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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_206/2020  
 
 
Arrêt du 9 novembre 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1. AJ.________, 
2. AJ G.________, 
toutes les deux représentées par Me Benjamin Borsodi et Me Michaël Jakubowski, 
recourantes, 
 
contre  
 
1. B.________, représenté par Me Jean-Cédric Michel 
2. C.________, représenté par Me Reza Vafadar, 
intimés, 
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; accès au dossier, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 13 mars 2020 (P/2183/2016 ACPR/196/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A la suite d'un signalement du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après : MROS) du 4 novembre 2013, le Ministère public de la République et canton de Genève a ouvert, fin 2013, une procédure pénale contre C.________ et B.________ - tous deux ressortissants d'un pays de l'est domiciliés dans ce pays - pour blanchiment d'argent (cause P_x). A suite d'ordres de dépôt, des documents bancaires ont été versés au dossier. Par ordonnance du 7 juillet 2014, cette procédure a été classée, le Ministère public considérant qu'il n'était pas possible de démontrer que le produit des infractions "dont l'intermédiaire financier avait eu vent par les m[é]dias aurait transité par les comptes de prévenus en Suisse"; il était précisé que les poursuites engagées dans le pays de l'est concerné avaient été pour l'essentiel abandonnées à la suite d'une transaction judiciaire.  
Les éléments recueillis dans cette procédure ont été versés au dossier de la cause P/2183/2016 (voir ci-après let. A.e). Ne figure toutefois dans ce dossier aucune décision de jonction de cause. 
 
A.b. Le 16 février 2016, D.________ ou D1.________ (ci-après : D.________) - citoyen [...] anciennement directeur général de AJ.________ - a déposé plainte pénale contre l'Émir de J.________ - [...] - et son représentant, E.________ (cause P_z). Il leur a reproché une tentative d'extorsion aggravée et de contrainte. Cette procédure a été suspendue par arrêt du 26 avril 2017 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale de recours).  
 
A.c. En novembre 2016, le Ministère public a ouvert une nouvelle procédure pour blanchiment d'argent à la suite d'une dénonciation du MROS découlant d'un courrier de l'étude anglaise H.________, qui représentait l'émirat du J.________ et dénonçait D.________.  
Cette procédure - sous référence P_w - a été jointe le 27 juin 2017 à la cause P/2183/2016 (voir ci-après let. A.e). 
 
A.d. En janvier 2017, le Gouvernement du J.________ a demandé l'entraide à l'Office fédéral de la justice (ci-après : OFJ), afin notamment d'obtenir de la documentation bancaire. A la suite de la délégation de l'exécution de cette requête au Ministère public genevois, celui-ci a rendu, le 24 février 2017, une décision d'entrée en matière (cause_u). Suivant les recommandations de l'OFJ, le Procureur a, le 4 juillet 2019, rendu une décision partielle de refus et de clôture eu égard à la situation des droits de l'Homme dans le pays requérant dont les autorités n'avaient jamais fourni les garanties nécessaires à la tenue d'un procès équitable.  
 
A.e. Le 2 février 2016, AJ.________ a déposé plainte pénale contre D.________, C.________ et B.________ notamment pour gestion déloyale (art. 158 CP) et blanchiment d'argent (art. 305bis CP [cause P/2183/2016]). Il leur est en substance reproché d'avoir, en tant que représentants/membres/ayants droits de AJ.________ et de différentes autres sociétés agissant dans le pays de l'est en cause pour le Gouvernement du J.________, lésé les intérêts de la société plaignante par le biais de transactions sans fondement économique, le dommage s'élevant à des dizaines de millions; en particulier, les positions exercées auraient permis à C.________ et à B.________ d'obtenir le versement en leur faveur de USD 12'800'000.-, respectivement USD 4'400'000.-, sur leur compte bancaire respectif détenu auprès de la banque F.________ SA, à Genève.  
Durant l'été 2016, le conseil de l'émirat de J.________ a été autorisé par la direction de la procédure à consulter le dossier, y compris les documents bancaires et les procès-verbaux d'auditions réunis dans la cause P_x (cf. supra let. A.a), sans la possibilité notamment de lever copie ou d'effectuer des photographies. En juillet et août 2016, l'avocat s'est rendu dans les locaux du Ministère public, accompagné de G.________, "sollicitor" au sein de l'Étude H.________ en Angleterre, pour consultation du dossier. Les informations alors recueillies ont été rapportées au Procureur général de l'émirat de J.________, qui en a fait état dans sa demande d'entraide de 2017 (cause précitée C_u [cf. supra let. A.d]). En outre, les 28 août et 25 septembre 2019, G.________ a déposé deux "witness statements" devant un tribunal arbitral constitué en Suède dans une cause concernant notamment les mêmes parties; il y exposait avoir été autorisé par le Ministère public genevois à consulter le dossier en compagnie de son confrère helvétique et fournissait avec une grande précision le détail des mouvements bancaires issus du dossier. Selon C.________, ces "witness statements" faisaient état d'éléments recueillis dans la procédure classée en 2014 - cause P_x (cf. supra let. A.a) - dans laquelle l'émirat de J.________ n'avait pas la qualité de partie. Sur interpellation de C.________, le Ministère public a confirmé, par courrier du 4 septembre 2019, avoir autorisé le conseil suisse de l'émirat de J.________ à consulter la procédure pénale relative au complexe de fait lié à la plainte pénale déposée en 2016, à la condition stricte qu'il n'y ait aucune copie ou reproduction des documents consultés, ce qui incluait de ne pas faire de photographie ou de recopier intégralement les documents; il a précisé qu'il ne connaissait pas G.________, avec qui il n'avait eu aucun contact, supposant que celui-ci avait accompagné l'avocat suisse de l'émirat de J.________. 
Le 14 janvier 2019, le Ministère public s'est adressé aux avocats de l'émirat du J.________, de C.________, de B.________ et de D.________ pour leur rappeler qu'aucune audience n'avait pu être organisée avec les différents participants : D.________ était assigné à résidence à l'étranger; quant à C.________ et B.________, ils refusaient de se rendre à Genève, de crainte d'être placés en détention durant leur voyage. Le Procureur a indiqué vouloir demander leur audition dans leur pays par le biais de l'entraide internationale en matière pénale. Il a encore précisé que le dossier - constitué principalement de la plainte - n'était pas encore consultable, vu le défaut d'administration des preuves principales et l'absence d'audition des personnes dénoncées. Cette décision n'a pas été contestée. 
Après avoir rappelé la clôture de la procédure d'entraide C_u (cf. supra let. A.d), le Ministère public a, le 27 septembre 2019, indiqué aux mis en cause qu'il leur notifiait, ce même jour et par courrier séparé, les charges pesant à leur encontre. Il a également ouvert l'accès au dossier pénal aux parties, afin qu'elles puissent faire valoir leur droit. 
 
