, dont T.________ est la titulaire et U.________ l'ayant droit économique, ainsi que de la documentation relative aux opérations effectuées entre 1995 et 2000, dont il ressort notamment que ce compte a été approvisionné par F.________ le 28 avril 1997, pour un montant de 213'000 FRF, le 28 mai 1997, pour un montant de 240'000 FRF, le 31 juillet 1997, pour un montant de 240'000 FRF, le 9 octobre 1997, pour un montant de 260'000 FRF et le 5 novembre 1997, pour un montant de 230'00 FRF. 
 
Le 21 décembre 2000, les Juges Courroye et Prevost-Desprez ont prononcé la mise en examen (correspondant à une inculpation) de U.________ des chefs de recel d'abus de biens sociaux, de recel d'abus de confiance et de trafic d'influence. 
C. 
Le Juge Courroye a complété la demande du 22 décembre 2000 les 2, 4 et 17 janvier 2001. Le complément du 2 janvier 2001 tendait à l'identification de tous les comptes détenus ou contrôlés par R.________, F.________, A.________, B.________, X.________, ainsi que par des tiers, à la remise de la documentation relative à ces comptes, au blocage de ceux-ci, à la transmission de tous les renseignements utiles permettant d'établir le cheminement des fonds, ainsi qu'à l'audition des gérants de ces comptes. Le complément du 4 janvier 2001 portait sur l'extension des mesures requises à tout le territoire suisse. Le complément du 17 janvier portait sur l'extension des mesures requises aux comptes détenus ou contrôlés par les prévenus et des tiers. 
 
Le 19 février 2001, le Juge d'instruction a rendu une décision d'entrée en matière, portant sur la saisie, pour le besoin de la procédure d'entraide CP/414/2000, de la documentation relative au compte n° YYY.________ déjà saisie dans le cadre de la procédure P/16972/2000. 
 
Le 1er mars 2001, T.________ a recouru auprès de la Chambre d'accusation du canton de Genève contre cette décision. 
 
Le 11 juillet 2001, le Juge d'instruction a rendu une décision de clôture partielle de la procédure d'entraide. Après avoir considéré que la demande complémentaire du 17 janvier 2001 était suffisamment motivée, que les faits pourraient être assimilés, en droit suisse, au blanchiment d'argent, à l'abus de confiance, à la gestion déloyale et à l'infraction à l'art. 33 LFMG et rappelé le principe de la spécialité, le Juge d'instruction a ordonné la transmission de l'intégralité de la documentation relative au compte n° YYY.________. 
 
T.________ a recouru auprès de la Chambre d'accusation contre cette décision, le 9 août 2001. 
 
Le 4 septembre 2001, le Juge d'instruction a joint à la procédure CP/414/2000 le procès-verbal de l'audience du 21 décembre 2000, à l'issue de laquelle les Juges Courroye et Prevost-Desprez avaient mis U.________ en examen. 
 
Interpellé à ce sujet par le mandataire de T.________, le Juge d'instruction a précisé que le Juge Courroye lui avait transmis ce document le 4 septembre 2001 par télécopie, à sa demande téléphonique. 
 
Le 31 octobre 2001, la Chambre d'accusation a rejeté les recours dirigés contre les décisions des 19 février et 11 juillet 2001, en précisant toutefois que le dispositif de cette dernière devait être complété par le rappel du principe de la spécialité. 
D. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, T.________ demande préalablement au Tribunal fédéral d'écarter de la procédure le procès-verbal de l'audition du 21 décembre 2000. A titre principal, elle conclut à l'annulation des décisions des 31 octobre 2001, 19 février et 11 juillet 2000, de sorte qu'aucun document relatif au compte n° YYY.________ ne soit transmis à l'Etat requérant. A titre subsidiaire, elle requiert que ne soient transmis que les documents d'ouverture du compte et ceux relatifs aux virements des 28 avril, 28 mai, 31 juillet, 9 octobre et 5 novembre 1997. Elle invoque les art. 28, 64 et 67a EIMP
 
La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Juge d'instruction et l'Office fédéral proposent le rejet du recours. 
 