B.   
Le 13 mars 2020, la Chambre pénale de recours a joint les recours formés par C.________ et B.________ contre cette décision. Elle a admis dans la mesure de sa recevabilité celui formé par le premier précité et admis le second. Cette autorité a déclaré irrecevable le recours formé par C.________ dans la mesure où il tendait à la notification d'une décision relative au versement de la procédure P_x au dossier P/2183/2016, cette question ne ressortant pas du prononcé attaqué (cf. consid. 1.3). Elle a également écarté le mémoire préventif déposé par l'Émirat du J.________, cette institution étant inconnue dans le CPP (cf. consid. 1.4). La Chambre pénale de recours a enfin refusé l'accès au dossier (cf. consid. 2.3). 
 
C.   
Par acte du 30 avril 2020, AJ.________ et AJG.________ forment un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation et à la confirmation de l'ordonnance du 27 septembre 2019 leur accordant un accès illimité au dossier de la cause P/2183/2016. 
Le 15 mai 2020, C.________ a demandé à ce que le "Government of J.________ (AJ.________ et AJG.________) " soit astreint à fournir des sûretés à hauteur de 5'000 fr. pour les dépens qui pourraient lui être alloués. AJ.________ et AJG.________ (ci-après : les recourantes) ont conclu au rejet de cette demande, relevant leurs liens avec le Gouvernement du J.________; il ne pouvait ainsi être présumé que celui-ci n'entendrait pas s'acquitter des dépens éventuellement dus. Par ordonnance du 3 juin 2020, le Juge présidant de la Ire Cour de droit public a admis la requête en garantie des dépens et a invité les recourantes à verser le montant de 4'000 fr. jusqu'au 25 juin 2020, ce qui a été effectué en date du 10 juin 2020. 
Le Ministère public a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. B.________ et C.________ (ci-après : les intimés) ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. L'autorité précédente s'est référée à sa décision, sans formuler d'observations. Le 31 août 2020, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions. Tel a également été le cas pour les intimés le 17 septembre 2020, déterminations qui ont été transmises aux différentes parties le 28 septembre 2020. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 I 239 consid. 2 p. 241). 
 
1.1. S'agissant de la qualité pour recourir, les deux recourantes ne figurent pas en tant que parties à la procédure devant l'instance précédente qui a retenu que le litige opposait, d'une part, les deux intimés et, d'autre part, le "Government of J.________". Il n'est pas non plus fait mention dans l'arrêt attaqué de la recourante AJG.________, n'y figurant en tant que partie plaignante que la recourante AJ.________ (cf. ad B.e p. 3). Ces constatations de fait ne sont pas remises en cause par les recourantes devant le Tribunal fédéral. Elles ne prétendent pas non plus avoir été privées de la possibilité de participer à la procédure devant l'instance précédente (art. 81 al. 1 let. a LTF) ou, dans la mesure où cela serait admissible, agir au nom du Gouvernement du J.________. Elles affirment d'ailleurs à cet égard - au contraire de la position tout d'abord soutenue dans le cadre de la requête de sûretés - être des entités distinctes de ce gouvernement (cf. ad I p. 2 de leurs déterminations du 31 août 2020); elles ne prétendent cependant pas avoir tenté de lever la confusion effectuée par les autorités sur ce plan (cf. à titre d'exemples, en sus du jugement entrepris, les courriers du Ministère public produits par les recourantes dans leur bordereau). Leur intérêt juridique actuel et pratique à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise n'est pas non plus d'emblée évident, dès lors que les recourantes ne contestent pas que l'accès au dossier accordé en septembre 2019 tendait avant tout à pouvoir préparer une commission rogatoire (cf. ad ch. 2.1.2 p. 9 du recours), mesure qui a été ensuite abandonnée (cf. ad ch. 2.1.2 p. 10 du recours).  
Faute de motivation conforme aux exigences posées à l'art. 42 al. 2 LTF, la qualité pour recourir des recourantes n'est ainsi pas établie. 
 
1.2. Il en va de même de l'existence d'un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). En effet, dans la mesure où les recourantes se prévalent de leur qualité de partie plaignante, l'arrêt attaqué ne met pas un terme à la procédure pénale en ce qui les concerne; le recours au Tribunal fédéral n'est donc ouvert qu'en présence d'un tel préjudice. Les recourantes n'invoquent pas à cet égard un droit d'accès découlant de la réalisation des conditions posées à l'art. 101 al. 1 CPP (cf. en particulier ad ch. 1.2.1 p. 4 s. du recours; sur cette question, arrêt 1B_474/2019 du 6 mai 2020 consid. 1.2 et les arrêts cités). L'organisation d'une commission rogatoire n'entrant plus en considération, les recourantes n'ont donc pas dans l'immédiat à préparer d'éventuelles questions en vue de cette mesure; le refus de l'accès au dossier ne constitue donc pas non plus un préjudice irréparable par rapport à cet acte d'instruction. Dans la mesure où la motivation relative à l'art. 108 al. 1 let. a CPP (comportement abusif) leur causerait une atteinte à la réputation, les recourantes ne contestent pas que celle-ci pourrait être réparée par une décision ultérieure (cf. ad ch. 1.2.2 p. 5 s. du recours); le seul fait qu'un prononcé pourrait ne pas intervenir immédiatement ne constitue pas un préjudice de nature juridique susceptible d'ouvrir l'entrée en matière au Tribunal fédéral.  
 
1.3. Partant, le recours est irrecevable.  
 
2.   
En tout état de cause, la confusion existant entre les recourantes et le Gouvernement du J.________ suffit à ce stade pour ne pas écarter tout abus de droit dans le cadre de l'accès au dossier pénal requis, soit obtenir par ce biais la consultation des éléments refusés dans le cadre de l'entraide en matière pénale (arrêt 1B_225/2020 du 6 août 2020 consid. 3.2; pour un rappel de la jurisprudence s'agissant du droit d'accès en cas de procédure d'entraide internationale en matière pénale en parallèle d'une procédure ordinaire, voir ATF 139 IV 294 consid. 4.2 ss p. 298 ss), ce qui justifie, par substitution de motifs, une restriction du droit d'accès au sens de l'art. 108 al. 1 let. a CPP (sur cette disposition, voire arrêt 1B_474/2019 du 6 mai 2020 consid. 3.1.2 destiné à la publication). Cette solution s'impose d'autant plus que les recourantes et le Gouvernement du J.________ agissent a priori par le biais d'un mandataire commun, une obligation de garder le secret imposée aux parties semble ainsi dénuée d'effet dans le cas d'espèce (cf. arrêt 1B_474/2019 du 6 mai 2020 consid. 3.2.2 destiné à la publication, cause constatant qu'une interdiction pour un avocat de faire état du contenu d'une pièce à son client est contraire au droit fédéral). 
Il est cependant rappelé qu'aux termes de l'art. 108 al. 3 CPP, les restrictions doivent être limitées temporairement ou à des actes de procédure déterminés (arrêt 1B_474/2019 du 6 mai 2020 consid. 3.2.4 destiné à la publication). Si les autorités pénales - qui ne manqueront pas aussi de clarifier le statut des différents intervenants dans la présente cause - entendent donc maintenir une telle limitation, il leur appartiendra de circonscrire de manière claire les documents visés, respectivement de fonder leurs décisions sur des pièces auxquelles les recourantes n'auraient pas eu accès que si celles-ci ont été informées de leur contenu essentiel (cf. art. 108 al. 4 CPP). 
 
3.   
Il s'ensuit que le recours est irrecevable et qu'il aurait été rejeté s'il avait été recevable. 
Les recourantes, qui succombent, supportent les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés C.________ et B.________ ont droit à des dépens la charge des recourantes, solidairement entre elles (art. 68 al. 1 LTF). L'indemnité allouée en faveur de l'intimé C.________ sera prélevée sur les sûretés fournies. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est irrecevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.   
Une indemnité de dépens, fixée à 3'000 fr., est allouée à l'intimé C.________ à la charge des recourantes, solidairement entre elles. Cette indemnité sera acquittée au moyen des sûretés payées par les recourantes à la caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.   
Une indemnité de dépens, fixée à 3'000 fr., est allouée à l'intimé B.________ à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 9 novembre 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Kropf