Invitée à répliquer, la recourante a maintenu ses conclusions. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 L'entraide entre la République française et la Confédération est régie par la CEEJ et l'Accord complémentaire. Peuvent aussi trouver à s'appliquer les normes régissant la coopération internationale contenues dans la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation du produit du crime, conclue à Strasbourg le 8 novembre 1990, entrée en vigueur le 11 septembre 1993 pour la Suisse et le 1er février 1997 pour la France (CBl; RS 0.311.53). Les dispositions de ces instruments internationaux l'emportent sur le droit autonome qui régit la matière, soit l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11). Celles-ci restent toutefois applicables aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel, et lorsque cette loi est plus favorable à l'entraide que la Convention (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2a p. 191/192; 118 Ib 269 consid. 1a p. 271, et les arrêts cités). Est réservée l'exigence du respect des droits fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617). 
1.2 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la décision confirmant la transmission de la documentation bancaire à l'Etat requérant et la saisie de comptes bancaires (cf. art. 25 al. 1 EIMP). Elle est aussi ouverte, simultanément avec le recours dirigé contre la décision de clôture (art. 80d EIMP), contre les décisions incidentes antérieures (art. 80e EIMP). 
1.3 Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision sont recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid. 1c p. 375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour accorder l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération internationale doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés, sans être toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de vérifier d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble des dispositions applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119 Ib 56 consid. 1d p. 59). L'autorité suisse saisie d'une requête d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la demande; elle ne peut que déterminer si, tels qu'ils sont présentés, ils constituent une infraction. Cette autorité ne peut s'écarter des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p. 501; 118 Ib 111 consid. 5b p. 121/122; 117 Ib 64 consid. 5c p. 88, et les arrêts cités). Lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée émane d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris des règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ; ATF 123 II 134 consid. 1e p. 137; 113 Ib 257 consid. 3d p. 266; 112 Ib 576 consid. 3 p. 585). 
2. 
Selon la recourante, il serait impossible, sur la base de la demande, de déterminer en quoi elle-même et son ayant droit seraient impliqués dans la procédure pénale ouverte en France. Elle se plaint, à cet égard, d'une violation de l'art. 28 EIMP
2.1 La demande d'entraide doit indiquer: l'organe dont elle émane et le cas échéant, l'autorité pénale compétente (art. 14 al. 1 let. a CEEJ et 28 al. 2 let. a EIMP); son objet et ses motifs (art. 14 al. 1 let. b CEEJ et 28 al. 2 let. b EIMP); la qualification juridique des faits (art. 14 al. 2 CEEJ et 28 al. 2 let. c EIMP); la désignation aussi précise et complète que possible de la personne poursuivie (art. 14 al. 1 let. c CEEJ et 28 al. 2 let. d EIMP). Les indications fournies à ce titre doivent simplement suffire pour vérifier que la demande n'est pas d'emblée inadmissible (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p. 101; 115 Ib 68 consid. 3b/aa p. 77). Lorsque la demande tend, comme en l'espèce, à la remise de documents bancaires, l'Etat requérant ne peut se borner à communiquer une liste des personnes recherchées et des sommes qui auraient été détournées; il lui faut joindre à la demande des éléments permettant de déterminer, de manière minimale, que les comptes en question auraient été utilisés dans le déroulement des opérations délictueuses poursuivies dans l'Etat requérant (arrêt 1A.211/1992 du 29 juin 1993). 
2.2 La demande du 22 décembre 2000 et le complément du 17 janvier 2001 mentionnent U.________ parmi les personnes mises en examen dans le cadre de la procédure à l'origine de la demande d'entraide, en précisant qu'il se trouve sous contrôle judiciaire depuis le 22 décembre 2000. Pour le surplus, ni la demande, ni ses compléments, ne contiennent la moindre indication quant au rôle joué par U.________dans l'affaire. Si cette omission était sans conséquence pour ce qui concerne la demande et ses compléments des 2 et 4 janvier 2001, qui ne portaient pas sur des mesures à prendre à l'égard de U.________, il n'en allait pas de même s'agissant du complément du 17 janvier 2001, en exécution duquel les mesures litigieuses ont été prises. Conscient de ce défaut, le Juge d'instruction a, après le prononcé de ces décisions des 19 février et 11 juillet 2001, mais avant celui de la décision attaquée, demandé téléphoniquement au Juge Courroye de lui faire parvenir une copie du procès-verbal de l'audition d'inculpation de U.________. Le magistrat français a transmis par télécopie ce document, au sujet duquel la recourante a pu s'exprimer avant que la Chambre d'accusation ne statue. La recourante s'insurge contre ce procédé, qu'elle tient pour un détournement de procédure. 
 
Lorsque l'autorité d'exécution constate que la demande, sans être pour autant irrecevable, présente des lacunes, elle doit inviter l'autorité étrangère à remédier à ces vices formels (art. 28 al. 6 EIMP). C'est précisément ce qu'a fait le Juge d'instruction en demandant à l'autorité française de lui communiquer les documents permettant d'éclaircir la part prise par U.________ comme protagoniste de l'affaire pour les besoins de laquelle l'entraide a été demandée. Le procès-verbal de l'audition du 21 décembre 2000 contient à cet égard des indications suffisantes pour considérer qu'ainsi complétée, la demande du 22 décembre 2000 et son complément du 17 janvier 2001 satisfont, pour ce qui concerne la recourante et son ayant droit, aux exigences des art. 14 CEEJ et 28 EIMP. En effet, U.________, tout en niant détenir des comptes bancaires en Suisse, a reconnu devant le Juge Courroye connaître personnellement A.________ et F.________, et avoir reçu de ce dernier des montants très importants, correspondant, selon U.________, à la rémunération de services de conseil dans des affaires sans aucun rapport avec X.________ et B.________. Les modalités de cette collaboration étaient pour le moins insolites: l'engagement de U.________ n'a fait l'objet d'aucun contrat; sa rémunération, très importante, s'est faite de la main à la main et par petites coupures. Quant à la documentation remise par la banque Y.________, elle confirme que U.________, contrairement à ce qu'il a affirmé au juge français, contrôlait en Suisse un compte bancaire approvisionné par F.________. Ces indications étaient nécessaires à la compréhension de la demande du 22 décembre 2000 et de son complément du 17 janvier 2001. Il était du devoir du Juge d'instruction de les requérir. 
 
On ne saurait, avec la recourante, prétendre qu'interpeller l'autorité étrangère pour qu'elle complète la demande sur un point précis équivaudrait à la présentation d'une demande suisse à l'étranger. De même, la Chambre d'accusation ne pouvait en l'occurrence considérer que le Juge d'instruction avait procédé à une transmission spontanée au sens de l'art. 67a EIMP, dont les conditions, tant formelles que matérielles, ne sont manifestement pas remplies (cf. ATF 125 II 238). Dans sa réponse du 31 décembre 2001, le Juge d'instruction a au demeurant expressément indiqué ne pas avoir agi en application de l'art. 67a EIMP. Cela étant, la voie consistant à inviter directement par téléphone le juge étranger à compléter l'état de fait de la demande constituait une démarche inadéquate. Il aurait fallu présenter une demande écrite au Procureur général de la Cour d'appel de Paris (cf. art. XIV de l'Accord complémentaire), quitte à utiliser le moyen de la télécopie que prévoit l'art. 25 al. 1 CBl, disposition applicable à un cas où, comme en l'espèce, l'ayant droit d'une personne morale est soupçonné de blanchiment du produit des délits commis par des tiers. Ce mode de faire aurait aussi pu éviter à la recourante toutes les suppositions qu'elle fait à propos de la teneur de la conversation téléphonique entre les Juges Devaud et Courroye et de la tenue d'un dossier parallèle et secret. 
 
Le défaut affectant la communication de l'autorité d'exécution à l'autorité étrangère ne conduit pas à l'admission du recours sur ce point. Faire répéter correctement un acte nécessaire mais accompli irrégulièrement constituerait en l'occurrence une mesure vide de sens - puisque le contenu du procès-verbal de l'audition du 21 décembre 2000 est connu - de nature à prolonger inutilement la procédure d'entraide, en violation du principe de célérité ancré à l'art. 17a al. 1 EIMP
 
Le grief tiré de l'art. 28 EIMP doit ainsi être écarté et la conclusion préalable du recours rejetée. 
3. 
La recourante prétend que la condition de la double incrimination ne serait pas réalisée, tant pour elle-même et son ayant droit que pour F.________. 
3.1 La remise de documents bancaires est une mesure de contrainte au sens de l'art. 63 al. 2 let. c et d EIMP, qui ne peut être ordonnée, selon l'art. 64 al. 1 EIMP mis en relation avec la réserve faite par la Suisse à l'art. 5 al. 1 let. a CEEJ, que si l'état de fait exposé dans la demande correspond aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. L'examen de la punissabilité selon le droit suisse comprend, par analogie avec l'art. 35 al. 2 EIMP applicable en matière d'extradition, les éléments constitutifs objectifs de l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières du droit suisse en matière de culpabilité et de répression (ATF 124 II 184 consid. 4b p. 186-188; 122 II 422 consid. 2a p. 424; 118 Ib 448 consid. 3a p. 451, et les arrêts cités). Il n'est ainsi pas nécessaire que les faits incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même qualification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou passibles de peines équivalentes; il suffit qu'ils soient réprimés, dans les deux Etats, comme des délits donnant lieu ordinairement à la coopération internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188; 117 Ib 337 consid. 4a p. 342; 112 Ib 225 consid. 3c p. 230 et les arrêts cités). 
3.2 A l'origine de la procédure ouverte dans l'Etat requérant se trouvent, selon la demande et ses compléments, les ventes d'armes aux autorités angolaises, effectuées par A.________ et F.________ par l'entremise de X.________ et de B.________, sans l'autorisation ministérielle requise selon l'art. 2 al. 3 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions. A.________ et F.________ tomberaient dès lors sous le coup de l'art. 24 de ce décret-loi réprimant le commerce d'armes sans autorisation d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende d'un montant de 30'000 FRF. Commis en Suisse, ces faits seraient passibles de l'emprisonnement ou d'une amende d'un montant de 1'000'000 CHF selon l'art. 33 al. 1 LFMG, mis en relation avec l'art. 9 al. 1 let. b de la même loi. La recourante ne conteste pas ce point. 
 
La demande mentionne que A.________ et F.________ auraient détourné, à des fins personnelles, des montants très importants appartenant à B.________ dont ils sont les dirigeants. Ces faits constitueraient des abus de biens sociaux au sens de l'art. 425 de la loi du 24 juillet 1966 qui réprime le fait, pour des gérants de sociétés, d'avoir, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement. Serait aussi applicable l'art. 314-1 CP fr. définissant l'abus de confiance comme le détournement, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. En droit suisse, les agissements reprochés à A.________ et à F.________ pourraient être assimilés à l'abus de confiance (art. 138 CP) ou à la gestion déloyale (art. 158 CP). Contrairement à ce que soutient la recourante, il ressort de manière suffisamment claire de la demande que A.________ et F.________ dirigeaient effectivement X.________ et B.________ et auraient privé cette dernière de montants importants, affectés à l'acquisition de biens mobiliers ou immobiliers destinés à leur usage personnel. 
 
A.________ et F.________ sont soupçonnés d'avoir utilisé une partie des fonds détournés au détriment de B.________ pour rémunérer des complices. Ces faits, réprimés en France comme des abus de biens sociaux et des abus de confiance, pourraient, s'ils avaient été commis en Suisse, tomber sous le coup de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP ou de l'art. 158 ch. 2 CP
 
Selon la demande, une partie des fonds détournés auraient servi au financement de campagnes pour l'élection du Parlement européen en 1999. Partant de la prémisse implicite que par ces dons, A.________ et F.________ cherchaient à obtenir la protection d'autorités politiques, les magistrats français ont envisagé l'application de l'art. 433-2 CP fr. Cette disposition réprime, comme trafic d'influence, le fait de solliciter ou d'agréer, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour abuser de son influence réelle ou supposée, en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. Le droit suisse ne connaît pas l'incrimination de trafic d'influence. Toutefois, tels qu'ils sont décrits dans la demande, les faits considérés pourraient être assimilés à de la corruption active au sens de l'art. 322ter CP, puisque le but supposé du don électoral aurait été d'obtenir, en contrepartie, l'impunité pour la violation de la législation sur le matériel de guerre. 
 
La demande mentionne aussi le fait que X.________ et B.________ n'auraient pas déclaré au fisc le produit de leur activité commerciale illicite, en violation des prescriptions fiscales. Ces faits ne donnent pas lieu à la coopération de la Suisse, puisque le Juge d'instruction et la Chambre d'accusation ont rappelé, à cet égard, la portée du principe de la spécialité aux autorités de l'Etat requérant. Cela devait être tenu pour acquis par la recourante, dont on ne comprend pas qu'elle revienne à la charge, dans le recours de droit administratif, sur ce point déjà tranché par l'autorité cantonale. 
 
Quant à U.________, il est poursuivi en France, selon le procès-verbal de l'audition du 21 décembre 2000, pour recel d'abus de biens sociaux, recel d'abus de confiance et de trafic d'influence. Même si la demande n'est pas absolument limpide à cet égard, il ressort toutefois de manière suffisamment claire de l'audition du 21 décembre 2000, que les magistrats français soupçonnent U.________, sous couvert d'une activité de conseil donné à A.________ et F.________, d'avoir aidé ceux-ci à cacher ou à recycler le produit des délits mis à leur charge. En Suisse, ces faits pourraient être qualifiés de recel (art. 160 CP), voire de blanchiment d'argent (art. 305ter CP). La recourante objecte à cela que le seul fait d'avoir reçu de l'argent de F.________ ne signifie pas pour autant que ces fonds proviendraient des activités délictueuses des principaux protagonistes de l'affaire. Sans doute. Mais c'est là précisément le point que l'enquête ouverte en France a pour but de vérifier. La remise de la documentation relative au compte n° YYY.________ doit permettre aux autorités françaises de mener des investigations complètes, qui confirmeront ou infirmeront leurs soupçons. En l'état, ceux-ci sont suffisamment étayés pour l'octroi de l'entraide. 
 
La condition de la double incrimination doit ainsi être tenue pour remplie aussi bien pour ce qui concerne A.________ et F.________, d'une part, et U.________, d'autre part. En l'état du droit suisse, la recourante, comme personne morale, ne peut pas être poursuivie en tant que telle, selon l'adage « societas delinquere non potest ». Elle ne prétend pas, au demeurant, que des poursuites seraient engagées contre elle-même en France. 
4. 
La recourante tient la remise de la documentation relative au compte n° YYY.________ pour disproportionnée. 
4.1 Ne sont admissibles, au regard des art. 3 CEEJ et 64 EIMP, que les mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité. L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans l'Etat requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne saurait sur ce point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat chargée de l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que si les actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et manifestement impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251 consid. 5c p. 255). Il incombe à la personne touchée de démontrer, de manière claire et précise, en quoi les documents et informations à transmettre excéderaient le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour la procédure étrangère (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371/372). Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d'origine délictueuse, il convient d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des sociétés et des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c p. 244). 
4.2 Le lien entre F.________ et le compte de la recourante est établi. Cela justifie de communiquer tous les renseignements relatifs aux virements effectués par F.________ sur le compte litigieux. En outre, les développements de l'enquête ouverte en France pourraient révéler l'implication d'autres personnes et d'autres comptes, avec lesquels le compte de la recourante présenterait des liens. Entendu le 21 décembre 2000, U.________ a indiqué avoir reçu des montants importants de la main à la main. Il est possible que ces fonds aient servi à des transactions opérées à partir du compte de la recourante. Ces éléments justifient que, conformément à la jurisprudence qui vient d'être rappelée, l'intégralité de la documentation relative au compte n° YYY.________ soit remise à l'Etat requérant. Pour le surplus, le principe de la spécialité, rappelé dans les décisions attaquées, protège la recourante et son ayant droit de toute utilisation des renseignements transmis à d'autres fins que la procédure pénale pour laquelle l'entraide a été demandée. 
5. 
Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en sont mis à la charge de la recourante (art.156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument de 10'000 fr. est mis à la charge de la recourante. Il n'est pas alloué de dépens. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Juge d'instruction du canton de Genève, Daniel Devaud, à la Chambre d'accusation du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 122240 DAP). 
Lausanne, le 21 mars 2002 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: